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LA CHIMIE : SCIENCE DES TRANSFORMATIONS

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LA CHIMIE : SCIENCE DES TRANSFORMATIONS

La chimie, science des transformations, a permis la synthèse de nombreux produits qui ont profondément modifié notre vie quotidienne. Ces synthèses nécessitent une compréhension fine de la réaction chimique, acquise au cours des deux derniers siècles. Les chimistes du 19è siècle, qui ne pouvaient "voir" les atomes, ont pu cependant déterminer les structures par analyse chimique. Cet exploit équivaut à celui d'un aveugle qui, connaissant seulement les quantités de matériaux utilisées, reconstitue exactement les châteaux de la Loire ! Un grand thème du 20è siècle a été les mécanismes, qui précisent comment les structures se transforment au cours d'une réaction. Comme les intermédiaires ne peuvent être isolés et étudiés, élucider un mécanisme revient à regarder les premières et dernières scènes d'une pièce de théâtre et à deviner ce qui se passe entre les deux. Et on y arrive ! Le 21è siècle verra sans doute une chimie des systèmes complexes, ayant des caractéristiques proches du vivant.

Texte de la 232e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 19 août 2000.
La chimie, science des transformations par
Nguyên Trong Anh En chinois, chimie se dit science des transformations. De fait, depuis des siècles, des techniques chimiques ont permis de transformer la matière en des produits de première nécessité. Sans chimie, plus de métaux, de briques, de mortier. Nous habiterions encore des cavernes. Plus de livres. Nous retournerions à l'âge de pierre. Car le bronze, c'est déjà de la chimie. Si les arts chimiques sont très anciens, la science chimique est bien plus récente. Elle est née à la fin du XVIIIe siècle, quand l'homme ne s'est plus contenté de recettes empiriques et a cherché à comprendre ce qu'il faisait, ce qui posait trois problèmes. D'abord, il faut connaître les objets qui se transforment, donc déterminer leurs structures, c’est-à-dire préciser la nature des atomes constitutifs et la manière dont ils s'enchaînent entre eux. Il faut ensuite comprendre comment ces objets se transforment. Ce sont les mécanismes de réaction. Enfin, il s'agit d' utiliser ces connaissances pour la synthèse. Les exemples qui suivent illustrent une caractéristique de la science chimique : les questions étudiées sont souvent très difficiles et leurs solutions étonnamment simples.

