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PRÉHITOIRE

 

 

 

 

 

 

préhistoire

L'existence de l'homme préhistorique et de ses industries a été entrevue, affirmée puis pleinement confirmée grâce à diverses recherches ou découvertes faites séparément par des sciences comme la géologie, la paléontologie, l'ethnologie et l'anthropologie. Science jeune, au carrefour des sciences humaines et des sciences de la nature, la préhistoire ne cesse désormais de faire progresser notre connaissance sur nos plus lointains ancêtres. Cette discipline s'est peu à peu imposée, malgré les interdits et les tabous, religieux notamment. Ainsi, jusqu’au xviiie s., l'idée même d'une pré-histoire, différente de celle écrite dans la Bible notamment, était absolument impensable. Au xviiie s., Linné et Buffon placent au sommet de la hiérarchie des êtres vivants l'homme, qui dès lors n'est plus seulement une créature, mais devient le plus doué des mammifères. Charles Darwin, au xixe s., cherchant le plus proche ancêtre de l'homme trouve le singe. L'idée selon laquelle l'homme appartient au même système évolutif que tous les êtres vivants va devenir prédominante et encourager les premières fouilles visant à découvrir le « pré-homme », le « chaînon manquant » qui ne peut être qu'un singe pensant. À la fin du xxe s., les diverses techniques dont disposent les préhistoriens leur permettent de savoir d'une façon de plus en plus précise comment vivaient les hommes préhistoriques, de reconstituer leurs diverses activités et jusqu'au mode de relations sociales qu'ils entretenaient. La préhistoire atteint là à une véritable « ethnologie préhistorique ».
Des superstitions médiévales aux premiers antiquaires
Depuis le Moyen Âge chrétien jusqu'au xixe s., la Bible – et plus particulièrement la Genèse – sont, en Occident, les fondements de l'histoire de l'homme et servent de base pour évaluer les âges de la Terre. Ainsi, l'Encyclopédie de Diderot et d’Alembert expose encore que le monde a connu plusieurs époques : la Création remonte à 6000 ans avant J.-C. ; 2262 ans plus tard se produisit le Déluge, puis 738 ans après le partage des nations, etc. Cependant, au xixe s., il faudra bien admettre l'existence d'un homme antédiluvien qui fabriquait des outils de pierre. Longtemps d'ailleurs, les silex taillés et les haches polies ont attiré l'attention des hommes. Ainsi, au Moyen Âge et jusqu'au xviiie s., ces vestiges étaient appelés « pierres de foudre », car, selon les croyances populaires, elles étaient issues de l'orage. De la même façon, les silex taillés, et plus particulièrement les pointes de flèches, étaient réputés avoir un pouvoir magique bénéfique et des vertus curatives. Ces pointes étaient connues sous le nom de « glossopètres » (du grec glossâ, langue, et petra, pierre). Longtemps on les confondit, en effet, avec les dents fossiles de certains poissons que les Anciens croyaient être des langues de serpent pétrifiées. C'est l'Italien Michele Mercati qui, dès le xvie s., comprit la confusion, mais son œuvre ne parut qu'au xviiie s.
En 1492, la découverte de l'Amérique provoque un bouleversement complet de la pensée occidentale. La découverte de peuples « primitifs » fabriquant des outils comparables aux glossopètres et aux pierres de foudre va faire naître la curiosité de certains. À partir du xvie s., les premiers passionnés d'antiquités collectionnent les pierres gravées et sculptées, les cabinets de curiosités se multiplient et l'idée de fouiller commence à se faire jour. En 1685, la première fouille est réalisée : celle du dolmen de Cocherel en Normandie.
La découverte de l'homme nouveau

Puisque le Déluge avait englouti tout ce qui était vivant à la surface de la Terre, le xviiie s. recherche plus particulièrement les hommes ensevelis par la punition divine et c'est, pendant la première moitié du xixe s., la course aux ossements fossiles. Au cours de ces recherches, de nombreux outils en pierre sont mis au jour. Il devient clair, notamment sous l'impulsion de Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes, que ces outils ont été fabriqués par l'homme. On accepte alors peu à peu l'idée que ces témoins de l'activité humaine sont contemporains des animaux d'espèces disparues dont on retrouve aussi les ossements. L'existence de l'homme à une époque géologique antérieure aux temps actuels est ainsi prouvée, bien que certains, comme George Cuvier, l'aient niée jusqu'à l'absurde.

Il restait à trouver les squelettes de l'homme qui avait façonné ces premiers outils. Le crâne de Neandertal, découvert en 1856 dans la vallée de Neander (Allemagne), avait été considéré comme une pièce pathologique en raison de sa voûte fuyante et de la taille de ses arcades sourcilières. Il est oublié jusqu'en 1864, où l'espèce est officiellement reconnue par Kingen comme distincte de l'homme moderne et baptisée Homo neandertalensis. En France, la mise au jour d'un squelette à peu près complet d'homme de Neandertal aura lieu à la Chapelle-aux-Saints en 1908. À partir des années 1860, les recherches mais aussi les exhumations d'hommes fossiles se succèdent. L'homme de Cro-Magnon est trouvé en 1868. En 1891, c'est la retentissante découverte par le Néerlandais E. Dubois du pithécanthrope (Pithecanthropus erectus), à Java, qui fut alors considéré comme l'« homme-singe », le chaînon manquant de l'évolution.
Depuis un siècle, les nombreuses fouilles ont permis de mieux cerner et de faire reculer dans le temps les origines de l'homme. En 1974, en Afrique orientale, a lieu la découverte du squelette de Lucy, préhomme appartenant à l'espèce Australopithecus afarensis(australopithèque), qui vécut il y a 3,5 millions d'années. À la fin des années 2000, on considère que les espèces les plus vieilles appartenant à la lignée humaine sont Ardipithecus ramidus (4,4 millions d'années), découvert en Éthiopie, Australopithecus anamensis (entre 4,2 et 3,9 millions d'années), découvert au Kenya, et Toumaï, âgé de 7 millions d’années et mis au jour au Tchad
La bataille de l'art

Au début du xxe s., la communauté scientifique a, difficilement, fini par admettre l'ancienneté de l'homme et sa contemporanéité avec les grands mammifères quaternaires disparus. Elle connaît les outils qu'il fabriquait et les animaux qu'il chassait. Cependant, si l'image de l'homme préhistorique n'est plus tout à fait celle d'une brute épaisse et fruste (grâce, notamment, à la découverte de sépultures, preuve d'une certaine croyance en un « au-delà »), on n'ose imaginer que ces hommes, sortis des ténèbres, puissent être des artistes raffinés. Pourtant, la mise au jour la plus ancienne d'un objet préhistorique décoré (grotte du Chauffaud, dans la Vienne) date de 1834, mais l'objet est alors attribué aux Celtes. Les découvertes se multiplient avec les fouilles de l'abri rocheux de La Madeleine, qui révèlent un mobilier très abondant, celles de Gourdan ou d'Arudy dans les Pyrénées. L'art mobilier est peu à peu reconnu et Édouard Lartet en fait la base de sa classification des différentes périodes préhistoriques.

