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Comprendre la capacité du poisson-zèbre à reconstituer sa nageoire ouvre des pistes pour les progrès de la médecine régénérative

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Comprendre la capacité du poisson-zèbre à reconstituer sa nageoire ouvre des pistes pour les progrès de la médecine régénérative

COMMUNIQUÉ | 23 NOV. 2021 - 9H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

BASES MOLÉCULAIRES ET STRUCTURALES DU VIVANT | BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION

Dans le règne animal, plusieurs espèces partagent l’extraordinaire capacité de régénérer leurs membres ou leurs appendices suite à une amputation. Parmi elles, le poisson-zèbre est particulièrement étudié dans les laboratoires de recherche, en raison de sa capacité à régénérer sa nageoire caudale. Ce phénomène est rendu possible par la formation d’un blastème, une structure transitoire composée de cellules indifférenciées, qui amorce et contrôle la régénération du tissu. Mieux comprendre les cellules qui composent le blastème et décrypter leurs interactions, c’est ouvrir la voie à une meilleure compréhension des processus de régénération, avec l’ambition de développer des applications cliniques dans le domaine de la médecine régénérative. Dans une étude publiée dans Nature Communications, des scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Montpellier ont fait un pas en avant vers cet objectif, en identifiant au sein du blastème, la population cellulaire qui orchestre le processus de régénération chez le poisson-zèbre.

Le poisson-zèbre, aussi appelé Danio rerio, est une espèce tropicale couramment utilisée dans les laboratoires de recherche en tant qu’organisme modèle, depuis la fin des années 1990. Il présente en effet de nombreux intérêts pour les scientifiques, tels que la transparence de l’embryon et son développement externe, plus facile à observer que celui des mammifères. Par ailleurs, 70% des gènes présents chez l’Homme trouvent un homologue chez le poisson-zèbre. Cette conservation génétique avec les autres vertébrés fait du Danio rerio, un modèle de choix pour décrypter plusieurs processus biologiques majeurs et leur conservation au fil de l’évolution.

De manière surprenante, le poisson-zèbre est aussi capable de régénérer sa nageoire caudale lorsque celle-ci a été amputée, grâce à la formation transitoire d’une masse de cellules appelée « blastème ».
Au stade larvaire, cette structure assure la régénération de l’appendice sectionné en seulement trois jours : de quoi susciter l’intérêt de la communauté scientifique, car la compréhension des mécanismes qui sont associés à ce processus pourrait ouvrir la voie à des applications multiples dans le domaine de la médecine régénérative.

Cependant, seules quelques cellules du blastème avaient été décrites jusqu’ici et les mécanismes biologiques sous-jacents demeuraient mal documentés. Dans leurs précédents travaux, Farida Djouad, directrice de recherche à l’Inserm, et son équipe avaient mis en évidence le rôle inédit des macrophages, cellules du système immunitaire, lors de la formation du blastème des poissons-zèbres. L’équipe avait ainsi prouvé que les macrophages orchestrent les processus inflammatoires nécessaires à la prolifération des cellules du blastème et à la régénération de la nageoire caudale.
 
Identifier la cellule chef d’orchestre de la régénération
Dans leur nouvelle étude, ces chercheurs ont été plus loin dans l’exploration du blastème et ont révélé l’implication majeure d’une nouvelle population cellulaire, les cellules dérivées de la crête neurale[1]. Ces cellules sont présentes chez tous les vertébrés, y compris chez l’espèce humaine, et jouent notamment un rôle clé dans le développement de l’embryon.
Les scientifiques ont déployé plusieurs approches méthodologiques pour observer et suivre le devenir des cellules du blastème. En combinant notamment l’imagerie confocale en temps réel et la technologie de séquençage de cellule unique (single cell RNA-seq)[2] sur des larves de poisson-zèbre, l’équipe de Montpellier est parvenue à démontrer que les cellules dérivées de la crête neurale orchestrent le processus de régénération de la nageoire, en dialoguant avec les macrophages et avec les autres cellules du blastème afin de contrôler et de réguler leur réponse. Ce dialogue se fait notamment via un facteur clé appelé NRG1 (Neuregulin 1).