La détermination des structures Imaginez Sherlock Holmes, mais un Holmes aveugle et n'ayant aucune idée de ce qu’est un château. Imaginez qu’on lui lise les livres de compte des architectes (Amboise, Blois… ont nécessité respectivement tant de pierres, d’ardoises, etc.) et que, muni de ces seuls renseignements, Holmes reconstitue exactement tous les châteaux de la Loire. Vous direz sans doute que c’est impossible, même pour Sherlock Holmes… et vous auriez tort. Car les chimistes du XIXe siècle avaient réussi un exploit équivalent. C'étaient des aveugles car ils ne pouvaient voir les molécules, encore moins les atomes. En fait, vers 1800, on ignorait ce qu’était une molécule (le château de la parabole) Tout ce que les chimistes pouvaient faire était d’effectuer des réactions : A + B Æ C + D et d’examiner A, B, C, D par analyse centésimale (équivalente des livres de compte), qui indique que dans tel composé, il y a tant pour cent de carbone, tant pour cent d'oxygène, etc. Cela leur avait suffi pour en déduire qu’un composé organique est un ensemble de molécules identiques, lesquelles sont formées d’ atomes, comme les maisons sont faites de briques et de tuiles…. Mieux, ils avaient créé une théorie, la chimie organique structurale, qui leur permettait d'établir par voie chimique, c’est-à-dire uniquement en faisant des réactions et des analyses, comment les atomes d’une molécule sont disposés dans l’espace. Pour l'Américain R. P. Feynman, prix Nobel de physique 1965, c’était là « une des plus fantastiques enquêtes policières jamais réalisées. » Pour Sir F. G. Hopkins, prix Nobel de médecine 1929, la chimie organique structurale était « l’un des plus grands exploits de l’esprit humain. » Voici deux épisodes de cette fantastique enquête, qui a duré trois quarts de siècle. La loi des volumes et son interprétation par Avogadro En 1808, le Français L.-J. Gay-Lussac fit remarquer que les réactions entre gaz étaient très simples : 1 volume d’hydrogène + 1 volume de chlore = 2 volumes de chlorure d’hydrogène 2 volumes d’hydrogène + 1 volume d’oxygène = 2 volumes de vapeur d’eau 3 volumes d’hydrogène + 1 volume d’azote = 2 volumes d’ammoniac C’était la célèbre loi des volumes : les volumes des gaz qui se combinent et ceux des produits formés sont dans des rapports simples : 1 à 1, 1 à 2, 2 à 3 … Voici l’interprétation qu’en a donnée l'Italien A. Avogadro (1811). Puisque les gaz se combinent dans des rapports simples, il est raisonnable de penser que : 1) La matière a une structure discontinue, chaque corps étant une juxtaposition « d’unités élémentaires » identiques. Cette hypothèse atomique est ici bien naturelle. Mélangeons en effet du bleu avec du jaune, nous obtenons une gamme continue de vert. Il n'y a aucune raison de choisir un vert plutôt qu'un autre, c’est-à-dire de prendre du jaune et du bleu dans des proportions simples. Étudions maintenant un ensemble discontinu d'éléments en prenant comme analogie un ballet. À tout moment, le nombre de danseurs est un nombre entier, celui de danseuses aussi. Ainsi, puisque l'hydrogène et le chlore se combinent volume à volume, il faut admettre en plus que : 2) Dans un volume donné, quel que soit le gaz, il y a toujours le même nombre « d’unités élémentaires ». Pour saisir la nécessité de cette hypothèse d'Avogadro, pensons à un bal où hommes et femmes sont en nombres égaux : personne ne fait tapisserie. L'analogie ne peut être poussée trop loin. Si une unité d'hydrogène se combine avec une unité de chlore pour donner une unité de chlorure d'hydrogène il résultera alors de l'hypothèse d'Avogadro qu'un volume d'hydrogène se combine avec un volume de chlore (ce qui est correct) pour donner un volume de chlorure d'hydrogène (ce qui est en désaccord avec l'expérience). Pour retrouver les résultats observés, il faut admettre deux autres hypothèses : 3) Les « unités » (appelées désormais molécules) ne sont pas les constituants ultimes de la matière mais sont formées d’une ou de plusieurs « particules » (atomes), identiques ou non. 4) Chaque atome ne peut faire qu'un nombre déterminé de liaisons avec ses voisins. Ce nombre s'appelle sa valence. Tout rentre alors dans l'ordre. Supposons que les molécules d'hydrogène et de chlore soient diatomiques et qu'un atome d'hydrogène s'unisse avec un atome de chlore pour donner une molécule de chlorure d'hydrogène. La réaction s’écrit symboliquement : Si les molécules d'oxygène et d'azote sont diatomiques et si les atomes d'oxygène et d'azote se lient respectivement avec deux et trois atomes d'hydrogène, les réactions de formation de l’eau et de l’ammoniac seront : Cette théorie avait reçu un accueil mitigé. Elle contenait quatre hypothèses : la structure discontinue de la matière (hypothèse atomique), l'hypothèse d'Avogadro, l'existence de molécules et les valences fixes des atomes. Or les chimistes, positivistes, n’aimaient guère spéculer sur des objets non observables. Ainsi, l’hypothèse atomique était récusée par les Français J. B. Dumas, H. E. Sainte-Claire Deville et M. Berthelot. En Allemagne, le célèbre W. Ostwald ne l’a acceptée qu’en 1911. À plus forte raison, les gens rechignaient à admettre d’un coup quatre hypothèses extraordinaires basées sur des données expérimentales limitées. La théorie d’Avogadro n’a été acceptée que cinquante ans après, quand les quatre hypothèses ont été expérimentalement prouvées, chacune de plusieurs manières. Voici une façon de déterminer les valences des atomes. Vers 1850, le Britannique E. Frankland tenta de préparer le radical éthyle C2H5 en traitant l'iodure d'éthyle I-C2H5 par le zinc. La réaction de Zn avec I devrait libérer l'éthyle : Zn + 2 I-C2H5 Æ I-Zn-I + 2 C2H5 (deux radicaux éthyle) En fait, il obtint la réaction que voici : Zn + 2 I-C2H5 Æ I-Zn-I + C2H5-C2H5 (une molécule de butane) Comment interpréter ce résultat ? L'éthyle a bien été engendré puisque l’iode de I-C2H5 s'est lié avec le zinc. Mais comme il n’a pu être isolé, cela signifie qu’il est très réactif et se combine aussitôt. Son couplage avec un seul congénère pour donner le butane indique qu’il ne peut faire qu’une liaison. On dit qu’il est monovalent. Comme l’éthane C2H5-H résulte de l’union de C2H5 et d’un hydrogène, H est donc aussi monovalent. Les formules OH2 (eau) et NH3 (ammoniac) montrent que l'oxygène est divalent et l’azote trivalent. De proche en proche, on peut ainsi déterminer les valences de tous les atomes. Détermination d'une structure inconnue Schématiquement, la détermination de la structure d'un composé inconnu par voie chimique se fait de la manière suivante :
1) L’analyse centésimale donne les pourcentages des éléments constitutifs (la molécule contient tant pour cent de carbone, tant pour cent d'hydrogène).
2) La masse moléculaire est déterminée en mesurant la densité de vapeur ou en faisant appel aux lois de Raoult (les températures d’ébullition et de congélation d’une solution dépendent de la quantité et de la masse moléculaire du soluté). Couplée avec l’analyse centésimale, la masse moléculaire fournit la formule brute (nombres d'atomes de chaque espèce dans la molécule).
3) Les fonctions chimiques présentes sont reconnues grâce aux réactions caractéristiques. Ainsi, tous les alcools primaires possèdent les propriétés suivantes : - Ils ont un hydrogène échangeable avec Na ; - Ils réagissent avec des acides carboxyliques pour donner des esters ; - Oxydés, ils perdent deux hydrogènes et donnent des aldéhydes ; - Traités par un acide fort, ils éliminent une molécule d’eau, créant une double liaison C=C. À chaque fonction chimique correspond un groupe d’atomes déterminé. Par exemple, tous les alcools primaires possèdent le groupe -CH2OH.
4) La molécule est découpée en morceaux assez petits pour que leurs structures puissent être facilement établies.
5) Il ne reste plus qu’à assembler les pièces du puzzle. En cas de doute, la structure envisagée peut être confirmée par synthèse. L'écriture chimique Les conventions sont les suivantes - Les valences doivent être respectées : l'hydrogène a une liaison, l'oxygène en a deux, l'azote trois, le carbone quatre. Chaque trait représente une liaison : - Chaque atome est représenté par son symbole chimique : O (oxygène), N (azote)…, mais les carbones (C) et les hydrogènes (H) qui leur sont directement attachés ne sont pas toujours explicités. Il est facile de reconstituer la formule développée complète à partir de la formule simplifiée : La détermination de structure par voie chimique d'un composé contenant 15 atomes de carbone consomme une centaine de grammes du produit inconnu et demande à un bon chimiste quatre à cinq ans de travail. Jusque vers 1960, on ne pouvait faire mieux. Depuis, la chimie analytique a progressé, en particulier dans deux domaines : la séparation des mélanges complexes et la détermination des structures par spectroscopies. Ces avancées ont des conséquences pratiques très importantes. En effet, les produits naturels sont généralement des mélanges. Ainsi, l'essence de rose contient environ 200 composantes. Le phényléthanol en est le constituant principal, mais ce sont les produits secondaires qui font la finesse de l'essence. Une piquette peut avoir à 95 % la même composition qu'un château-margaux, mais il n'est pas nécessaire d'être œnologue pour les distinguer ! Il est donc essentiel pour les contrôles de qualité de pouvoir analyser quantitativement les produits mineurs. La limite de détection d'un composé connu est actuellement de l'ordre de 10fg (un femtogramme est un millionième de milliardième de gramme). Identifier une impureté de 10fg dans un gramme de mélange équivaut à repérer 1mm sur la distance Terre-Soleil. La détermination de la structure d'un produit inconnu par spectroscopies n'exige que quelques millionièmes de gramme et quelques journées. C'est plus qu'un simple gain de produit et de temps. Chaque fois que la chimie analytique gagne quelques ordres de grandeur, des domaines inaccessibles avant s'ouvrent aux chercheurs. Supposons qu'on veuille examiner les métabolites d'un médicament. Comme la dose journalière est en général inférieure au gramme, si l'analyse requiert 100g de chaque métabolite, une telle étude sera impossible. Sans analyse de traces, l'écologie scientifique n'existerait pas. Par d'exemple, la réglementation européenne interdit d'émettre plus d'un milliardième de gramme de dioxines par mètre cube de fumée. Le mot dioxines doit être employé au pluriel. En effet, il en existe près d'une quarantaine, aux propriétés physiques et chimiques voisines, et toutes ne sont pas toxiques. Il y a quelques années, une usine était menacée de fermeture. Une analyse fine a montré qu'un produit, identifié comme toxique, est en réalité un mélange de plusieurs dioxines, la plupart non dangereuses. L'usine est donc aux normes et ma collègue très fière d'avoir sauvé plusieurs centaines d'emplois. Sachant maintenant déterminer les structures, abordons le deuxième problème.
Les mécanismes de réaction Le graphe suivant représente un chemin réactionnel. Le point A correspond au système de départ. Quand la réaction se produit, les structures et énergies des réactifs changent. En général, l'énergie du système augmente, passe par un maximum correspondant à l'état de transition, puis redescend vers le point B, représentatif des produits d'arrivée. Sur le chemin réactionnel, seuls A et B correspondent à des systèmes stables, dont les structures peuvent être établies. Les autres points représentent des espèces fugitives, d'une durée de vie de l'ordre de la picoseconde (un millionième de millionième de seconde). Leurs structures ne peuvent être précisées. Or, un mécanisme de réaction devrait détailler les changements structuraux faisant passer des réactifs aux produits. Selon une boutade célèbre, proposer un mécanisme basé sur les structures des réactifs et des produits équivaut à regarder la scène d'exposition et la scène finale d'une pièce de théâtre et à de deviner ce qui se passe au milieu ! Ce n'est qu'une boutade. En fait, le chimiste examine une infinité de pièces apparentées. Il modifie la première scène et la Nature lui indique comment la scène finale sera changée. Il peut ainsi en déduire des renseignements sur les scènes intermédiaires. Considérons par exemple la réaction du brome sur une double liaison C=C (alcène). La cinétique est du second ordre, ce qui signifie que la réaction a lieu quand une molécule de brome interagit avec une molécule d'alcène. Changeons maintenant de solvant. En passant d'un solvant non polaire à un solvant polaire (qui stabilise les charges électriques), la vitesse augmente. Or la vitesse de réaction dépend de l'énergie d'activation, différence d'énergie entre l'état de transition et le système initial. Plus l'énergie d'activation est faible, plus la vitesse est grande. Le système de départ étant composé d'alcène et de brome, sans charges électriques, son énergie ne doit pas varier avec le solvant. Si l'énergie d'activation diminue, cela veut donc dire que des charges sont apparues dans l'état de transition. Recommençons la réaction en ajoutant des ions chlorures Cl-. À côté du dérivé dibromé « normal » apparaît un produit où l'un des bromes a été remplacé par un chlore : Comme le chlore est présent sous forme d'ion négatif, il est naturel de penser que le brome remplacé est aussi un ion Br-. Le produit final étant neutre, le reste de la molécule doit par conséquent être un ion positif. Un mécanisme possible (confirmé par d'autres expériences) est le suivant. L'alcène arrache Br+ à la molécule de brome pour former un ion cyclique en expulsant un bromure Br-. Ce dernier attaque un carbone de l'ion positif pour donner le produit final dibromé. Évidemment, l'ion positif peut se combiner avec Cl- pour conduire au dérivé chloré. Par touches successives, on peut ainsi obtenir une image étonnamment précise d'un mécanisme de réaction. Dans ces mécanismes, les intermédiaires ne sont connus que par inférence. Depuis une vingtaine d'années, ils peuvent être étudiés directement. Grâce à des ordinateurs puissants, les structures et énergies des intermédiaires peuvent être calculées par la chimie quantique. L'importance de ces travaux a été reconnue par le prix Nobel 1998 attribué à l'Anglais J. A. Pople et à l'Américain W. Kohn. Les intermédiaires peuvent aussi être observés expérimentalement par la femtochimie. La méthode consiste à envoyer sur le système réactionnel une impulsion laser de quelques femtosecondes (millionièmes de milliardième de seconde) pour l'activer, puis une deuxième impulsion laser pour l'analyser. On obtient ainsi une «photographie» du système en évolution. Comme une réaction chimique dure quelques milliers de femtosecondes, cette technique fournit des instantanées de la transformation. L'américano-égyptien A. Zewail a reçu le prix Nobel 1999 pour ses contributions en ce domaine. Il est certain qu'un jour viendra où tous les points d'un chemin réactionnel pourront être décrits en détail. Pour l'instant la femtochimie reste limitée à des systèmes de 3 ou 4 atomes. Actuellement, on doit donc se contenter des mécanismes «classiques», obtenus par inférence. Ils permettent déjà de choisir les bonnes conditions expérimentales et d'inventer parfois éventuellement on donnée .suggère de nouvelles réactions. Prenons par exemple la réaction : acide carboxylique + alcool = ester + eau Peut-on la faire en milieu neutre ? Le mécanisme d'estérification indique qu'il se forme d'abord une liaison entre l'oxygène de l'alcool R' OH et le carbone de R- C-O2H. La flèche allant de O vers C signifie que les deux électrons de liaison appartenaient à l'oxygène. Après liaison, ils sont partagés entre C et O. L'oxygène ayant ainsi cédé un électron négatif va avoir une charge positive. Comme un carbone ne peut être entouré que de 8 électrons périphériques, l'arrivée des électrons de l'alcool va chasser deux électrons initialement partagés par le C et l' O de l'acide carboxylique (deuxième flèche sur la figure). Cet oxygène reçoit un électron additionnel et aura une charge négative : Il apparaît donc dans le produit d'arrivée des charges, ce qui coûte de l'énergie. Pour le montrer, Feynman donnait donner l'exemple suivant. On prend deux grains de sable de 1mm de diamètre à 30m de distance et on les ionise, l'un positivement, l'autre négativement. Ces grains vont s'attirer avec une force égale à 3 millions de tonnes ! L'estérification en milieu neutre sera par suite difficile. Est-elle plus facile en milieu basique ? L'hydrogène marqué en gras de RCO2 H est dix milliards de fois plus acide que celui de l'alcool R'O H. Une base, en faibles quantités, va réagir exclusivement avec RCO2H et le transformer en RCO2-, ion négatif peu apte à recevoir des électrons. La réaction sera plus difficile qu'en milieu neutre. Un excès de base sera encore pire. En effet, tous les protons sont alors arrachés et les réactifs transformés en RCO2- et R'O-. Deux charges de même signe se repoussant, ces espèces ne réagiront pas. Et en milieu acide ? Si un acide fort, source de proton H+, est ajouté en excès, toutes les molécules sont protonées en RCO2H2+ et R'OH2+. Ces espèces positives se repoussent et ne se combinent pas. Si maintenant l'acide est en quantités infimes, des molécules protonées et non protonées vont alors coexister. L'acide carboxylique protoné RCO2H2+ est activé. En effet, le proton soutire des électrons à l'oxygène, qui se rattrape en soutirant des électrons au carbone voisin. Ce dernier aura une charge positive et accueillera volontiers les électrons de l'alcool. La réaction se fera entre RCO2H2+ (activé) et R'OH (non désactivé). C'est la meilleure situation rencontrée jusqu'à présent. En milieu neutre, les réactifs ne sont pas activés. En milieu basique ou en présence d'un excès d'acide fort, les espèces sont désactivées. La situation est d’autant meilleure qu'il n'y a pas de création de charge comme dans la réaction en milieu neutre. Il n'est donc pas nécessaire de tout apprendre par cœur. Les raisonnements très simples précédents montrent que l'estérification ne se fait qu'en milieu acide. Mais si l'acide fort est en excès, la réaction n'aura pas lieu. Comment estérifier maintenant RCO2H si R ne résiste aux acides ? La comparaison des formules RCO2 H et RCO2 R' montre que l’estérification substitue R' à H. Une réaction de substitution n'est pas très facile et il est nécessaire d'activer RCO2H ou le donneur de R'. L'ajout d'une base active RCO2H sous forme de RCO2-. Le donneur peut être un iodure R'-I. Supposons maintenant que R ne résiste ni aux acides, ni aux bases. Comment estérifier RCO2H ? La réaction avec un alcool, qui exige un acide, est irréalisable. L'emploi d'une base étant exclu, l'estérification par substitution doit se faire par activation du donneur de R', en remplaçant I par un meilleur groupe partant, par exemple un diazo N2+. Quand RCO2H et le diazométhane CH2-N∫N sont en présence, l'acide protone son partenaire, réaction difficile car elle crée deux ions. L'équilibre est donc largement déplacé vers la gauche. L'étape suivante, qui neutralise ces ions, est par contre facile. De plus, l'azote gazeux se dégage du milieu et rend cette étape irréversible, si bien que le premier équilibre est constamment déplacé et l'estérification est complète à température ambiante en quelques minutes. Si les réactions en constituent une part importante, ce n'est pas toute la chimie. Un objectif majeur du chimiste reste la création de produits pour résoudre une question théorique ou répondre à un besoin pratique. La connaissance de la structure de la cible et la compréhension des mécanismes permettent de concevoir des plans rationnels de synthèse.

