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LA RÉSISTANCE

 

 

 

 

 

la Résistance


Ensemble des actions menées, durant la Seconde Guerre mondiale, contre les occupants et leurs auxiliaires ; ensemble de ceux qui ont participé à ces actions.
Introduction
De 1940 à 1944, l'Allemagne hitlérienne domine le continent européen. L'ambition de Hitler est de modeler autour du grand Reich germanique (Grossdeutschland) une Europe inféodée, contrainte de mettre ses richesses humaines et économiques à sa disposition. Mais la nazification de l'Europe se heurte dans tous les pays à des actes de résistance, qui vont aller en s'amplifiant au fur et à mesure du durcissement des conditions d'occupation et de l'amélioration de l'organisation des réseaux de résistants.
Les objectifs de la Résistance sont militaires et visent à aider l'effort de guerre par le sabotage, le renseignement, le rapatriement des combattants (aviateurs par exemple) puis la formation de maquis. Ils sont également civils et cherchent à protéger les proscrits (communistes, Juifs, réfractaires) tout en formant l'opinion publique par la presse clandestine ou la diffusion de tracts… Ils sont enfin politiques, prévoyant, la victoire acquise, de prendre le pouvoir et de procéder à de profondes réformes.
Perçue comme une force occasionnelle, la Résistance n'est pas incluse dans une stratégie élaborée par les Alliés. Cependant la Grande-Bretagne, où se retrouvent les gouvernements exilés, devient la plaque tournante de tous les réseaux d'action et de renseignements vers l'Europe occupée. Les États-Unis fourniront progressivement en armes les mouvements de résistance, alors que l'URSS se préoccupera essentiellement des partisans soviétiques opérant sur les arrières allemands. Il existera de sérieuses divergences tactiques entre les Alliés : pour les Soviétiques, en effet, il importe d'intensifier les actions de guérilla, les attentats et les sabotages, alors que les Britanniques préfèrent, en accord avec les gouvernements en exil, limiter ces actions afin d'éviter des représailles meurtrières contre les populations civiles. Les difficultés ne cesseront pas entre les tuteurs occidentaux de la Résistance – SOE (Special Operations Executive) britannique, créé dès juillet 1940, auquel s'ajoute en 1942 un organisme américain, l'OSS (Office of Strategic Services) – et l'URSS, la Pologne étant la principale victime de ces divisions.
1. Naissance des mouvements de Résistance
1.1. Des débuts très précoces…
Les mouvements et réseaux de Résistance obligent les occupants à rester en alerte et incitent les occupés à secouer leur léthargie – interprétée dans un premier temps comme une adhésion à l'ordre nouveau. Le premier souci des vaincus est en effet de survivre ; c'est l'époque des disettes et du marché noir, du rationnement des vivres et des restrictions de toutes sortes. Aussi n'est-il pas étonnant que tant d'occupés se contentent d'attendre l'issue des hostilités en tentant de passer au travers des difficultés quotidiennes.

Désobéir à Hitler, c'est raccourcir la guerre
Cependant, la résistance s'affirme très tôt à travers l'Europe, que ce soit en Pologne, où, dès octobre 1939, on commence à collecter des renseignements sur l'armée allemande et à cacher des armes, que ce soit en France, où, en juin 1940 – le jour même où le maréchal Pétain demande l'armistice –, Edmond Michelet distribue des tracts reproduisant la phrase célèbre de Péguy, « Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend », que ce soit en Grèce, où deux jeunes patriotes audacieux réussissent, dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à décrocher l'immense drapeau à croix gammée qui flottait sur l'Acropole d'Athènes.
1.2. … et très humbles
Comme tous ces résistants partent de rien, il leur faut partout innover, sauf en Pologne, où les traditions de lutte nationale sont anciennes, et dans une certaine mesure en Belgique et dans le nord de la France, qui ont déjà eu l'expérience d'une occupation étrangère en 1914-1918. Aussi les débuts sont-ils souvent très humbles : refus muet, comme le décrit le Silence de la mer, de Vercors, publié clandestinement en 1942 ; gestes modestes et spontanés ou rassemblements populaires, par exemple à Marseille, le 27 mars 1941, devant la plaque commémorative de l'assassinat du roi de Yougoslavie (→ Alexandre Ier Karadjordjevic), laquelle vient de déclarer la guerre au Reich ; exécution de consignes lancées de bouche à oreille ou propagation du « V » de la victoire tracé sur les murs… Bientôt les petits noyaux du début s'étoffent : c'est le stade de l'organisation et de la structuration, qui se traduit par la mise sur pied de réseaux de renseignements militaires, de publications clandestines, de filières d'évasion.
1.3. Un but unique, des méthodes différentes
Si la Résistance s'étend ainsi à travers toute l'Europe, c'est que l'on trouve à la base le même but : la défaite de l'Axe. D'où la similitude des méthodes utilisées par les résistants dans la lutte clandestine, similitude qui s'étend à leurs formes d'organisation, à leurs échecs et à leurs succès.
Toutefois, l'importance de la Résistance varie notablement suivant les pays. Et les résultats sont très différents selon le degré d'union des différents mouvements, la désunion pouvant conduire jusqu'à la guerre civile, comme en Yougoslavie, où s'affrontent dès l'été 1941 les Tchetniks et les Partisans de Tito.
Par ailleurs, chaque résistance nationale présente des caractéristiques propres, compte tenu de la situation et des traditions historiques du pays, du comportement des troupes d'occupation, des données géographiques, de la proximité de pays neutres, aux frontières plus ou moins accueillantes – telle la Suisse pour les Français et les Italiens, ou la Suède pour les Norvégiens et les Danois – et, enfin, de l'aide inégale fournie par les Alliés aux divers groupes de résistance.
2. Les différentes formes de résistance
Les moyens de cette guerre souterraine sont multiples. Néanmoins, on peut esquisser trois modes d'action principaux : la résistance civile, improprement qualifiée parfois de passive ; la lutte armée ou résistance militaire ; la résistance humanitaire ou caritative.
2.1. La résistance civile
Graffiti, journaux clandestins

Journal L'espoir, organe officiel du Mouvement de libération nationale
Elle traduit le refus de la domination du vainqueur et consiste, en premier lieu, en une contre-propagande hostile à l'occupant, qui va des graffiti sur les murs et de la lacération des affiches ennemies à la fabrication et à la diffusion de publications clandestines en tout genre – tracts, journaux, caricatures, opuscules. Cette presse clandestine s'impose dès les débuts de l'Occupation dans tous les pays vaincus, afin d'y maintenir et d'y relever le moral.
Par exemple, aux Pays-Bas, où les opérations militaires n'ont duré que quatre jours – du 10 au 14 mai 1940 –, le Geuzenactie, modeste feuille ronéotypée, paraît dès le 15 mai ; en France, Jean Texcier publie ses Conseils à l'occupé dès le 14 juillet 1940. En l'espace de cinq ans, des millions de journaux sortent des imprimeries clandestines, poursuivant partout les mêmes objectifs : révéler les horreurs du nazisme, stimuler les tièdes, encourager les sympathisants, soutenir les combattants, développer chez les occupés, une hostilité systématique envers les nazis.
D'ailleurs, plusieurs des mouvements importants de résistance sont nés, particulièrement en France, autour de journaux clandestins : Franc-Tireur tirera à 165 000 exemplaires en utilisant douze imprimeurs successifs ; Combat consomme chaque mois trois tonnes de papier ; Jean Paulhan fonde avec Jacques Decour, qui sera fusillé par les nazis, les Lettres françaises ; Marc Bloch met sa plume au service de l'antinazisme.
Grèves, désobéissance, infiltration
Autres manifestations de résistance civile : les grèves, menées en dépit de la violence de la répression (l'une des plus marquantes est la grève des 22 et 23 février 1941, à Amsterdam, en signe de protestation contre les mesures antisémites et les arrestations de juifs) ; la non-exécution des ordres et des circulaires dans les administrations au niveau national ou local ; l'infiltration de résistants dans les postes de responsabilité des différents services publics. En France est instauré le NAP, ou Noyautage des administrations publiques, et le « super NAP » qui infiltre les ministères du régime de Vichy.
2.2. La résistance militaire
La lutte armée – celle des partisans et des saboteurs – frappe l'imagination et suscite l'admiration. Ne considérant pas la victoire finale comme acquise aux Allemands, les résistants commencent par cacher des armes et entrer en contact avec les services britanniques en attendant le jour où ils pourront constituer une armée secrète, se livrer à la guérilla sur les arrières de l'ennemi et participer par les armes à la Libération.
Espionnage et réseaux de renseignements
De fait, depuis Londres, les Britanniques et les gouvernements en exil envoient dans les pays occupés des agents et des techniciens radio pour recruter des volontaires qui, malgré les multiples arrestations, transmettront jusqu'à la fin de la guerre des informations capitales pour les Alliés. La plupart de ces réseaux de renseignements, premiers éléments en date de la résistance militaire, sont d'une remarquable efficacité. Les Polonais, en particulier, montrent une grande maîtrise, soit en Allemagne, où plus d'un million d'entre eux ont été requis pour travailler, soit en Pologne même, d'où ils font parvenir à Londres les premières informations sur l'arme secrète des Allemands, la fusée V1.
Réseaux d'évasion
Si les activités d'espionnage, qui débouchent sur la collecte et la transmission de renseignements concernant l'ennemi, sont essentielles, il faut parallèlement organiser des réseaux d'évasion, en particulier pour les aviateurs tombés en territoire occupé. D'où la mise sur pied de filières, telles que Comète, dirigée de Belgique par une femme, Andrée De Jongh – l'une des très rares femmes chefs de réseaux de la Résistance (avec la française Marie-Madeleine Fourcade, qui dirige le réseau de renseignement Alliance) –, ou Pat O'Leary (pseudonyme du médecin belge Albert Guérisse), qui se chargent de fournir des vêtements civils, des faux papiers, des cartes à ces rescapés (en général totalement ignorants de la langue du pays) et qui les convoient jusqu'à la frontière espagnole.
Attentats et sabotages

Dans le même temps, attentats et sabotages se multiplient dans toute l'Europe, obligeant les Allemands à vivre en état d'alerte permanente. Cependant, comme les occupants ripostent, sur l'ordre de Hitler, par des représailles sauvages et massives, la politique des attentats est l'objet de vives controverses, tant parmi les résistants qu'à Londres. En URSS, on multiplie les attaques systématiques contre les militaires allemands, malgré la répression meurtrière dont les populations civiles font les frais, car les Soviétiques estiment que ces vengeances de l'ennemi, qui sont disproportionnées, augmentent la haine contre les envahisseurs et renforcent les rangs des partisans.
En France, les attentats se multiplient à partir de 1943 : le maréchal von Rundstedt échappe de peu à la mort en août ; de juillet à octobre, le groupe de Missak Manouchian met en œuvre près de 70 attentats. Le rôle militaire de la Résistance va s'accroître (→ Francs-tireurs et Partisans français, FFI). Les premiers parachutages d'armes ont lieu dans le Cantal à la fin de 1943. Des maquis s'organisent, notamment en montagne. Celui du Vercors est anéanti du 21 au 27 juillet 1944 (→  bataille du Vercors). Ceux d'Alsace ont pour but essentiel de faire passer en Suisse des réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht ou la SS.

