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ROBOTIQUE

 

robotique

Science et technique de la robotisation, de la conception et de la construction des robots.

Réalité industrielle ou science-fiction ? La robotique évoque à la fois l'univers ultra-mécanisé des lignes automatisées de montage de l'industrie automobile et les sympathiques robots androïdes truffés d'électronique de la Guerre des étoiles. Le premier robot industriel a été installé en 1961 dans une fonderie d'aluminium américaine ; depuis, la robotique est devenue une réalité industrielle avec plus de 200 000 robots en service dans le monde. Dans les grands ateliers automatisés de production comme dans les petites et moyennes entreprises, ils assurent des tâches dangereuses, pénibles ou répétitives : manutention-transfert-conditionnement de pièces, assemblage et soudage électrique par points ou à l'arc, montage de composants électromécaniques, peinture au pistolet, découpe au laser ou par jet fluide à très haute pression….
Tout comme les machines-outils à commande numérique, dont ils empruntent la technologie, les robots sont des matériels programmables, donc polyvalents. Pilotés à l'aide de systèmes informatiques, ils peuvent être programmés pour exécuter des tâches diversifiées, contrairement à l'idée répandue, mais inexacte, du « travail robotisé ». Associés à d'autres machines-outils, à des convoyeurs, installations également programmables, éventuellement connectés à des ordinateurs munis d'écrans graphiques pour la conception informatisée des pièces, les robots s'intègrent aujourd'hui dans les cellules et les ateliers flexibles de production. On cherche ainsi à concilier deux objectifs : productivité élevée et flexibilité de la fabrication. Une même installation produit des pièces de taille et de configuration diverses grâce à l'ordinateur, qui optimise le fonctionnement de chaque machine.
À côté des robots industriels évolués, dont certains sont déjà associés à des caméras de vision pour le contrôle automatique, on met au point des engins mobiles autonomes faisant appel à des capteurs d'environnement et aux techniques d'intelligence artificielle.

DATES CLÉS DE LA ROBOTIQUE


1920    Création par l'écrivain tchèque Karel Čapek du mot « robot » (du tchèque robòta,travail forcé).
1945    Commande numérique étudiée à la demande de l'US Air Force.
Mise au point de télémanipulateurs pour l'industrie nucléaire américaine.
1954    George C. Devol dépose les brevets d'un robot programmable.
1961    Mise en service du premier robot industriel, Unimate,construit par Unimation d'après les brevets de G. C. Devol.
1968    Début de la robotique au Japon chez Kawasaki, qui acquiert ces brevets.
1970    Le C.E.A. étudie des engins mobiles d'intervention et de maintenance pour les installations électronucléaires françaises.
1973    La firme suédoise ASEA présente le premier robot « tout électrique ».
1977    Recherches sur la robotique avancée aux États-Unis et lancement au Japon du programme « Usine sans homme ».
1978    Les premiers robots de soudage français en service à l'usine Renault de Flins.
1981    Inauguration du premier atelier flexible français chez Renault Véhicules industriels à Saint-Étienne.
1982    Élaboration du concept de « productique » et lancement d'un plan par les pouvoirs publics français.
Premier robot industriel associé à un système de reconnaissance visuelle à l'usine Renault de Cléon.
1985    Wasubot,robot joueur d'orgue à l'Exposition universelle d'Osaka.
1988    Les systèmes électroniques de vision et les réseaux locaux informatiques se mettent en place dans les usines.
1990    La robotique s'intègre dans le concept de C.F.A.O. (conception et fabrication assistées par ordinateur).
 
Les grandes étapes de la robotique
i
L'homme a toujours cherché à construire des figurines animées à son image. Les premiers automates et jouets mécanisés apparaissent au ier siècle : les « mécaniciens grecs » d'Alexandrie utilisent alors les inventions mécaniques et hydrauliques d'Archimède : came, ressort, vis élévatoire… Le Moyen Âge et la Renaissance voient se développer des régulateurs pour moulins à eau ou à vent et surtout des horloges mécaniques de plus en plus perfectionnées, dont les personnages, mus par d'ingénieux mécanismes à picots, défilent et s'animent… Cette technique horlogère atteindra son apogée au xviiie s. avec les boîtes à musique, oiseaux chantants, tableaux animés et les célèbres automates androïdes de Jacques de Vaucanson : « le Joueur de flûte » et « le Canard digérateur ». À l'aide des cartons perforés de Falcon, Jacquard perfectionne le métier à tisser de Vaucanson, préfigurant la révolution industrielle. Mais il faudra attendre près d'un siècle pour que cette technique de programmation binaire soit appliquée aux machines-outils à commande numérique et aux robots.
La robotique industrielle, qui utilise toute la gamme des technologies pneumatiques, hydrauliques et électriques, se développe à partir des années 1960 grâce aux progrès de l'électronique, des circuits intégrés et des micro-ordinateurs.
Vers la robotique de service