Synthèse d'une molécule complexe Rauwolfia serpentina est une plante utilisée dans la médecine traditionnelle de l'Inde. Son étude chimique, faite en 1955, a permis d'isoler un principe actif, la réserpine, maintenant employée pour le traitement de l'hypertension, des troubles nerveux et mentaux. Comment synthétiser ce composé ? L'examen de sa formule montre une structure partielle connue, la méthoxytryptamine : Il paraît logique de construire la partie restante et de la coupler ensuite avec la méthoxy-tryptamine. La cible intermédiaire I est un cycle à six chaînons portant cinq substituants différents : un aldéhyde CHO (permettant de lier ensuite le carbone au NH2 de la méthoxy-tryptamine), une chaîne CH2-CO2H (la fonction CO2H permettra de relier la chaîne à NH2 et au cycle pentagonal), une fonction ester, une fonction éther et encore une fonction ester (un trait renforcé représente une liaison dirigée vers l'avant de la figure et un pointillé une liaison dirigée vers l'arrière). Chaque substituant pouvant prendre deux positions (en avant ou en arrière), il y a en tout 32 combinaisons différentes dont une seule est correcte. Toutes les difficultés sont pratiquement résolues en trois étapes, utilisant trois notions enseignées en première année de chimie :
1) La réaction de Diels-Alder ( vide infra) ;
2) Un composé «courbe» est attaqué de préférence sur la face convexe ,plus accessible :
3) L'addition de XY sur une double liaison se fait trans, c’est-à-dire l'alcène étant plan, X va arriver par une face et Y par l'autre : Pourquoi la synthèse ? Il y a plusieurs raisons de synthétiser un composé d'origine naturelle. Une première est que les ressources ne sont souvent pas suffisantes. Si l'on voulait préparer le taxol - un anticancéreux - à partir de l'écorce de l'if, tous les arbres de la Terre ne suffiraient pas. Le produit synthétique peut coûter moins cher. C'est le cas de la vitamine C. La synthèse permet également rendre le produit plus efficace ou plus facile d'emploi. Ainsi, toutes les céphalosporines (des antibiotiques) sont semi-synthétiques, les produits naturels n'étant pas assez actifs. La pénicilline G doit être injectée. Une légère modification chimique la transforme en ampicilline, utilisable par voie orale. En remplaçant le soufre de l'ypérite (un gaz de combat) par un azote portant un groupe uracile, on obtient un médicament antitumoral ! La première étape de la synthèse est une Diels-Alder, réaction découverte dans les années trente par les Allemands O. Diels et K. Alder. Cette réaction s'est avérée si utile que le prix Nobel 1950 leur fut attribué. Elle fait intervenir deux composantes : un diène, ensemble de deux doubles liaisons (notées 1-2 et 3-4 sur la figure) et une double liaison 5-6. Ces composantes s'approchent l'une de l'autre dans deux plans à peu près parallèles. Par chauffage, il se crée deux liaisons simples 1-6 et 4-5 avec disparition concomitante de deux liaisons doubles. Il est facile de vérifier par les formules développées que la double liaison restante doit se trouver en 2-3. Les liaisons 1-6 et 4-5 définissent un plan. Fait remarquable, les deux composantes se trouvent de préférence du même côté de ce plan[1]. Les Américains R. B. Woodward[2] (Prix Nobel 1965 pour ses synthèses) et R. Hoffmann (Polonais d'origine, Prix Nobel 1980) ont donné en 1965 une explication quantique de ces propriétés. Le cycle inférieur de A est le précurseur de I. Notons que trois des chaînes latérales (en 4, 5 et 6) sont déjà correctement placées. Une addition sur 2-3 permettra d'introduire les substituants restants. L'addition se faisant trans, deux produits sont concevables : Dans le bon produit, les chaînes en 2 et 7 sont du même côté. L'emploi de l'oxygène en 7 comme réactif X forcera ce résultat. Quand on réduit A, les hydrogènes arrivent par la face convexe. L'oxygène en 10, repoussé vers l'avant, réagit avec l'ester en 4 pour donner un cycle pentagonal. La molécule prend alors une forme « cage » ( B) où l'oxygène en 7, passé du côté concave, se retrouve au-dessus du carbone 2 : B est alors traité par du brome. L'addition sur 2-3 se faisant trans, la réaction fournit C. En trois étapes, les 5 chaînes latérales sont correctement placées[3] ! Il reste à transformer C en I, puis à coupler ce dernier avec la méthoxytryptamine. Ce n'est pas beaucoup plus compliqué, mais trop long à expliquer et cette suite ne fait que confirmer le point essentiel de l'exposé précédent, à savoir qu'il est possible de synthétiser une molécule, quelle que soit sa complexité, en n'utilisant que des réactions connues. Ce n'est certes pas à la portée de tout le monde, comme de courir le mile en moins de 4mn, mais ce n'est plus un exploit surhumain. Les nouvelles frontières de la chimie sont ailleurs. Deux des défis de la chimie actuelle J. M. Lehn a signalé quelques pistes : chimie prébiotique, chimie supramoléculaire biomimétique[4], électronique moléculaire. Ces études restent pour l'instant du domaine fondamental. Mais le chimiste peut aussi contribuer à relever des défis aux conséquences pratiques plus immédiates. Selon la FAO, en 2000, un enfant sur quatre ne mange pas à sa faim. Il faut trouver des engrais, insecticides… qui permettent d'augmenter la production alimentaire tout en limitant la pollution. Ce n'est pas impossible. Comparons le DDT avec la deltaméthrine, insecticide introduit en 1982. La dose normale par hectare est de 0,5-3 kg de DDT et 0,01 kg de deltaméthrine. À doses égales, cette dernière est trois fois moins toxique. Elle persiste un mois dans le sol contre un à dix ans pour le DDT. Les progrès de la chimie permettront aussi d'économiser de l'énergie. Actuellement, environ 40 % de l'énergie consommée dans l'industrie servent aux séparations et purifications. Ces opérations seront moins coûteuses si les rendements des réactions approchent des 100 %. Ce n'est pas irréaliste : une synthèse industrielle de la cortisone se faisait en une quarantaine d'étapes, avec un rendement global dépassant 90 %. La chimie «douce» consomme moins d'énergie. Traditionnellement, les verres se fabriquent à ~ 2000°C. On sait maintenant les préparer à des températures inférieures à 100°C. Ces techniques permettent de leur incorporer des molécules organiques créant des matériaux étonnants. Greffons à la surface d'un verre des molécules qui repoussent l'eau. Un pare-brise fabriqué avec un tel verre ne retient pas l'eau et permet de voir par temps de pluie, même quand l'essuie-glace fonctionne mal. Greffons à la place des molécules hydrophiles. Sur ce verre, les gouttelettes s'étalent pour donner un film transparent au lieu d'une buée opaque. Une lucarne arrière ainsi faite pourrait se passer de chauffage. Certaines voitures de rallye sont déjà équipées avec des pare-brises et lucarnes de ce type. Toujours dans le domaine de l'automobile, remarquons que le rendement de la combustion de l'essence est misérable, de l'ordre de 30 %. Une augmentation de 5 % du rendement permettrait d'économiser 15 milliards de dollars par an, rien qu'aux États-Unis. En guise de conclusion G. B. Shaw faisait dire à un personnage d'une de ses comédies à peu près ceci : « La seule personne raisonnable que je connaisse est mon tailleur : il reprend mes mesures à chaque fois. Les autres me jugent une fois pour toutes. » Je souhaite que la chimie ne soit pas, elle aussi, jugée une fois pour toutes.

[1] Si les réactifs sont superposables à leurs images spéculaires, il y a une égale probabilité pour qu'ils soient tous les deux à droite du plan 1-6-5-4 comme sur la figure, ou tous les deux à gauche. Pour la clarté de l'exposé, nous représentons un seul composé. [2] Un des plus grands chimistes aynt jamais existé, aussi brillant en théorie qu'en synthède. [3] Il se forme aussi, en quantités égales, le produit image spéculaire de C (note 1). La séquence précédente ne permet d'éliminer «que» 30 combinaisons sur les 32 possibles. Il est cependant impossible de faire mieux, si les réactifs de départ sont superposables à leurs images. Cette synthèse de la réserpine(1958) est due à Woodward. [4] La chimie est la clé de la vie. L'information génétique est stockée, lue et transcrite chimiquement. Des messagers chimiques donnent le signal de la multiplication et de la différenciation cellulaire, de la formation des organes, de l'arrêt de croissance. C'est la chimie qui permet à l'organisme de créer de nouvelles cellules et de remplacer les anciennes. L'énergie nécessaire à ces synthèses provient d'une réaction, l'oxydation lente des aliments. Les êtres «sans défense» combattent généralement leurs agresseurs par des armes chimiques. La communication chimique est très répandue et les phéromones sont utilisées par les bactéries comme par l'homme. La communication hormonale est bien conne. La propagation de l'influx nerveux nécessite des messagers chimiques, les neurotransmetteurs.

 

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AZOTE

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azote
(du grec dzôê, vie)

Consulter aussi dans le dictionnaire : azote
Cet article fait partie du dossier consacré à l'air.
Corps gazeux (N2) à la température ordinaire, qui constitue environ les quatre cinquièmes en volume de l'air atmosphérique. (Élément chimique de symbole N.)
*         Numéro atomique : 7
*         Masse atomique : 14,006 7
*         Point d'ébullition : −195,8 °C
*         Point de fusion : −210 °C
*         Densité par rapport à l'air : 0,97
CHIMIE
DÉCOUVERTE DE L’AZOTE
L'azote a été découvert en 1772, par Daniel Rutherford et identifié comme corps simple par Antoine Laurent de Lavoisier en 1775. Il a également été étudié par Henry Cavendish en 1784, lors de ses travaux d’analyse de l’air.


ÉTAT NATUREL DE L’AZOTE
L'azote existe à l'état libre dans l'air, dont il constitue environ 78 % en volume, sous forme de molécules diatomiques (diazote N2). On le trouve également combiné dans les nitrates et les sels ammoniacaux. Il entre enfin dans la constitution des protéines et des acides nucléiques des êtres vivants.