Face à ces actions militaires, Jodl, adjoint de Keitel, commandant suprême des armées d'occupation, indique que« des mesures collectives contre les habitants de villages entiers, y compris l'incendie […] doivent être ordonnées exclusivement par les commandants de division ou les chefs des SS et de la police » (6 mai 1944). Quelques semaines plus tard, la répression s'aggrave encore : « Il est à remarquer qu'on n'agit jamais assez durement. Il ne faut pas avoir peur de fusillades, pendaisons et incendies de maisons » (ordre du 27 août 1944).
Les attentats n'épargnent pas les collaborateurs : certains sont condamnés à mort depuis Londres par la cour martiale de la Résistance ; Philippe Henriot est abattu par des officiers de la Résistance en mission le 28 juin 1944 ; des membres du parti populaire français (PPF) de Doriot sont exécutés.
Partisans et maquisards dans les Balkans et en Europe orientale
Bien qu'elle fleurisse en France et en Italie à partir de 1943, la tactique de la guérilla – celle des partisans et des maquisards – se développe surtout dans les Balkans et en Europe orientale, où les méthodes d'occupation sont infiniment plus brutales qu'à l'Ouest. En Pologne se constitue, sous le nom d'Armée de l'intérieur, et en liaison avec le gouvernement en exil à Londres, une armée secrète.
En Yougoslavie, de véritables batailles rangées opposent les partisans de Tito aux divisions allemandes.
En Grèce, des guérillas communistes rivalisent avec les guérillas royalistes soutenues par les Britanniques du SOE ; il leur arrive cependant de collaborer, comme dans l'opération célèbre contre le viaduc enjambant le Gorgopotamos, non loin des Thermopyles, sur lequel passe l'unique voie ferrée reliant Salonique au Pirée (d'où est embarqué le matériel destiné à l'Afrikakorps du maréchal Rommel) : la coopération des deux principaux chefs de la Résistance grecque – le colonel Zervas de l'Armée secrète et le communiste Veloukhiotis – et d'un commando britannique parachuté d'Égypte permet, le 26 novembre 1942, de faire sauter le viaduc, interrompant le trafic du chemin de fer pendant trente-neuf jours.
En URSS, dès juillet 1941, Staline lance un appel à la radio qui donne l'ordre d'organiser des unités de partisans dans les territoires envahis, de faire sauter ponts et nœuds de communications, de couper les lignes téléphoniques, de mettre le feu aux entrepôts ; en vérité, ces actions ne prennent de la consistance qu'après 1942. Les partisans soviétiques restent étroitement liés à l'Armée rouge et intégrés à sa stratégie.
2.3. La résistance caritative
Cette forme de résistance se donne pour mission de venir en aide aux persécutés et d'apporter secours et protection aux diverses catégories de victimes : en premier lieu les Juifs, mais aussi les familles de résistants arrêtés et déportés. Elle leur fournit de l'argent, des hébergements, des « planques », des vêtements, des cartes d'alimentation. De véritables laboratoires de faux papiers sont organisés ; des prêtres délivrent de faux certificats de baptême ; des homes d'enfants arrachent à la mort des milliers de victimes potentielles. On met également sur pied des filières de médecins exerçant clandestinement au profit de Juifs camouflés, de résistants blessés ou malades, tel le groupe Medisch Contact aux Pays-Bas.
L'aide de l'Église
L'aide aux Juifs mobilise beaucoup de personnes, en particulier les Églises chrétiennes, qui participent largement à cet effort de sauvetage et élèvent parfois des protestations publiques contre les persécutions : on peut citer les lettres pastorales du Synode général de l'Église réformée de Hollande, en septembre 1941 ; celles d'évêques catholiques français au cours de l'été 1942 ; et les proclamations de résistance spirituelle de l'Église luthérienne de Norvège.
2.4. La radio, arme essentielle de la Résistance


Émetteur radio destiné à la Résistance
La radio a été une arme à part entière du combat contre l'Axe. En effet, le moral des peuples occupés, livrés à l'oppressante propagande de l'ennemi, avait besoin d'être constamment soutenu, et leur volonté de lutte aiguillonnée. Aussi la TSF devint-elle dès le début un outil capital de la guerre psychologique. La BBC fut la plus écoutée des stations alliées, Radio-Moscou (qui possédait l'émetteur le plus puissant du monde et qui avait la plus longue expérience de propagande par les ondes) n'étant captée que dans les pays de l'Est et écoutée que par les communistes.
Les programmes diffusés par la Suisse, pays neutre, étaient assez recherchés en raison de leur réputation d'objectivité. Malgré les efforts acharnés des occupants pour brouiller les émissions de Londres, la BBC, qui diffusait dans toutes les langues et s'adressait à chacun des pays européens y compris l'Allemagne et l'Italie, a joué un rôle déterminant : elle a pu transmettre des consignes d'action à la masse de ses auditeurs et envoyer aux mouvements et réseaux de résistance des instructions sous forme d'innombrables messages codés. La BBC a beaucoup servi la Résistance gaulliste, le général de Gaulle – et avec lui la France libre – n'ayant eu pendant longtemps, pour la plupart des Français, d'autre existence que radiophonique.
3. La Résistance à l'ouest de l'Europe
3.1. Traits généraux
Elle associe résistance civile et propagande à une résistance plus militaire, tournée vers le renseignement puis la formation de maquis. On compte alors une dizaine de pays occupés : Pologne, Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, Yougoslavie, Grèce, territoires envahis de l'Union soviétique. Les régimes d'occupation varient néanmoins beaucoup, depuis l'occupation « douce » du Danemark jusqu'à la férule cruelle tenue sur la Pologne dépecée et réduite au « Gouvernement général » ou sur l'Ostland (Biélorussie et pays Baltes) et l'Ukraine, régions administrées par des Reichskommissare.
3.2. Pays-Bas
Aucun armistice n'a été signé ; la reine Wilhelmine est partie en Grande-Bretagne. La résistance sera surtout intellectuelle et morale (protestations contre les mesures antisémites). À partir de 1944 toutes les actions seront coordonnées, sur le plan militaire, par le prince Bernard, et sur le plan politique par le Grand Conseil de la Résistance.
3.3. Belgique
Si le gouvernement Pierlot a rejoint Londres, le roi Léopold III est resté en Belgique. La Résistance s'exerce d'une façon très efficace par les réseaux d'évasion et de renseignements. Tous les groupements armés s'unifient en juin 1944 (Forces belges de l'intérieur).
3.4. Norvège
Le roi Haakon VII et son gouvernement rallient l'Angleterre. L'exploit le plus spectaculaire de la Résistance sera la destruction de l'usine d'eau lourde (février 1943).
3.5. Danemark
Resté sur place, le gouvernement décide, devant les exigences allemandes, sa propre dissolution en août 1943. Des mouvements de grève générale se développeront à partir de l'été 1944.
3.6. La Résistance française
Une situation particulière

La Résistance française est une synthèse ; la France occupe une position particulière en raison : d'une part, de l'existence, d'une zone occupée par les Allemands et d'une zone « libre » (qui sera occupée à son tour en novembre 1942), d'autre part, de la présence, à Vichy, d'un gouvernement dirigé par le maréchal Pétain. En conséquence, la Résistance française revêt un double aspect : lutte contre l'occupant allemand, mais aussi lutte contre le régime de Vichy, sa « révolution nationale » et sa politique de collaboration.
Seuls quelques isolés réagissent au désastre et à l'armistice de juin 1940 (manifestation patriotique des étudiants parisiens le 11 novembre 1940, distribution des premiers tracts et des premières feuilles clandestines). La radio anglaise joue un rôle essentiel en faisant connaître de Gaulle et la France libre.
En zone occupée
En zone occupée naissent de nombreux mouvements de résistance (→ Musée de l'Homme, Valmy, Libération-Nord, Résistance, Organisation civile et militaire [OCM], Ceux de la Résistance) auxquels se joindront, après l'entrée de la Wehrmacht en URSS, les organisations du parti communiste (→ Front national et Francs-Tireurs et Partisans français).
En zone libre
En zone libre, la Résistance s'affirme de manière plus politique. Les activités s'organisent autour de trois grands mouvements : Combat, Libération et Franc-Tireur. Combat résulte de l'union du réseau Liberté, de François de Menthon, avec le Mouvement de libération nationale, organisation fondée par Henri Frenay ; Combat se ralliera à de Gaulle en 1942. Claude Bourdet ou Georges Bidault en sont membres. Libération-Sud est créé en 1941 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. En 1940 naît Franc-Tireur, qui organise le premier maquis près de Grenoble en janvier 1942.
Le BCRA
Dans les deux zones, des réseaux liés au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) ou aux services anglais, renseignent, sabotent ou aident à rapatrier les aviateurs alliés. À partir de 1943 se créent des maquis, structures d'accueil pour les réfractaires et futures bases opérationnelles destinées à aider les Alliés à la libération.
L'unification de la Résistance

Obéir c'est trahir. Désobéir c'est servir.
Quant à de Gaulle, pour affirmer la légitimité de son action vis-à-vis des Alliés, il a besoin de se faire reconnaître comme le chef d'une résistance unifiée. Tâche dont s'acquitteront, chacun à leur manière, Jean Moulin, Pierre Brossolette et le colonel Passy.
C’est plus particulièrement au préfet Jean Moulin, délégué personnel du général de Gaulle, que l’on doit l’unification de la résistance intérieure. Le 27 mai 1943, sous sa présidence, a lieu, à Paris, 48 rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) qu'il a mis sur pied. Cependant, Jean Moulin, vraisemblablement trahi, est arrêté le 21 juin 1943. Georges Bidault lui succède à la tête du CNR.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord (8-11 novembre 1942), cette marche vers l'unification est concrétisée par la fusion des trois mouvements de la zone sud dans les Mouvements unis de Résistance (MUR), puis par l'intégration des principaux mouvements, des partis résistants et des centrales syndicales clandestines dans le CNR. À Alger, de Gaulle constitue le Comité français de libération nationale (CFLN) dont, il devient le seul président après avoir écarté Henri Giraud.
Vers la libération de la France

En juin 1944, le CFLN est transformé en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Les Forces françaises de l'Intérieur (FFI) sont progressivement formées à partir du printemps 1944 et compteront sans doute quelque 500 000 hommes à l'été (chiffre à rapprocher des 270 000 « combattants volontaires » reconnus par les pouvoirs publics). Les FFI participent aux combats de la Libération sous les ordres du général Kœnig, notamment en harcelant les convois allemands qui montent vers le front lors des débarquements alliés. Enfin, une partie des FFI est intégrée à la Iere division blindée du général de Lattre de Tassigny.
La Libération