Il n'en va pas de même pour toutes les figures peintes ou gravées sur les parois des grottes. Lorsque le docteur Garrigou révèle, en 1864, les magnifiques peintures de Niaux (Ariège), lorsque Léopold Chiron signale, en 1878, l'existence de gravures dans la grotte Chabot (Gard) et le marquis de Santuola les grandioses peintures du plafond d'Altamira (Espagne), la communauté scientifique reste indifférente et sceptique. En 1895, Émile Rivière décrit les peintures de la Mouthe aux Eyzies ; l'année suivante, François Daleau raconte sa découverte des gravures de Pair-non-Pair (fouillé depuis 1881) ensevelies sous des sédiments préhistoriques. En 1901, l'abbé Henri Breuil participe aux fouilles de Font-de-Gaume et des Combarelles aux Eyzies-de-Tayac. Quelques semaines plus tard, Émile Cartailhac, éminent opposant à l'existence de l'art pariétal paléolithique, se range à l'avis de Breuil et la reconnaissance officielle se fera en 1902 lors du congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences (A.F.A.S.).
Vers une ethnologie de la préhistoire
Jusque dans les années 1950, la fouille visait essentiellement à la récolte des objets : outils de silex ou d'os, parure en coquillage, etc. Pour ce faire, des terrassiers réalisaient, à la pelle ou à la pioche, des tranchées profondes dont la terre était ensuite tamisée pour en séparer les objets. Outre la recherche de vestiges matériels, la fouille servait aussi, éventuellement, à établir une stratigraphie pouvant permettre une relative datation de l'occupation des sols. Nombre de gisements, malheureusement parmi les plus importants, furent ainsi abîmés.
À partir de la seconde moitié du xxe s. se produisent un renouvellement des idées et une révolution dans les méthodes de fouille dont l'un des précurseurs est André Leroi-Gourhan. Pour lui, ethnologue et anthropologue, « on ne fait pas plus de préhistoire en ramassant des haches taillées qu'on ne fait de la botanique en cueillant des salades ». Il met l'accent, tout au long de sa vie, sur la nécessité d'une étude globale des gisements, sur la possibilité de connaître les modes de vie des hommes préhistoriques. À partir de 1952, lors des fouilles d'Arcy-sur-Cure, il adopte de nouvelles méthodes de fouille, tentant de prendre en compte tous les vestiges, la moindre esquille osseuse, témoignage du repas de nos ancêtres, ayant la même importance que le foyer, centre physique et social de l'habitat. Ces méthodes seront pleinement exploitées sur le site de Pincevent, fouillé depuis 1964. Le sol où vécurent les hommes du magdalénien, il y a plus de 12 000 ans, est dégagé horizontalement, chaque vestige laissé scrupuleusement en place. Le résultat, lorsqu'une surface suffisante a été dégagée, donne une image très proche de celle que purent avoir les hommes préhistoriques lorsqu'ils quittèrent leur site, à l'automne, avant d'aller rechercher ailleurs leur nourriture pour l'hiver.
À la fin du xxe s., les préhistoriens ont pleinement conscience du fait que la fouille représente une destructuration irréversible des témoins du passé. Aussi procède-t-on avec d'infinies précautions pour relever la position de chaque objet le plus précisément possible dans les trois dimensions. À partir de ce repérage précis des vestiges les plus ténus, les techniques modernes permettent de reconstituer les activités quotidiennes de nos ancêtres : taille du silex, cuisine, travail des peaux, etc., et de plus, d'imaginer ce qu'était non seulement leur mode de vie mais aussi leurs relations sociales. La préhistoire vise ainsi à une véritable ethnologie du passé.
L'homme et l'outil
Introduction
On considère généralement que la première manifestation de l'intelligence humaine fut le premier outil fabriqué. L'homme a peu à peu appris à maîtriser la matière : pierre, os ou bois, pour réaliser ses outils et ses armes. Il a certainement utilisé tout ce qui, dans la nature, pouvait être employé ; mais, s'il est logique de penser que la plupart des matières périssables (bois, cuir, lianes ou tendons d'animaux) ont été utilisées par l'homme préhistorique, le préhistorien, lui, n'en possède aucune trace matérielle. L'industrie osseuse a subi la sélection de la corrosion naturelle et, bien que l'on suppose que le travail de l'os remonte aux premiers âges, c'est dans les gisements du paléolithique supérieur, qui débute il y a environ 35 000 ans, qu'il est attesté. En fait, seule la pierre n'a pas subi les ravages du temps. Elle constitua l'élément de base de l'outillage pour sa dureté, ses propriétés tranchantes, ses possibilités variées de façonnage et son abondance. Si, au début de la préhistoire, les premiers outils étaient rudimentaires et de formes peu variées, ils se diversifièrent et s'adaptèrent de plus en plus finement à leur fonction aux cours des temps. Il existe une différence fondamentale entre les premiers galets grossièrement aménagés par les premiers hominidés, il y a 3 millions d'années, et l'industrie du paléolithique supérieur, qui prouve le prodigieux degré de technicité acquis par nos ancêtres Homo sapiens. Bien que les outils aient été conçus et fabriqués dans un but utilitaire, ils témoignent aussi de la tradition des divers groupes préhistoriques en caractérisant leur culture.
Dates clés de l'évolution des outils préhistoriques
DATES CLÉS DE L'ÉVOLUTION DES OUTILS PRÉHISTORIQUES
2 millions d'années avant J.-C.    Premiers outils attribués aux australopithèques et découverts en Afrique orientale.
1 million d'années avant J.-C.    Apparition des premiers bifaces.
200 000 ans avant J.-C.    Les Acheuléens prédéterminent la forme des produits à débiter : c'est l'invention de la technique Levallois.
35 000 ans avant J.-C.    L'Homo sapiens sapiens développe le débitage laminaire et façonne l'os.
18 000 ans avant J.-C.    Apogée de la taille avec les Solutréens qui utilisent le débitage par pression. Cette même culture invente l'aiguille à chas en os.
9 000 ans avant J.-C.    L'industrie lithique tend à une miniaturisation.
 
Les premiers outils

La première « industrie lithique » humaine (premiers essais de transformation de pierres en outils) reconnue comme telle a été découverte en Afrique orientale sur le gisement d'Olduvai, en Tanzanie ; elle est aussi désignée sous le nom anglais de « Pebble culture » et est l'œuvre de Homo habilis, qui vécut il y a environ 2 millions d'années. Cette industrie est surtout représentée par des galets dits « aménagés », qui présentent soit un seul enlèvement sur l'une de leur face (galets appelés choppers), soit un enlèvement sur chacune des deux faces, l'intersection créant ainsi un tranchant (galets appelés chopping-tools). Il s'agit d'outils extrêmement frustes qui devaient servir à broyer. Plus tard, en Europe notamment, à l'acheuléen, il y a plus de 1 million d'années, le biface constitue l'outil le plus fréquemment retrouvé. Outil allongé à l'extrémité pointue ou arrondie, il est obtenu à partir d'un bloc (ou nucléus) qui est, comme le chopping-tool, taillé sur ses deux faces. Mais il est beaucoup plus élaboré et montre une volonté de mise en forme du tranchant, donc de la silhouette de l'objet.