PROPRIÉTÉS ET ACTIVITÉ CHIMIQUES
L'azote est un gaz incolore et inodore, difficile à liquéfier et peu soluble dans l'eau. À basse température, il est sans activité chimique, d'où son nom, mais le devient à haute température, où il passe à l'état monoatomique. Certaines de ses réactions sont d'une extrême importance, à cause du rôle que jouent ses composés dans la nature et dans l'industrie. Avec l'hydrogène à chaud, il donne de l'ammoniac, par une réaction réversible. Dans l'industrie, cette réaction de synthèse est réalisée à 550 °C, sous haute pression avec un catalyseur. Avec l'oxygène, l'azote donne, dans un arc électrique, le monoxyde d'azote NO.

PRÉPARATION
Dans l'industrie, la matière première, abondante et gratuite, est l'air. Par distillation fractionnée de l'air liquide, on obtient de l'azote qui renferme un peu d'oxygène, d'argon, de l'hélium et du néon du mélange de départ. On peut également priver l'air de son oxygène en l'utilisant pour la combustion du charbon ; on obtient alors de l'azote qui contient tous les gaz rares de l'air. Cet azote atmosphérique est livré en bouteilles d'acier, sous 200 atmosphères environ. Pour obtenir de l'azote pur (azote chimique), on chauffe vers 70 °C du nitrite d'ammonium. C'est en constatant que la densité de l'azote atmosphérique et celle de l'azote chimique étaient différentes qu'on a été amené à découvrir les gaz rares.

UTILISATIONS
Obtenu industriellement par distillation fractionnée de l'air liquide, l’azote est principalement utilisé dans la fabrication des engrais et de l'ammoniac, mais également comme atmosphère inerte dans le magasinage de liquides inflammables.
Comme liquide cryogénique, l'azote liquide a des applications alimentaires (congélation), médicales (conservation de tissus et organes, thérapie), industrielles (simulation spatiale, ébarbage, congélation des sols, etc.).
Par ailleurs, l'azote se combine avec divers métaux pour donner des nitrures ou des azotures.

LES OXYDES DE L'AZOTE
Endothermiques à partir de leurs éléments, ils sont peu stables à température modérée et peuvent jouer le rôle d'oxydants.

OXYDE NITREUX OU AZOTEUX, OU PROTOXYDE D'AZOTE N2O
C'est un gaz incolore et inodore, assez facile à liquéfier, produisant une excitation cérébrale (gaz hilarant) puis une anesthésie. Il se décompose à la chaleur en ses éléments et peut de ce fait entretenir des combustions vives.

MONOXYDE D'AZOTE OU OXYDE NITRIQUE NO
C'est un gaz incolore, difficile à liquéfier qui se décompose complètement au rouge vif et présente alors des propriétés comburantes. Au contact de l'oxygène, il s'oxyde spontanément en donnant de l'anhydride nitreux et du peroxyde d'azote. Il réduit ainsi le permanganate de potassium, l'acide nitrique concentré, etc. Il est obtenu dans l'industrie par synthèse directe dans l'arc électrique ou par oxydation catalytique de l'ammoniac, mais est aussitôt transformé en acide nitrique ou en acide nitreux. On le nomme aussi oxyde azotique (ou dioxonitrique II).

PEROXYDE OU DIOXYDE D’AZOTE NO2
C'est un liquide jaune pâle qui bout à 21 °C en émettant des vapeurs rouges dont la coloration augmente par chauffage. Cela provient de l'existence de deux variétés moléculaires : dimère N2O4, incolore et stable à froid, et monomère NO2, fortement coloré et se produisant à chaud par une réaction réversible. Dès 180 °C, la molécule NO2 se dissocie en NO et oxygène. Le peroxyde d'azote présente donc des propriétés comburantes et oxydantes qui le font employer comme ergol et pour réaliser des explosifs, dénommés panclastites. Au contact de l'eau, il se comporte comme un anhydride mixte.

ANHYDRIDE NITREUX N2O3
L’anhydride nitreux est obtenu à l'état liquide en mélangeant et en condensant des volumes égaux d'oxyde nitrique et de dioxyde d'azote. C'est un liquide bleu, qui bout vers 3 °C et qui se solidifie à − 102 °C. Très instable, il émet des vapeurs rutilantes, mélange de NO, de NO2 et de N2O2. Il possède à la fois les propriétés de l'oxyde nitrique et du dioxyde d'azote, c'est-à-dire qu'il peut se comporter comme un oxydant ou comme un réducteur (oxydoréduction). C'est un anhydride vrai qui correspond à l'acide nitreux HNO2. On le nomme aussi anhydride azoteux (ou dioxonitrique III).

ANHYDRIDE NITRIQUE N2O5
L’anhydride nitrique est préparé en déshydratant l'acide nitrique par l'anhydride phosphorique. C'est un solide blanc qui fond vers 30 °C en se décomposant. Le liquide obtenu est un mélange de N2O4 et N2O5. C'est un oxydant et un anhydride vrai. L'acide correspondant est l'acide nitrique (ou trioxonitrique V). L'anhydride nitrique est nommé aussi anhydride azotique. Les composés de l'anhydride nitrique jouent un rôle important dans l'industrie des engrais, des colorants et des explosifs.

LE CYCLE DE L'AZOTE

Cycle de l'azote
       

Élément essentiel des acides aminés, l'azote est l'un des quatre constituants universels de la matière vivante, avec le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Il constitue environ 80 % de la masse de l'atmosphère, mais seules quelques espèces vivantes dites prototrophes (bactéries libres ou symbiotiques du sol, cyanophycées) sont capables de l'absorber utilement. Les phototrophes (plantes vertes) se procurent l'azote dans l'eau ou dans le sol, surtout sous forme de nitrates. Une exception est constituée par les plantes dites enrichissantes, légumineuses surtout, qui hébergent des bactéries prototrophes dans les nodosités de leurs racines et dont l'enfouissement comme « engrais vert » enrichit le sol en azote. Les animaux utilisent l'azote contenu sous forme organique dans leurs proies animales ou végétales.
Excréments et cadavres rendent cet azote organique au sol, où une série d'actions microbiennes (ammonisation, nitrosation, nitratation) redonnent à cet élément la forme de nitrates, assimilables par les plantes. Mais des processus de dénitrification font équilibre à la fixation de l'azote dans le sol, de sorte qu'aucune évolution de la teneur de l'atmosphère en azote n'est constatée.

 

 

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OZONE

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ozone

(grec odzein, exhaler une odeur)

Consulter aussi dans le dictionnaire : ozone
Cet article fait partie du dossier consacré à l'air et du dossier consacré à l'environnement.
Gaz toxique de couleur bleutée, odorant, au pouvoir très oxydant, formé de trois atomes d'oxygène (O3).

L'ozone est naturellement présent dans la haute atmosphère, où il se forme par une réaction photochimique. Il est également produit par les étincelles électriques et les réactions chimiques libérant de l'oxygène à froid. Dans la basse atmosphère, c’est un polluant toxique pour les animaux et les plantes. Au niveau de la stratosphère, en revanche, il forme une couche protectrice de la vie sur Terre, qui absorbe les rayonnements ultraviolets du Soleil.

1. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES
L'ozone est un gaz de couleur bleue, d'odeur forte et pénétrante, dangereux à respirer et plus oxydant que l'oxygène. De densité 1,66, il se liquéfie à − 112 °C en donnant un liquide bleu indigo, extrêmement instable. Il oxyde à froid l'iode et presque tous les métaux, notamment le mercure et l'argent ; il déplace le chlore, le brome et l'iode de leurs combinaisons avec l'hydrogène ou les métaux ; il oxyde au maximum les acides du soufre, du phosphore et de l'arsenic ; il détruit aussi par oxydation les matières organiques (liège, caoutchouc). En revanche, avec divers composés organiques non saturés, il donne des composés d'addition peu stables, les ozonides.


2. UTILISATIONS
L'ozone est utilisé, pour son pouvoir oxydant et bactéricide, pour la désinfection de l'air dans les atmosphères confinées, la stérilisation des eaux, le blanchiment de textiles, le vieillissement du vin et du bois. Dans le traitement des plaies (ozonothérapie), il est appliqué en jet ou en solution aqueuse, en une ou en plusieurs fois selon le résultat obtenu. Il sert à la préparation d'huiles siccatives et à la synthèse de certaines essences végétales.

3. L'OZONE ATMOSPHÉRIQUE
3.1. L’OZONE STRATOSPHÉRIQUE ET LES BIENFAITS DE LA COUCHE D’OZONE

L'ozone joue un rôle fondamental dans les équilibres de l'environnement terrestre. 90 % de l'ozone atmosphérique se situent à des altitudes comprises entre 20 et 50 km. Cette « couche d'ozone » explique l'existence, à ces mêmes altitudes, d'une région de grande stabilité vis-à-vis des échanges verticaux, la stratosphère. Bien qu'il soit un constituant minoritaire de l'atmosphère (sa concentration relative maximale observée à 25 km d'altitude ne dépasse pas 5 à 6 millionièmes en volume), l'ozone est l'unique absorbant du rayonnement solaire ultraviolet de longueurs d'onde comprises entre 240 et 300 nanomètres. Cette absorption permet le maintien de la vie animale et végétale sur la Terre, en éliminant les radiations de courtes longueurs d'onde susceptibles de détruire les cellules de la matière vivante et d'inhiber la photosynthèse. C'est la raison pour laquelle on se préoccupe fortement depuis les années 1980 des atteintes portées à la couche d'ozone stratosphérique par les activités humaines.

3.2. L’OZONE TROPOSPHÉRIQUE ET SES MÉFAITS SUR LES ÊTRES VIVANTS

Aux altitudes inférieures à 10 km, les teneurs en ozone sont très faibles, de l'ordre de 0,03 millionième. Mais, contrairement à son rôle bénéfique dans la stratosphère, l'ozone agit près du sol comme un oxydant qui perturbe la photosynthèse et peut provoquer des lésions aux végétaux (taches brunes sur les feuilles correspondant à des nécroses). Dans les zones de forte pollution, où les teneurs peuvent être beaucoup plus élevées, l'ozone affecte directement la santé humaine, au niveau notamment du système respiratoire et des muqueuses. L'ozone est irritant pour les poumons, entraînant une toux, une gêne respiratoire, parfois même un œdème pulmonaire. Le traitement après une inhalation importante consiste en un repos strict, surveillé médicalement.
La quantité d'ozone contenue dans l'atmosphère s'exprime par l'« épaisseur réduite », c'est-à-dire l'épaisseur verticale d'une colonne où tout le gaz serait rassemblé, épaisseur ramenée à la température et à la pression normales. En moyenne, cette épaisseur est de 2,5 mm.