Après quatre ans de luttes, la Résistance s'est imposée. Sans exagérer son rôle militaire, elle a contribué à hâter la libération du pays. Elle est parvenue à éliminer les autorités vichystes et à accéder au pouvoir sans déclencher une guerre civile ; elle a obligé les Alliés à reconnaître le général de Gaulle comme chef légitime du gouvernement français. Deux forces politiques émergent de ses rangs ; de Gaulle (qui refuse de créer un parti à la Libération) et le Mouvement républicain populaire (MRP), qui regroupe les partisans de la démocratie-chrétienne (novembre 1944). Auréolé par sa participation à la lutte clandestine et le prestige de l'Union soviétique, le parti communiste bénéficie d'une grande influence et participera au gouvernement jusqu'en mai 1947.
5. La Résistance en Europe orientale
5.1. Traits généraux
Elle s'affirma davantage dans les maquis et dans la guérilla que dans la guerre psychologique ; plus qu'ailleurs elle a revêtu un caractère populaire.
5.2. Tchécoslovaquie
Aussitôt après les accords de Munich (1938), le président Beneš est parti à Londres. S'il y a peu de groupes armés en Bohême, les maquis sont nombreux en Slovaquie où ils opèrent en liaison avec l'Armée rouge.
Pour en savoir plus, voir l'article Tchécoslovaquie.
5.3. Les résistances polonaises
Après l'écrasement militaire et le partage du pays entre Allemands et Soviétiques, les Polonais endurent pendant cinq ans la plus effroyable des occupations. Réduits à l'état d'esclaves travaillant pour le peuple allemand, chassés et dépossédés de leurs terres et de leurs biens, soumis à une brutale politique de germanisation, ils réagissent en bloc à la volonté nazie de destruction physique des élites nationales.
L'Armée de l'intérieur
De 1941 à 1945, la Résistance polonaise se trouve néanmoins dans une situation très particulière par rapport aux autres pays européens : elle se compose de deux organisations rivales, d'importance inégale par ailleurs. Toute la Résistance reconnaît dans un premier temps l'autorité du gouvernement réfugié à Londres et gouverné par le général Sikorski. C'est cette Armée de l'intérieur (Armia Krajowa) qui déclenche la dramatique bataille de Varsovie le 1er août 1944, férocement réprimée par les Allemands. Alors qu'il semblait que l'Armée rouge pouvait libérer la ville, les troupes soviétiques marquèrent une pause dans leur progression, ce qui sera interprété après la guerre comme une volonté délibérée de laisser massacrer les résistants polonais non communistes.
Le mouvement communiste
Il est certain que cette attitude profita à l'autre mouvement de résistance, soutenu par l'URSS, qui avait un soutien moindre dans le pays. Ce mouvement, formé de communistes et dirigé par le gouvernement provisoire établi à Lublin dès 1944, finira par éliminer les représentants du gouvernement polonais en exil à Londres.
La résistance juive
En Pologne se développe également une résistance juive, la plus puissante d'Europe, avec de petits groupes de partisans qui opèrent dans les forêts, aux confins de la Biélorussie et des pays baltes. Mais la grande épopée de cette résistance est l'insurrection du ghetto de Varsovie, où survivent, en avril 1943, environ 70 000 Juifs : le 19, un millier de combattants décidés à « mourir dans l'honneur » se dressent contre les troupes allemandes ; ils combattront pendant vingt-six jours avec acharnement, tandis que le ghetto sera incendié et démoli maison par maison.
5.4. Yougoslavie
Dans les Balkans, la lutte contre l'occupant prend la forme d'actions de guérilla conduites par des francs-tireurs que les Allemands dénoncent comme des « terroristes » et contre lesquels ils exercent une répression féroce. La Yougoslavie offre l'exemple d'une guérilla victorieuse – favorisée, il est vrai, par la topographie : relief montagneux et tourmenté, régions cloisonnées, vastes étendues boisées – et d'une nation occupée libérée en large partie par ses propres forces, mais au prix de pertes terribles et d'une mémoire divisée et sanglante.
En effet, dès les débuts de l'Occupation, deux groupes distincts de résistants se constituent. D'un côté, le colonel Mihailović, patriote serbe anti-allemand et anticommuniste, rassemble d'anciens soldats et des paysans volontaires, recrutés essentiellement parmi les Serbes, et les organise en unités de Tchetniks.
De l'autre, de petites unités de partisans mobiles et pugnaces dirigés par Josip Broz, dit Tito, secrétaire général du parti communiste yougoslave, opèrent en Bosnie, en Dalmatie et en Croatie. Bientôt, ces dernières unités, qui résistent avec succès aux offensives de l'armée allemande, tandis que les troupes de Mihailovic se montrent passives et entretiennent des relations douteuses avec l'adversaire, apparaissent comme le noyau le plus actif et le plus efficace de la résistance.
La rupture éclate dès la fin de 1941, allant jusqu'à la lutte ouverte. Tito, qui préconise la formation d'une Yougoslavie fédérée après la guerre, obtient l'appui britannique. Son « armée de libération nationale » libérera seule le sol national, ne recevant l'aide soviétique qu'au cours des ultimes combats pour Belgrade.
Pour en savoir plus, voir l'article Yougoslavie
5.5. Grèce
Deux mouvements se disputent le pays : l'EDES, royaliste, et l'ELAS, communiste. Ce dernier l'aurait sans doute emporté à la fin de 1944 sans l'intervention des forces britanniques à Athènes.
5.6. Union soviétique
L'originalité de la Résistance russe est d'avoir opéré en liaison avec une armée régulière et sous les ordres d'un gouvernement demeuré dans le pays. La tactique de la « terre brûlée » fut particulièrement spectaculaire dans les territoires occupés par la Wehrmacht.
6. La Résistance dans les pays de l'Axe
6.1. Italie
D'abord émigrée, la Résistance au fascisme constitue, en décembre 1942, un front national d'action en Italie du Nord. Après septembre 1943, la Résistance se développe dans les territoires demeurés sous contrôle allemand et dans la république de Salo, près du lac de Garde. La Résistance est dirigée par le Comité de libération nationale, qui rassemble six partis (notamment les démocrates-chrétiens, les communistes, les socialistes et les libéraux), sous l'autorité de Ferruccio Parri, du communiste Luigi Longo et du général Cadorna.
6.2. Allemagne
Bien que l'opposition politique ait été muselée avec l'arrivée de Hitler au pouvoir, certaines voix s'étaient élevées dans les milieux religieux pour condamner la doctrine nazie. La tentative la plus marquante reste celle de militaires, conservateurs qui, convaincus de la défaite inéluctable, tentèrent d'assassiner Hitler.
L'Église luthérienne
Une partie de l'Église luthérienne s'oppose au projet des nazis de soumission au Reich. L'Église du Reich, qui reçoit l'aval du pouvoir hitlérien, est dominée par les Chrétiens allemands, une organisation satellite du parti nazi. Face à elle se dresse, à partir de 1934, l'Église confessante (Bekennende Kirche), animée par les pasteurs Dietrich Bonhoeffer et Martin Niemöller, qui critique ouvertement l'idéologie antisémite propagée par les nazis et la réinterprétation de la Bible par l'Église du Reich. Bonhoeffer est arrêté par la Gestapo et pendu le 9 avril 1945 ; Niemöller est arrêté en 1936, et malgré une campagne internationale en sa faveur, il est placé en camp de concentration comme « prisonnier perpétuel ».
Le Concordat signé le 20 juillet 1933 entre l'Église catholique et le Reich interdit à la hiérarchie catholique de s'immiscer dans la politique de l'État. Pourtant, certains évêques protestent contre la politique nazie ; ainsi, l'évêque de Münster, Clemens von Galen, dénonce l'extermination des malades mentaux, et de nombreux prêtres stigmatisent les exactions dont sont victimes les Juifs, tel le prieur de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg, au lendemain de la Nuit de cristal.
L'Orchestre rouge
Divers autres groupes ou individus mènent des actions de résistance. Au début des années 1930, le conseiller scientifique du gouvernement Arvid Harnack et le lieutenant Harro Schulze-Boysen forment l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, plus connue sous le nom que lui attribua la Gestapo d'« Orchestre rouge ». L'activité de l'organisation s'oriente à la fois vers la dénonciation du caractère criminel du régime nazi et l'opposition à la guerre ; le groupe se livre également à des activités de renseignements, informant l'Union soviétique de l'imminence de l'attaque de 1941, puis coopérant avec les Soviétiques en leur transmettant des secrets militaires. À la fin de 1942, l'organisation est démantelée, 119 personnes sont arrêtées et 50 sont exécutées. En 1942, l'organisation Harnack-Schulze-Boysen était entrée en contact avec la Rose blanche, organisation fondée à l'université de Munich par quelques étudiants et un professeur de philosophie ; le réseau de ce dernier groupe s'étend jusqu'à Hambourg et d'autres villes d'Allemagne, jusqu'à l'arrestation et l'exécution de ses membres, en 1943.
Femmes résistantes
Les femmes jouent un rôle important dans la Résistance allemande : le programme des nazis les excluent de fait de toute responsabilité, ne leur laissant que le choix d'être de bonnes mères allemandes vouées à la trilogie « Kinder, Küche, Kirche », soit « enfant, cuisine, église ». De nombreuses femmes paient leur résistance de leur vie ; citons Liselotte Hermann, communiste, arrêtée en 1935 et exécutée en 1938 ; Libertas Schulze-Boysen et Mildred Harnack-Fish, les épouses des fondateurs de l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, qui travaillèrent pour cette organisation ; Maria Terwel, qui aida les Juifs en leur obtenant des passeports et qui fut exécutée le 5 août 1943. Grâce aux importantes manifestations qu'elles organisent fin février 1943, à Berlin, des femmes « aryennes » – selon la définition des lois raciales de 1935, dites lois de Nuremberg – mariées à des Juifs sur le point d'être envoyés vers les camps d'extermination réussissent à obtenir la libération de leurs maris, soit quelque 1 700 personnes.
Généraux allemands
Dans la haute hiérarchie militaire du IIIe Reich, un certain nombre d'officiers allemands s'opposent à la guerre voulue par Hitler. La principale conspiration militaire débouche sur l'attentat du colonel Claus Graf von Stauffenberg contre Hitler, le 20 juillet 1944, attentat qui échoue mais tue cependant une vingtaine de personnes. Parmi les principaux officiers impliqués, le général Ludwig Beck et le maréchal Von Kluge se suicident une fois connu leur échec. Enfin, notons que Hitler échappa à plusieurs attentats, dès l'année de sa prise du pouvoir.

 

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HUMANISME

 

 

 

 

 

 

humanisme

Renaissance



Mouvement intellectuel qui s'épanouit surtout dans l'Europe du xvie siècle et qui tire ses méthodes et sa philosophie de l'étude des textes antiques.
HISTOIRE ET LITTÉRATURE
1. Un terme à la multiple et féconde ambiguïté

Le terme d'humanisme est l'un de ceux sur le sens desquels personne ou à peu près ne s'entend vraiment. C'est que le mot se trouve lié à l'évolution de la pensée occidentale, tout au long de plusieurs siècles de culture et d'histoire, comme en témoignent les emplois successifs des termes humanitas, humances, humain, humanité, humanisme, tous inséparablement liés.
En latin déjà, humanitas désigne ce qui distingue l'homme de toutes les autres créatures, ce qui, donc, est précisément le propre de l'homme, la culture.
1.1. Le Moyen Âge
Au Moyen Âge, on appelle humaniores litterae les connaissances profanes, telles qu'elles sont apprises dans les facultés des arts (notre actuel enseignement du second degré), qui ouvrent elles-mêmes accès aux facultés – de rang élevé – où l'on enseigne le droit ou la médecine. Elles se distinguent ainsi des diviniores litterae (lettres divines) : commentaires de la Bible, science de la religion chrétienne qui relèvent des éminentes facultés de théologie.
1.2. Le xvie siècle
Cette expression de lettres humaines se trouve encore employée au xvie siècle (Rabelais, Amyot) pour marquer la différence – qui n'implique pas opposition – entre la culture sacrée et un enseignement non religieux, dans lequel les littératures antiques sont venues s'ajouter à l'essentiel des disciplines scolastiques du curriculum médiéval.
Ce retour aux textes classiques, enseignés comme un complément nécessaire aux études de théologie qui, alors, sont les seules à compter vraiment, les écrivains du temps le nomment instauratio, restauratio, restitutio bonarum litterarum (établissement, rétablissement, remise en honneur des bonnes lettres). Certains, usant d'un style plus liturgique et plus imagé, parlent de reflorescentia (nouvelle floraison), renascentia (renaissance).

D'autres reprennent au latin le mot humanitas, que Rabelais traduit, en 1532, pour faire éclater dans le Pantagruel la fameuse formule lettres d'humanité, par laquelle il célèbre les littératures grecque et latine, envisagées comme un instrument d'éducation morale, à la fois philologie et philosophie, docte érudition et sagesse prudente. Aux érudits, nourris de ces lettres d'humanité, s'appliquera bientôt le nom d'humaniste (peu employé, il est vrai, en France au xvie siècle). Par leur culture littéraire et encyclopédique, ils se différencient des spécialistes étroits, ceux des questions juridiques, par exemple, et des théologiens, préoccupés des seules questions de la foi.
1.3. xviie-xixe siècles
Dès la fin du xviie siècle, avec l'organisation des collèges, on appelle humanités les classes qui font suite à celles de grammaire et dans lesquelles on enseigne les lettres antiques.
Humanisme, lui, se trouve essayé dans notre langue en 1765, au sens d'« amour général de l'humanité », signification qu'il a perdue au profit d'humanitarisme, apparu en 1837.
En fait, dans son sens historique et le plus précis, le mot humanisme désigne, depuis le dernier quart du xixe siècle, le courant littéraire et intellectuel qui, associé au réveil des langues et des littératures anciennes, porta, au xve et au xvie siècle, les érudits d'Europe à une connaissance passionnée, exacte et aussi complète que possible des textes authentiques et de la civilisation de l'Antiquité classique.
Dans une acception plus large, qui porte la marque du philosophe allemand du xixe siècle Hegel, humanisme s'entend de tout effort de l'esprit humain, qui, affirmant sa foi dans l'éminente dignité de l'homme, dans son incomparable valeur et dans l'étendue de ses capacités, vise à assurer la pleine réalisation de la personnalité humaine. Un tel effort peut, sans faire appel à aucune lumière, à aucune force surnaturelle, s'appuyer sur les seules ressources de l'homme. Il peut aussi postuler le secours de la grâce, d'une grâce qui ne détruit pas la nature, mais qui la restaure.

À la suite d'Érasme et de saint François de Sales (1567-1622) se développe un humanisme chrétien qui transcende et transfigure l'humanisme immanentiste en assignant un destin surnaturel à l'homme, corrompu, certes, mais racheté et appelé à collaborer, dans l'exercice même de ses devoirs d'homme, à l'œuvre de son salut.
Inséparable désormais d'un contexte historique, philosophique ou religieux, le mot humanisme, volontiers lié aujourd'hui à l'idée d'une civilisation aristocratique fondée et maintenue par les privilèges de l'intelligence, souvent associé aussi à la notion de culture de classe, prend presque toujours un sens polémique qui ajoute encore à sa multiple et féconde ambiguïté.
1.4. Tentative de définition

Par-delà ces querelles, peut-être pourrait-on s'accorder sur un essai de définition où n'apparaîtraient que les caractères essentiels de l'humanisme.
Dans cet esprit serait véritable humanisme toute philosophie de la vie humaine qui, prenant l'homme et ce qui le concerne comme le centre, la mesure et la fin supérieure de toutes choses, s'applique avec ferveur à connaître et à expliquer toujours plus largement la nature humaine dans ce qu'elle a d'universel et de permanent, à favoriser, dans un souci perpétuel de renouveau fondé sur la tradition, son plus harmonieux épanouissement, à défendre, enfin, au besoin, toutes les valeurs humaines là où elles peuvent se trouver, de quelque manière, menacées.
2. Histoire de l'humanisme français aux xve et xvie siècles
2.1. L'humanisme français héritier de l'humanisme italien ?
L'humanisme français et sa phase de plein achèvement, généralement appelée Renaissance, sont souvent présentés comme l'héritage direct de l'humanisme italien, qui, reprenant, prolongeant et amplifiant l'effort initiateur de Pétrarque (1304-1374), s'était développé au xve siècle, aussi bien dans les universités et les académies qu'auprès de papes comme Nicolas V et Pie II ou dans les cours princières de la péninsule, à Florence tout spécialement.
Il se dit volontiers que cette renaissance des lettres antiques, qu'avaient favorisée, en Italie, l'éveil du sentiment national, le culte fidèle de tout ce qui avait fait la grandeur de Rome, les appuis intelligents d'un brillant mécénat, l'afflux (après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453) de savants grecs chargés de précieux manuscrits, passa les Alpes ultérieurement, en modifiant plus ou moins ses caractères dans chaque pays d'Europe où elle pénétrait.

Pour la France, un tel schéma demande assurément retouche ou, tout au moins, nuance. D'une part, il peut conduire à faire superbement oublier l'humanisme d'Alcuin (vers 735-804) moine conseiller de Charlemagne rédacteur de nombreux traités de rhétorique, théologie, grammaire et dialectique celui de l'école de Chartres au xiie siècle et l'intégration de l'aristotélisme dans la pensée médiévale. Il fait fi, d'autre part, de l'apparition en France d'un humanisme authentique contemporain ou peu s'en faut de celui du quattrocento italien.