Robot humanoïde
Cueillir des fruits dans les vergers, débroussailler la forêt landaise, nettoyer les quais du métro, faire le plein de carburant des autobus, extraire du charbon au fond des mines, souder sous la mer des oléoducs et explorer l'épave du Titanic, intervenir au cœur même d'une centrale nucléaire accidentée, réparer dans l'espace l'antenne d'un satellite, garder des entrepôts et même des prisons… mais aussi assister les handicapés, effectuer les micro-mouvements du chirurgien pour une opération délicate de l'œil, aider la ménagère dans ses activités domestiques…, autant de tâches variées qui relèvent de la robotique non manufacturière, appelée aussi robotique de service.
Celle-ci s'est développée parallèlement à la productique, mais plus lentement : elle requiert la maîtrise d'engins beaucoup plus élaborés que les robots industriels, notamment des plates-formes mobiles autonomes capables d'effectuer des tâches complexes et disposant de calculateurs embarqués et de capteurs de proximité et d'environnement afin d'éviter les obstacles. Ces robots commencent tout juste à émerger des laboratoires, mais ils représentent un immense champ d'application pour la robotique. C'est pourquoi ils font l'objet de programmes de recherche et de développement aux États-Unis (pour des besoins militaires) et au Japon.
En France, ces recherches commencent à déboucher sur des prototypes, notamment en agriculture, avec le robot de cueillette des fruits Magali du Cémagref, les robots de nettoyage du métro pour la R.A.T.P. ainsi que ceux de sécurité civile, utilisés pour le déminage et la neutralisation d'engins explosifs. On distingue six grandes familles de robots non manufacturiers : ceux travaillant en milieux extrêmes ou dans des ambiances hostiles à l'homme (nucléaire, espace, fond des océans) ; les robots de services professionnels (nettoyage) ; les robots agricoles et forestiers ; ceux des mines, du bâtiment et des travaux publics ; les robots d'application médicale ; enfin, les machines pour le grand public à usage domestique, mais aussi pédagogique.
De l'atelier flexible à l'usine du futur
La robotique s'intègre actuellement dans un concept d'automatisation plus étendu : la productique. Ce néologisme marque l'entrée de l'ordinateur dans les ateliers de production, à l'exemple de la Bureautique pour les travaux administratifs et comptables. Dans un atelier flexible d'usinage, les robots sont ainsi associés aux machines-outils à commande numérique et à des centres d'usinage polyvalents équipés de changeurs automatiques d'outils, tandis que les pièces à usiner sont acheminées aux différents postes de travail par des convoyeurs programmables ou des chariots mobiles autonomes filoguidés. La production est gérée en temps réel par des ordinateurs qui optimisent le temps de fonctionnement de chaque machine, tiennent compte des approvisionnement en outillage et en matières premières et réalisent l'ordonnancement optimal des fabrications en fonction des commandes reçues chaque jour. Minimiser les stocks, éliminer les pièces en attente devant les machines, changer de fabrication sans modifier l'implantation des machines sont les enjeux de la flexibilité recherchée.
On associe également à ces installations de production des postes de conception assistée par ordinateur (C.A.O.) : grâce à leurs écrans graphiques interactifs et à des logiciels spécialisés, ils permettent à l'ingénieur-projeteur de concevoir et de visualiser aussitôt des pièces et d'en étudier les méthodes de fabrication.

 

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UNE NOUVELLE SOURCE DE LUMIÈRE QUANTIQUE

 

Paris, 7 mars 2016
Une nouvelle source de lumière quantique

Une nouvelle source de photons uniques ultra-brillante, 15 fois plus brillante que les sources usuelles et émettant des photons indiscernables à 99,5% les uns des autres, a été mise au point par des chercheurs du CNRS, de l'université Paris Diderot et de l'université Paris-Sud1. Cette prouesse a été rendue possible grâce au positionnement, avec une précision nanométrique, d'une boîte quantique2 dans une microcavité optique. Un contrôle électrique permet en outre de réduire le « bruit » autour des boites quantiques, bruit qui rend habituellement les photons différents les uns des autres. Obtenus en collaboration avec des chercheurs de Brisbane (Australie), ces résultats permettront de réaliser des calculs quantiques d'une complexité sans précédent, premier pas vers la création d'ordinateurs quantiques. Ils sont publiés dans Nature Photonics le 7 mars 2016.
Le domaine de l'information quantique est un enjeu majeur pour l'économie à venir, les ordinateurs quantiques pouvant, théoriquement, être des centaines de millions fois plus rapides que les ordinateurs classiques. De nombreux systèmes sont explorés aujourd'hui pour développer ces futures technologies quantiques : atomes, ions, photons, etc. Les technologies quantiques optiques, qui utilisent la lumière comme vecteur de l'information quantique, ont connu des succès remarquables ces dernières années, tels que la communication de clés cryptographiques ou la téléportation quantique sur des centaines de kilomètres.

Cependant, les sources de photons disponibles aujourd'hui ne sont pas suffisamment efficaces pour utiliser l'information quantique à grande échelle. Ces sources doivent permettre l'émission d'un seul et unique photon par impulsion lumineuse, ce que l'on appelle la brillance, et il est nécessaire que chacun de ces photons soient parfaitement identiques à ceux précédemment émis, c'est-à-dire qu'ils soient indiscernables les uns des autres. Alors que le premier frein a été levé grâce à l'utilisation de boîtes quantiques, qui permettent l'émission d'un seul photon par impulsion lumineuse, aucune technologie ne permettait, jusqu'à aujourd'hui, l'émission de photons parfaitement identiques à des rendements suffisants pour une utilisation en optique quantique.
 
Le principal défi pour les chercheurs a été de réduire le « bruit » autour de la boîte quantique, tout en obtenant une forte brillance, qui limite habituellement l'indiscernabilité des photons. Les scientifiques ont donc positionné, avec une précision nanométrique, une boîte quantique dans une microcavité optique, une sorte de pilier micrométrique confinant la lumière. L'application d'une tension sur la microcavité permet de supprimer toute fluctuation électronique qui rendrait les photons émis discernables. En collaboration avec l'équipe du Pr. Andrew White à Brisbane (Australie), ils ont pu comparer ces nouvelles sources aux sources usuelles. Ils démontrent que ces sources de photons uniques indiscernables à 99,5% sont environ 15 fois plus brillantes que les sources usuelles : un photon unique indiscernable est collecté toutes les 6 impulsions excitatrices, contre 100 impulsions pour les sources lumineuses utilisées aujourd'hui. Par ailleurs, le processus de fabrication utilisé est le seul, à ce jour, à être parfaitement contrôlé et reproductible.

Ce résultat, attendu depuis longtemps par la communauté internationale, devrait donner un nouveau souffle aux technologies quantiques optiques grâce auxquelles des milliers de photons tous identiques pourront être manipulés pour réaliser des calculs quantiques d'une complexité sans précédent, un premier pas vers la création d'ordinateurs quantiques.