4. LE TROU DE LA COUCHE D'OZONE

4.1. LA DÉCOUVERTE DU TROU DE LA COUCHE D’OZONE

En 1985, des scientifiques britanniques signalent pour la première fois l'existence d'un « trou » de la couche d'ozone, ou plus exactement d'une réduction importante de l'épaisseur de la couche d'ozone au-dessus du pôle Sud. La haute atmosphère de cette région se révèle être en effet le théâtre d'un cycle effréné de destruction de l'ozone. Pendant l'hiver polaire, la formation d'un tourbillon d'air stratosphérique isole l'atmosphère antarctique du reste de l'hémisphère Sud. La température de la stratosphère peut alors descendre jusqu'à − 85 °C, conduisant à la formation de nuages de glace. Ces nuages polaires fixent le chlore présent dans la stratosphère sous forme d'acide chlorhydrique (HCl) et de nitrate de chlore (ClONO2). Au printemps austral, lorsque le Soleil réapparaît, en septembre et en octobre, son rayonnement provoque la dissociation du chlore par réaction photochimique. Une véritable réaction en chaîne s'enclenche alors : chaque atome de chlore libéré peut détruire jusqu'à 100 000 molécules d'ozone. Ce processus se poursuit jusqu'en novembre et réduit l'épaisseur de la couche de près de la moitié. Le Soleil a alors suffisamment réchauffé l'atmosphère pour dissiper les nuages stratosphériques. Le tourbillon polaire qui confinait le trou d'ozone disparaît, et l'air riche en ozone des latitudes moyennes s'infiltre de nouveau dans la stratosphère antarctique. Au pôle Nord, on n'assiste pas véritablement à la formation d'un tel « trou » dans la couche, mais plutôt à des déficits d'ozone localisés qui se manifestent depuis 1991. Ceci s'explique par la circulation de l'air, très différente de celle de l'Antarctique, et par des températures hivernales plus douces.

4.2. ORIGINE ET CONSÉQUENCES

Si certains facteurs naturels, comme l'émission de gaz soufrés lors d'éruptions volcaniques, ont toujours favorisé une destruction partielle et passagère de l'ozone, les scientifiques ont dénoncé dès 1980 le danger représenté par l'émission industrielle de chlore. Les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés comme gaz propulseurs d'aérosols, agents de réfrigération ou agents gonflants de certaines mousses rigides, constituent la cause principale de destruction de la couche d'ozone. De nombreux autres produits chimiques, notamment les halons (dérivés halogénés d'hydrocarbures), utilisés dans les extincteurs d'incendie, ainsi que certains solvants comme le tétrachlorure de carbone ou le bromure de méthyle, participent aussi à la formation du trou d'ozone. Tous ces composés, extrêmement stables, peuvent subsister entre 50 et 100 ans dans l'atmosphère. Ils diffusent ainsi jusqu'aux pôles et libèrent leurs atomes de chlore (ou de brome), qui détruisent l'ozone.
En dégradant la couche d'ozone, les activités humaines ont mis en danger notre protection solaire naturelle. La diminution de l'ozone stratosphérique entraîne l'augmentation du nombre des rayons UVB qui atteignent le sol. Ces rayons peuvent endommager l'ADN humain et provoquer notamment des cancers de la peau et des cataractes. Ils ont également un effet nocif sur les végétaux et le phytoplancton.

4.3. LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE
Depuis 1985 (convention de Vienne), plusieurs conférences internationales ont marqué la prise de conscience mondiale de la nécessité de protéger la couche d'ozone stratosphérique et de veiller à limiter les effets des activités humaines sur le climat. Les principaux pays producteurs de CFC ont abandonné la fabrication et l'utilisation de ces gaz destructeurs de l'ozone. Aujourd'hui, les hydrofluorocarbures (HFC) et les hydrocarbures perfluorés (PFC), substituts de deuxième génération des CFC, sont sans danger pour la couche d'ozone (il faudra cependant des années pour qu'elle se reconstitue) ; en revanche, ce sont de puissants gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète.

 

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LA CATALYSE

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LA CATALYSE

La plupart des réactions biologiques qui forment le corps humain sont des réactions catalytiques. La catalyse joue un rôle également déterminant dans des processus industriels majeurs comme la synthèse de l'ammoniac, le raffinage du pétrole ou la réduction des oxydes d'azote dans les pots catalytiques. Un catalyseur est un composé qui rend possible une réaction chimique mais qui sort indemne de la transformation. Un catalyseur peut agir sur un acte élémentaire ou sur le bilan d'une réaction complexe ; enfin il peut orienter vers une réaction plutôt qu'une autre. La catalyse concerne tous les domaines de la chimie. La catalyse acido-basique concerne le domaine de la chimie organique. Les catalyseurs dans le domaine de la biochimie sont les enzymes qui doivent épouser une forme complémentaire du substrat pour s'adapter à lui, puis présenter un site actif où la réactivité est modifiée. La catalyse homogène est le domaine de la chimie organométallique ; elle concerne un centre métallique dont l'environnement électronique et géométrique est bien défini, ce qui permet de bien contrôler la réaction. La catalyse hétérogène concerne la science des surfaces et des interfaces. Du point de vue industriel, ces catalyseurs sont les plus employés car ils présentent de nombreux sites actifs qui sont utilisés de nombreuses fois de façon consécutive. Comprendre un processus catalytique, c'est aller au delà d'un simple bilan, cela nécessite de décrire les étapes du voyage partant des réactifs et allant vers les produits. Comprendre la catalyse, c'est décrire la réaction dans son environnement. Cela devrait être de plus en plus le cas durant le prochain siècle et cela devrait permettre d'améliorer les performances des catalyseurs déjà connus.