Sans doute n'est-il pas question ici de nier ni même de diminuer l'importance de l'humanisme italien, dont l'influence sur l'humanisme européen reste indiscutable : la présence de Pétrarque et de Boccace à la cour pontificale d’Avignon au xive siècle contribue assurément à la diffusion des principes de l’humanisme en France. Et Pétrarque, Boccace, mais aussi Coluccio Salutati (1331-1406) et le Pogge (1380-1459) ont découvert à peu près tout ce que nous connaissons de la littérature latine. À la fin du xve siècle, Jean Pic de La Mirandole (1463-1494) proclamera l'article fondamental du credo humaniste dans son Discours de la dignité de l'homme.
Mais il serait imprudent d'imaginer la Renaissance française sur le modèle de la Renaissance italienne et tout à fait inexact de continuer à parler, sauf peut-être sur le plan esthétique, d'un retard d'un siècle de l'humanisme français par rapport à l'humanisme du xve siècle italien. Aux environs de 1400 se rencontre en effet, à Paris, dont l'université reste un intense foyer de culture, un humanisme qui ne concerne, en vérité, que des milieux assez restreints (Jean de Gerson, théologien et chancelier de l’université, et ses amis du collège de la dite université, dit « collège de Navarre » à raison de sa fondation par testament de Jeanne de Navarre, reine de France) mais qui, au niveau qualitatif, n'est pas indigne d'être comparé à l'humanisme italien de l'époque, avec lequel il n'est d'ailleurs pas sans rapports. C'est le moment où l'on commence à s'intéresser à la langue grecque dans notre pays, où Nicolas de Gonesse traduit (d'après le latin) un opuscule moral de Plutarque, où s'instaure à Paris le culte de Cicéron. Et bientôt, sous l'influence de Gerson, que renforce celle du Pétrarque de la docta pietas, cet humanisme naissant va s'imprégner de spiritualité monastique.
2.2. L'humanisme spiritualiste (1470-1547)
Une passion pour les Anciens

Commence alors, vers 1470, date de l'installation à la Sorbonne de l'atelier d'imprimerie de Guillaume Fichet (1433-vers 1480), une longue période d'humanisme à tendance essentiellement religieuse, d'expression latine d'abord, puis française à partir de 1530 : période des grands espoirs, des combats contre l'enlisante tradition scolastique, des désirs plus ou moins confus d'harmonieuses synthèses. Les humanistes de l'époque sont avant tout des « philologues » passionnés par les langues, les textes littéraires, la civilisation des Anciens, domaines auxquels ils joignent l'étude de l'hébreu, nécessaire pour les « saintes Lettres ». Ainsi Johannes Reuchlin (1455-1522), qui restaure la langue et la littérature hébraïques et, surtout, Guillaume Budé (1467-1540), grand seigneur, avec Érasme, des études grecques et latines en Europe.
Les papes eux-mêmes encouragent toutes sortes de recherches sur les traditions textuelles et religieuses – y compris des audaces que les Églises locales censurent, comme à Cologne, où le tribunal ecclésiastique veut condamner Reuchlin, qui s'est opposé à l'autodafé de livres juifs, alors que le pape emploie des bibliothécaires juifs à la traduction de la kabbale. Mais, en pratiquant les lettres anciennes dans un commerce aussi assidu, ces humanistes se familiarisent avec les philosophies du paganisme.
Le « divin Platon »

Chrétiens qui n'entendent rien abandonner des enseignements de l'Église, les voici séduits par Platon, le « divin Platon », christianisé par l'académie de Florence, remis en honneur par les soins de Marsile Ficin (1433-1499).
Celui-ci rassemble les humanistes, parmi lesquels Bembo, Politien et Pic de La Mirandole, en une académie, avec la protection de Cosme de Médicis, dont le petit-fils Laurent fonde la Bibliothèque médicéenne ; sous leur égide, Marsile Ficin traduit Platon et les platoniciens tardifs. Ficin, par son commentaire du Banquet, par sa Théologie platonicienne, par l'importance de ses travaux sur les néoplatoniciens donne alors, de façon au moins indirecte, un essor immense à toutes les spéculations spiritualistes et mystiques de l'époque.
Pendant plus d'un demi-siècle, c'est à travers Ficin traduit en latin qu'en France les érudits – et pratiquement eux seuls en cette période – eurent accès à l'œuvre multiple de ce Platon dont la philosophie essaie d'« ordonner les choses entre Dieu comme principe et Dieu comme fin », un Platon, il est vrai, plus ou moins déformé par ses commentateurs.

À partir de 1490, le platonisme se répand grâce à des humanistes entreprenants, dont le plus important, en France, est l'évangéliste Jacques Lefèvre d'Etaples (vers 1450-1537), qui étudie l'hébreu dans la grammaire de Reuchlin, publie, outre des ouvrages d'Aristote, des textes de Ficin, puis, en 1530, la sainte Bible en français.
Vogue du platonisme et triomphe de l'humanisme en français
Après 1530 s'ouvre une deuxième phase de la période spiritualiste de l'humanisme, au cours de laquelle Platon continue de s'affirmer le grand maître des âmes éprises d'idéal. Phase triomphante, d'expression désormais française, caractérisée par la plus franche exaltation de l'homme et de sa nature, par l'enthousiasme général né de la découverte émerveillée de l'incomparable qualité humaine. Les savants philologues du début du siècle ont gagné à la cause de l'humanisme un certain nombre de parlementaires, de bourgeois cultivés, avocats ou médecins. Quelques villes de province, Orléans, Bourges, Poitiers, Toulouse, Lyon surtout, s'éveillent à l'humanisme.
Certes, la victoire n'est pas obtenue d'emblée, et les imprimeurs préfèrent encore éditer de la littérature de colportage, des romans adaptés des œuvres médiévales plutôt que de risquer l'impression de textes antiques. Mais la fondation en 1530 du Collège des lecteurs royaux (actuel Collège de France) par François Ier prend valeur de symbole. Témoignage de l'appui accordé à l'élite élargie des humanistes par le roi et par sa sœur Marguerite d'Angoulême (ou de Navarre), l'établissement – qui connut, dès ses débuts, un très vif succès – favorise, en dépit de la Sorbonne, la connaissance exacte des antiquités classiques, qu'assurera bientôt, pour des centaines d'années, l'ouverture, en 1561, du premier collège des Jésuites.
Près de deux siècles plus tôt, le roi Charles V (1364-1380) avait déjà demandé à des érudits de son entourage de traduire les principales œuvres historiques et morales de l'Antiquité. À son exemple, François Ier encourage les traductions en langue vulgaire, qui se multiplient en format commode, aux environs de 1530, et donnent, enfin, à l'humanisme le droit de cité attendu dans les lettres françaises. C'est en français qu'Étienne Dolet (1509-1546) veut illustrer l'honneur de son pays dans son traité sur la Manière de bien traduire d'une langue en autre (1540), dont six rééditions en dix ans attestent l'intérêt qu'on portait à la traduction, promue désormais au rang de genre littéraire. Passent ainsi en français, chez les Latins : César, Cicéron, Juvénal, Perse, Salluste ; chez les Grecs : Appien, Diodore, Épictète, Euripide, Homère, Isocrate, Plutarque, Platon surtout, qu'on interprète toujours d'après le texte latin de Ficin. La littérature des vingt dernières années du règne de François Ier révèle à l'évidence la vogue mondaine de ce platonisme, dont l'influence se retrouve partout.
Rabelais

Ainsi, le platonisme christianisé contribue, pour une large part, à ce mouvement de pensée humaniste qui, dans les quelque quarante premières années du xvie siècle, semblait, avec la consolidation du pouvoir royal, la prospérité économique du pays, l'élargissement de l'horizon intellectuel par la découverte du Nouveau Monde et la redécouverte du monde antique, promettre la réalisation d'un nouvel âge d'or. De cette confiance dans l'homme et dans son avenir, l'humanisme érasmien de Rabelais fournit, sous les inventions bouffonnes du Pantagruel (1532) et du Gargantua (1534), la plus géniale et la plus optimiste des preuves.

Marguerite d'Angoulême
Avec Marguerite d'Angoulême (1492-1549) s'achève cette période religieuse de l'humanisme en France. Pour l'ondoyante Marguerite, le problème est d'insérer l'idéalisme platonicien dans une perspective authentiquement chrétienne, de réaliser la synthèse (devenue de plus en plus difficile par suite du durcissement des positions religieuses face à la Réforme) entre la philosophie antique et l'humanisme biblique. Sans doute Marguerite y parvient-elle en donnant à ce spiritualisme platonicien, qui la séduisait tant, le couronnement d'une mystique chrétienne du salut dans le ravissement.
Mais en fait, vers le milieu du siècle, devant les antagonismes violents où s'opposent Rome et la Réforme, devant les tentations paganisantes de la Renaissance et malgré l'influence persistante du platonisme sur les esprits et sur les âmes, s'assombrit, dans la tristesse des espoirs déçus, le visage d'un humanisme naguère encore éclatant, passionné, vigoureux comme Hercule qui le symbolisait si bien, avide des curiosités les plus diverses, ivre de tous ces pouvoirs merveilleux qu'il trouvait ou retrouvait à l'homme, saisi dans sa continuité à travers la variété des temps et la multiplicité des espaces.
En 1547, au bilan de victoire que croit encore pouvoir dresser l'antiaristotélicien Pierre de La Ramée, dit Ramus (1515-1572), répondent déjà les inquiétudes du Tiers Livre, où Rabelais ne peut plus proposer à la question du libre arbitre et de la volonté que la réponse provisoire d'une espérance prudente.
2.3. L'humanisme esthétique (1547-1560)
Une soif d'érudition
Au moment où, un peu avant 1550, la recherche religieuse qui avait animé l'humanisme de la période précédente se trouve engagée dans une impasse, alors que grandit dans la plupart des esprits la tentation du repli sur soi, du silence, voire de l'abandon, l'humanisme va s'épanouir de façon magnifique.
D'une part, l'érudition s'affirme plus vivante que jamais dans la fidélité à la vocation première de l'humanisme. L'édition d'Anacréon, d'Henri II Estienne (1531-1598), apporte aux Français, en 1554, des trésors inconnus.
À la même époque, Adrien Turnèbe (1512-1565) commente Cicéron, fournit les premières éditions de Philon, traduit Plutarque en latin ; Ramus multiplie les commentaires sur Aristote, Cicéron, Virgile, César, fait imprimer trois livres de mathématiques avant d'éditer bientôt deux grammaires du grec ou du latin, et Denis Lambin (1516-1572), autre lecteur royal, interprète, en ardent défenseur, les dix livres de l'Éthique à Nicomaque d'Aristote.
La Pléiade

D'autre part, l'humanisme reçoit son expression la plus belle grâce à ce groupe poétique, jeune, audacieux et fécond : « la Pléiade ».

En 1547, quand meurt François Ier, l'humanisme spiritualiste reste marqué de l'empreinte qu'y ont mise ses pionniers : des clercs, des érudits, presque tous des bourgeois. Humanisme d'élévation morale, c'était essentiellement un humanisme en prose, auprès duquel l'humanisme d'un poète, fût-il des meilleurs, comme Clément Marot, ne pouvait guère mériter considération. Mais la même année 1547, les premières œuvres originales de Jacques Peletier du Mans (1517-1582) – qu'accompagnaient une ode de Ronsard et un dizain de Du Bellay, tous deux à leurs débuts – font entendre à plein la voix de la poésie, d'une poésie écrite souvent par des plumes nobles, soucieuses de faire œuvre de beauté et mues par l'impérieux désir de l'aristocratique exercice de la création poétique.

Humanistes, les poètes de la Pléiade, entre autres Ronsard, du Bellay, Jean Antoine de Baïf (1532-1589), Rémi Belleau (1528-1577), communient dans le même culte admiratif de l'Antiquité que les écrivains de la période précédente, mais, chez eux, la réflexion savante et religieuse inspirée par les pensées des Anciens fait place à la sensibilité et à l'imagination fondées sur l'« innutrition », assimilation personnelle des plus exquises vertus artistiques des poètes grecs et latins. Loin de rêver à quelque synthèse intellectuelle, ils proclament le dogme du génie individuel, mettant ainsi un accent nouveau sur l'une des caractéristiques majeures d'un humanisme bien compris : le développement de la personnalité. Leur but, c'est de réaliser en vers, pour leur propre gloire et pour l'illustration de leur pays, cette adaptation française des lettres antiques déjà assurée pour la prose.