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LE RADIUM ...

 

Le radium, pour le meilleur et pour le pire


autre - dans mensuel n°315 daté décembre 1998 à la page 76 (3038 mots)
Il y a un siècle, Pierre et Marie Curie annonçaient à l'Académie des sciences la découverte d'un nouveau radioélément. Le radium... un mot magique qui connaîtra son heure de gloire dans l'après-guerre. On en trouve alors presque partout, dans les comprimés de pharmacie, les crèmes antirides, les savons, les dentifrices, les eaux minérales... Le produit séduit, attire et fait vendre. Ce succès commercial semble ne pas avoir de limite, jusqu'au jour où les soupçons commencent à émerger.

Vingt-six décembre 1898 : l'annonce de la découverte du radium à l'Académie des sciences ne passe pas inaperçue. Une année plus tôt, Marie Curie avait commencé son travail de thèse sur les étranges rayons uraniques, rayons découverts par Henri Becquerel une année auparavant1I. Utilisant un électromètre à quadrants, un quartz piézo-électrique et une chambre d'ionisation, elle cherche à savoir si l'uranium est le seul élément qui émet spontanément ce type de rayonnements. Très vite elle remarque qu'un minerai d'uranium, la pechblende, est beaucoup plus actif que l'uranium. En juillet 1898, dans un hangar de l'Ecole municipale de physique et chimie de Paris, elle découvre avec Pierre Curie le polonium2. Et en décembre, le couple isole le radium3. Celui-ci n'étant présent qu'en quantité infinitésimale, l'extraction qui permettra de définir son poids atomique doit se faire à l'échelle industrielle. Une lourde tâche à laquelle Pierre et Marie Curie s'attelleront pendant quatre ans4. En 1902, Marie Curie a réuni suffisamment de chlorure de radium pour déterminer ce poids atomique5...

La découverte du radium ouvre un nouveau champ de recherche en physique et en chimie. Les travaux scientifiques se multiplient en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche, au Canada et l'industrie naissante a bien du mal à répondre à la demande croissante en radium. En France, le laboratoire des époux Curie impulse et développe cette industrie en fournissant les conseils techniques, les procédures de traitement chimique des minerais, en formant des techniciensII. Mais les effets du radium n'intéressent pas que les spécialistes de la physique fondamentale. Ce radioélément semble avoir des propriétés thérapeutiques importantes. Les premières observations annoncées par deux Allemands, Otto Walkhoff et Friedrich Giesel en 1900 concernent le traitement de la peau. En juin 1901, Pierre Curie et Henri Becquerel publient ensemble une note sur « les effets physiologiques des rayons du radium »6. En novembre 1901, Henri Danlos, médecin de l'hôpital Saint-Louis, publie ses premiers résultats sur le traitement des lupus par du radium prêté par Pierre Curie7. Les résultats sur les maladies dermatologiques ainsi que sur les cancers de la peau sont encourageants. La thérapie utilisant les rayonnements du radium est essayée sur de nombreuses maladies réfractaires aux traitements connus : outre les infections dermatologiques, les cancers et la tuberculose8. Après l'attribution du prix Nobel de physique de 1903 à Henri Becquerel et aux Curie, la presse popularise le radium, mettant en avant les caractéristiques magiques de cette extraordinaire source d'énergie.

Le Français Armet de Lisle, qui possède déjà une usine de production de quinine à destination du monde médical, s'intéresse lui aussi de près aux applications thérapeutiques du radio-élément. A Nogent-sur-Marne, dans sa nouvelle usine entièrement consacrée à l'extraction du radium, il se lance dans la fabrication d'applicateurs qu'il tente d'améliorer afin d'économiser la précieuse substance radioactive. Sa succursale commerciale, « Banque du radium », propose bientôt une large gamme d'appareils. Mais son intérêt pour le radioélément dépasse le cadre strictement commercial : il finance la création et le fonctionnement du « laboratoire biologique du Radium », premier du genre spécialement dédié à l'étude des effets biologiques et médicaux du radium. C'est d'ailleurs dans ce même laboratoire que le docteur Henri Dominici met au point un tube qui connaîtra par la suite un énorme succès commercial, sorte d'étui cylindrique d'argent, d'or ou de platine contenant des sels de radium utilisé dans le traitement des maladies dermatologiques et cancéreuses.

Pendant plusieurs années, Armet de Lisle s'efforcera de convertir une communauté médicale réticente. La « Banque du radium » mettra à « la disposition de plusieurs membres du corps médical des hôpitaux des appareils à base de radium, utilisés pour le traitement de certaines affections » . Dans une circulaire de 1909, l'administration hospitalière « autorise les dames préposées de la Banque du radium à séjourner dans les hôpitaux, auprès des malades auxquels seraient faites des applications d'appareils » 9 .

A la veille de la guerre de 1914, la radiothérapie n'est encore pratiquée que dans peu de services hospitaliers. Sa pratique paraît écartelée entre deux situations extrêmes. En dermatologie, elle est considérée comme un traitement curatif à part entière. Ailleurs, elle n'est reconnue que comme méthode palliative, à utiliser seulement quand tous les autres traitements ont échoué. La position des chirurgiens français explique en partie cet état : ils ignorent la radiothérapie. La situation est bien différente à l'étranger, notamment en Allemagne où les chirurgiens jouent au contraire un rôle moteur dans le développement des thérapies radiantes10.