Texte de la 236e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 23 août 2000.
La catalyse
par Christian Minot
La définition
Pourquoi avoir sélectionné la catalyse parmi les thèmes des conférences de l'an 2000 ? C'est parce que les réactions catalytiques jouent un rôle important dans notre vie. Les processus catalytiques interviennent à tous les niveaux usuels de notre vie, dans notre corps et dans les produits quotidiens. La plupart des réactions biologiques du corps humain sont des réactions catalytiques : celles qui nous permettent de respirer, qui régissent le transport et l'assimilation des aliments, la photosynthèse des plantes... La catalyse joue un rôle également déterminant dans des processus industriels majeurs, pour fabriquer tous les produits chimiques de notre environnement : les engrais se font à partir de l'ammoniac dont la synthèse est un processus catalytique. Le pétrole extrait sous sa forme brute n'est pas utilisable; sa transformation en un produit utilisable ne peut être faite que par un procédé catalytique; c'est le raffinage. Les voitures et les usines produisent des composés nocifs (monoxyde de carbone ou oxydes d'azote) et leur élimination ne peut se faire qu'en les transformant en produits inoffensifs à l'aide de processus catalytiques. Pour les voitures, les catalyseurs sont des métaux précieux présents sous forme dispersée dans les pots catalytiques.
Je vais essayer d'expliquer ce qu'est la catalyse. Il faut tout d'abord souligner qu'il y a un grand enjeu industriel protégé par des brevets et que, d'un point de vue pragmatique, la compréhension du phénomène n'est pas le but premier ; la priorité est l'amélioration des performances ; si l'on dispose d'un catalyseur efficace, on peut améliorer son efficacité par tâtonnements. Il y a une recherche des catalyseurs nouveaux par chimie combinatoire en effectuant un large échantillonnage de réactifs pour sélectionner les systèmes prometteurs.
Parallèlement, expérimentateurs et théoriciens essaient d'expliquer les processus catalytiques. Comprendre un processus catalytique, c'est aller au delà d'un simple bilan, cela nécessite de décrire le parcours des réactifs dans leur environnement. C'est en cela que des progrès devraient voir le jour durant le prochain siècle.
Commençons par une histoire bien connue que mon grand-père m'avait racontée lorsque j'étais enfant. « Un homme avait 3 enfants et 17 chameaux ; à sa mort, son testament attribuait la moitié des chameaux à son fils aîné, le tiers au puîné et le neuvième au plus jeune mais interdisait bien entendu que l'on découpa un chameau. Les frères alors consultèrent un sage qui leur conseilla d'emprunter un chameau et de faire le partage sur le tout, 18 chameaux : 9 pour l'aîné, 6 pour le puîné, 2 pour le cadet. Au terme du partage, il était resté alors un chameau indemne pour rembourser l'emprunt. » Je ne connaissais pas assez les fractions à cet âge, mais le chameau emprunté et rendu me semblait mystérieux et me semble donner une bonne image de ce qu'est un catalyseur : un composé qui rend possible une réaction chimique mais qui n'est pas lui même modifié lors de cette réaction; comme le chameau, il rend possible le partage et en ressort indemne.
Le mot de catalyse a été créé en 1836 par Berzélius, un baron suédois à l'origine de la chimie moderne, à partir du grec katalusis, action de dissoudre. Ce n'est pas un bon exemple du phénomène catalytique qui doit impliquer l'intervention d'un composé
extérieur. Actuellement, excepté si le solvant joue un rôle très spécifique, on ne le considère plus comme un corps étranger mais comme un paramètre physique.
Une notion liée à la cinétique
La notion de catalyse est liée à la cinétique par opposition à la thermodynamique. D'une manière simplifiée, c'est la thermodynamique qui nous dit si une réaction est possible ou non. La thermodynamique nous apprend qu'il existe des fonctions locales (ou fonctions d'état) qui sont associées aux quantités de matière. Pour simplifier, j'emploierai sans le préciser le terme d'énergie. Une transformation chimique se traduit par un gain ou une perte d'énergie; ces variations ne dépendent que des réactifs et des produits et sont indépendantes du chemin pour passer des premiers aux derniers. En allant de Grenoble à Gènes vous finirez toujours par avoir descendu 214 mètres, la différence d'altitude entre les deux villes. L'altitude est une fonction locale qui est définie pour les deux villes, celle de départ et celle d'arrivée : la thermodynamique vous apprend qu'on doit pouvoir aller de Grenoble à Gênes sans trop se fatiguer puisqu'on arrive 214 mètres plus bas qu'on est parti. L'inverse est plus fatigant puisque l'on remonte. Il est évident que ce renseignement est insuffisant à décrire votre voyage. Vous pouvez passer par les Alpes et donc monter avant de descendre; vous pouvez prendre l'avion et monter encore plus haut avant de redescendre ; vous pouvez contourner la montagne en passant par Marseille et la mer. Une voie est plus facile que l'autre. La cinétique étudie les vitesses des réactions. Dans la catalyse, pour poursuivre mon image, on va s'intéresser au moyen de transport et, comme dans la vie, il y a plusieurs choix : on peut choisir le voyage le plus rapide, le moins coûteux ou le plus touristique.
L'expérience montre que les processus contraires à la thermodynamique n'ont jamais lieu. On peut descendre sans effort ; on ne peut monter qu'en fournissant un effort. En revanche, les processus théoriquement permis peuvent aussi ne pas être observés. Il faut posséder le prix du billet pour le voyage mais cela ne garantit pas totalement l'arrivée. S'il y a un puits, personne n'est obligé de tomber au fond. Ainsi les réactions qui s'accompagnent d'un gain d'énergie ne sont pas spontanées :
H2+ 12 O2 ∅ H2O -56 kcal/mole gaz tonnant
Cette réaction, qui s'accompagne d'un gain d'énergie1, devrait se faire facilement ; cependant, elle n'a pas lieu dans les conditions naturelles. C'est en ajoutant du platine que la réaction devient instantanée et explosive. Vers 1817, Davy, et 1823 Döbereiner, avaient déjà observé que cette réaction s'accompagnait alors d'une petite flamme; c'est le principe de la boîte à amadou utilisée pour produire du feu avant l'existence des allumettes. D'une certaine manière on peut être satisfait que les réactions qui peuvent se faire, ne se fassent pas toujours spontanément. Si cette réaction était spontanée, l'oxygène de l'air serait très vite consommé et la vie ne serait plus possible, l'air devenant irrespirable.
1Le signe moins traduit un gain d'énergie pour le milieu extérieur : les produits (l'eau) sont plus stables que les réactifs de départ (H2 et O2); l'excès d'énergie est rendu au milieu extérieur sous forme de chaleur.
On modifie la vitesse d'une réaction de différentes manières en agissant sur l'environnement (en modifiant la température, en exposant à la lumière). La catalyse consiste à ajouter un produit dans l'environnement pour modifier cette vitesse.
Un catalyseur peut agir sur un acte élémentaire ou sur le bilan d'une réaction complexe ; enfin il peut orienter vers une réaction plutôt qu'une autre.
Agir sur un acte élémentaire
En général une réaction chimique consiste à casser des liaisons et à en reformer. Au cours du processus, on est souvent amené à casser avant de reconstruire et on passe d'abord par un intermédiaire qui est moins stable en énergie ; c'est ce que l'on appelle un état de transition. Le prix à payer est la montée, c'est-à-dire la différence d'énergie entre l'état de transition et les réactifs (énergie d'activation). Une fois passé le col, on redescend vers les produits sans effort. Un partenaire extérieur modifie les stabilités de l'état de transition et des réactifs. Il se peut que l'état de transition soit davantage stabilisé que les réactifs ; dans ce cas le prix à payer au départ diminue et la réaction est facilitée. On a alors à faire à un catalyseur.
Agir sur le bilan d'une réaction complexe
Le bilan total d'une réaction peut être trompeur.
1) le catalyseur n'apparaît pas dans le bilan global, ce qui est normal : il est présent au début et à la fin et n'est pas modifié.
2) Un bilan ne nous renseigne pas sur la trajet parcouru; pour reprendre l'image du trajet de Grenoble à Gênes, la lecture d'un billet de train nous donne plus de renseignements en indiquant les stations intermédiaires.
La réaction de synthèse de l'ammoniac sur des catalyseurs à base de fer
3 H 2 + N 2 ∅♦ 2 N H 3 implique la rencontre de quatre molécules ce qui est improbable :
3 fois 1 fois 1 fois 2fois 2fois 2fois 1 fois
bilan
H2 ∅♦ 2Hads
N2∅♦N2ads
N2ads∅♦2Nads
Nads+Hads ∅♦ NH ads
NHads+Hads ∅♦ NH2ads
NH2ads+Hads ∅♦ NH3ads
NH3ads ∅♦ NH3  _________________________
3H2+N2∅♦2NH3
La réaction est une succession d'étapes avec adsorption2 dissociative de l'hydrogène sur le catalyseur, adsorption moléculaire de l'azote qui se dissocie ensuite sur la surface du catalyseur. Il y a ensuite migration des espèces adsorbées et recombinaison jusqu'à désorption de l'ammoniac formé.
La réaction qui permet d'éliminer les oxydes d'azote nocifs qui sont produits dans les usines est aussi une réaction complexe : elle s'écrit
4 NO + 4NH3 + O2 ∅ 4 N2 + 6H2O -331.0 kcal/mol.
Une équation faisant appel à neuf molécules ne peut pas être élémentaire : il est impensable de supposer la rencontre simultanée de neuf molécules, la rupture d'un grand nombre de liaisons et la formation d'autres. Quatre électrons doivent changer de place. La réaction globale n'est que le bilan d'une succession d'étapes élémentaires auquel le catalyseur doit participer. Le catalyseur est un oxyde de vanadium; son écriture n'apparaît pas dans le bilan global car il n'est pas consommé lors de la réaction.
Orienter vers une réaction plutôt qu'une autre
Si vous partez en voyage depuis Grenoble, il n'est pas évident que vous souhaitiez aller finalement à Gènes, vous pouvez changer d'humeur. Les routes conduisent vers beaucoup de destinations plus tentantes ; il en est de même en chimie et des réactifs peuvent se combiner de multiples façons pour conduire à des produits différents en passant par des réactions concurrentes. Le catalyseur modifie les données du jeu et donc oriente vers un résultat plutôt qu'un autre; on parle alors de sélectivité. Dans la réaction d'oxydation du propène, chaque catalyseur peut orienter vers un produit plutôt qu'un autre.
Oxydation du propène
H2C=CHCH3
+ O2 ∅ CATALYSEUR
BiPO4 Th2O3
Bi2(MoO4)3
PRODUIT
C6H6 (benzène)
H2C CHCH3 O
H2C=CHC=O (acroléine)
2Le mot adsorption est à distinguer du mot absorption qui concerne les rayonnements ; la lumière est absorbée par un composé tandis qu'une molécule (l'adsorbat) se dépose (est adsorbée) sur un substrat.
H2C=CHC2H5
Le turnover
NiMoO4 + MoO3 CoTiO3
SnO2 + MoO3 Mo(CO)6
Bi2O3 CuCO2O4
H2C=CHCO2H HCHO + CH3CHO CH3COCH3
C2H4 +
H2C=CHHC=CH2 CO2+H2O
Pour compléter la définition d'un catalyseur, il faut aussi introduire la notion de turnover. Une caractéristique du catalyseur est de ne pas être consommé par la réaction ; on dit qu'il est régénéré. Une conséquence immédiate de ce fait est que le catalyseur peut resservir après emploi. Les réactions se répètent en principe indéfiniment. Bien entendu, je décris là une situation idéale ; en réalité le catalyseur vieillit. Les catalyseurs métalliques sont recouverts d'espèces qui bloquent leur activité : il s'agit principalement de dépôt de carbone (cokage, dépôt de polymères) et d'empoisonnement par le soufre. L'efficacité du catalyseur dépend du nombre de réactions successives. Cela est traduit par le terme anglais de turnover. Si le bilan financier est favorable, les catalyseurs sont retraités. Le coût de récupération d'un métal précieux sur alumine se situe aux alentours de 30F par kg. Dans le cas des pots catalytiques, les quantités de métaux précieux sont en général trop faibles pour être récupérées. Enfin, comme « à toute chose malheur est bon », on peut profiter du phénomène d'empoisonnement. On peut utiliser une petite quantité de poison sous forme de prétraitement pour bloquer des réactions parasites et augmenter la sélectivité d'un catalyseur.
Les quatre principaux domaines de la catalyse
Maintenant que nous avons défini ce qu'est un catalyseur, je vais présenter les principaux domaines de la catalyse qui concerne en fait presque toute la chimie. On peut les classer en 4 domaines principaux : la chimie organique (c'est la catalyse acido-basique), la biochimie (ce sont les enzymes), la chimie organométallique (c'est la catalyse homogène) et la chimie des surfaces (la catalyse hétérogène).
La catalyse acido-basique
Gould, un chimiste organicien, a fait remarquer que la moitié des réactions décrites dans une encyclopédie (les 76 chapitres des 8 tomes de Organic Reactions) sont catalysées par des acides, des bases ou les deux. Plus l'acide ou la base sont forts, plus le catalyseur est
puissant. La vitesse de la déshydratation des diols, des composés qui ont deux fonctions OH, corrèle avec l'acidité des acides carboxyliques qui sont utilisés comme catalyseurs.
La catalyse acido-basique évite la rupture d'une liaison sans compensation initiale. Prenons comme exemple la transformation d'énol en cétone, deux composés qui ont
CHOH O
transforme en une cétone H3C
stable, en milieu basique ou acide. L'isomérisation d'énol en cétone implique la migration d'un hydrogène de l'oxygène au carbone. Sans catalyseur, il faudrait qu'une liaison OH se rompe, ce qui coûte de l'énergie, avant que le proton puisse se déplacer et se lier au carbone. La dépense d'énergie précède le gain ce qui pose des problèmes de trésorerie ; il faut payer d'avance et se faire rembourser à la fin. Il est en général préférable que les formations et ruptures de liaisons soient concertées.
Dans la catalyse basique, la rupture de O-H s'accompagne de la formation d'une liaison B-H. On obtient alors un énolate que l'on peut écrire de deux manières et de là la cétone.
la même formule brute. L'énol
H2C
, le produit le moins stable, se
CH , l'acétaldéhyde, qui est produit le plus
H2C
énol
CH
+ B H2C CH + BH H2 C CH + BH
énol- cétone catalyse basique - O OH- O -
base
O- CH + B
base
H3C
cétone
Dans la catalyse acide, la formation de liaison C-H précède la rupture de O-H. L'hydrogène qui se retrouve dans la liaison C-H n'est pas celui de la liaison O-H de l'énol.
énol- cétone OH
H2C CH + H+ énol acide
catalyse acide
H3C
OH
C+H H3C CH + H+
cétone acide
O