À l'Antiquité gréco-latine, les poètes de la Pléiade empruntent d'abord une conception nouvelle de la poésie, tirée de la théorie platonicienne de l'enthousiasme, des ornements de style, des motifs artistiques, et un certain nombre de formes poétiques comme ces odes (horaciennes ou pindariques) par lesquelles s'effectue dans nos lettres la résurrection intégrale de l'art lyrique antique. Puis ils vont chanter le poème de l'homme situé dans cet univers dont leur poésie cosmologique vient précisément de révéler les secrets, de l'homme appréhendé dans son aventure et confronté avec le destin du monde : ainsi, Peletier dans son Uranie (1555), Ronsard à travers ses Hymnes (1555-1556) et, à un moindre degré, du Bellay dans ses Antiquités de Rome (1558).
2.4. L'humanisme éthique et politique (fin du xvie siècle)
La Pléiade n'avait donc, jusqu'en 1560, rien abandonné de la passion pour les œuvres antiques, ni de la curiosité de connaître des humanistes de la génération antérieure. À travers les œuvres de Ficin, les poètes avaient découvert les richesses de Platon, à qui ils avaient dû, jusqu'alors, outre l'idée que la poésie était le mode suprême de la connaissance, cette même foi dans l'homme qu'avait proclamée l'humanisme de 1530. Mais, à cette confiance qu'avaient déjà altérée la sinistre affaire des Placards (1534) et le massacre des Vaudois (1545), les conflits religieux, puis les guerres civiles allaient porter un coup fatal à partir de 1560, date à laquelle on serait tenté parfois de croire – bien à tort – que l'humanisme est mort.
Humanisme éthique
En fait débute alors pour l'humanisme du xvie siècle une ultime période, éthique et politique, à dominante stoïcienne et dont la fin peut se situer, sans qu'il soit possible de préciser davantage, dans la première moitié du xviie siècle. Il est incontestable que, avant 1560, les humanistes, tout occupés de platonisme, se sont peu intéressés au stoïcisme, pourtant déjà mise en partie à leur disposition par l'édition érasmienne des Œuvres de Sénèque parue en 1527. Leur intérêt ne s’affirme vraiment que plus tard, sous l'influence des circonstances historiques et politiques, avec la véritable tragédie que vont vivre les Français de 1560 après le début des guerres de Religion.
Paraissent alors bon nombre de traités, édités ou traduits séparément, et plusieurs commentaires où, face à tous les méfaits et à tous les maux engendrés par les luttes fratricides, les contemporains puisent résignation et courage. C'est dans les « jours mauvais pleins de désolations » que le Lillois Alexandre Le Blancq traduit, en 1571, la stoïcienne Consolation à Apollonius de Plutarque, comme c'est pendant les guerres dites « de Religion » que Robert Garnier s'inspire des tragédies de Sénèque pour composer des drames remplis d'allusions à nos malheurs nationaux, et que Guillaume Du Vair rédige, en 1590, pendant le siège de Paris, sa Constance et consolation ès calamités publiques.

Doctrine d'action et de résistance, ce stoïcisme moral, plus ou moins imprégné de christianisme, qui était celui d'un Étienne de La Boétie (1530-1563), marque d'une manière prédominante, mais non exclusive, l'humanisme du dernier tiers du xvie siècle, avant de prolonger son influence chez des auteurs comme Jean-Pierre Camus (Diversités, 1609) et Corneille, puis dans les Passions de l'âme de Descartes, pour intéresser encore la pensée religieuse jusqu'aux environs de 1660.
Avec lui, l'humanisme du temps, volontiers compréhensif, accueille toujours le platonisme, qui se survit dans quelques milieux mondains et à la Cour et aussi (mais de façon bien limitée) l'épicurisme, dont les thèmes ne parviennent pas à imposer l'idée – bien humaniste pourtant – de la retraite, du retour à soi, qui eût dû parfaitement convenir en ces temps de si profond désarroi.
Plutarque
Mais l'influence la plus nette sur l'époque est celle – tout éclectique – de Plutarque, que Jacques Amyot (1513-1593) vient précisément de traduire. Plutarque n'est pas seulement l'auteur des Vies parallèles, qui exaltent les vertus héroïques des païens et qui ont ainsi renforcé les tendances stoïciennes de l'époque ; c'est aussi celui d'opuscules moraux d'inspiration souvent platonicienne, parfois dirigés contre les stoïciens et les épicuriens. Avec le Plutarque d'Amyot se trouve favorisé à la fin du xvie siècle le syncrétisme philosophique qui donne un visage si complexe et si riche à l'humanisme éthique de cette période.
Humanisme politique

Éthique, l'humanisme d'alors est devenu aussi, par la force, politique. Bon nombre de poètes qui, en 1550, avaient allègrement chanté leur confiance dans le temps, ajoutent à leur lyre, une dizaine d'années plus tard, une corde d'airain ; témoin, parmi d'autres, Ronsard dans ses Discours (1562). Les horreurs des guerres civiles, dénoncées avec une éloquence grave et simple par l'humaniste et érasmique chancelier Michel de L'Hospital (1505 ou 1506-1573), sont aggravées par l'abaissement moral de bon nombre de Français, par la corruption particulière des princes que pervertit trop souvent le machiavélisme, cette doctrine détestable des courtisans et des tyrans. Contre les idées de Machiavel s'imprime sans doute une littérature qui emprunte à la fois à la tradition chrétienne et à l'ambiguïté païenne. L'illustrent, en dehors du Discours de la servitude volontaire de La Boétie, les œuvres de François de La Noue (1531-1591), d'Innocent Gentillet, de Jean Bodin (1530-1596). Certains passages aussi de Montaigne (1533-1592), dont il faut préciser ici la place singulière dans cet humanisme de la fin du xvie siècle

Montaigne
Humaniste, Montaigne l'est assurément par son admiration pour les écrivains de l'Antiquité (chez qui il « pillote », jusque dans ses dernières années, citations et exemples), par son souci constant de « bien faire l'homme et dument », par sa volonté de retrouver partout et toujours l'« universelle et commune liaison » entre les humains.
Mais, devant les œuvres, les héros et la civilisation des siècles antiques (il connaît, d'ailleurs, assez mal le grec), Montaigne garde un esprit critique acéré dont n'avaient pas fait preuve les humanistes précédents. L'homme, pour lui, n'est plus le centre ni la raison d'être de toute la création, encore moins cette « merveille des merveilles » dont parlait Sophocle et qu'avait exaltée l'humanisme optimiste de Pétrarque à François Rabelais : « Il n'est pas dit, déclare-t-il dans l'Apologie, que l'essence des choses se rapporte à l'homme seul. » Cependant, cet homme, même ramené à ses modestes dimensions dans l'univers copernicien, garde le droit – et a même l'impérieux devoir – d'atteindre à « cette absolue perfection et comme divine de savoir jouir loyalement de son être ».
À la réalisation de cette légitime ambition servira chez Montaigne l'exploration des divers systèmes philosophiques de l'Antiquité. Non pour que l'homme moderne y redécouvre quelque modèle idéal, mais parce que, par l'analyse critique, méthodique, méthodologique des affirmations avancées par ces systèmes, il se cherche et il se trouve lui-même, dans le consentement lucide à l'humaine condition, dans le sentiment profond du rapport de reconnaissance qui doit unir l'être créé à son créateur. Avec Montaigne, l'humanisme français du xvie siècle s'enrichit de ce qui reste le meilleur de tout humanisme : il s'humanise.
3. Ailleurs en Europe

Le mouvement humaniste ne se limite pas seulement à l'Italie et à la France. Il gagna les Pays-Bas, où l'université de Louvain avait été fondée en 1425, où Érasme le rencontre auprès de Rudolf Agricola et d'Alexander de Heek (Hegius). Érasme est le phare de la nouvelle culture, encore très liée à la religion : ses éditions des Pères de l'Église, ses Dialogues et ses Adages, son Éloge de la folie (1511), ses réflexions sur le christianisme, sur la formation des princes chrétiens le posèrent en maître à penser de l'Europe. Une abondante correspondance le relia aux lettrés de tous les pays.
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L’humanisme brilla également en Angleterre dans l'entourage de John Colet (1467-1519) et de Thomas More (1478-1535) dont la célèbre Utopie (1516) prépara la voie à l'art élisabéthain.
L'Espagne (→ Juan Luis Vives, 1492-1540) connut de son côté un humanisme religieux et théologique. Le grand défenseur de l'humanisme y fut le cardinal Cisneros, qui fonda l'université trilingue d'Alcalá de Henares, d'où sortit la première Bible polyglotte. Mais, après une génération enthousiaste, les querelles religieuses envenimèrent le mouvement et les disciples d'Érasme furent pourchassés.

Reuchlin et Melanchthon (1497-1560) illustrèrent l'humanisme érudit allemand, dont la production littéraire demeure, au total, assez pauvre. En Hongrie, l'empereur Mathias Corvin (1440-1490) favorisa la renaissance des lettres antiques, dont Jan Kochanowski (1530-1584) est le meilleur représentant en Pologne. Partout, l'humanisme assura la restauration des études anciennes ; partout, il exerça une influence réelle sur la civilisation.
4. L'humanisme à l'œuvre
Rien ne serait plus faux, en effet, que d'imaginer l'humanisme comme un phénomène purement littéraire et rhétorique. Sans doute, les humanistes sont-ils, d'abord, de véritables savants, mais ces esprits curieux, acharnés au travail, ne vivent pas une vie ignorante du monde. Hommes pratiques, que rapprochent les uns des autres, dans la république des lettres, visites et échanges de correspondance, ils savent que les bonae artes doivent englober tous les domaines de l'existence. Mus par un sens très vif de l'histoire, que ne gêne point leur passion pour les sources antiques, ils entendent faire œuvre de philosophes, contribuer à la promotion d'une humanité libérée, capable, grâce à sa rénovation spirituelle, d'affronter, mieux qu'il n'était possible dans le passé, tous les problèmes de la vie, moraux, pratiques, intellectuels et philosophiques. Ainsi, la philosophie est, à l'image du macrocosme, dont l'homme est le microcosme, aussi vaste et aussi riche que l'Univers lui-même.
4.1. Humanisme et science
S'agissant de la science, à laquelle les Anciens avaient pourtant accordé une place importante, on ne peut dire que l'humanisme, nourri surtout de textes et d'auteurs, l'ait pleinement favorisée. Humanisme et science paraissent souvent se développer séparément et sans action directe réciproque. Les poètes dits « scientifiques » – Peletier, Ronsard, Maurice Scève, Baïf, Belleau, Du Bartas, d'Aubigné – sont tous de grands humanistes, mais ils demeurent, sauf de rares exceptions, étrangers à l'activité créatrice des sciences de leur temps.