C'est la guerre qui contribuera à modifier grandement la situation de la radiothérapie en France. Le radium est utilisé par le Service de santé des armées qui, pendant la guerre, met en place trois centres de radiumthérapie à Paris, Bordeaux et Lyon. A partir de 1916, Marie Curie organise également dans son laboratoire de l'institut du Radium créé conjointement par l'université de Paris et l'Institut Pasteur, le « Service d'émanation », destiné à produire des ampoules d'émanation appelée radon par la suite pour les blessures de guerre. L'armée est ainsi le plus important acquéreur de radium pour des besoins thérapeutiques, mais également pour les peintures lumineuses. Le radium incorporé aux peintures prolonge en effet la phosphorescence du sulfure de zinc, ce qui permet de rendre lumineux même dans l'obscurité les cadrans, les aiguilles de montres et de pendules, les boussoles et divers appareils électriques11. La France compte alors quatre usines d'extraction : celle d'Armet de Lisle à Nogent-sur-Marne, celle d'Henri de Rothschild à l'Ile-Saint-Denis, celle de Jacques Danne, ancien chercheur du laboratoire Curie, à Gif-sur-Yvette, enfin une dernière usine à Courbevoie, elle aussi fondée par des anciens du laboratoire Curie. Bientôt, cette production nationale ne suffit plus à couvrir les besoins de l'armée. Le problème est accentué par le fait qu'aucun gisement riche en uranium n'est découvert en France. On achemine donc le minerai de l'étranger, ce qui bien sûr augmente les coûts de production... De plus, le radium reste un élément difficile et long à produire. Dans l'usine d'Armet de Lisle, pour une tonne de résidu de pechblende, cinq tonnes de produits chimiques et cinquante tonnes d'eau de lavage sont nécessaires. Après plusieurs mois de traitement, de cristallisations fractionnées en laboratoire, seulement 1 à 2 mg de bromure de radium très actif sont extraits.

Alors que l'industrie française de radium entame un déclin irréversible, la production américaine augmente grâce à la découverte de minerais dans le Colorado et l'Utah. A la fin de 1922, les Etats-Unis assurent les 4/5 de la production mondiale de radium. En 1923, l'arrivée sur le marché du radium belge marque véritablement le glas de l'industrie française. Son origine est africaine : un minerai particulièrement riche en uranium avait été découvert dix ans plus tôt dans les concessions de cuivre du Haut-Katanga dans l'ex-Congo belge. L'Union minière du Haut-Katanga devient donc dans les années 1920 le plus gros producteur de radium au monde.

La production mondiale de radium augmentant, les prix baissent sur le marché international, entraînant le ralentissement, voire l'arrêt de la production dans la majorité des pays. Pour fixer les idées, dans les années 1930, l'Union minière produit une soixantaine de grammes par an, alors que la production française d'avant-guerre se situait autour de trois grammes12.

L'Union minière produit tous les types d'applicateurs de radium : 1 300 à 1 400 appareils sont fabriqués par mois en Belgique et commercialisés un peu partout grâce aux revendeurs installés dans de nombreux pays13. D'autres industriels proposent également cette même gamme de tubes et d'aiguilles. Ces appareils seront utilisés selon des procédés divers et variés à la base de la « radiumpuncture ». Les tubes, aux formes et dimensions variables, sont largement inspirés des tubes Dominici, mais sont en général plus petits. Les aiguilles sont des tubes minces contenant du radium dont une extrémité est aiguisée pointe de l'aiguille et l'autre munie d'un chas par lequel on fait passer un fil de soie ou de bronze. Celui-ci sert à fixer les aiguilles dans les tissus et à les en retirer. Les procédés d'implantation étudiés à l'institut du Radium consistent à introduire le radium au sein même des tissus cancéreux. Ces applicateurs servent également pour les irradiations externes des téguments. Dans ce cas, ils sont maintenus grâce à des moulages en cire ou en plâtre adaptés à la surface à traiter14.

Dans les années 1920, une innovation importante apparaît en curiethérapie nouveau nom donné en France à la radiumthérapie : la télécuriethérapie. Cette technique représente, dans une certaine mesure, une imitation de celle utilisée en röntgenthérapie* : on éloigne la source radioactive des parties à irradier dans le but d'augmenter l'efficacité du traitement en profondeur15. Immobilisant des quantités importantes de radium, elle n'est accessible qu'aux centres qui ont des moyens importants. En France, la technique a été introduite par l'équipe de Claudius Regaud, grâce aux 4 grammes de radium mis à la disposition de la Fondation Curie en 1926 par l'Union minière du Haut-Katanga. Ces « bombes au radium » dénomination plus tardive annoncent les débuts d'une médecine lourde nécessitant des appareillages de plus en plus chers et volumineux.

Mais le radium n'intéresse pas seulement le monde médical. Dans les années 1920-1930, l'usage du radioélément s'étend dans des domaines des plus variés qui vont de l'alimentation pour animaux aux produits de beauté. A cette époque, on imaginait bien que les irradiations à forte dose pouvaient être nocives - elles détruisent sans distinction cellules saines et cellules malades - mais on pensait qu'en petites quantités, elles pouvaient être stimulantes et bénéfiques.

En France, on trouve en pharmacie la crème Tho-Radia vendue selon la formule du Dr Alfred Curie un médecin qui n'a bien sûr jamais existé !. Cette préparation qui contient de très petites quantités de thorium et de radium, est censée effacer les rides du visage. Qui pourrait résister à son slogan publicitaire : « La science a créé Tho-Radia pour embellir les femmes. A elles d'en profiter. Reste laide qui veut ! ». Mais Tho-Radia a de la concurrence. La marque Radiumelys propose également des crèmes, des poudres de riz, des dentifrices et des sels de bains. Un autre cosmétique qui porte le joli nom de Radiocrèmeline est censé avoir un pouvoir sédatif et provoquer la multiplication rapide des couches cutanées. Avec la crème Activa, « on ne vieillit plus, mieux on rajeunit ! ». La poudre et la crème Alpha-Radium « porphyrisées par un procédé nouveau procure au visage le velouté mat si apprécié par la femme élégante ». D'autres techniques ont recours au radium comme la caoutchouthérapie, créée par le Dr Monteil. Ses mentonnières en caoutchouc radioactif ont des effets merveilleux si on les porte une demi-heure par jour. « Vous serez belle éternellement et toujours jeune, Madame » promet la notice. Mais tous ces produits ne contiennent pas forcément du radium comme en témoignent les nombreux procès avec expertise intentés par des consommateurs insatisfaits.