Au cours du paléolithique inférieur, les outils vont commencer à se diversifier et c'est pendant l'acheuléen moyen que l'on trouve les premiers outils sur éclat, tels que le racloir, éclat retouché sur son long côté, et des outils encochés ou denticulés (grattoirs, burins, etc.). Enfin, vers-200 000 ans, l'industrie lithique va subir une évolution fantastique avec l'apparition de la « technique Levallois ». Il s'agit d'un mode de débitage qui consiste à obtenir un éclat de forme prédéterminée, à partir d'une préparation particulière et élaborée du bloc de matière première (silex le plus souvent). Cette technique permet, à partir d'un rognon de silex (le nucléus), d'obtenir plusieurs éclats ou pointes prédéterminés de forme semblable : il s'agit d'une véritable production en série. Du simple enlèvement dans le but de créer un tranchant sur le chopper, les hommes du paléolithique inférieur ont franchi, grâce à l'invention de la technique Levallois, une étape fondamentale aussi bien pour la pensée humaine (présence d'un schéma opératoire complexe) que pour le perfectionnement technique. En effet, au paléolithique supérieur, le débitage des lames de silex à partir d'un nucléus ne fera que reprendre cette technique.
Forme et fonction
Au cours de la préhistoire, les outils se sont beaucoup diversifiés et les archéologues les retrouvent en grand nombre dans les gisements préhistoriques. Pour attribuer à ces témoins un cadre chronologique précis et en découvrir l'évolution, il a fallu les étudier selon, d'une part, la technique de fabrication et, d'autre part, leurs formes et leurs fonctions. La corrélation de ces éléments a permis de créer une typologie, c'est-à-dire une classification cohérente des différents types d'objets. Depuis Boucher de Perthes, qui, au xixe s., lança les bases d'une classification des outils préhistoriques, les préhistoriens ont reconnu, de façon intuitive, des types aux formes constantes en leur donnant, le plus souvent, soit le nom de leur fonction présumée, soit, par analogie avec des formes actuelles, le nom d'outils contemporains : ainsi les grattoirs, les burins, les perçoirs et autres « bâtons de commandement ». En fait, l'ethnologie a prouvé qu'un même outil pouvait avoir des fonctions variées ou que, à l'inverse, différents outils pouvaient être utilisés pour une même tâche. On sait aujourd'hui, notamment grâce à l'étude des plus infimes traces d'utilisation (microtraces d'utilisation), que, par exemple, les grattoirs ne servaient pas toujours à gratter et que les racloirs ne servaient pas forcément à racler. Ce fait confirme que plusieurs types de fonctions peuvent être attribués à un même outil. Toutefois, la communauté scientifique a conservé les noms de la typologie traditionnelle.
L'étude des microtraces d'utilisation remet effectivement en question les interprétations anciennes. Au moyen de microscopes à fort grossissement, on analyse les stries, les écaillures, les émoussés de l'outil, son utilisation par les hommes préhistoriques ; pour relier ces traces à la fonction de l'outil, on procède à des comparaisons avec des outils reproduits aujourd'hui et utilisés dans les mêmes conditions qu'alors. On a pu ainsi retrouver la manière dont il était utilisé, s'il était emmanché et le matériau qu'il a travaillé.
Les outils en os

Vivant en contact permanent avec les animaux, l'homme a très tôt utilisé leurs ossements. Les australopithèques fracturaient des os longs, produisant ainsi un biseau formant une pointe solide ; le site de Melka Kontouré (Éthiopie) a ainsi livré dans une couche datée de 1 700 000 ans les premiers outils en os portant les traces d'une utilisation humaine. Pendant le paléolithique inférieur et jusqu'à la fin du paléolithique moyen (vers- 35 000 avant J.-C.), la forme de l'outil d'os est restée fortuite, seule la partie active était, parfois, aménagée par percussion. C'est au paléolithique supérieur que l'artisanat de l'os se développe réellement, l'habileté technique permettant même d'atteindre un incomparable esthétisme. Ainsi, des techniques spécifiques ont abouti à une très grande variété d'armes et d'outils, d'objets de parure et d'art. L'industrie de l'os a été utilisée pour fabriquer des armes qui servaient pour la plupart à la chasse des grands mammifères. Ainsi la sagaie, qui est constituée d'une baguette d'os dont une extrémité est appointée, l'autre étant fixée à une hampe en bois. Elle était lancée grâce à un propulseur, qui décuplait sa force par rapport au lancer à la main et en augmentait la précision.

Pour la pêche sont fabriqués des hameçons, des têtes de harpons avec une ou deux rangées de barbelures. Certains outils sont encore utilisés aujourd'hui, l'aiguille à chas par exemple, inventée par les hommes du solutréen il y a plus de 18 000 ans et dont la forme, même si le matériau a changé, n'a guère varié. Le propulseur est resté en usage jusqu'au xxe s. chez les Inuit et certaines populations océaniennes. Enfin, il existe d'autres outils dont on ne connaît pas encore la fonction : le bâton percé, parfois appelé « bâton de commandement », ou les baguettes demi-rondes par exemple. L'homme travaille également l'ivoire, comme en témoignent les statuettes féminines trouvées à Brassempouy (Landes) et le bois de renne, qu'il façonne en armes de chasse (emmanchement des haches de pierre polie).
La fabrication des outils

Industrie moustérienne
Les techniques de fabrication des outils en pierre varient en fonction de la matière première, les roches compactes ne se travaillant pas de la même façon que les roches friables. Elles utilisent deux types d'opération : le débitage et le façonnage. Le débitage est l'action qui consiste à détacher, par percussions successives, des éclats d'un bloc de pierre. L'éclat sera alors utilisé, le bloc initial (appelé nucléus) pouvant être considéré comme un déchet. Le façonnage a pour but de mettre en forme l'éclat débité, ou bien le bloc lui-même, afin de permettre un débitage plus efficace. Au paléolithique, la technique de façonnage la plus répandue est la retouche. Celle-ci consiste à détacher de l'objet de très petits éclats par percussion ou par pression. La percussion directe (la plus courante) utilise un percuteur (galet de pierre pour un percuteur dur ; bois végétal ou animal pour un percuteur tendre) frappant directement l'objet. La percussion indirecte, par écrasement entre percuteur et enclume, produit des retouches verticales ; enfin, la pression permet des retouches très fines, les enlèvements étant alors très longs et étroits. Les hommes du solutréen, qui, il y a 20 000 ans, atteignirent l'apogée des techniques de débitage, utilisaient la retouche par pression pour réaliser les magnifiques « feuilles de laurier ». Ainsi, pour fabriquer un outil comme le grattoir, très utilisé au paléolithique supérieur, il faut commencer par bien choisir le silex, le préparer (enlever le cortex), le mettre en forme et aménager un plan de frappe pour pouvoir débiter aisément puis frapper avec le percuteur afin de détacher une lame ; cette lame est façonnée par des retouches obliques, sur sa partie étroite, qui déterminent le front du grattoir, c'est-à-dire la partie active, l'autre bout pouvant être emmanché.
La fabrication des outils en os requiert des techniques plus variées et l'existence préalable d'outils de pierre. Le matériau est généralement constitué par les bois, l'ivoire ou les os longs des grands mammifères comme le mammouth, le cheval, le bison ou le renne, animal par excellence du paléolithique supérieur. Pour fabriquer des outils tels que la sagaie, le harpon, l'aiguille à chas ou le propulseur, il faut creuser dans la partie compacte d'un bois de renne, à l'aide d'un burin de silex, deux rainures séparées par une distance égale à la largeur de l'outil désiré. Ces rainures sont peu à peu approfondies jusqu'à ce que la partie spongieuse de l'os soit atteinte. La baguette est alors extraite. L'ébauche peut ensuite être transformée soit en sagaie par raclage au moyen d'un silex tranchant, soit en aiguille à chas ; la perforation du chas se pratique soit par pression à partir d'une petite rainure, soit par rotation en utilisant un perçoir de silex.
Les microlithes