En France, les vrais savants – comme Bernard Palissy (vers 1510-vers 1590), l'inventeur des émaux français, géologue et astronome, et, plus encore, le chirurgien Ambroise Paré (vers 1509-1590), qui ne savait ni le grec ni le latin – récusent l'autorité des Anciens, pour s'appuyer sur l'expérience, sur la pratique, sans laquelle il n'est pas, à leurs yeux, de véritable science. Cependant, cette pratique n'exclut pas forcément, chez tous les savants, le recours à la théorie, aux textes antiques oubliés, ceux d'Archimède par exemple, que l'humanisme précisément vient de remettre à jour et qu'un Copernic n'a peut-être pas méprisés, sachant, en humaniste accompli, que l'expérience du passé est nécessaire à la découverte de demain.
4.2. Humanisme et religion
Dans le domaine religieux, l'humanisme n'entraîne, au total, de paganisme que littéraire. Et mis à part quelques libertins, quelques rationalistes isolés, il n'affecte pas essentiellement la mentalité d'une époque qui voulut croire. Évangélique, l'humanisme est, d'abord, au service de la foi. Par la suite, bien peu d'humanistes passèrent à la Réforme, dont ils appréciaient l'effort philosophique et philologique d'épuration de la doctrine chrétienne, mais à laquelle ils se sentaient plus encore opposés, et dans le problème de la justification par la foi et dans la conception de la vie morale, où les réformés se plaisaient trop à leur gré à insister sur le néant de l'homme.
Sans doute un puissant mouvement sceptique traverse-t-il la seconde moitié du xvie siècle. Encore n'a-t-il pour conséquence que de séparer les domaines de la raison et de la foi. L'humanisme, pour Montaigne, ne suppose pas la croyance, il ne l'exclut pas davantage et il conduit, chez lui, tout naturellement au respect de la tradition religieuse. De quoi sera garante, lors de la Contre-Réforme française, l'alliance des catholiques les plus orthodoxes avec les disciples les plus sceptiques de Montaigne dans une croisade commune contre le calvinisme.
4.3. Humanisme et vie civile
Les « institutions du prince »
L'humanisme inspire également les attitudes de l'homme dans la cité. Pour les esprits du xve siècle ou du xvie siècle, l'organisation de l'État revêt une telle importance qu'on ne saurait mieux la comparer qu'à celle de l'Univers, la « court et l'estat d'ung prince terrien » pouvant être « apparagés [assimilés] », comme l'écrit Antoine Du Saix (1505 ?-1579), « à la ronde concavité et forme sphérique du firmament ». De ce cosmos politique, le prince est le soleil, par la sagesse de qui passe obligatoirement le bonheur du peuple. D'où ces multiples « institutions du prince », où la leçon antique renforce les instructions de la Bible pour prôner l'exercice d'une pieuse sagesse fondée sur les vertus cardinales, pour mettre le prince en garde contre les flatteurs et les médisants, pour lui rappeler sans cesse ses devoirs envers Dieu, envers son peuple, envers lui-même
Exhortation à la vie civile
D'où aussi ces appels à une active participation des citoyens aux affaires publiques comme Montaigne les entend lorsqu'il accepte, sur les ordres du roi, la mairie de Bordeaux. Exhortation à la vie civile qui s'accompagne souvent d'une incitation à la fierté nationale.
Incitation à la fierté nationale
Par nature, l'humanisme se colorait volontiers de cosmopolitisme, mais les œuvres antiques abondaient, par ailleurs, en exemples prestigieux d'amour pour la patrie. S'autorisant de ces vénérables précédents, les humanistes affirment avec force l'originalité de la pensée nationale. En France, où se développe le mythe nationaliste des Celtes et des Gaulois, des historiens érudits, comme Étienne Pasquier (1529-1615) dans ses Recherches de la France et Claude Fauchet (1530-1602) tout au long des Antiquités gauloises et françaises, étudient les origines de leur pays, que chante aussi Ronsard dans l'Hymne de France, que célébreront tous ceux qui, comme Marot ou du Bellay, sont sensibles aux charmes de leurs petites provinces natales.
Néoplatonisme, éducation, amour et mariage
Parallèlement, l'humanisme suscite un véritable renouvellement dans l'inspiration amoureuse : avec le néoplatonisme, l'amour que le courant courtois du Moyen Âge avait déjà spiritualisé prend une teinte nettement mystique. Y seront sensibles beaucoup d'hommes et surtout de femmes, qui répugnent aux platitudes et aux grossièretés de l'amour vulgaire.
L'humanisme, enfin, apporte ses secours dans de multiples circonstances ; ainsi, dans les problèmes de l'éducation, qui préoccupent, d'Érasme à Montaigne, tant d'auteurs d'« institutions puériles », soucieux d'assurer aux enfants, dès leur plus jeune âge, les rudiments du savoir et du savoir-vivre afin de les humaniser progressivement. Et aussi dans la question, sans cesse reprise, des rapports entre l'amour et le mariage, réalités que Montaigne (Essais, III, V) trouve sinon conciliables, du moins orientées de façon tout à fait différente, mais que tout un mouvement, qui va du platonisme chrétien de Marguerite de Navarre à l'humanisme dévot de saint François de Sales, veut absolument associer pour le plus grand bonheur de l'homme et de la femme, sur terre et dans le ciel.
Vie en société
Enfin, dans les diverses difficultés que soulèvent à chaque instant les nécessités de la vie en société. Dans ces domaines si variés, les Œuvres morales de Plutarque, synthèse complète de l'acquis d'une civilisation prestigieuse, apportaient à chacun réponse à sa mesure. Traduites par Amyot en 1572, elles connurent le plus vif des succès. Présentées dans l'habit seyant que leur avait taillé Amyot, les Œuvres morales ne parurent plus une œuvre traduite de l'Antiquité. Plutarque devint rapidement « familier par l'air françois qu'on lui avoit donné, si perfect et si plaisant » notait Montaigne (Essais, II, VII), qui ajoutait : « C'est nostre bréviaire. » De fait, les lecteurs pouvaient y apprendre comment distinguer l'ami du flatteur, quels remèdes trouver contre l'irascibilité, sur quels principes fonder l'éducation des enfants. Les jeunes mariés y recevaient d'utiles conseils pour la vie conjugale ; les citoyens, de sages indications sur l'administration des affaires publiques.
Plutarque apportait également le témoignage des vertueux faits de tant de femmes héroïques de l'Antiquité : parmi elles, la Gauloise Camma, dont la fidélité conjugale devait longtemps inspirer dramaturges et moralistes. Par là se trouvait fournie la solution au problème fondamental de l'humanisme, celui de savoir comment l'apport de l'Antiquité pouvait servir à l'éducation d'une pensée qui se savait chrétienne et se voulait moderne.
Ainsi, l'humanisme fut, en même temps que passion de connaître et culte de beauté, une attitude expérimentale et psychologique de l'homme, une « épreuve » de toutes ses forces, une véritable école de vie.
Sur le plan littéraire, son importance n'est pas moindre. Il donna leur pleine ampleur à des thèmes essentiels de notre littérature : nature, vertu, gloire, amour. Il favorisa le développement du genre du dialogue, dans lequel on voyait comme une manière d'« humaniser » un traité, et c'est sous l'influence de la littérature antique que naquit la tragédie française régulière, avec, notamment, la Cléopâtre captive de Jodelle (1532-1573). Il fut enfin l'occasion d'un enrichissement remarquable du vocabulaire et, s'agissant du style, il constitua une étape décisive dans la conquête de la précision et de l'harmonie.
Au-delà de sa définition la plus précise, lié au courant littéraire et intellectuelle qui marqua l’histoire européenne des xve et xvie siècles, l'humanisme est une philosophie qui se donne pour fin l'épanouissement de l'homme.
5. xixe-xxe siècles : quelles formes d'humanisme ?
Le xixe siècle, qui « invente » le terme d'humanisme, lui donne en fait des significations plus intéressantes que sa définition, puisque le terme naît chez Proudhon. « Homme » désigne alors plutôt l'individu, opposé à des systèmes ou à des régimes (politiques, économiques, sociaux) ; rien d'étonnant dès lors si, au nom de la révolte ou du progrès, les historiens appellent « humanisme » le mouvement d'idées du début de la Renaissance qui, d'une certaine manière, faisait de l'esprit critique individuel, de la promotion des individus hors de leur champ social selon leurs capacités, de l'inventivité des valeurs, de la pensée libre un instrument de lutte contre ce que le xixe siècle considère comme un obscurantisme médiéval religieux. On y oublie le rôle indéniable des langues anciennes, la religiosité platonicienne et l'appui aux princes.
Les aspects combatifs d'un socialisme utopique se diluent ensuite, le terme est repris hors de son contexte, et peut se retourner contre ses auteurs, taxé de matérialisme, de tyrannie au nom de systèmes.
Concrètement, « humanisme » peut finir par s'appliquer à toutes les opinions où chacun défend l'homme à partir de définitions différentes de ce qu'il est et devrait être. C'est ainsi qu'on a pu opposer Camus l'humaniste à Sartre le théoricien, et poser la question de savoir si l'existentialisme était un humanisme, ou encore s'il pouvait exister un humanisme marxiste.
Quelle que puisse être la vanité de telles questions, l'emploi actuel le plus fréquent du terme « humanisme » évoque souvent un contexte passéiste, quelque ennuyeuse vertu, et une certaine désuétude, même et surtout sous l'étiquette d'« humanisme moderne ». Mais il est vrai que le xxe siècle, à travers guerres et holocaustes, camps et goulags, idéologies massives et esthétiques de la « défiguration », a tout fait pour effacer la « nature humaine ».

 

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NÉOLITHISATION

 

 

 

 

 

 

néolithisation


Ensemble des innovations (agriculture, élevage, céramique, etc.) apparaissant au néolithique, qui amènent un changement du mode de vie (passage, notamment, du stade de la prédation à celui de la production).
La néolithisation, passage du paléolithique au néolithique, représente un ensemble de modifications économiques et sociales parfois radicales, mais aussi très progressives.
Une accélération des acquis culturels humains
Pendant tout le paléolithique, les hommes connurent un mode de vie remarquablement stable fondé sur la cueillette, la chasse et la pêche. Leur organisation sociale ne variait guère, faite de petits groupes plus ou moins nomades, et leur industrie elle-même évoluait peu. Le biface, principal outil du paléolithique, a été progressivement affiné et diversifié, mais son usage est resté le même pendant plus d'un million d'années. Parfaitement intégré dans la nature, l'homme exploitait, à l'aide d'un matériel simple, un milieu naturel d'autant plus riche que la pression démographique était réduite. Découverte essentielle, le feu permit une maîtrise de l'environnement, illustration de l’accélération progressive du développement des techniques et de la vie sociale, spirituelle et culturelle de l’homme.
La néolithisation, moment capital de cette accélération, est l'ensemble des processus mis en œuvre au début de l'holocène (période succédant à la dernière glaciation), et qui ont abouti à une organisation de la société telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Or, s'il est facile d'analyser les inventions techniques, il l'est beaucoup moins de cerner les mécanismes qui mettent en place une économie et des modes de relations sociales et intellectuelles nouveaux.
Le paléolithique final
Le contrôle des ressources alimentaires par l'homme ne s'est fait que très lentement. Ce n'est qu'à la fin de la période – quelques millénaires sur les milliers que compte l'ensemble du paléolithique – que l'accélération est manifeste.
La cueillette, la chasse et la pêche étaient des moyens efficaces de se procurer de la nourriture avec un minimum d'efforts. Peu nombreux, mobiles, n'occupant guère que les régions riches, les hommes du paléolithique se procuraient facilement ce dont ils avaient besoin.
Cependant, au paléolithique supérieur et final, on constate une modification de la situation : le grand nombre de sites connus illustre la forte croissance démographique, parallèle à l'amélioration climatique postglaciaire et aux innovations techniques.


Après la glaciation de Würm
Après la fin de la glaciation de Würm, vers − 10 000, l’amélioration climatique exceptionnelle ouvre d'immenses régions, riches en gibier et en produits de cueillette, à la colonisation humaine. On observe une véritable multiplication des armes de chasse et de pêche, notamment avec l'invention de l'arc, dont l'efficacité diminue le rôle de la collectivité dans la chasse au profit de celui de l'individu, ce qui va influer sur la taille des groupes.
La tendance générale est à la réduction de la dimension des outils (microlithisme) et à l'utilisation d'outils composites, c'est-à-dire formés de plusieurs pièces lithiques montées en série ; de nouvelles exigences technologiques apparaissent après une immense période de stabilité.
Les hommes du paléolithique final maîtrisent leurs activités avec un savoir-faire certain. La chasse se spécialise et devient saisonnière ; le territoire de chasse se réduit, d'autant qu'un intérêt certain est porté aux petites espèces et à l'intensification de la cueillette. De ce fait, le seuil de viabilité des groupes diminue, et ces derniers se limitent à une dizaine de personnes (famille nucléaire).


L'exemple natoufien
L'enracinement dans une région restreinte se consolide progressivement. L'exemple des Natoufiens au Proche-Orient, sans doute le groupe le mieux connu avant le néolithique, est caractéristique de ce phénomène. Leur culture (− 10500 à − 8200) s'étend d'Israël à la Syrie actuels. Les Natoufiens sont des chasseurs-cueilleurs ayant élargi leurs possibilités alimentaires : gazelles, oiseaux, poissons, tortues, céréales et légumes sauvages. S'ils ne sont pas à l'origine de la néolithisation, une partie de leur mode de vie l'annonce : sédentarisation partielle, réduction du territoire de chasse propre à chaque groupe (intensification de l'exploitation des ressources naturelles, liée à la croissance démographique), utilisation du matériel de broyage (transformation en farine de céréales sauvages), domestication du chien. Les Natoufiens construisent de petits hameaux faits de cases circulaires, et des fosses-silos. Les rites funéraires confirment cette identification à un territoire réduit. Le stockage des céréales sauvages aurait joué un grand rôle dans l'immobilisation du groupe.
Les Natoufiens ont donc une organisation double : les activités domestiques sédentaires se rapprochent du mode de vie néolithique, tandis que la recherche de la nourriture reste mobile, donc de type paléolithique. Il est possible que la raréfaction du gibier et des ressources en céréales sauvages autour des zones en cours de sédentarisation ait conduit à de nouvelles dispositions pour assurer une alimentation équilibrée.
Du prélèvement paléolithique à la production néolithique
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs disparaissent plus ou moins rapidement au cours du néolithique, bien que la collecte, la chasse et la pêche subsistent. De nouvelles activités, essentiellement liées à une stratégie alimentaire différente, se développent.


La naissance de l’agriculture
La naissance de l'agriculture se confond avec la recherche de produits alimentaires nouveaux, ce qui comprend aussi les techniques permettant de les consommer, notamment la mouture et la cuisson. Mais les hommes se nourrissaient depuis longtemps de produits de la cueillette, en particulier de céréales sauvages (blé et orge au Proche-Orient, riz en Orient, mil et sorgho en Afrique sahélienne, maïs en Amérique). Le passage de la notion de cueillette à celle de culture implique un mode de pensée radicalement différent, et demande des connaissances précises : sélection des graines, semailles à une date précise, préparation du terrain en forme de champ, assolement, fumure, irrigation, stockage (greniers-silos), cuisine.
Des stades intermédiaires ont existé, en particulier, la protection des espèces végétales utiles, par la destruction des espèces nuisibles voisines, et de la sélection, consciente ou non, d'un certain type de plants.
Ainsi, la céréale sauvage se reproduit plus facilement quand ses graines se détachent aisément de l'épi. Or l'agriculteur a besoin de graines restant sur un épi solide et sur sa tige pour en récolter un maximum en un temps réduit. Il en va de même pour les légumineuses, dont le rôle est essentiel dès le début des pratiques agricoles. La sélection des caractères désirés, presque automatique, est certainement à l'origine de l'agriculture.
L’exemple du Croissant fertile
C'est au Proche-Orient que le mécanisme des origines de l'agriculture est le mieux connu. À partir de − 8000, en Syrie et en Palestine, des groupements humains se fixent, cultivent le blé et l'orge (qui y ont leur berceau sauvage) dans des zones relativement humides pour subvenir aux besoins d'une population plus importante que celle des groupes ayant conservé un mode de vie paléolithique. Progressivement, tout le Croissant fertile – de la Palestine à l'Anatolie et aux montagnes de l'ouest de l'Iran – voit s'implanter des villages agricoles ; l'irrigation permettra un peu plus tard la conquête des terres plus arides.