L’ensemble de ces données permet d’aller plus loin dans la compréhension des processus de régénération et de leur activation chez le poisson-zèbre. En s’appuyant sur ces résultats, l’objectif suivant sera de comprendre pourquoi les mammifères, qui pourtant possèdent aussi des macrophages et des cellules dérivées de la crête neurale, ne parviennent pas à régénérer leurs appendices comme le poisson-zèbre.

« Nous continuons ces travaux sur d’autres modèles de vertébrés, notamment la souris, afin de mieux comprendre à quel moment du développement embryonnaire les mammifères perdent cette capacité de régénération, et pour quelle raison, tout en focalisant notre intérêt sur le rôle des cellules dérivées de la crête neurale », explique Farida Djouad.
 « Les travaux menés sur plusieurs modèles animaux capables de régénération ont pour but d’identifier « LA » cellule chef d’orchestre, commune à tous les processus de régénération. Une meilleure compréhension de son rôle, et surtout des facteurs qu’elle sécrète pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pistes pour promouvoir la régénération de certains tissus dans le traitement de maladies dégénératives comme l’arthrose par exemple ».
 
[1] La crête neurale des vertébrés est une structure embryonnaire transitoire, impliquée dans le développement, capable de produire nombre de tissus de la face et du crâne, en particulier le squelette cartilagineux et ostéo-membraneux, les méninges, les parois vasculaires du système carotidien externe et interne, le derme… Source : Académie de médecine
[2] Le séquençage de cellule unique s’appuie sur un ensemble de méthodes de biologie moléculaire pour analyser l’information génétique (ADN, ARN, épigénome…) à l’échelle d’une seule cellule.

 

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L’endormissement, un booster de créativité ?

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L’endormissement, un booster de créativité ?

COMMUNIQUÉ | 10 DÉC. 2021 - 11H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE

Salvador Dali fut partisan de l’utilisation de courtes phases de sommeil pour stimuler sa capacité créative. © Wiki Commons – Fair Use

 
Et si quelques minutes de sommeil pouvaient agir comme un déclencheur de créativité ? C’est ce que suggère une étude menée par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Cerveau et du service des pathologies du sommeil à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP. Les résultats sont publiés dans Science Advances.

Une légende sur l’inventeur Thomas Edison raconte que ce dernier faisait des petites siestes pour susciter sa créativité. Lors de celles-ci, il tenait une boule métallique à la main. La boule tombait bruyamment quand il s’endormait et le réveillait juste à temps pour noter ses flashs de créativité. D’autres personnages célèbres furent également partisans de l’utilisation de courtes phases de sommeil pour stimuler leur capacité créative, comme Albert Einstein ou Salvador Dali.
Inspirées par cette histoire, l’équipe de la chercheuse Inserm Delphine Oudiette et de sa collaboratrice Célia Lacaux à l’Institut du Cerveau et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, a souhaité explorer cette phase très particulière de l’endormissement. Les scientifiques voulaient déterminer si celle-ci avait bel et bien un effet sur la créativité.
Pour cela, l’équipe a proposé à 103 participants des problèmes de mathématiques, tous résolvables presque instantanément grâce à une même règle, bien sûr inconnue des participants au début du test. Les sujets essayaient de résoudre les problèmes une première fois. Tous ceux qui n’avaient pas trouvé la règle cachée étaient invités à faire une sieste d’une vingtaine de minutes dans les mêmes conditions qu’Edison, un objet à la main, avant de repasser les tests mathématiques.
« Passer au moins 15 secondes dans cette toute première phase de sommeil après l’endormissement triplait les chances de trouver cette règle cachée, par l’effet du fameux « Eureka ! ». Cet effet disparaissait si les sujets plongeaient plus profondément dans le sommeil », explique Célia Lacaux, première autrice de l’étude.

Les chercheurs ont, en parallèle, mis en évidence plusieurs marqueurs neurophysiologiques clés de cette phase d’endormissement génératrice de créativité.

Il existerait donc bien une phase propice à la créativité au moment de l’endormissement. L’activer nécessite de trouver le bon équilibre entre s’endormir rapidement et ne pas s’endormir trop profondément. Ces « siestes créatives » pourraient constituer un moyen facile et accessible de stimuler notre créativité dans la vie de tous les jours.
« La phase d’endormissement a été jusqu’à présent relativement négligée par les neurosciences cognitives. Cette découverte ouvre un nouveau champ extraordinaire pour de futures études, notamment des mécanismes cérébraux de la créativité. Le sommeil est aussi souvent vu comme une perte de temps et de productivité. En montrant qu’il est en réalité essentiel à nos performances créatives, nous espérons réitérer son importance auprès du public. » conclut Delphine Oudiette, chercheuse Inserm et dernière autrice de l’étude.