L'outillage des derniers chasseurs-cueilleurs se caractérise par la fabrication et l'utilisation de très petits outils produits à partir d'éclats ou d'esquilles de silex. Ce sont, la plupart du temps, des armatures de pointes de flèches. De forme géométrique, leur dimension est inférieure à 40 mm et leur épaisseur à 4 mm. Ces microlithes étaient réunis en série sur le tranchant d'un support d'os ou de bois ou étaient utilisés comme pointes sur des armes de jet.
À la fin du paléolithique supérieur, l'homme façonne des outils de plus en plus petits. Si les premiers tailleurs obtenaient 10 cm de tranchant utile avec 1 kg de silex, les hommes de l'acheuléen en obtenaient 40 cm, puis ceux du moustérien (au paléolithique moyen) 2 m, enfin les hommes de la fin du paléolithique supérieur obtinrent de 6 à 20 m. L'homme s'est-il complètement affranchi par rapport aux gisements de matière première, ou s'agit-il d'exploiter au maximum une matière première devenue rare ou difficile à trouver en raison du bouleversement climatique, réchauffement intervenu vers- 9000 et qui eut pour conséquence majeure le retour de la forêt ?
L'apparition de l'agriculture
Introduction
L'apparition de l'agriculture, qui marque le début de la période appelée néolithique, constitue, au même titre que la découverte du feu, une véritable révolution dans l'histoire de l'humanité. Pendant la plus grande partie de son histoire (que nous nommons préhistoire), c'est-à-dire pendant près de quatre millions d'années, l'homme a toujours connu le même mode d'existence. Il vit en petits groupes, nomades ou semi-nomades, et pratique pour assurer sa subsistance la chasse et la cueillette. En quelques millénaires à peine, il abandonne le nomadisme, se sédentarise et se libère de la recherche constante de nourriture grâce à l’agriculture.
L'émergence des premières communautés paysannes, dès le Xe millénaire avant notre ère en Orient et au Moyen-Orient, vers le VIe millénaire avant notre ère en Europe, aura des conséquences irréversibles. Comme les autres espèces animales, l'homme vivait en équilibre avec son milieu. En domestiquant plantes et animaux, il va le modifier en profondeur, l'humaniser, mais aussi y causer des atteintes encore visibles aujourd'hui. (→ environnement.)
L'habitat de l'homme change aussi. Les petits groupes de nomades, qui s'abritaient sous des huttes, des tentes, des abris-sous-roche ou dans des grottes, deviennent sédentaires, et construisent de véritables maisons groupées en villages. L'apparition de l'agriculture modifie également les techniques et l'outillage. Parmi les inventions les plus caractéristiques de cette époque se trouvent la hache de pierre polie, qui sert à l'abattage des arbres, et la poterie, dont les récipients de terre cuite, le plus souvent décorés, ont un usage domestique.
La domestication des animaux et des plantes
La domestication des animaux et des plantes constitue une étape fondamentale dans l'histoire des hommes. On peut parler de domestication lorsqu'il y a une intervention humaine sur une population animale ou végétale afin de la favoriser parce qu'elle représente un intérêt particulier. Il faut distinguer deux processus dans la domestication. L'un est dit primaire lorsqu'il s'effectue sur un groupe d'animaux et de plantes d'origine locale (comme cela s'est probablement produit, en Europe, pour le porc qui est un sanglier domestiqué sur place). L'autre est dit secondaire lorsqu'il s'agit d'acclimater des animaux ou des végétaux déjà domestiqués ailleurs (c'est sans doute le cas du mouton, importé en Europe après avoir été domestiqué au Moyen-Orient). La domestication a pour conséquence presque immédiate une évolution génétique des espèces qui doivent s'adapter à leur nouvel environnement. Ainsi, la culture du blé, à partir d'une espèce sauvage, puis sa sélection ont conduit à un accroissement de la taille et du nombre de grains sur chaque épi, puis à l'apparition d'espèces à rachis solides plus faciles à moissonner. À l'inverse, le bœuf domestique (dont l'ancêtre sauvage est l'aurochs) voit sa taille diminuer tout au long de la période néolithique.
Les berceaux du néolithique
On situe habituellement le berceau de l'agriculture au Moyen-Orient, dans une zone communément appelée le « Croissant fertile », comprenant les territoires actuels de la Syrie, du Liban, d'Israël, de l'Iran et de l'Iraq. Dès le IXe millénaire avant notre ère, des populations sédentaires domestiquent des espèces animales et végétales sauvages locales parmi lesquelles la chèvre et le mouton, l'orge et le blé, qui sont les céréales principales, mais aussi des légumineuses comme les pois, les fèves, les gesses et les lentilles.
D'autres foyers de néolithisation s'individualisent dans le monde. Dans le Baloutchistan pakistanais, des découvertes archéologiques récentes ont mis au jour des couches attribuées au VIIIe millénaire avant notre ère, dans lesquelles les squelettes animaux appartiennent à une faune en voie de domestication (bœuf, chèvre, mouton). Ce sont les débuts de la période préindusienne. Les céréales dominantes sont l'orge et le blé. Les récoltes étaient stockées dans de grandes bâtiments en briques crues, qui servaient de grenier. La poterie n'y apparaît qu'au VIe millénaire avant notre ère. La culture du riz, en Chine, du riz et du millet, dans l'Asie du Sud-Est, est attestée au VIe millénaire avant notre ère. C'est à la même époque que se développe une civilisation pastorale au Sahara (domestication du bœuf).
Le continent américain est tardivement peuplé (vers 40 000 avant J.-C.), et les premiers villages d'agriculteurs n'apparaissent en Amérique centrale qu'au milieu du IIIe millénaire avant notre ère.
La diffusion du néolithique