A côté des produits de beauté, on trouve à cette époque en pharmacie des pommades et des comprimés à base de radium : Tubéradine pour soigner la bronchite, Digéraldine pour favoriser la digestion ou Vigoradine pour lutter contre la fatigue. Les compresses Radiumcure sont célèbres pour calmer la douleur et empêcher l'inflammation et les pilules Radiovie sont préconisées par la réclame pour les anémiques, les neurasthéniques et les surmenés16.

L'un des produits qui a le plus de succès est sans doute l'eau radioactive. Les cures thermales, en vogue avant même la découverte de la radioactivité, ont maintenant une assise scientifique17. On n'hésite pas à mettre en place des installations sophistiquées pour attirer les curistes. Il ne s'agit plus de proposer uniquement de l'eau radioactive mais également de l'émanation à inhaler grâce à des appareils adaptés. Pour rentabiliser ces investissements, on installe les curistes dans des cabines qui accueillent plusieurs malades à la fois. Ces séances d'inhalation collectives qui durent environ une heure font la renommée de certaines stations thermales comme celle de Spa en Belgique. Et lorsque les eaux ne sont pas assez radioactives, on n'hésite pas à les recharger artificiellement en radioélément.

De nouveaux appareils d'extraction de l'émanation fabriqués par des médecins ou des physiciens seront utilisés en dehors des stations thermales. Quoi de plus agréable que de prolonger les bienfaits d'un traitement en optant pour une cure de boisson chez soi ? De nombreuses sociétés qui commercialisent déjà des produits au radium Erco, la Société d'application du radium, l'Office français du radium se lancent dans ce nouveau créneau. Elles proposent une eau radioactive « à domicile ». Leurs « cafetières à radium » et « fontaines à radium » feront partie des plus belles réussites commerciales du marché des produits radioactifs à destination du grand public. Leur principe de fonctionnement est relativement simple : une capsule de sels de radium est logée à l'intérieur de l'appareil, l'eau absorbe l'émanation et devient alors radioactive. La cure de boisson doit durer 21 jours, annonce la notice. On arrête ensuite une semaine et on recommence. Quant à la cure de bains radioactifs, elle implique une vingtaine de séances à 35°-38° degrés, deux ou trois fois par semaine et il est vivement conseillé de renouveler l'opération deux semaines après la fin du premier traitement18.

Mais l'être humain n'est pas le seul à bénéficier de produits au radium. Les animaux et les plantes y ont droit aussi. « Engraissez tous vos animaux de ferme ou de basse-cour avec Provadior, véritable provende française contenant du radium » annonce un fabricant. De nombreux engrais, faiblement radioactifs, sont proposés aux agriculteurs, tels Excitor Agral. La pratique s'appuie sur des résultats scientifiques qui tendent à démontrer le rôle stimulateur des fertilisants radioactifs sur la végétation et dans la préservation contre les microbes19.

Ce n'est que progressivement que l'on se rendra compte du danger des rayonnements. Les premiers alertés sont les travailleurs du radium. Plusieurs décès sont observés à l'institut du Radium de Londres, consacré aux applications médicales. Des analyses de sang sont alors entreprises sur tout le personnel de l'institut car les signes extérieurs de la maladie par exemple, les brûlures cutanées ne sont pas forcément présents. Les examens pratiqués en série pendant plusieurs mois révèlent des modifications dans la numération globulaire, en particulier chez les personnes qui ont été exposées pendant longtemps aux substances radioactives. Les études sur la santé des travailleurs du radium et des radiologues se multiplient un peu partout, aux Etats-Unis, en Italie, en Suède et en France. En 1922, une vaste enquête est lancée sous les auspices de la Röntgen Society de Philadelphie auprès de mille radiologistes américains. Le questionnaire comprend des données sur les conditions de travail, la santé et les examens sanguins. Parallèlement, une enquête est menée par une grande firme américaine de préparation de substances radioactives sur son personnel. Les résultats de ces deux études indiquent que les modifications hématologiques les plus importantes sont observées chez les médecins radiothérapeutes et röntgenthérapeutes. En France, une enquête conduite par Jacques Lavedan en 1921 à l'institut du Radium va se poursuivre sur plusieurs années. Le personnel de l'Institut est soumis à des tests réguliers tous les trois mois. Là encore, des modifications sont observées dans la numération globulaire mais l'interprétation des résultats prête à des controverses20.

Néanmoins ces travaux conduisent à la mise en place dans les laboratoires des premières mesures de protection contre les rayonnements. Dès 1921, la Röntgen Society de Londres publie une série de recommandations. L'année suivante, la même société fixe des règles de protection. Au dispensaire de la Fondation Curie, des murs en plomb sont installés dans les salles de radiothérapie qui utilisent les rayonnements les plus puissants. Les manipulations des tubes requièrent désormais pinces et instruments appropriés. Les tables de travail doublées de plomb intègrent des boucliers eux aussi plombés. Toutefois, malgré ces protections, des modifications hématologiques sont toujours observées sur les personnels. Les études reprennent donc pour tenter d'améliorer la protection21.

L'industrie, en revanche, ne semble pas vraiment préoccupée par le danger potentiel des rayonnements et les conditions de travail dans les usines restent dangereuses. Plusieurs cancers sont pourtant signalés chez des ouvrières qui utilisent une peinture luminescente au radium et affinent leur pinceau à la bouche. En France, d'anciens chercheurs du laboratoire décèdent. Marcel Demalander et Maurice Demitroux meurent en 1924 après plusieurs semaines de maladie et d'épuisement extrême. Tous deux travaillaient depuis plusieurs années dans l'industrie du radium. Dans la communauté des chercheurs, l'émotion est vive. Albert Laborde, un ancien collaborateur des Curie qui travaille lui-même dans l'industrie, dénonce les conditions de travail dans des salles sans aération. Le principal agent incriminé est en effet l'émanation du radium, le radon, et non pas les rayonnements externes. En 1925, une commission composée de Marie Curie, d'Arsène D'Arsonval, d'Antoine Béclère, de Paul Broca et de Claudius Regaud présente à l'Académie de médecine un rapport sur le contrôle et la réglementation des établissements industriels spécialisés dans la préparation des corps radioactifs22. Ses recommandations restent très générales et mettent surtout l'accent sur la nécessité de « s'aérer ». Fin 1934, le ministre du Travail classe les maladies liées à la fabrication des sels de radium dans la liste des maladies professionnelles au même titre que le saturnisme.