 

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Un quart des formes sévères de Covid-19 s’expliquent par une anomalie génétique ou immunologique

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Un quart des formes sévères de Covid-19 s’expliquent par une anomalie génétique ou immunologique

PRESS RELEASE | 20 AUG 2021 - 8H59 | BY INSERM PRESS OFFICE

COVID-19

Les conséquences d’une infection au Sars-Cov-2 sont éminemment variables d’une personne à l’autre. Si la plupart des individus infectés sont peu symptomatiques ou asymptomatiques, certains développent des formes sévères voire critiques, avec des pneumopathies nécessitant un séjour en réanimation. Comment expliquer ces disparités ? Deux nouvelles études publiées le 19 août dans la revue Science Immunology [1] [2] apportent un éclairage majeur à cette question. Elles mettent en évidence des anomalies génétiques et immunologiques qui expliquent globalement près de 25% des formes sévères de Covid-19. Cette avancée est le fruit d’une collaboration internationale pilotée par des chercheurs de l’Inserm et enseignants-chercheurs d’Université de Paris et médecins de l’AP-HP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l’Institut Imagine, situé à l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP, et à l’Université Rockefeller de New-York. Les équipes de ce laboratoire, co-dirigé par les Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, ont montré que toutes ces anomalies entravent l’immunité contrôlée par l’interféron de type 1, première barrière immunologique contre les infections virales.

Après plus d’un an de pandémie, l’hypothèse d’une prédisposition génétique et immunologique aux formes graves de Covid-19 se confirme. En octobre 2020, les équipes des Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel avaient déjà publié deux études dans la revue américaine Science [3] [4] expliquant 10 à 15% des formes sévères de Covid-19. Toutes étaient dues à un déficit dans la voie de l’interféron de type 1 (IFN 1), une protéine habituellement produite de manière rapide par le système immunitaire en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées. Les chercheurs avaient ainsi démontré qu’au moins 3 à 4% des formes sévères ont une origine génétique, tandis que 10 à 11% s’expliquent par la présence d’auto-anticorps dirigés contre IFN 1 et qui bloquent leur action antivirale. Cette découverte avait été mise à l’honneur par la revue Nature dans son top 10 des avancées scientifiques majeures de l’année 2020. Deux nouvelles études internationales coordonnées par le même laboratoire et publiées le 19 août dans la revue Science Immunology apportent de nouvelles données scientifiques qui, ajoutées aux précédentes, expliquent 20 à 25% des formes sévères de Covid-19.

Des variants du gène TLR7 en cause
Dans la première publication, les auteurs ont identifié des variants au niveau du gène TLR7, conduisant au développement de formes critiques, en particulier chez les patients jeunes [1]. L’équipe franco-américaine est partie du constat que les formes les plus sévères touchent principalement les hommes. Ils se sont donc focalisés sur ce qui distingue les deux sexes : la présence d’un unique chromosome X chez les hommes contre deux exemplaires chez les femmes. En pratique, ils ont séquencé le chromosome X de 1202 patients de sexe masculin ayant fait une forme grave. Ils ont ensuite comparé toutes ces séquences entre elles et avec celles de sujets d’un groupe contrôle ayant contracté la Covid-19 dans des formes asymptomatiques ou légères.
Résultat : chez 16 patients (soit 1,1%), les auteurs ont identifié des variants génétiques dits « perte de fonction » du gène TLR7. Or ce gène joue un rôle majeur dans le mécanisme de production d’IFN 1. Les 16 patients présentaient ainsi un déficit d’IFN 1 empêchant leurs cellules de lutter contre l’infection au Sars-Cov-2, expliquant ainsi les formes sévères. Afin d’éviter tout biais ethnique et s’assurer d’un échantillon représentatif, les chercheurs ont recruté des patients partout dans le monde, mobilisant 400 centres de recherche dans 38 pays différents. De sorte que les résultats de cette cohorte soient transposables à la population générale.