C'est à partir du Croissant fertile, zone de découvertes privilégiée aujourd'hui par les spécialistes, que le néolithique va se diffuser pendant environ deux millénaires, sur le pourtour méditerranéen, par contact et acculturation des derniers chasseurs-cueilleurs. En ce qui concerne l'Europe, atteinte au VIe millénaire avant notre ère, deux axes essentiels ont été mis en évidence : les Balkans et le Danube d'une part, la Méditerranée occidentale d'autre part.
Pour le premier axe, on se fonde sur la découverte d'une céramique de forme ronde-ovale au riche décor peint caractéristique des cultures appelées proto-Sesklo et Sesklo en Grèce, Starčevo en Serbie-et-Monténégro, Karanovo en Bulgarie. Ces cultures forment, en remontant vers le nord-ouest, le courant de diffusion danubien, ou culture à « céramique linéaire occidentale ». Elles parviennent jusqu'au nord de la Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique et dans le Bassin parisien. L'élevage, principalement le bœuf et le mouton, représente souvent plus de 90 % des ressources en viande ; blé, orge, petits pois et lin sont également cultivés. Ces populations danubiennes, dites « rubanées » en raison des incisions en forme de ruban qui ornent leurs poteries, défrichent, recherchant presque systématiquement les terres les plus meubles et faciles à travailler que constituent les lœss. Elles habitent dans de longues maisons de bois, de torchis et de chaume qui mesurent de 10 à 40 mètres de longueur, ce qui permet d'abriter jusqu'à 25 personnes, et qui sont regroupées en villages.
En Méditerranée occidentale, l'apparition de l'agriculture se situe entre le VIe et le IVe millénaire avant notre ère. On ignore toujours si les « colons » néolithiques sont venus par terre – traversant la Grèce, l'Italie, le midi de la France – ou par mer – abordant les côtes italiennes, celles de l'Afrique du Nord, de l'Espagne et du sud de la France. Vers – 6000 avant J.-C., en effet, la mer n'est plus un obstacle. L'homme fabrique des embarcations, certes sommaires (on a retrouvé surtout des pirogues dites « monoxyles », c'est-à-dire creusées dans un seul tronc d'arbre), mais qui lui permettent d'effectuer du cabotage. La culture des premières communautés paysannes de Méditerranée occidentale est appelée le cardial, en raison du décor caractéristique de leurs vases, réalisé à l'aide d'un coquillage, le Cardium edule. L'habitat de ces populations est de deux types : soit des sites protégés, fréquentés depuis déjà bien longtemps (grottes et abris-sous-roche), soit des cabanes construites en plein air. Le mouton et la chèvre sont domestiqués, ainsi que les bovidés ; la chasse joue encore un rôle important (petit gibier, mais aussi cerf et sanglier). Les céréales les plus consommées sont là encore le blé et l'orge, mais la cueillette n'est pas totalement absente, noisettes et glands notamment. Au cardial, l'agriculture est pratiquée avec des moyens très rudimentaires tels que les « bâtons à fouir », bâtons appointés qui permettent de creuser des trous ou de briser les mottes de terre ; des faucilles, avec des éléments de silex insérés dans un manche en bois, servent à la récolte des céréales, tandis que des meules en pierre servent à broyer et à moudre les grains.
Mais bien des peuples ignorent encore l'agriculture, tandis que, dès le VIIIe millénaire avant notre ère, la métallurgie du cuivre naît au Proche-Orient.
Les conséquences de l'apparition de l'agriculture
Les conséquences de l'apparition de l'agriculture sont multiples, atteignant tous les domaines de la vie des hommes : économique, social et écologique. Économique d'abord, puisque l'homme, de prédateur devient producteur. Ce changement d'état a été précédé (et non suivi, comme on l’a longtemps cru), par un bouleversement social : l'abandon du nomadisme pour la sédentarité ; les hommes vont donc, peu à peu, habiter des maisons construites pour durer, en pierre ou en bois. Ces maisons sont regroupées en villages. En outre, le temps de travail s'accroît, les soins à apporter aux cultures et au bétail étant beaucoup plus contraignants que ceux nécessaires à la chasse et à la cueillette ; cet accroissement du temps de travail va aussi mener à une spécialisation des tâches et à la naissance du commerce.
Les données de l'archéologie montrent, pour le début du néolithique, que les sociétés devaient être « égalitaires », car il n'a pas été mis au jour, dans les maisons ou les sépultures, d'accumulation de richesses ou des signes distinctifs qui prouvent l'existence d'une hiérarchie. En revanche, la production accrue des biens alimentaires va entraîner un accroissement de la population et engendrer des chefferies. La guerre fait son apparition et les villages se fortifient.
Si l'on peut dire que l'essor de l'agriculture au VIe millénaire avant notre ère est à l'origine de notre système culturel et social, il est aussi souvent pour beaucoup dans l'aspect de notre environnement actuel. Les chasseurs-cueilleurs vivaient en étroite symbiose avec le milieu naturel dont ils dépendaient entièrement, alors que les premiers agriculteurs vont détruire ce milieu pour y installer cultures et pâturages. Au VIIe millénaire avant notre ère, le changement climatique que connaît l'Europe, depuis déjà trois mille ans, a favorisé l'expansion de la forêt, principalement constituée par les chênes. Les premiers agriculteurs armés de leurs haches de pierre polie vont commencer par déboiser de petites parcelles afin d'en cultiver quelques arpents ; les animaux peuvent alors trouver leur nourriture dans le sous-bois. En moins d'un millénaire, cependant, ces terrains se révèlent exigus, s'appauvrissent, et il faut défricher de nouveaux territoires. À cela il faut ajouter, et notamment pour la région méditerranéenne, l'action dévastatrice du mouton et de la chèvre qui broutent les jeunes pousses et sont les acteurs essentiels du déboisement et de l'érosion des sols. Au VIe millénaire avant notre ère, l'apparition de l'agriculture entraîne la dégradation ou la fin des milieux naturels : le paysage est transformé par l'homme.
L'art préhistorique
L'art de l'époque paléolithique

C'est en 1834 qu'est découvert, dans la grotte du Chaffaud (Vienne), le premier témoin d'un art préhistorique : un os gravé. Entre 1860 et 1865, Édouard Lartet découvre en Dordogne et en Ariège d'autres témoignages d'une activité artistique des hommes magdaléniens. L'art préhistorique pariétal ne sera cependant révélé qu'en 1879 par M. de Santuola dans la grotte d'Altamira. Mais son authenticité n'est admise qu'en 1895, après la découverte de gravures et de peintures dans la grotte de la Mouthe.
Le sud-ouest de la France et le nord-ouest de l'Espagne constituent le foyer le plus important de l'art pariétal paléolithique. Cette province franco-cantabrique renferme un grand nombre de grottes ou d'abris ornés parmi lesquels : Pair-non-Pair (Gironde), la Mouthe, les Combarelles, Font de Gaume, le Cap Blanc, Lascaux (Dordogne), Niaux, les Trois Frères (Ariège), Pech-Merle, Cougnac (Lot), Angle-sur-l'Anglin (Vienne), le Castillo et Altamira (Santander, Espagne). La découverte, plus récemment, d'un site près de Marseille (la grotte Cosquer, sous-marine) et d'un autre en Ardèche (la grotte Chauvet) modifie toutefois la géographie des témoignages rupestres.
Les artistes paléolithiques utilisaient des techniques variées : simples tracés digitaux sur support tendre, gravures avec un outil de silex sur surface dure, sculptures en bas relief, modelage d'argile, dessin et peinture mono- et polychrome.
L'art paléolithique comporte également des œuvres mobilières : statuettes, plaquettes et blocs gravés, instruments décorés, dont le contexte archéologique permet une attribution chronologique et culturelle relativement précise. Par analogie stylistique à ces œuvres, dont on connaît l'origine stratigraphique, il est possible de dater les œuvres pariétales.
C'est l’abbé Henri Breuil qui établit, au cours de la première moitié de ce siècle, la première synthèse sur l'art franco-cantabrique et proposa une chronologie comportant deux cycles évolutifs successifs : le cycle « aurignaco-périgordien », débutant par des figurations au trait peint passant, par la suite, aux teintes plates, puis polychromes. Le cycle « solutréo-magdalénien », commençant lui aussi par des figurations linéaires pour passer aux teintes plates, noires le plus souvent, devenant polychromes. Ce cycle s'achève par de fines gravures.
Les nombreuses statuettes féminines dites « Vénus aurignaciennes » sont en fait attribuables au gravettien, ou périgordien. Des blocs de calcaire portant des représentations sexuelles féminines ont été trouvés en association avec des industries aurignaciennes. A. Leroi-Gourhan reprit, après Breuil, l'étude de l'art paléolithique et proposa une chronologie différente. Sur la base d'arguments stylistiques observés dans l'art mobilier, quatre styles peuvent être distingués :
– le style I, ou primitif, correspondant aux gravures grossières de l'aurignacien ;
– le style II, ou archaïque, auquel appartiennent les œuvres gravettiennes. Les figurations, dépourvues de détails, sont réduites à quelques traits simples ;
– le style III, qui constitue une nette amélioration du précédent par un perfectionnement du modelé et l'adjonction de détails anatomiques précis. De nombreuses figurations de la grotte de Lascaux appartiennent à ce style ;
– le style IV, qui correspond à un plus grand réalisme des figurations, dont le modèle est rendu par des hachures ou des variations dans la densité des couleurs.
L'étude des grottes et abris ornés semble indiquer que les artistes paléolithiques avaient un souci de composition esthétique auquel s'ajoutait une trame de liaisons symboliques qui nous échappent en grande partie.
La conservation de ce patrimoine artistique pariétal est des plus délicates. Le milieu souterrain qui, jusqu'à nos jours, a permis la conservation de ces œuvres est très sensible aux perturbations, et l'altération des parois entraîne la disparition des peintures et gravures. Les visites trop fréquentes modifient dans certaines grottes les conditions d'éclairage et de température, la teneur en gaz carbonique et introduisent des bactéries, pollens et spores qui menacent les œuvres pariétales. C'est pourquoi certaines grottes ne sont ouvertes qu'à un nombre limité de visiteurs, voire même interdites au public. C'est le cas de la grotte de Lascaux, dont un fac-similé a été réalisé et est accessible au public depuis 1983.
L'art du néolithique