Les débuts de l’élevage
L'élevage participe de la même recherche d'aliments nouveaux que l'agriculture ; il consiste à faire se reproduire intentionnellement des animaux spécifiques en vue de leur valeur économique.
La chasse intensive de la fin du paléolithique, sur le territoire réduit de communautés en voie de sédentarisation, avait raréfié le gibier, et l'idée de le conserver sur pied avait fait son chemin. L'élevage, au début, fut sans doute nomade, et l'homme se pliait au rythme physiologique et saisonnier de ses animaux. Son intervention se limitait probablement à un abattage sélectif pour équilibrer le potentiel de reproduction du troupeau. Cette stratégie n'est déjà plus celle du simple chasseur. Cependant, le terme d'« élevage » ne sera utilisé qu'à partir du moment où l'homme agit sur la reproduction du troupeau.
Le Proche-Orient n'est pas le seul centre ancien de domestication : le Sahara égyptien a vu la domestication du bœuf, peut-être aussi tôt qu'au Proche-Orient ; l'Asie, celle de divers bovins, du porc, du mouton et de la chèvre ; l'Amérique andine, celle de l'alpaga et du lama.


L'accompagnement technique
L'arc et la flèche, inventés à la fin du paléolithique, ont joué un rôle essentiel au néolithique, où la chasse reste une activité fondamentale. Mais les autres inventions sont liées aux nouveaux modes de vie : matériel de broyage, hache polie, destinés au défrichement des forêts primaires ; abattage et taille du bois pour la construction des maisons, le chauffage, la cuisson des poteries et des aliments, la fabrication des manches d'outil, faucille, et surtout pour la poterie.


L'importance de la poterie
La poterie est une invention capitale, permettant à elle seule la généralisation du mode de vie néolithique ; elle facilite considérablement le stockage (graines, liquides, farine), ainsi que la cuisson à l’eau, base de la cuisine néolithique. La poterie a été inventée en différentes régions du monde : au Japon, il y a plus de 12 000 ans ; au Sahara, vers − 7500 ; au Proche-Orient, où elle ne s'impose vraiment que vers − 6000 ; et donc bien après les premières expériences de sédentarité, d'élevage et d'agriculture ; enfin, plus récemment, en Amérique du Sud.
Le rôle de la poterie est également culturel : son abondance, la variété des techniques de fabrication, des formes et des décors en font un élément fondamental de distinction entre les cultures ; bien souvent, celles-ci sont désignées par leur poterie, comme le rubané (céramique linéaire occidentale) ou le cardial (culture à céramique cardiale) en Europe.


La société
L'économie nouvelle implique une organisation sociale plus stricte afin d'assurer une meilleure solidarité à l'intérieur de groupes devenus beaucoup plus nombreux et entre eux.
Le fait le plus ancien est la sédentarisation, qui n'est pas une conséquence de l'agriculture car elle la précède.


Les premiers villages
En effet, la sédentarisation débute à l'époque des derniers chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Dès le Xe millénaire existent en Palestine des protovillages, avec des cabanes rondes de 3 à 4 m de diamètre, et parfois plus, dont l'usage paraît diversifié (habitat principal et stockage).
Au néolithique précéramique, l'industrie du silex se dégage du microlithisme ; de véritables murs, ainsi que les divisions internes des cabanes rondes, apparaissent. À Jéricho, des constructions monumentales – tours, remparts – montrent déjà une maîtrise certaine.
Plus tard, le plan rectangulaire témoigne d'une organisation sociale plus complexe, où chaque famille dispose d'une habitation unique aux pièces spécialisées. N'ayant plus à se déplacer longuement, l'homme organise son espace de manière plus durable, et les villages regroupent des dizaines de maisons. L'exemple de Çatal Höyük, en Turquie, vers − 6000, est le plus significatif ; ce village (qui s’étendait, à son apogée, sur une douzaine d’hectares) a pu compter jusqu'à 5 000 habitants.
De nouveaux comportements sociaux
La sédentarisation est liée à de nouveaux comportements sociaux et économiques, et va de pair avec une spécialisation : éleveurs, agriculteurs, artisans, chasseurs. Certains se fixeront au village, d'autres parcourront le terroir.
Peu à peu, les groupes égalitaires, caractéristiques des chasseurs-cueilleurs, font place aux sociétés hiérarchisées, où certains individus joueront un rôle social plus important.
Les débuts de cette évolution sont difficiles à cerner au néolithique ancien : les premiers villages ne montrent pas d'exemples de hiérarchisation des maisons, tant au Proche-Orient que, plus tard, en Europe.
De même, l'art rupestre saharien ne met en valeur les différences sociales qu'à l'extrême fin de la période.
Au VIe millénaire, l'apparition de bâtiments exceptionnels – demeure de chef, maison commune, sanctuaire – est certainement liée au développement de l'agriculture. Mais à cette époque la néolithisation est achevée, ou en voie de l'être, au Proche-Orient.
De nouveaux éléments culturels
Plus probante est l'apparition de nouveaux éléments culturels, dont le rôle pourrait être essentiel dans la naissance du néolithique.
Les hommes du paléolithique montraient déjà un sens religieux tout entier tourné vers la nature, et qui ne semble pas faire référence à des divinités. On pouvait exalter, comme en Europe occidentale dans l'art pariétal (ou rupestre), des couples animaux (cheval-renne ; aurochs-bison) sans qu'il y ait de dieu animal. La représentation humaine était rare, à l'exception des vénus, statuettes en ivoire ou en pierre tendre du paléolithique supérieur.
Mais au Proche-Orient apparaissent vers − 8000 des statuettes représentant surtout des femmes et des taureaux, à un moment où l'agriculture en est à ses premiers balbutiements et où la céramique est absente. À Mureybet (Syrie), où l'élevage n'apparaît que vers − 7000, des crânes de taureaux sauvages sont scellés dans les murs des maisons.
La relation entre la femme et le taureau, c'est-à-dire l'alliance de la fécondité et de la force, ne constituerait sans doute pas les prémices idéologiques de l'agriculture et de l'élevage ; ce thème est en effet partout présent au Proche-Orient, dans des contextes culturels différents, et l'une de ses représentations les plus spectaculaires est la femme de Çatal Höyük accouchant sur un trône, entourée de panthères ; liée aussi au taureau, elle symbolise la vie et la mort, la bienveillance et la destruction. Ce thème sera classique en Mésopotamie et en Grèce préhellénique.
Les communautés néolithiques – premières sociétés paysannes – ont développé des idées religieuses orientées vers les préoccupations agraires : culte de la fertilité et de la régénération annuelle de la végétation, culte des morts et de l'identité communautaire dans le terroir. Ce sont là les origines des religions modernes.
Les causes et les mécanismes de la néolithisation
La néolithisation est-elle d'origine économique, sociale ou culturelle ? Longtemps les historiens ont cru que l'invention de l'agriculture et de l'élevage définissait le phénomène, mais on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien.


La théorie des oasis
Selon cette théorie, l'origine de la néolithisation, au Proche-Orient, serait à rechercher dans une oscillation climatique aride qui aurait contraint les animaux et les hommes à se rapprocher de l'eau.
La domestication aurait été facilitée par ce côtoiement. Il s'agirait donc d'une pression écologique négative, conduisant à une économie nouvelle. Cette théorie n'a pas été confirmée par les faits, puisque les conditions climatiques étaient bonnes à l'époque et que les premières manifestations de la néolithisation n'ont pas été économiques, mais sociales et culturelles.
Les activités économiques
La sédentarisation ainsi que de nouveaux comportements intellectuels ont largement précédé l'agriculture et l'élevage. Cela est valable tant au Proche-Orient qu'au Japon et au Sahara. Les nouvelles activités économiques seraient donc plutôt une conséquence de la néolithisation. Elle serait en outre à la base de l'apparition progressive de l'agriculture et de l'élevage, de la familiarité toujours plus grande des hommes avec les plantes et les animaux, qui a conduit à de nouveaux rapports avec la nature.


Les facteurs sociaux et culturels
La sédentarisation, antérieure au néolithique, est fondamentale puisqu'elle débute dans un milieu où le mode de vie est fondé sur la chasse et la cueillette. Mais la croissance démographique ne va jouer un rôle essentiel que lorsque la néolithisation est pleinement engagée – c'est-à-dire au moment où une initiative humaine décide de consacrer un maximum d'énergie à certaines plantes (céréales, légumineuses) et à certains animaux (chèvre, mouton, porc, bœuf).
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs, tout comme les premières sociétés paysannes, sont égalitaires, et quand les tensions internes deviennent trop fortes, le groupe essaime.
Or, au Proche-Orient, cela ne se produit pas ; le groupe a trouvé une solution aux éventuelles contradictions en créant de nouveaux rapports sociaux, et l'exploitation du milieu naturel par le biais de l'agriculture serait une de ces réponses.
La possible domination de la nature par l'homme
L'économie néolithique conduit à la division du travail et à l'économie de production ; cette mutation va progressivement modifier l'organisation sociale du groupe. D'ailleurs, l'évolution de la maison, qui de la case ronde passe à la maison rectangulaire à plan complexe et celle du village, qui évolue vers un groupe de maisons identiques et une hiérarchisation de l'habitat, épouse celle de l'économie.
L'importance du changement culturel se produisant au Proche-Orient, dans un milieu favorable, vers − 8000, est indéniable. La néolithisation aurait pour origine une initiative réfléchie de l'homme de la fin du paléolithique, qui prend peu à peu conscience de ses capacités à dominer la nature, alors même que celle-ci est sans doute encore capable de le nourrir, malgré un début de croissance démographique. Le changement de cap religieux, bien cerné au Proche-Orient, est la plus claire illustration du rôle de ces multiples facteurs spirituels.
Un phénomène lent et souvent partiel
Chacun des motifs évoqués peut être considéré comme une cause et une conséquence des mécanismes de la néolithisation. L'archéologie montre que celle-ci a été lente et souvent partielle : l'homme a pris ce qui lui convenait en manipulant les milieux végétal et animal par une succession de choix opportunistes.
Quelques exemples sont particulièrement probants : la céramique est bien plus ancienne au Japon et au Sahara central qu'au Proche-Orient ; au Japon comme au Sahara, l'agriculture est très nettement postérieure à la céramique, alors que c'est le contraire au Proche-Orient et en Amérique ; dans la vallée du Nil et au Sahara égyptien, l'élevage est antérieur à l'agriculture.
La chronologie de la néolithisation (invention, puis diffusion) illustre l'impossibilité de définir un processus unique d'apparition du néolithique.
Les centres de néolithisation
Si le natoufien n'est pas la première phase de la néolithisation au Proche-Orient, il présente déjà certains éléments caractéristiques, notamment l'habitat et le matériel de broyage.
Un peu plus tard apparaissent la pointe de flèche (transformation de la chasse) et les premières figurines féminines (nouveauté idéologique).
Au néolithique précéramique naissent les principaux éléments de la néolithisation dans trois régions : la plaine de Damas, le moyen Euphrate et la vallée du Jourdain.
À Mureybet, vers − 8000, il existe un village de maisons rondes accolées les unes aux autres, avec des toits en terrasse. L'agriculture n'est pas encore pratiquée, mais les céréales sauvages sont déjà utilisées. Seuls les gros mammifères sont chassés, et la pêche n'est plus pratiquée. La stratégie alimentaire diffère donc de celle du natoufien, où le milieu était exploité de manière indifférenciée.
À Tell Aswad, près de Damas, une véritable agriculture (blé, pois, lentilles, orge) existe dès − 7800, alors que le blé sauvage ne pousse pas autour du village, ce qui démontre une invention extérieure. Dans la région, l'agriculture (− 8000 à − 7000) est donc antérieure à l'élevage (− 7000 à − 6000), sauf au Zagros.
La céramique se généralise vers − 6000, alors que la néolithisation est achevée, même si certains groupes sont moins avancés que d'autres.


Le Sahara égyptien
Les habitants de la vallée du Nil, vers − 10 000, sont des chasseurs-cueilleurs. À l'époque, le Sahara, où s'achève une longue période aride, est vide ; il commence à se peupler vers −8000, à partir de la vallée, où la néolithisation débute, vers − 7000, par l'élevage bovin.
L'agriculture (blé, orge) n'apparaît que vers − 6100. Des villages sont attestés à la même époque. Dans la vallée, en retard par rapport au Sahara, l'agriculture n'apparaît pas avant − 4000.
L'économie de production et les nouvelles structures sociales y ont été le fait, au moins en partie, des pasteurs du désert occidental, contraints de quitter le Sahara en voie de désertification.