Il en ressort que 1,3% des formes graves de Covid-19 s’expliquent par des anomalies génétiques du gène TLR7 chez les hommes. Ce déficit est plus fréquent (1.8%) chez les malades de moins de 60 ans.

Des auto-anticorps délétères
Dans la deuxième publication, les auteurs ont démontré que 15 à 20% des formes sévères sont causées par la présence – dans le sang des patients – d’auto-anticorps qui visent spécifiquement les interférons de type 1 [2]. Grâce à des expériences menées in vitro par l’équipe de Charles M. Rice, prix Nobel 2020, il a été mis en évidence que ces anticorps bloquent l’effet protecteur de l’IFN1 sur la réplication virale. Le virus Sars-Cov-2 pénètre ainsi dans les cellules sans rencontrer de résistance et se réplique de façon incontrôlée. En 2020, les chercheurs avaient pu expliquer 10 à 11% des formes sévères car ils s’étaient intéressés en priorité aux patients avec un taux très élevé d’auto-anticorps dans le sang. Dans cette nouvelle étude, ils ont abaissé ce seuil et ont inclus des patients avec des taux neutralisant des concentrations d’interféron jusqu’à 100 fois inférieures. Résultat : les auto-anticorps qui bloquent ces faibles concentrations d’IFN 1 conduisent à des pneumopathies sévères.

Pourquoi l’âge est un facteur de risque
Afin de mieux comprendre la distribution de ces auto-anticorps dans la population générale non infectée et notamment l’influence de l’âge (l’essentiel des cas de formes sévères de Covid-19 concernent les plus de 65 ans), les auteurs ont comparé plus de 34 000 individus sains, classés par sexe et tranche d’âge, issus de cohortes de l’Inserm, de l’Etablissement français du sang, et de Cerba Healthcare, partenaire du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses. Ils ont ainsi fait une découverte inattendue : la présence d’auto-anticorps dirigés contre les IFN 1 sont très rares avant 65 ans (0,2 à 0,5%) et augmentent ensuite exponentiellement en vieillissant. Ils atteignent 4% entre 70 et 79 ans, et 7% entre 80 et 85 ans. Les causes et les mécanismes de cette augmentation dans la population générale restent à élucider mais celle-ci explique en partie pourquoi l’âge est un facteur de risque majeur dans le développement de formes graves de Covid-19.

Sources
[1] X-linked recessive TLR7 deficiency in 1% of men under 60 years with life-threatening COVID-19, T. Asano et al, Science Immunology, 2021.
[2] Autoantibodies neutralizing type I IFNs are present in ~ 4% of uninfected individuals over 70 years and account for ~ 20% of COVID-19 deaths, P. Bastard et al., Science Immunology, 2021
[3] Inborn errors of type I IFN immunity in patients with life-threatening COVID-19, Q. Zhang et al., Science, 24 septembre 2020 https://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.abd4570.
[4] Auto-antibodies against type I IFNs in patients with life-threatening COVID-19, P. Bastard et al. Science, 24 septembre 2020 https://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.abd4585.
[5] https://www.nature.com/articles/d41586-020-03514-8

 

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Un additif alimentaire couramment utilisé altèrerait le microbiote et l'environnement intestinal humain

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Un additif alimentaire couramment utilisé altèrerait le microbiote et l'environnement intestinal humain

COMMUNIQUÉ | 14 DÉC. 2021 - 10H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

SANTÉ PUBLIQUE

Visualisation du microbiote intestinal humain (rouge) au sein de la couche de mucus (verte) située à la surface de l’intestin. © Benoit Chassaing/Institut Cochin

Face à la prévalence importante des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn, la recherche avance pour mieux identifier les facteurs de risque de ces pathologies et ainsi améliorer la prise en charge des patients. Des scientifiques à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris), dirigés par le chercheur Inserm Benoît Chassaing, avaient montré chez la souris que la présence d’émulsifiants alimentaires dans de nombreux plats transformés pouvait favoriser l’inflammation au niveau intestinal. Dans une nouvelle étude, publiée dans Gastroenterology, la même équipe montre aujourd’hui chez des volontaires sains, que le carboxyméthylcellulose (CMC)[1], un émulsifiant alimentaire largement utilisé, impacte l’environnement intestinal en altérant la composition du microbiote. L’équipe souligne la nécessité de travaux complémentaires pour caractériser l’impact à long terme de cet additif alimentaire, ainsi que l’étude chez des individus souffrant de maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