Les archéologues ont souvent remarqué la disparition presque totale des formes d'art des civilisations paléolithiques et ont parfois pensé qu'avec le néolithique les manifestations artistiques étaient devenues de plus en plus schématiques jusqu'à disparaître. Il n'en est rien : plusieurs foyers de création artistique apparaissent alors, révélant dans la forme une forte inspiration et, dans le fond, l'expression symbolique d'une vision globale de la société nouvelle.
Si les peintures rupestres du Levant espagnol ne sont pas encore bien datées, si certains animaux font encore penser aux représentations paléolithiques, divers caractères semblent spécifiques du néolithique, en particulier les scènes guerrières qui font s'affronter deux bandes d'archers ; celle de la gorge de Gasulla à Castellon ou celle de Morella la Vella sont vraisemblablement du Ve millénaire avant notre ère.
Dans le nord de l'Europe, à la même époque, parmi les vestiges maglemosiens, des armes guerrières en os ou en bois de cervidé, des poignards, des pointes de lance et des haches peuvent être finement décorés de motifs géométriques qui se combinent parfois en évocation anthropomorphe, comme sur la hache provenant d'une tourbière de Jordløse, dans le Sjaelland, au Danemark.
Un autre foyer original de création artistique, du début de l'époque postglaciaire, est celui de Lepenski Vir, en Serbie-et-Monténégro, sur les bords du Danube, au niveau des Portes de Fer. Des sculptures sur pierre représentent des êtres mi-hommes, mi-poissons qui devaient jouer un rôle important dans cette société de chasseurs-pêcheurs déjà sédentarisés.

Une source importante d'inspiration de l'art néolithique est puisée dans l'ambiance de la fertilité agricole telle qu'elle s'exprime, dès le VIIIe millénaire avant notre ère en Syrie-Palestine, par des statuettes en pierre et surtout en terre cuite d'animaux domestiqués et de divinités féminines. L'ensemble iconographique le plus complet et le plus cohérent de la religion néolithique est celui qui a été mis au jour en Anatolie, à Çatal Höyük (vers 6000 avant J.-C.). Il serait hasardeux de généraliser les conclusions tirées sur ce site à propos de la déesse mère associée à des animaux comme le taureau et le léopard. Ce thème caractéristique du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale n'est probablement pas à transporter tel quel dans d'autres régions comme la vallée du Danube. Pourtant, l'abondance des statuettes féminines (plus rarement masculines) et zoomorphes (bovidés et ovicapridés surtout, cervidés parfois) dans le néolithique de l'Europe tempérée en général montre l'expression symbolique et probablement religieuse d'une société agricole que certains archéologues n'ont pas hésité à qualifier de matriarcale. Les statuettes féminines sont souvent représentées nues sous des formes plastiques stylisées d'une grande variété : des gravures ou des lignes peintes viennent souvent accentuer l'expression abstraite. Les plus célèbres de ces statuettes viennent de la culture de Tripolie en Ukraine, des cultures de Gumelniţa et de Cucuteni en Bulgarie et Roumanie, de la culture de Vinča en Serbie-et-Monténégro, des cultures de Sesklo (Sésklon) et Dimin (Dhiminion) en Grèce. Les deux figures en terre cuite d'une femme accroupie et d'un homme assis sur un tabouret, la tête entre les mains, provenant d'une sépulture de la culture de Hamangia, fouillée à Cernavodă près de Dobroudja en Roumanie, sont de véritables chefs-d'œuvre du IVe millénaire avant notre ère. Ces statuettes existent en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Allemagne, en France, en Italie, dans la péninsule Ibérique, etc. Elles sont de plus en plus stylisées à mesure que l'on s'avance vers l'ouest : les « yeux » gravés ou peints sur la céramique de Los Millarès au sud de l'Espagne, les idoles en pierre de la région d'Almeria ou celles du Portugal, les quelques statuettes en terre cuite de Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) ou encore le petit bloc calcaire sculpté et représentant une « divinité » à Grimes Graves (Grande-Bretagne) témoignent de la large diffusion d'une idéologie aux traits communs. Celle-ci apparaît encore, d'une manière très allusive, dans des sépultures comme les hypogées de la Marne ou les allées couvertes, dans lesquelles on reconnaît parfois la « tête de chouette » associée aux seins et parfois à la représentation d'un collier. L'art décoratif gravé ou piqueté sur des piliers de tombes mégalithiques de Bretagne (Gavrinis) ou d'Irlande (Newgrange) date d'environ 3000 avant J.-C. Les monuments mégalithiques eux-mêmes représentent, depuis le Ve millénaire avant notre ère, en Occident, un aspect religieux original de l'art architectural dont l'équivalent civil, et surtout défensif, se trouve depuis les remparts de Jéricho jusqu'aux camps à fossés de la Saintonge néolithique.
Plus au nord, des civilisations dites « forestières » sculptent l'ambre et le bois de cervidé avec une grande habileté : la statuette anthropomorphe d'Ousviaty et la tête d'élan de Chiguir en Russie révèlent les qualités artistiques de peuples non citadins trop souvent considérés comme « retardés ». Les grands rochers gravés de Suède méridionale ou de Carelie nous racontent des scènes émouvantes de la vie quotidienne, pêche, chasse, cérémonies et même enfantement. Ces figures ont été réalisées à partir de la fin du néolithique et pendant les âges des métaux.
En dehors de l'Europe, pendant cette même époque néolithique, s'épanouissent les premiers arts rupestres du Sahara et une partie de ceux d'Afrique du Sud. L'Égypte n'aura de grand art qu'avec les civilisations prédynastiques. L'Asie connaît une évolution semblable au Proche-Orient, et les statuettes féminines existent jusqu'en Chine. Nous connaissons bien moins l'art contemporain des sociétés vivant alors en Australie et en Amérique, où de grandes cités du monde précolombien vont bientôt être construites.
L'art à l'époque protohistorique