La même année, Irène et Frédéric Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle à l'institut du Radium. Pour les soins médicaux, les radioéléments artificiels à période de vie courte remplacent petit à petit le radium jusqu'à l'interdiction totale de son utilisation en France dans les années 1970. L'image du radium s'est entre-temps profondément modifiée aux yeux du grand public. La radioactivité est devenue l'objet de toutes les peurs. Quand et comment s'est opéré ce basculement ? S'il est difficile de dater le revirement de l'opinion, il ne fait pas de doute que les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki ont profondément marqué les consciences. Mais la perception du risque associé à la radioactivité et plus généralement au progrès technologique prendra de l'ampleur à partir des années 1970 avec la construction des centrales nucléaires et, plus tardivement, le problème posé par les déchets radioactifs.

 

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LE ROBOT ET LE TOUCHER ...

 

L'immatériel au bout des doigts


spécial robots - par Christian Laugier, César Mendoza dans mensuel n°350 daté février 2002 à la page 52 (2565 mots)
Après la vue et l'ouïe, le toucher fait son entrée dans les technologies virtuelles. Depuis quelques années, des dispositifs haptiques permettent de manipuler des objets simulés par ordinateur, d'éprouver leur consistance, et bientôt leur texture. Une première étape indispensable avant de pouvoir doter les robots autonomes de sensations tactiles.

Un stylo, une feuille de papier, un gobelet en plastique souple, des clés... autant d'objets, que nous manipulons quotidiennement sans les casser ni les déformer outre mesure. L'adaptation permanente de nos gestes à la nature des objets nous semble si évidente que nous n'y pensons quasiment pas. Pourtant, aucun robot « autonome » ne possède un réel sens du toucher : il faudrait qu'il puisse manipuler avec dextérité un objet à partir des données issues de ses capteurs tactiles et de la représentation virtuelle de la scène filmée par ses caméras. Selon Kenneth Salisbury1, qui a travaillé longtemps au Massachusetts Institute of Technology sur la dextérité des robots, la mise au point de tels artefacts est actuellement hors de notre portée. C'est pourquoi, comme plusieurs chercheurs en robotique, il a proposé de mettre au point d'abord des systèmes de télémanipulation doués de toucher virtuel.

De quoi s'agit-il ? L'objectif est qu'un opérateur humain puisse contrôler à distance de façon aussi naturelle et précise que possible. Pour cela, ledit opérateur doit pouvoir guider, dans un environnement simulé et interactif, une copie virtuelle de l'outil robotisé, qui lui transmette des sensations tactiles réalistes. L'environnement virtuel reconstitué pourra de surcroît intégrer des images réelles envoyées par les caméras du robot. Lorsque nous disposerons de tels systèmes, peut-être pourrons-nous tenter d'en équiper des machines totalement autonomes.

Le contrôle à distance de véhicules ou de bras robotiques par des ordinateurs et des opérateurs humains est déjà répandu. Les récentes opérations de téléchirurgie, largement diffusées par les médias voir l'article d'Olivier Blond p. 79, en sont une illustration spectaculaire, tout comme l'a été en 1997 l'exploration d'une portion de sol martien par un petit véhicule équipé de chenilles voir l'article de Francis Rocard p. 61. D'autres activités plus courantes, telles l'inspection et la maintenance d'installations nucléaires ou chimiques, ou encore l'exploitation des fonds marins, nécessitent aussi la transposition des capacités de perception et d'action de l'homme dans des environnements inaccessibles et dangereux. Dans toutes ces situations, les informations fournies par les capteurs équipant le robot sont utilisées pour la modélisation de l'environnement où il évolue, et l'opérateur est « immergé » dans une reconstitution virtuelle de cet environnement.

Saut technologique. Nous savons, depuis de nombreuses années, créer des scènes virtuelles en trois dimensions, à partir d'une vue réelle ou d'un modèle purement mathématique voir l'article de Thierry Viéville p. 42. Nous savons aussi synthétiser des sons divers. En revanche, la sensation de toucher des objets virtuels restait inconcevable, il y a seulement une dizaine d'années. Pourtant, c'est une perception indispensable pour effectuer des manipulations précises, comme l'exige par exemple la chirurgie.

L'apparition, au début des années 1990, de nouveaux types d'interfaces électromagnétiques et électromécaniques, appelés systèmes haptiques du grec haptein , toucher, ainsi que les progrès de la réalité virtuelle rendent désormais accessible ce mode d'interaction. L'impact de ce saut technologique est comparable à celui de l'arrivée du son dans le cinéma muet de nos arrière-grands-parents. Avec les interfaces haptiques, notre objectif est de plonger l'opérateur dans un monde virtuel afin qu'il utilise au mieux ses canaux sensoriels pour piloter à distance un système robotique, tout en laissant parfois à celui-ci une relative autonomie. Ce principe a déjà été utilisé avec succès dès le début des années 1990 par l'aérospatiale allemande lors de la téléprogrammation d'opérations de manipulation simples exécutées par un robot dans une station spatiale. Toutefois, le procédé n'en est encore qu'à ses toutdébuts, de nombreux problèmes restant à résoudre.