Près de 20 millions de personnes dans le monde seraient touchées par les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, parmi lesquelles on compte la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques. Des facteurs génétiques ont été identifiés pour expliquer l’inflammation de l’intestin qui caractérise ces pathologies, mais ces prédispositions ne sont pas suffisantes pour expliquer à elles seules la survenue de ces maladies. Ainsi, depuis plusieurs années, de nombreuses équipes de recherche se sont penchées sur les facteurs environnementaux.
C’est le cas du chercheur Inserm Benoît Chassaing et de son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) qui s’intéressent à l’impact de l’alimentation – et plus spécifiquement au rôle de certains additifs alimentaires, comme les émulsifiants – sur le microbiote intestinal.
L’équipe a notamment étudié l’impact du carboxyméthylcellulose (CMC), un émulsifiant synthétique ajouté à de nombreux aliments transformés pour en améliorer la texture et prolonger leur durée de conservation. Des travaux menés sur des souris ont précédemment révélé que le CMC, ainsi que certains autres agents émulsifiants, altèrent la composition du microbiote intestinal et entraînent ainsi l’aggravation de nombreuses pathologies inflammatoires chroniques, telles que la colite, le syndrome métabolique et le cancer du côlon.
Dans de nouveaux travaux, les scientifiques ont donc cherché à vérifier si le CMC pouvait avoir le même impact chez l’humain car, bien qu’elle n’ait jamais fait l’objet de tests cliniques approfondis, cette molécule est de plus en plus utilisée dans les aliments transformés depuis les années 1960.
 
Étude clinique sur volontaires sains
Pour mener à bien cette étude clinique, les scientifiques ont recruté un petit groupe de volontaires sains. Les participants, logés sur le site de l’étude pendant toute sa durée, ont été divisés en deux groupes. L’un consommait un régime alimentaire strictement contrôlé et sans aucun additif, et l’autre un régime identique mais supplémenté par du CMC.
Au bout de deux semaines, les chercheurs et chercheuses ont observé que, chez les participants consommant du CMC, la composition en bactéries présentes dans l’intestin était modifiée, avec une diminution nette de la quantité de certaines espèces connues pour jouer un rôle bénéfique en santé humaine, tel que Faecalibacterium prausnitzii. De plus, les échantillons fécaux des participants recevant du CMC étaient très fortement appauvris pour de nombreux métabolites bénéfiques. Enfin, sur le plan clinique, ces participants étaient plus sujets à des douleurs abdominales et à des ballonnements intestinaux.
Des coloscopies réalisées chez ces volontaires au début et à la fin de l’étude ont également mis en évidence que chez un sous-groupe de sujets dans le groupe qui consommait du CMC les bactéries intestinales se trouvaient localisées plus proches des parois de l’intestin. Il s’agit d’une caractéristique observée dans des maladies inflammatoires de l’intestin et le diabète de type 2.

Si la consommation de CMC n’a entraîné aucune pathologie inflammatoire dans cette étude relativement courte, ces résultats confirment les données issues des études animales et suggèrent que la consommation à long terme de cet additif pourrait impacter négativement le microbiote intestinal et par conséquent favoriser les maladies inflammatoires chroniques ainsi que des dérégulations métaboliques chez l’humain.

« Nos résultats soulignent la nécessité d’études complémentaires sur cette classe d’additifs alimentaires, sur des échantillons plus larges et à plus long terme. Par ailleurs, nous souhaitons désormais mieux comprendre l’hétérogénéité des réponses au CMC entre les sujets. Pourquoi seulement certains individus développent des marqueurs inflammatoires à la suite de la consommation de ces additifs ? Certaines personnes sont-elles plus sensibles à certains additifs que d’autres ? Voici les questions auxquelles nous voulons répondre et pour lesquelles nous sommes en train de concevoir diverses approches », précise Benoît Chassaing.

L’équipe prévoit de nouvelles études cliniques et précliniques qui devraient permettre d’identifier des marqueurs moléculaires de sensibilité au CMC afin de mieux expliquer cette hétérogénéité. Des essais sur des groupes plus larges de volontaires atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont en cours pour identifier l’impact de l’additif chez ces patients.
[1] Le CMC est aussi désigné par E466 dans la liste des additifs notés sur les produits transformés.

 

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