Le métal intervient aussi dans le domaine artistique pour mettre en valeur la classe dirigeante par le biais de la richesse. Les tombes royales d'Our (vers 3000 avant J.-C.) contenaient vaisselles, armes et statuettes en or, en argent et en bronze. Le groupe des tumulus princiers de Maïkop dans le nord du Caucase et les sépultures de Varna en Bulgarie présentent, en des temps assez proches, des vaisselles, des ornements et des parures en or, en argent et en cuivre. En Mésopotamie et en Égypte, l'écriture apparaît alors et de grandes civilisations historiques se développent. À leur pourtour, de nombreux peuples protohistoriques acquièrent leur personnalité pendant les âges du bronze et du fer (→ protohistoire). La Méditerranée a connu des arts protohistoriques de grande qualité : idoles cycladiques en marbre jusqu'aux peintures minoennes de Crète ou de Thêra. C'est encore dans le cadre des palais royaux que l'écriture est apparue (linéaires A et B). En Italie, plusieurs peuples indigènes et bientôt les Étrusques décorent leurs temples de grandes terres cuites historiées et font l'offrande de statuettes en bronze, comme le feront encore les Ibères quelques siècles plus tard. La sculpture sur pierre de Méditerranée occidentale reflète souvent une inspiration orientale transmise par les Phéniciens fixés à Carthage et dans bien d'autres colonies. Quelques enclaves d'art rupestre, comme celle du mont Bégo dans les Alpes-Maritimes, révèlent la tradition de vieilles populations locales.

Au nord, le monde celtique n'a probablement pas encore l'unité décrite par les auteurs antiques au deuxième âge du fer. Pourtant, des thèmes iconographiques sont communs (des oiseaux, des cygnes [ ?] et le disque solaire porté par un bateau ou véhiculé sur un chariot) depuis l'âge du bronze, de la Scandinavie aux Balkans et depuis l'Irlande jusqu'à la Hongrie. Les gravures de Suède méridionale illustrent cette mythologie, de même que certaines pièces célèbres en métal comme le char de Trundholm au Danemark. Des chars en modèle réduit de l'époque de Hallstatt, représentant des scènes de chasse, celui de Strettweg (Autriche) ou celui de Mérida (Espagne) appartiennent aussi à cette ambiance culturelle que l'on peut suivre jusqu'aux grandes sépultures princières à char de la fin du premier âge du fer, celle de Vix (Côte-d'Or) en France et celles de Hochdorf et de Klein-Aspergle en Allemagne du Sud, par exemple. Dans ce monde celtique naissant, les influences méditerranéennes sont perceptibles et expliquent en partie des sculptures sur pierre comme le guerrier de Hirschlanden (Allemagne du Sud). Pourtant, une orfèvrerie originale, un art des situles historiées en tôle de bronze, un style décoratif général dit « celtique », comme celui de Waldalgesheim, se répandent dans toute l'Europe tempérée.
Dans l'Europe de l'Est, des unités culturelles protohistoriques fortes possèdent leur propre expression artistique : les Thraces, les Daces et bientôt les Slaves. Les habitants du Caucase, et surtout ceux de Koban, nous ont laissé de nombreuses statuettes en bronze (cervidés, chiens, carnivores et animaux fantastiques). Les Scythes possèdent un art raffiné, inspiré en partie par l'art grec des colonies de la mer Noire. Les guerriers scythes sont probablement en relation avec les peuplades des steppes sibériennes de la région de Pazyryk, ou, sous des tumulus, des contenus somptueux de tombes ont été découverts avec des soieries, des feutres aux couleurs vives. En Inde, en Chine, au Viêt Nam, la formation d'empires aux arts prestigieux se situe dès le IIe millénaire avant notre ère dans un contexte historique. La découverte des arts protohistoriques d'Afrique, du monde précolombien, de Polynésie, de Micronésie, etc., révèle, d'année en année, l'univers complexe et les héritages millénaires des peuples ayant vécu avant l'écriture.

 

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SOUDAN DU SUD

 

 

 

 

 

 

Soudan du Sud
Nom officiel : République du Soudan du Sud


État d'Afrique orientale, le Soudan du Sud est bordé par l’Éthiopie à l’est, par le Kenya et l'Ouganda au sud, par la République démocratique du Congo au sud-ouest, par la République centrafricaine à l’ouest, par le Soudan au nord. C'est un État fédéral qui se compose de 10 États : Haut-Nil, Jongleï, Équateur-Oriental, Équateur central (Bahr el-Djebel), Équateur-Occidental, Bahr el-Ghazal-Occidental, Bahr el-Ghazal-Septentrional, Ouarab, État de l'Unité, États des Lacs.
Superficie : 644 329 km2
Nombre d'habitants : 11 296 000 (estimation pour 2013)
Capitale : Djouba
Langue : anglais
Monnaie : livre sud-soudanaise
Chef de l'État : Salva Kiir Mayardit
Chef du gouvernement : Salva Kiir Mayardit
Nature de l'État : république à régime semi-présidentiel
Constitution :
Entrée en vigueur : juillet 2011
Pour en savoir plus : institutions du Soudan du Sud


GÉOGRAPHIE
État né en 2011 de la partition du Soudan, le Soudan du Sud représente environ le tiers de la superficie de l'ancien Soudan unifié. Le nouveau pays est l'un des plus pauvres de la planète : la grande majorité des habitants vivent avec moins d'un dollar par jour, un enfant sur dix meurt avant cinq ans, le taux de mortalité infantile est le plus élevé du monde, une grande partie de la population est illettrée. État tampon enclavé entre l'Afrique du Nord et l'Afrique sub-saharienne, le Soudan du Sud, territoire grand comme la France et peuplé seulement de 10 millions d'habitants, se situe en marge des grands flux économiques mondiaux. Dépendant de ses voisins pour la plupart de ses approvisionnements, dépourvu totalement ou presque d'infrastructures et d'industries, déjà rongé par la corruption, il fait partie des pays les moins avancés de la planète et est soutenu par l'aide internationale. L'aide alimentaire est indispensable pour plusieurs millions d'habitants. L'espoir du pays réside dans l'extraction du pétrole et dans l'exploitation des riches terres agricoles.
En 2014, les violences interethniques aggravent les conséquences d'un conflit interne qui a déjà fait 800 000 déplacés, plus de 80 000 réfugiés dans les pays voisins et de très nombreuses destructions.


1. Le milieu physique
1.1. Le relief
Traversé du sud au nord par le Nil, le pays s'étend du 4e au 12e degré de latitude nord.
La partie centrale, où coule le Nil, est une cuvette d'accumulation où les surfaces planes (plaines et bas plateaux) dominent. L'altitude dépasse rarement 500 m. L'horizontalité est ici la conséquence de longues périodes d'érosion et d'accumulation. La vallée du Nil s'est individualisée à l'ère tertiaire dans une vaste aire de subsidence dans laquelle se sont accumulés des sables et des argiles. Cette zone présente une grande zone de confluences : la zone marécageuse du lac No, où convergent le Nil et deux de ses affluents (Sobat et Bahr el-Ghazal, dont le principal affluent est le Jur). Ici dominent les sols argileux noirs tropicaux.
Dans le sud et dans l'ouest, des mouvements à grand rayon de courbure ont individualisé une zone d'altitude plus élevée, constituée d'inselbergs établis sur les terrains cristallins du vieux socle précambrien, un craton archéen composé de gneiss et de granite. Dans l'ouest, les hauteurs qui séparent le bassin du Congo et celui du Nil s'élèvent jusqu'à 1 200 m d'altitude. Tout au sud, à la frontière avec l’Ouganda, la retombée du plateau des Grands Lacs atteint plus de 3 000 m d'altitude aux monts Imatong, où le mont Kinyeti constitue, avec ses 3 187 m, le point culminant du pays. Dans le sud-est, un volcanisme datant de l'ère secondaire a laissé des reliefs qui dépassent les 2 000 m d'altitude aux monts Boma, contreforts d'Éthiopie.