Les systèmes haptiques ont des formes et des caractéristiques variées qui vont du bras articulé à retour d'efforts aux gants munis de coussins d'air actifs, en passant par des exosquelettes*, ou encore des systèmes vibro-électriques. Quelques dispositifs de ce type sont actuellement commercialisés : des bras à retour d'efforts comme le Phantom de Sensable Technologies Inc. ou le Laparoscopic Impulse Engine de Immersion Corporation ; des gants sensitifs comme le Cybergrasp Glove de Immersion Corporation ; sans oublier les manettes de jeu haptiques à bon marché utilisées pour les jeux vidéos.

Ces systèmes réunissent deux fonctions. D'une part, ils permettent de guider une main ou un outil virtuel dans le monde simulé. Ce n'est pas le plus difficile à réaliser : en fait, en manipulant quotidiennement la souris de notre ordinateur, nous guidons, à un niveau très élémentaire, un pointeur virtuel sur l'écran.

D'autre part, le système haptique transmet en permanence des forces et des vibrations aux mains ou aux doigts de l'opérateur afin de lui donner l'illusion de toucher quelque chose, par exemple un mur lisse, ou une étoffe souple et texturée. Les spécialistes distinguent le « retour d'effort » et la « sensation tactile ». Dans le premier cas, l'opérateur reçoit du système des informations concernant surtout le poids, l'inertie, et la dureté des objets palpés ; dans l'autre cas, ce sont avant tout des données liées à la forme, à la texture de surface, et parfois à la température qui sont considérées.

Contact virtuel. L'une des principales difficultés rencontrées lors de la mise au point des dispositifs haptiques est liée à leur nature mécanique : ils présentent en effet des frottements internes, une inertie et des vibrations propres. Or, ces caractéristiques doivent être totalement compensées lorsqu'un opérateur humain fait effectuer des mouvements quelconques à un tel dispositif, faute de quoi il recevrait des informations dénuées de sens. Ce problème, longtemps sans réponse, est aujourd'hui résolu dans la plupart des situations, grâce aux nouvelles technologies issues de la robotique. La meilleure solution semble être aujourd'hui la mise au point de dispositifs dont la « transparence » est optimisée pour des types particuliers d'utilisation. Nous sommes encore loin de l'interface haptique universelle, par exemple d'un gant qui permettrait de saisir ou de palper toutes sortes d'objets virtuels dans toutes sortes de situations.

Cependant, la conception d'un dispositif haptique adéquat ne résout qu'une partie du problème. Encore faut-il que le calculateur, qui contrôle l'interface, lui envoie des commandes de nature à créer des illusions réalistes lorsque l'opérateur exerce une pression ou un mouvement de glissement sur une surface fictive à l'aide d'un doigt ou d'un outil virtuel.

Dès le milieu des années 1990, quelques chercheurs pionniers du domaine, tel K. Salisbury , ont proposé des modèles informatiques pour simuler quelques phénomènes physiques simples : un contact ponctuel avec une surface rigide, l'effet du frottement sur cette surface, ou encore le rendu d'une texture. Par exemple, lors d'un contact virtuel entre un outil virtuel et un objet virtuel, le système engendre une force instantanée, orthogonale à la surface de contact, dont l'amplitude varie en fonction des caractéristiques physiques de l'impact vitesse, rigidité des matériaux.... Un calcul exact de cette force serait très complexe, voire irréalisable dans certains cas. C'est pourquoi ces chercheurs ont imaginé de produire une force élémentaire dont l'amplitude est proportionnelle à la déformation locale due au contact, ce qui s'est révélé assez réaliste pour un opérateur humain.En pratique, l'effet est obtenu par la simulation d'un ressort plus ou moins rigide entre l'extrémité de l'outil virtuel et la surface de l'objet touché fig. 1 : plus le ressort est souple, plus on a l'impression de toucher un objet mou.

Les premiers systèmes haptiques ont toutefois montré les limites de ce principe simple lorsque le contact se prolonge dans le temps : des instabilités et des phénomènes de saturation produisaient des sensations de contact irréalistes. Un remède simple a alors été proposé par les mêmes chercheurs : l'ajout d'une force dite « d'amortissement visqueux », proportionnelle à la vitesse relative de la main et de l'objet virtuel. Suivant les valeurs que l'on donne aux coefficients de proportionnalité des forces de contact et d'amortissement, l'opérateur peut avoir la sensation de toucher un mur rigide ou une surface spongieuse.

L'étape suivante a consisté à reproduire des perceptions réalistes des formes et des états de surface frottements et texture. En se fondant sur les principes que nous venons de décrire, les chercheurs ont rapidement montré que c'était faisable à l'aide d'une modulation temporelle des forces de réaction transmises à l'opérateur. Ainsi, une modification appropriée de la direction de la composante orthogonale de la force de réaction rend compte de la forme de l'objet lors de l'exécution de mouvements de palpation. Un changement brusque de l'orientation de cette composante donne l'impression d'une arête vive ; une variation plus progressive, l'impression d'une surface courbée. De même, si la force transmise à l'opérateur est seulement orthogonale à la surface, alors la sensation est celle d'une surface glissante comme de la glace. L'ajout d'un terme tangentiel crée en revanche une sensation de frottement.

Enfin, les mécaniciens savent bien que la sensation procurée par la texture d'un objet résulte de la combinaison des effets produits par des variations microscopiques des états de surface et des frottements associés. Cela est plus difficile à simuler, bien qu'en théorie il suffise de répéter des séquences temporelles de forces de réaction précalculées ou paramétrées. Des travaux visant à reconstruire de manière réaliste des schémas temporels de forces à partir de mesures faites sur des objets réels sont en cours dans plusieurs centres de recherche tels que les universités Johns Hopkins, à Baltimore, ou British Columbia, à Vancouver. Les résultats déjà obtenus laissent supposer que l'on disposera bientôt de modèles réalistes utilisables à plus grande échelle, et pourquoi pas dans le grand public pour palper les produits que l'on désire acheter lors d'un shopping virtuel sur Internet.