Le Sahara central
Dans les montagnes du Sahara central s'installe, vers − 7500, un centre autonome de néolithisation. La céramique, le matériel de broyage, la hache polie et l'arc y sont déjà présents, ce qui implique une origine plus ancienne. La chasse, la pêche et la cueillette sont les activités principales. L'agriculture pourrait débuter dès cette époque, en revanche, l'élevage n'apparaît pas avant le Ve millénaire. Mais on ignore s'il s'agit d'une domestication locale – le bœuf sauvage existe, mais pas la chèvre, ni le mouton – ou d'une importation en provenance du Sahara oriental.
L'Afrique du Nord et le reste du Sahara connaîtront une néolithisation progressive, qui sera plus tardive au Sahel. Plus au sud, il existe d'autres foyers de néolithisation, en particulier autour du golfe de Guinée et au Soudan. L'Afrique australe et orientale ne connaîtra l'agriculture et surtout l'élevage que vers le début de notre ère, en même temps que le métal.


L'Europe
La néolithisation de l'Europe, de la Grèce à l'Atlantique, est liée à une diffusion d'idées et à une colonisation. Dans le premier cas, il y a acculturation progressive de groupes qui perdent lentement leur identité ; dans le second cas, les colons néolithiques réduisent, sous la pression démographique, les territoires des derniers chasseurs.
L'idée d'une colonisation-invasion massive et rapide n'a plus cours aujourd'hui ; l'acquisition des caractères du néolithique ne s'est pas faite d'un bloc, et les échanges entre premiers fermiers et derniers chasseurs ont dû être nombreux. Ainsi, dans le midi de la France, le mouton est présent avant la poterie et l'agriculture. Ailleurs, la céramique a parfois précédé les nouvelles activités économiques.
Quoi qu'il en soit, l'apparition de l'agriculture et de l'élevage marque en Europe un retard sur la néolithisation au Proche-Orient ; il faudra plusieurs millénaires avant que les îles Britanniques et la Scandinavie ne soient touchées. Cela représente une lente migration des idées et des hommes, d'environ 25 km par génération, selon deux axes – l'un méditerranéen, l'autre danubien – et qui a réduit peu à peu la part des derniers chasseurs, avant leur disparition définitive.
Le premier néolithique européen comprend donc une société égalitaire, peu différenciée, et une agriculture itinérante.
Le néolithique ancien de la Méditerranée occidentale est caractérisé par sa céramique cardiale. Les influences néolithiques ont longé les côtes, acculturant peu à peu les groupes de chasseurs. La progression se poursuit le long de l'Atlantique jusqu'à la Vendée. La colonisation a probablement été moins importante que la diffusion des idées dans des groupes pratiquant de manière intensive la chasse et la récolte des légumineuses.
L'économie s'adapte aux biotopes méditerranéens, qu'elle dégrade rapidement. L'agriculture débute vers − 4900 en Provence, mais l'élevage du mouton est présent sur le littoral français dès − 6000.


L'Extrême-Orient
La Chine a vécu une néolithisation précoce, encore mal connue. Cette immense région possède une grande variété de climats, qui a permis toutes les combinaisons d'expériences. La Chine du Nord, autour de la vallée du fleuve Jaune, a cultivé le millet dès − 5500. Le porc, la poule, le chien sont domestiqués ; par contre, le bœuf et le mouton ne jouent qu'un rôle mineur. Au sud, la culture du riz est presque aussi ancienne : le village de Hemudu est daté de − 5000 à − 4700 environ.
La néolithisation s'étend, au Japon, sur une très grande période. Dès − 10 000, les chasseurs-cueilleurs se sédentarisent et fabriquent la poterie la plus ancienne du monde.
L'outillage lithique comprend, outre une tradition paléolithique, la hache polie, le matériel de broyage, l'hameçon et le poids de filet. L'arc date de − 9000, au moment où le microlithe est abandonné. Les premières cultures (sarrasin, courge, légumineuses, mûrier) datent de − 4600.
Les espèces domestiques ont été importées de Chine, ainsi que le riz, cultivé vers − 1400 seulement.


Les Amériques
La néolithisation y est un phénomène parfaitement autonome. Les milieux écologiques y sont encore plus variés que dans l'Ancien Monde. Ainsi, au Pérou, la domestication des plantes débute sur les hautes terres avec le haricot et la courge. Le maïs apparaît vers − 5500, la pomme de terre plus tard encore ; la domestication de l'alpaga et du lama se fait vers − 4500 et va jouer un rôle essentiel.
Mais, dans un premier temps, le mode de vie ne change guère : les hommes continuent à suivre les déplacements saisonniers des animaux. Sur le littoral, la sédentarisation est antérieure à l'économie néolithique ; l'économie agropastorale ne prédomine que vers − 2500. La céramique, qui apparaît à cette époque, joue un rôle plus modeste que dans l'Ancien Monde.


Au Mexique, la culture du maïs débute vers − 5700, et le coton est connu vers − 5000. Cependant, dans le bassin de Mexico, où les ressources naturelles sont accessibles toute l'année dans une même zone, la sédentarité date de − 6000, et précède largement l'agriculture.
Aux origines du monde actuel
La néolithisation se produit dans diverses régions du globe : Proche-Orient, Extrême-Orient, Sahara, Amériques. Des centres secondaires ont existé, à des époques très variées, et ont pu bénéficier d'expériences antérieures.
La néolithisation, qui s'étend sur des milliers d'années, est à la fois l'invention du néolithique et sa diffusion. Ce terme désigne en fait un niveau dans l'évolution de la société humaine, malgré les écarts chronologiques et la variété des formes. On comprend qu'il ne puisse être univoque, comme le montre l'importance des caractères partiels réversibles (première invention de la poterie sans lendemain au Proche-Orient, vers − 8000) ou atypiques, par exemple la disparition du néolithique au Sahara pour une raison de même nature que celle qui a provoqué son apparition : une crise climatique, humide au début et aride à la fin.
Mais le résultat de la néolithisation est identique : la croissance économique et démographique ainsi que les processus mentaux ont entraîné des modes de vie et des besoins nouveaux. Deux facteurs sont essentiels : l'un matériel – l'économie de production –, l'autre mental – le souci constant d'innover qui anime l'homme et qui fait suite à sa volonté de se situer désormais au centre de la nature, et non plus immergé en elle.
Le mouvement est allé en s'accélérant : l'invention de la ville, de l'État, de l'écriture, des grandes religions, de la guerre et de la métallurgie en découle directement. Enfin, la néolithisation a provoqué la première crise écologique de la Terre : la déforestation, attestée très tôt par l'archéologie, conduisit à une dégradation des sols dans nombre de régions, et à des modifications climatiques encore mal évaluées.
La néolithisation a-t-elle été une « révolution », comme l'a écrit le préhistorien britannique Gordon Childe ? Le terme a été encensé, puis banni. Mais les transformations ont véritablement été radicales, même si elles ont pris dans certains cas des millénaires – ce qui, tout compte fait, n'est qu'un bref instant à l'échelle des temps préhistoriques (→ préhistoire).
Après la fin de la dernière glaciation, celle de Würm, une multitude d'inventions techniques et de comportements nouveaux ont provoqué une rupture définitive entre l'homme du paléolithique et celui du néolithique, même si le mode de vie antérieur ne disparaît pas totalement. La rupture est en fait celle de l'homme avec la nature, dans laquelle il se fondait jusque-là.


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PALÉOLITHIQUE

 


 

 

 

 

paléolithique

Période la plus ancienne des temps préhistoriques (préhistoire), située en majeure partie à l'âge des glaciations, et caractérisée par l'invention et le développement de l'industrie lithique ainsi que par une économie de prédation.

Outils du paléolithique
Le paléolithique se déroule en Europe, dans des conditions climatiques tantôt périglaciaires, tantôt tempérées. Il doit son nom à l'industrie de la pierre taillée (paléolithique vient du grec palaios, ancien, et lithos, pierre), par opposition au néolithique ou âge de la pierre polie qui lui succède à des époques très différentes selon les régions. On le subdivise généralement en 3 stades chronologiques (inférieur ou ancien, moyen et supérieur) aux limites mal définies en raison de très longues périodes de transition et de nombreuses variations de faciès.
Les trois stades du paléolithique
Le paléolithique inférieur

Outillage acheuléen
Les débuts du paléolithique correspondent aux premières manifestations d'activité humaine actuellement connues et datées de près de 3 millions d'années : ce sont les galets aménagés ou pebble culture (gisement d'Afrique du Sud et d'Afrique orientale : en Éthiopie et au Kenya) ; en France, les plus anciens (1 800 000 ans) galets aménagés sont ceux recueillis en Haute-Loire, à Chilhac. Une très lente régression de l'outillage sur galets et l'amélioration des techniques de taille amènent vers − 800 000 l'acheuléen, dû à Homo erectus (→ homme). Ces deux industries, façonnant le nucléus primitif, coexistent avec celles, dépourvues de bifaces, qui utilisent l'éclat (clactonien, prémoustérien, etc.), le débitage Levallois connaît vers l'acheuléen moyen un grand développement.
Le paléolithique moyen

Industrie moustérienne
Il est essentiellement représenté par des industries de transition qui mènent à un changement de l'équipement, dominé par des outils sur éclats. Ceux-ci correspondent au faciès moustérien, qui se développe à partir des environs de −150 000 avec de nombreuses variantes locales. Elles sont l'œuvre de l'homme de Neandertal (Homo neanderthalensis), qui s'est particulièrement développé en Europe et qui parfois pratique un culte des morts dont on a retrouvé la trace.


Le paléolithique supérieur

Industrie magdalénienne
Il débute vers −40 000, au cours de l'interstade séparant les deuxième et troisième phases glaciaires de Würm. Il est marqué par l'apparition d'Homo sapiens, l’homme moderne, et se caractérise par une diversification et une spécialisation de l'outil de plus en plus poussée avec abondance du débitage laminaire, et avec la création de l'industrie osseuse. En France, deux traditions technologiques indépendantes se côtoient : le châtelperronien ou périgordien ancien, tributaire d'une technique moustérienne de tradition acheuléenne, et l'aurignacien. Diverses industries lithiques vont ainsi se succéder : après le périgordien supérieur ou gravettien, on trouve vers −18000 le solutréen et ses feuilles-de-laurier et feuilles-de-saule, qui correspond à une période climatique très humide. Avec le retour du froid, le magdalénien ancien prend le relais et poursuit son évolution typologique jusqu'à l'azilien, vers −10 000, contemporain d'un réchauffement climatique qui bouleverse le mode de vie et induit d'autres techniques : celles du mésolithique et celle enfin du néolithique.
L'évolution artistique au paléolithique supérieur


L'existence de préoccupations esthétiques n'est admise qu'en 1860, et l'authenticité d'Altamira (découverte en 1879) n'est reconnue qu'en 1895, après la découverte des gravures et des peintures de La Mouthe. Deux formes d'expression se développent simultanément : l'art mobilier (galets, os gravés, statuettes féminines, et l'art pariétal, qui dans le sud-ouest de la France (Pair-non-Pair, Les Combarelles, Font-de-Gaume, Lascaux, Niaux, Pech-Merle, Angle-sur-l'Anglin, etc.) et dans le nord-ouest de l'Espagne (Altamira, la Pasiega, le Castillo, etc.) forment un ensemble cohérent, souvent dénommé franco-cantabrique.
Plusieurs techniques sont à l'origine de l'art pariétal : simples tracés digitaux sur support tendre, gravures avec outil de silex sur surface dure, sculptures en bas relief, modelage d'argile, dessin et peinture mono- et polychrome. L’abbé Henri Breuil reconnaît des cycles évolutifs successifs. André Leroi-Gourhan propose une chronologie différente en se référant à des arguments stylistiques. Il distingue quatre styles, depuis le style I primitif, correspondant à l'aurignacien, jusqu'à l'apogée du magdalénien, avec les styles III (en partie à Lascaux) et IV, qui présentent une amélioration du modelé et des couleurs. La découverte, près de Marseille, de la grotte Cosquer, contenant des peintures pariétales datées de − 28 000 ans, puis celle de la grotte Chauvet, près de Vallon-Pont-d'Arc, en Ardèche, où les peintures et gravures remonteraient à − 30 000 ans, semblent mettre en cause la progressivité linéaire de cette évolution avec des datations plus hautes pour une manière déjà très accomplie. Les travaux de Leroi-Gourhan restent essentiels pour ce qui est de la fréquence des associations de figures et de signes abstraits et de leur présence à des emplacements identiques de la grotte. Il s'agit d'une organisation volontaire ayant une signification (encore ignorée) mais qui permet d'envisager les grottes ornées comme de véritables sanctuaires.
→ préhistoire
Le mode de vie des populations paléolithiques
Il était essentiellement basé sur une économie de prédateurs (chasseurs-cueilleurs). Les habitats de plein air ou sous-abris révèlent dès l'acheuléen un souci d'aménagement de l'espace. Constructions sommaires et sépultures agrémentées d'ocre existent au paléolithique moyen, alors qu'au paléolithique supérieur Pincevent et Kostienki possèdent de véritables habitations.

 

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