La dissociation de l'eau est difficile car les liaisons O-H sont fortes. Elle se fait néanmoins assez facilement sur une surface d'alumine en présence d'une seconde molécule d'eau. Il s'agit d'une catalyse à la fois acide et basique.
H
H
Les enzymes sont des catalyseurs très sélectifs et très performants qui catalysent des réactions biochimiques. Ce sont des protéines qui peuvent aussi comporter une partie non protéique appelée coenzyme laquelle contient souvent un ion métallique. Les vitamines en se fixant dans le corps se transforment en coenzymes et participent au phénomène catalytique nécessaire à la vie. Les enzymes sont très spécifiques, n'agissant que sur un seul substrat ou sur une famille de composés ayant des analogies structurales.
La spécificité vient de 2 facteurs : l'appariement pour que le catalyseur soit présent et l'acte catalytique lui même qui est localisé sur un site particulier en général distinct du site de fixation. L'enzyme doit épouser une forme complémentaire du substrat pour s'adapter. Elle doit se déformer et pouvoir adopter la forme correcte (conformation). L'appariement est maintenu par des liaisons (ponts disulfure, liaisons hydrogène...). Ce rapprochement permet le contact en un site particulier différent des sites de fixation, le site actif où se produit la réaction catalysée.
L'adaptation géométrique est un préalable à l'acte catalytique. Le processus de
repliement s'opère très rapidement 10-2 secondes. Cette rapidité est surprenante (paradoxe de Levinthal, 1968) : S'il fallait échantillonner toutes les possibilités de formes d'une
protéine (2100 conformations à une vitesse de l'ordre de celle des fréquences de vibrations
1013 Hz), l'âge de l'univers n'y suffirait pas. C'est une des difficultés de la simulation. L'acte catalytique lui-même est semblable à ceux des autres domaines de la catalyse qui peuvent servir de modèle à la catalyse enzymatique.
Les inhibiteurs empêchent la catalyse. Soit ils ressemblent au substrat et trompent l'enzyme qui se fixe sur eux et n'est plus disponible (concurrence- inhibiteurs compétitifs), soit ils modifient l'enzyme en se fixant sur le site actif sans empêcher la fixation.
La catalyse homogène
H OHO
H
OH OH H
OAl OAl
Les enzymes
L'appellation homogène s'oppose à celle d'hétérogène. Dans la catalyse homogène, le catalyseur est un complexe organométallique dans une solution qui constitue un milieu homogène. C'est un composé bien connu tant du point de vue géométrique qu'électronique. Dans la catalyse hétérogène, la catalyse se produit à l'interface d'un solide et d'une phase liquide ou gazeuse. Le catalyseur est un site de la surface du solide qui varie selon l'emplacement. L'intérêt de la catalyse homogène est qu'elle peut être davantage contrôlée ; elle concerne un site unique dont l'environnement est bien défini.
La réaction se produit au cours d'un "cycle catalytique" au cours duquel le complexe de métal de transition passe d'une forme moins stable à une forme plus stable puis est régénéré. On relie la stabilité des complexes métalliques à un décompte des électrons de valence : 16 ou 18, 18 pour les composés les plus stables, 16 dans les cas des catalyseurs que l'on utilise.
Le catalyseur dont je vais parler, [Rh(CO)2I2]- , a quatre ligands (quatre groupes d'atomes liés au métal) et 16 électrons :
Rh+ a 8 électrons de valence. Les 4 ligands I- et CO apportent 2 électrons chacun
IRh CO soituntotalde16pour I CO .
La forme intermédiaire que l'on va retrouver est [Rh(CO)2I3Me]- a 6 ligands, les
Me
I Rh COCO I
I .
trois I-, les deux CO et Me- apportent 12 électrons pour
Le rhodium est sous la forme de Rh3+ avec 6 électrons de valence. Cela conduit à un total de 18 électrons.
Ces complexes vont se retrouver dans le procédé Monsanto de formation de l'acide acétique. La production d'acide acétique est de 4 mégatonnes par an dont la moitié est réalisée par ce procédé Monsanto. Ce procédé est extrêmement efficace. Le turnover est de 10 à 100 réactions par seconde et la durée de vie du catalyseur correspond environ à dix millions de réactions consécutives (quelques heures à une journée).
La réaction consiste en l'insertion d'un CO entre le carbone et l'oxygène du méthanol en présence du complexe métallique que je viens de décrire.
[Rh(CO)2I2]- MeOH + CO ∅ MeCOOH
Le méthanol est formé par un mélange CO/H2 et le catalyseur, [Rh(CO)2I2]-, est formé à partir de n'importe qu'elle source de rhodium et d'iodure.
MeCOOH
HI
H2O
+ IRh CO
I CO 16 électrons
MeOH
MeCOI
MeI
CO Me
IRh COMe
ICO I II
18 électrons + CO 18 électrons
Le cycle inférieur est le cycle catalytique ; il effectue la transformation
MeI + CO ∅ MeCOI
et implique un complexe à 16 électrons qui permet l'addition du groupe méthyle en formant un complexe à 18 électrons. Celui-ci se réarrange pour insérer CO puis libérer MeCOI en reformant le complexe à 16 électrons. Le cycle supérieur correspond juste à un échange entre les groupes OH et I, catalysé par l'eau et HI.
MeCOI + MeOH ∅ MeCOOH + MeI
L'inconvénient majeur du procédé est le prix du catalyseur. Le complexe de rhodium est onéreux : 1 mole de complexe de rhodium coûte 210 000 FF environ. Par contre, les iodures sont bon marché; leurs inconvénients sont d'être corrosifs.
Les processus homogènes à grand turnover sont hélas rares.

IRhCOCO
La catalyse hétérogène
La supériorité de la catalyse hétérogène sur la catalyse homogène vient précisement du turnover. Les réactions se reproduisent beaucoup plus vite sur un même site actif; ces sites actifs sont beaucoup plus nombreux.
Les catalyseurs principaux sont les métaux, les oxydes de métaux et les zéolithes. Les métaux utilisés en catalyse sont ceux de la droite du tableau périodique ; ils comportent les métaux précieux, rhodium et platine. Les métaux servent principalement aux pots catalytiques (dans une proportion qui fait penser à un gaspillage), au raffinage pétrolier (il s'agit de transformer un hydrocarbure à faible indice d'octane en un autre à plus fort indice d'octane) et à la production de produits à valeur ajoutée par exemple, la formation d'aromatiques utilisables ensuite pour la fabrication de nylon ou de polyesters, plus généralement pour les produits de base où intervient la chimie (les parfums, les colorants, l'habillement, les matériaux nouveaux et les médicaments ; c'est notre environnement quotidien et il vaut mieux utiliser le pétrole en le valorisant qu'en le brûlant). Les métaux sont aussi une denrée précieuse et limitée. Le coût du platine est de l'ordre de 160 000 FF le kilo. En 1999, la joaillerie est restée l'usage majoritaire pour le platine (48 %), mais les pots catalytiques en ont consommé 27 %. L'industrie (en globalisant les usages pour la chimie, l'électricité, le pétrole et les verres) a seulement représenté 17 %.
L'inconvénient de la catalyse hétérogène est que le catalyseur est très difficile à caractériser. Il comporte de nombreux sites qui ne sont pas tous semblables et qui peuvent avoir des activités différentes.

Les différents substrats métalliques
Les métaux se présentent sous forme d'agrégats, de monocristaux ou de métal déposés sur un support, de la silice ou un oxyde de métal.
Les agrégats sont probablement les plus intéressants du point de vue industriel : la réaction se produisant en surface, il y a une forte proportion d'atomes en surface par rapport aux atomes enfouis à l'intérieur. Ces atomes ont peu de voisins et se lient donc plus facilement. Ils ont le défaut pour l'analyse d'être assez mal définis. Il y a beaucoup de structures proches et il est difficile de caractériser un site actif. Parallèlement, il est difficile de les modéliser par une approche théorique. C'est pourquoi il est utile de comprendre la catalyse à partir de monocristaux moins performants mais mieux caractérisés. Il est important de bien caractériser le système étudié dans des conditions bien reproductibles, la nature du site actif étant bien déterminée. Les faces cristallines des métaux purs se prêtent bien à la caractérisation. On peut tailler les cristaux ou les faire croître de façon à avoir une face bien définie où tous les sites sont semblables. La périodicité est utilisée pour les mesures spectroscopiques. Elle sert aussi au théoricien pour la modélisation. Toutefois, l'étude sur des surfaces bien propres a révélé des surprises.
À l'origine de la catalyse par les métaux, Sabatier (chimiste français du début du siècle dernier, prix Nobel en 1912) avait étudié des réactions d'hydrogénation et utilisait le fait que l'hydrogène se dissociait très facilement en présence de platine.
2Pt + H2 ∅ 2 Pt-H
Récemment, Somorjai, professeur à Berkeley, a montré que la probabilité de rompre une liaison H-H sur la face la plus stable du platine était en dessous de la limite de
détection, 10-3. Cette probabilité croît sur des faces moins denses et donc plus réactives ; elle est proche de l'unité sur des surfaces à marches et près des défauts.
Le plus souvent, la surface d'un catalyseur n'est pas une surface parfaite engendrée par une coupure franche du cristal ; il y a des défauts, des marches, des terrasses. Les adsorptions se font différemment sur ces irrégularités de la surface. L'adsorption peut être plus forte au sommet d'une marche par ce que les atomes sont moins coordonnés ou au pied des marches car il y est plus facile de former plusieurs liaisons à la fois. Les espèces adsorbées qui vont intervenir dans la catalyse peuvent se retrouver majoritairement près des défauts.
Enfin, la présence d'un support peut modifier la chimisorption des réactifs et des produits. L'effet est très grand par exemple sur l'hydrogénation de CO. Cette réaction a lieu bien plus facilement quand le nickel est déposé sur de l'oxyde de titane que lorsque le nickel est massif.
Facteurs contrôlant l'adsorption
Le contrôle électronique
Dans les cristaux, le rhodium, le platine et le cuivre ont la même topologie (cubique à faces centrées) ; le mode d'adsorption, la force d'adsorption et la hauteur de la barrière d'adsorption varient avec la nature du métal. Ces variations reflètent bien l'importance du décompte électronique (ces métaux n'ont pas le même nombre d'électrons de valence, 9, 10 ou 11). Notons qu'à la différence des complexes de métaux de transition, on ne peut plus attribuer 2 électrons aux liaisons. Le nombre d'électrons par liaison varie et reste inférieur à 2. Il s'agit là d'une différence fondamentale avec les petits systèmes moléculaires où les électrons sont affectés par paires aux liaisons. Contrairement au complexe de métal de transition, aucun décompte des électrons n'obéit à des règles simples (comme le décompte de 16 ou 18 électrons).
En revanche, comme il y a un grand nombre d'atomes de métal, il y a un nombre encore plus grand d'électrons d'énergies très voisines. On peut facilement ajouter ou prendre un électron à ce total. Le niveau d'énergie le plus élevé des électrons du métal, le niveau de Fermi, va jouer un rôle déterminant. L'adsorbat va prendre ou donner des électrons suivant qu'il a la possibilité de loger ces électrons mieux ou moins bien en terme d'énergie. On dit que le métal sert de réservoir d'électrons.