Parallèlement à leur mise au point et à leur perfectionnement, ces modèles ont été implantés sur des ordinateurs reliés à des dispositifs haptiques. Pour obtenir des illusions réalistes, et de plus concordantes avec les illusions visuelles produites sur l'écran de l'ordinateur, K. Salisbury et quelques autres ont proposé il y a quelques années2 d'utiliser une représentation locale simplifiée - à l'origine, un point et un plan tangent à l'objet - du contact entre l'outil virtuel et l'objet, ainsi que quelques astuces informatiques.

Fréquences incompatibles. Ainsi, l'un des premiers problèmes importants que nous avons rencontrés était la pénétration quasi systématique de l'extrémité de l'outil virtuel dans l'objet, même dans les cas d'interaction aussi simples que le contact d'un doigt sur un mur rigide. C'était évidemment contraire à la physique ! C'était aussi une source de conflits perceptifs entre la vue et le toucher. Comment y remédier tout en laissant une certaine flexibilité mécanique au dispositif haptique manipulé par l'opérateur ?

L'idée de base consiste à associer une double représentation à l'outil virtuel. Un premier point est positionné sur l'extrémité de cet outil. Il représente le « bout du doigt » et il peut pénétrer fictivement l'objet, du fait de l'écart qui existe entre le modèle informatique et la réalité physique. Un deuxième point est relié au premier par une liaison élastique plus ou moins souple. Son rôle est de représenter le « contact physique » en se positionnant sur la surface de l'objet palpé à proximité du bout du doigt : c'est ce point qui est figuré dans la représentation visuelle de la scène. L'écart entre ces deux points donne alors une indication sur la force qui est exercée par l'opérateur lors de la palpation de l'objet, et donc sur la force de réaction à engendrer. Cette technique, proposée dès 1994 par K. Salisbury, a ensuite été étendue par d'autres chercheurs au traitement de cas plus complexes impliquant des formes diverses, des états de surfaces variés3 et des déformations locales4.

Toutefois, lorsque nous avons voulu, justement, traiter des scènes plus complexes, par exemple le glissement d'un doigt sur une théière virtuelle ou la palpation d'un foie virtuel, une seconde difficulté a surgi. En effet, la création d'une sensation tactile réaliste nécessite la mise en oeuvre de modulations de forces opérant à une fréquence assez élevée. Typiquement, la perception humaine met en jeu des fréquences allant de 300 hertz pour des corps mous soit 300 stimuli par seconde, à 10 kilohertz pour des objets rigides. Les ordinateurs dont nous disposons aujourd'hui peuvent assez facilement réaliser les calculs nécessaires pour de telles fréquences, lorsque l'on manipule des formes géométriques simples et rigides. Mais, pour des scènes virtuelles mettant en jeu des objets complexes et des phénomènes dynamiques variés tels que des déformations, la simulation avec interaction haptique devient vite hors de portée du calcul informatique. Les algorithmes de simulation, qui fonctionnent au mieux à une fréquence compatible avec la vision soit de l'ordre de 25 hertz, sont trop complexes pour que l'on puisse les faire opérer à des fréquences dix, voire mille fois supérieures.

Comment atteindre la fréquence requise par l'interaction haptique, quelle que soit la complexité de la scène globale simulée et donc la lenteur du processus de simulation ? La première idée qui nous est venue à l'esprit était l'extrapolation des forces à envoyer au dispositif haptique, à partir des échantillons fournis par la simulation. Cependant, cette méthode peut donner des résultats aberrants dès que l'on rencontre trop de discontinuités, par exemple la rupture brusque d'un contact ou encore la rencontre d'arêtes vives.

Afin de contourner cette difficulté, certains chercheurs ont imaginé de séparer totalement les fonctions de simulation visuelle et de rendu haptique, en utilisant pour cela un modèle local évolutif du contact entre l'outil et l'objet4. Ce modèle local est mis à jour par un modèle global qui fonctionne à la fréquence de la simulation, et il utilise généralement des formes simples comme des plans ou des surfaces sphériques pour représenter la forme de l'objet virtuel à proximité de son contact avec l'outil fig. 2. Le modèle local est ensuite utilisé à haute fréquence par le système pour calculer les forces mises en jeu par l'interaction haptique. La qualité des résultats expérimentaux obtenus à ce jour avec ce procédé permet de penser que l'on devrait pouvoir l'utiliser pour passer le cap de la complexité, par exemple lors de la prise en compte d'applications comme la simulation chirurgicale5.

Modèle global. Nous avons déjà constaté, toutefois, qu'il faut compléter cette approche lorsque les scènes sont réellement très complexes et très dynamiques comme dans la réalité. Les solutions les plus performantes que nous appliquons aujourd'hui pour reproduire les effets de la dynamique et des interactions entre objets virtuels soit les forces, les déformations, le mouvement, etc. utilisentun modèle global qui possède lui-même deux composantes complémentaires6 : un modèle géométrique qui gère les formes et le rendu graphique, et qui détecte les collisions et les contacts entre les objets ; un modèle physique qui calcule les déformations, les forces d'interaction induites, et éventuellement les ruptures ou les découpes de matériaux. Actuellement, les simulateurs existants ne permettent de traiter, sur des ordinateurs de bureau, que des scènes de taille moyenne comportant surtout des objets rigides.

Bien que des premiers résultats expérimentaux impressionnants aient été récemment obtenus en laboratoire sur des scènes plus complexes incluant des objets très déformables en particulier sur des simulateurs chirurgicaux, nous devrons encore progresser pour pouvoir réellement changer d'échelle et trouver de tels systèmes dans notre vie quotidienne. Néanmoins, ces résultats montrent que la technologie haptique offre de très grandes potentialités pour les interactions de l'homme avec les systèmes robotiques ou virtuels. On peut espérer que dans quelques années, elle sera utilisée de manière courante en téléchirurgie et pourquoi pas, à plus long terme, pour agir chez soi à distance par le biais d'un robot domestique.

Par Christian Laugier, César Mendoza

 

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