EFermi EFermi
métal
transfert vers l'adsorbat
transfert vers le
Les électrons transférés modifient la structure de l'adsorbat et forcent également le métal à se déformer. On dit qu'il y a reconstruction de la surface, induite par l'adsorption. On pense maintenant que cette reconstruction des atomes de surface peut avoir une influence importante sur la catalyse.
Le contrôle géométrique. Les symétries du site actif. L'analogie avec les structures familières
Il est difficile de séparer ce qui est géométrie de ce qui est interaction d'électron. Les interactions concernent les électrons mais pour qu'une interaction se fasse, il faut une parenté géométrique (une symétrie commune). Les premiers modèles d'adsorption ont recherché une analogie entre les structures des sites actifs et des adsorbats : le benzène est hexagonal et s'adsorbera bien sur la face "hexagonale" des métaux. S'il y a du vrai dans cette idée qui guide toujours lorsque l'on recherche un modèle plausible, son application est loin d'être automatique. L'adsorption se fait également sur la face "carrée". Cette face est même assez réactive car elle est moins dense et que les atomes les moins coordonnés sont plus réactifs. Revenons à la face hexagonale qui possède trois sites principaux : au dessus d'un atome, en pont entre deux atomes, au milieu de trois atomes. La meilleure façon de placer le benzène pour garder la symétrie hexagonale serait de centrer le benzène à la verticale d'un atome. Les deux autres sites conduisent à une perte de symétrie. Ce sont pourtant eux qui sont occupés : sur le rhodium, le benzène est centré au dessus d'un site ternaire et sur le platine au dessus d'un site en pont.

L'analogie avec les structures familières nous suggère des modes d'adsorption qui nous paraissent logiques. Si l'on prend pour modèle la structure du méthane, on a
l'impression de retrouver cette structure lorsque les fragments d'hydrocarbures sont adsorbés de façon à ce que le carbone ait toujours quatre voisins. On prédit alors des modes d'adsorption différents pour CH, CH2 et CH3 sur la face hexagonale des métaux.
trois orientations du méthane

Le site d'adsorption est en général bien celui-là, mais pas toujours ; dans le cas du nickel, le site ternaire est toujours plus favorable que les autres.
Adsorption et Catalyse
L'adsorption est nécessaire à la catalyse mais cette dernière ne se résume pas à l'adsorption. Sans adsorption il n'y a pas de catalyse possible, mais il ne faut pas qu'une adsorption soit trop forte. Sabatier avait déjà énoncé que la stabilisation de l'intermédiaire commun avec le catalyseur devait être assez stable mais sans excès. Un bon catalyseur doit former des liaisons de force intermédiaire. S'il forme des liaisons trop faibles, il est inefficace et s'il forme des liaisons trop fortes, les espèces adsorbées sont figées sur la surface et ne se recombinent plus. Il y a donc une situation optimale et l'efficacité des métaux représentée en fonction de la force d'adsorption a une allure de volcan. En terme d'efficacité, il faut "remonter la pente". Cela signifie adsorber plus fort pour les aromatiques et moins fort pour les alcynes. Pour la compréhension de la catalyse, c'est une difficulté car il ne faut pas forcément tirer des modes d'adsorption des conclusions immédiates sur la réactivité.

VITESSE DE REACTION
OLEFINES DIOLEFINES
AROMATIQUES ALCYNES
FORCE D'ADSORPTION
Un autre exemple sur la distinction entre science des surfaces qui étudie l'adsorption et catalyse, concerne l'abondance des produits adsorbés. La première s'applique à observer les espèces adsorbées les plus nombreuses. Ce renseignement là n'est pas forcément le bon pour la catalyse. L'adsorption de l'éthylène sur le rhodium conduit à plusieurs sortes de composés d'adsorption: majoritairement, on obtient un fragment fortement adsorbé, l'ethylidyne, CCH3. C'est lui que l'on voit et que l'on calcule comme étant le plus stable. Pourtant, l'hydrogénation de l'éthylène concerne l'espèce moléculaire faiblement liée (complexe-) qui est très minoritaire sur la surface. La réaction est un million de fois plus rapide que sur le produit majoritaire !

Les mécanismes de réaction
J'ai parlé jusqu'à présent surtout d'adsorption pour les métaux; je vais dire quelques mots des mécanismes de réaction (mécanisme de type Ealey-Rideal). On a longtemps interprété l'hydrogénation catalytique de double liaisons en supposant qu'un seul des réactifs était adsorbé. L'hydrogénation se fait d'un même côté de la double liaison au contraire des additions en phase gazeuse. Dans ce modèle, l'adsorption ne concerne qu'un des deux réactifs, l'autre réagit sous forme de gaz (la molécule gazeuse attrape au vol son partenaire adsorbé sur la surface). Le nickel dissocie l'hydrogène qui est adsorbé et réagit sur la face de l'éthylène qui se placerait au dessus de lui. L'inverse conduirait à la même orientation pour les hydrogènes. Ce type de réaction implique des mécanismes peu sensibles à la surface puisque l'un des réactifs détache l'autre sans vraiment interagir avec la surface est en fait rare. Le mécanisme le plus courant n'est pas celui-là. Les réactifs sont adsorbés tous les deux ; c'est le mécanisme de Langmuir-Hinshelwood. L'hydrogénation
procède par un tel mécanisme. Les molécules adsorbées (ou les fragments adsorbés si l'adsorption est dissociative) doivent alors migrer sur la surface pour se rencontrer. Les espèces adsorbées sont en effet souvent mobiles sur la surface. Les images un peu guerrières de ces deux mécanismes sont pour la première un oiseau de proie saissisant sa victime à partir du ciel et pour la seconde un combat de fantassins.
Les autres substrats
Les oxydes de métaux (également les chlorures) offrent davantage de possibilités
que les métaux. Ils présentent 2 types d'atomes en surface : un cation métallique et l'ion O=;
le site métallique est acide et le site O= est basique. Sur les surfaces anhydres, tous les composés organiques, lorsqu'ils ne se dissocient pas se lient aux cations métalliques qui sont des sites acides. Quand l'interaction est forte, ils se dissocient en une paire d'ions qui s'accouplent avec les sites de surface de charge opposée.
Les zéolithes. Les solides microporeux sont des structures dans lesquelles on peut incorporer des composés d'intercalation qui peuvent être confinés et réagir. Ils sont constitués de feuillets. Les silicates d'aluminium (zéolithes ou tamis moléculaires) sont constitués de réseaux de cages avec des sites acides et basiques. Ce sont d'excellents catalyseurs pour le craquage catalytique du pétrole. Encore une fois la structure poreuse imite la nature. Les os sont faits d'apatite dont la structure est très proche.

PERSPECTIVES
J'ai insisté sur le fait que la catalyse concernait presque toute la chimie ; les réactions élémentaires engendrées par la rencontre de deux réactifs sont rares. Le développement de la catalyse me semble lié à celui de la chimie et correspondre à une prise en compte plus complète de ce qu'est une réaction; j'ai insisté sur le fait qu'on doive aller au delà d'un simple bilan. C'est peut-être un peu décevant de ne pas annoncer de révolution pour le prochain siècle mais la science est aussi faite d'évolutions et d'approfondissement. Nous avons les concepts pour comprendre la matière; mais il reste un énorme travail de connaissance et il s'agit de dominer les transformations de matière pour en accepter certaines et en écarter d'autres.

La science moderne s'applique en ce moment à explorer l'action des catalyseurs à l'échelle moléculaire. La science des surfaces fournit des moyens de concevoir rationnellement la modification de l'activité catalytique et de la sélectivité. Le but est d'aller vers 100 % de sélectivité. Pour cela il faut utiliser différents ingrédients qui demandent de bien comprendre ce qui se passe :
- bloquer des sites trop réactifs de manière à choisir le site actif ;
- utiliser des catalyseurs bifonctionnels : des alliages. C'est déjà exploré pour les pots catalytiques ;
- modifier les propriétés par des interactions métal-support.
La catalyse est par excellence un domaine frontière. C'est vrai de la catalyse enzymatique; c'est vrai au premier degré pour la catalyse hétérogène; on est à l'interface solide-liquide, solide-gaz solide-liquide ou solide-solide. C'est l'interface entre l'air, la mer et la terre; celle des côtes qui a été très importante pour l'origine de la vie et l'évolution des espèces.
On fait à la catalyse, comme à la chimie, un mauvais procès l'associant à un développement industriel effrayant parce que polluant. C'est une sorte d'injustice que de rejeter sur cet outil, la crainte que nous avons sur l'usage qu'en font les hommes. La catalyse est nécessaire à la vie et, dans l'usage que nous en faisons, les préoccupations de dépollution sont maintenant très importantes.

Au début du XXe siècle (1902), Ostwald développa le processus d'oxydation de l'ammoniac en monoxyde d'azote comme précurseur de la fabrication d'acide nitrique. Nous nous intéressons aujourd'hui à la réaction inverse, celle de la réduction du monoxyde d'azote pour protéger notre environnement. Comprendre la chimie c'est maîtriser les transformations. Comme tous les autres outils, et comme d'une façon plus générale toute connaissance, elle peut conduire à un bon ou un mauvais usage et les développements suivent les choix politiques et les financements qui en découlent.

Peut-on se diriger dans le monde des transformations de la matière dans un sens toujours favorable en évitant des contreparties négatives ? La catalyse nous aide à faire les meilleurs choix. Je ne suis pas sûr que l'existence de contreparties soit tout à fait mauvaise. Quand j'ai parlé d'empoisonnement, j'ai dit qu'on pouvait détourner ce phénomène à notre profit. On a en ce moment tendance à faire du progrès une valeur négative ; il est vrai que chaque progrès s'accompagne d'inconvénients. Il en serait autrement, ce serait un facteur de déséquilibre pour le monde, l'évolution n'étant plus contrôlée. Ce que nous appelons inconvénient joue à mon sens également un rôle modérateur en freinant l'évolution et en permettant au monde de conserver son équilibre. La meilleure connaissance des évolutions possibles devrait nous aider à faire les meilleurs choix et réduire les inconvénients.

Il me semble paradoxal d'opposer chimie et nature. La maxime de Lavoisier "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme" montre bien que la chimie ne fait que redistribuer les cartes qui sont dans la nature. J'ai voulu montrer que la catalyse aidait à contrôler ces redistributions. L'importance de la catalyse est primordiale dans le corps humain. Les réalisations que nous faisons dans le monde technologique et industriel ne sont encore que des imitations de processus naturels, souvent encore des imitations grossières, mais la catalyse devrait permettre de se rapprocher des transformations fines et maîtrisées que la nature sait opérer.

 

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