1.2. Un climat tropical humide à saisons alternées
Le climat du Soudan du Sud est tropical humide à saisons alternées. Les températures sont toujours élevées (de 20 à 40 °C) : le Soudan du Sud est l'un des pays les plus chauds du monde. La saison des pluies se situe en été, avec de 600 à 1 500 mm de précipitations annuelles. A Djouba, la capitale, située à 460 m d'altitude, la température moyenne annuelle est de 28 °C et les précipitations atteignent 950 mm par an.


1.3. La végétation
Dans le Bahr el-Ghazal, où s'étalent les eaux du Nil Blanc, une végétation aquatique enracinée retarde l'écoulement des eaux et forme une zone marécageuse, le Sadd, où les marais pérennes couvrent quelque 15 000 km2. Le toïch est la zone verte inondée lors des crues (de 200 000 à 300 000 km2). L'arbre qui y croît, l'ambatch, donne un bois léger qui sert à faire des pirogues, moyen de transport entre les villages situés sur les interfluves. Cette cuvette est tapissée de papyrus, de roseaux et de bambous.
Au sud et à l'ouest de cette vaste zone inondable, strate herbacée et arbres composent une mosaïque de savanes et de forêts claires décidues de bauhinias, de parkias, d'acacias, à herbe haute, donnant un paysage qui rappelle celui du scrub australien. Des forêts-galeries ourlent les affluents du Nil Blanc. Les essences de montagne couvrent les pentes des monts Imatong.
Dans le sud du pays, le Nimule National Park abritait notamment, avant la guerre civile, des éléphants et des rhinocéros.


1.4. Le réseau hydrographique
La colonne vertébrale du pays est constituée par le Nil, ensemble complexe qui conserve une faible pente (452 m à Djouba). Lorsqu'il arrive au Soudan du Sud, le plus long fleuve du monde, en provenance des lacs Albert et Victoria, présente un régime équatorial et une allure torrentielle (il est appelé Bahr el-Gebel, « rivière de la Montagne »). À partir de Mongalla, le fleuve s'étale en de multiples bras obstrués par des marais (le Sadd). Il reçoit le Bahr el-Ghazal, qui draine les savanes de l'Ouest (l'un de ses affluents principaux est le Bahr el-Arab) et lui permet d'échapper à l'emprise marécageuse. Devenu Nil Blanc, ou Bahr el-Abiad, le fleuve reçoit ensuite la Sobat, alimentée par le massif éthiopien.


2. La population et les activités
2.1. Les différents peuples

La population est composée de Nilotiques (Nuers, Dinkas, Chillouks), de Nilochamites et d'autres peuples (comme les Baris, les Madis, les Zandés) réunis sous le nom de Soudanais, aux langues différentes. Ces peuples sont animistes et leur élite a été christianisée.


2.2. La culture traditionnelle : les chants Dinkas
Peuple nilotique et ethnie numériquement la plus importante du Soudan du Sud, les Dinkas développent leurs talents poétiques dans de remarquables compositions chantées, de genres très divers, aux textes parfois fort longs. Les plus étonnants sont sans doute les chants que tout jeune Dinka digne de ce nom se doit de composer et d'adresser à son bœuf favori en compagnie duquel il se pavane. Parmi les nombreux autres genres, on note aussi, pour l'originalité de leurs paroles, les chants cathartiques (associés à des sortes de retraites masculines dans des camps éloignés du village et au cours desquelles on se gorge de lait), les chants d'initiation, les hymnes à la divinité, les chants d'insultes et de plaisanteries entre compagnons d'âge, les chants de guerre et, d'origine plus récente, mais non moins belliqueux, les chants d'écoliers.


2.3. L'agriculture
80 % de la population est rurale. Des populations nilotiques de haute taille résident dans ces marais où la densité est très faible. Chillouks et Dinkas pratiquent une agriculture à base de sorgho sur les bourrelets alluviaux exondés et abrités des crues, sur lesquels ils établissent leurs villages et pratiquent un élevage de zébus qui transhument sous la conduite de bergers entre des zones non inondées lors des crues et les terres toïch libérées par les eaux en saison sèche. Chez les Nuers, qui se tiennent à l'écart des marais, la vie pastorale est encore plus développée. D'autres groupes, de langue luo, associent cultures, élevage et pêche autour des lacs et des rivières de la cuvette. Alors que certains peuples ont été sédentarisés, des éleveurs nomadisent toujours entre les piémonts frontaliers de l'Ouganda et les bas plateaux (Turkana).
Les animaux ont un rôle social important (dots pour les mariages). On consomme la viande, le lait (beurre, yaourts). La bouse permet de crépir les murs, sert de combustible. L'urine sert au tannage et tient lieu de shampooing, etc. Ces populations pratiquent aussi la pêche (lance, harpon). L'inondation par la crue du Nil Blanc d'un modelé continentale faiblement différencié restreint considérablement le domaine de l'élevage, alors qu'en hiver de vastes espaces à vocation pastorale sont libérés par les eaux.
Hors des marécages, le Soudan du Sud est presque vide (les marchands d'esclaves venaient s'y approvisionner jusqu'au xixe s.). Au S.-O. du Sadd, la culture sur brûlis permet des plantations vivrières de céréales (éleusine, maïs, riz) et de tubercules (igname, manioc), mais la trypanosomiase limite l'élevage. Il est vrai que l'emprise des mouches glossines, vecteurs favorisés par le sous-peuplement et la vitalité du couvert arboré, est forte au sud du 8e parallèle, où, paradoxe lié à l'histoire de la traite négrière, les régions les mieux arrosées du pays sont loin d'être les plus peuplées.
Peu touchés par les fluctuations des marchés, élevage et agriculture contribuent à la stabilité économique.


2.4. L'industrie
En l'absence de minerais économiquement exploitables, le pétrole constitue la principale richesse du sous-sol et du pays. Les principaux gisements sont situés dans le nord du pays, (notamment dans les États de l’Unité et du Haut-Nil). Dépourvu d'infrastructures, le pays devrait acheminer sa production par oléoducs vers le Soudan, qui continuerait à le raffiner puis à l'exporter, principalement vers la Chine, à partir du terminal pétrolier de Port-Soudan, sur la mer Rouge, le Soudan du Sud payant une dîme. Le pétrole devrait permettre au Soudan du Sud de limiter l'inflation et de garder une monnaie stable dans un contexte économique mondial pourtant difficile.
Dans l'ouest du pays, une voie ferrée, datant de la colonisation britannique, relie Ouâou (Wau) à Aoueil et, au-delà, au Soudan. Sa construction a été facilitée par la platitude dominante du relief et par un sol sableux où les voies ont pu être posées sans ballast. Le canal de Jongleï (280 km) relie directement la région de Bor, dans le centre, à Malakâl, dans le nord. Les villes les plus importantes sont Malakâl et Djouba (Juba), création coloniale qui est devenue la capitale du pays et constitue un centre universitaire.


2.5. Les relations extérieures
Le nouvel État, pays enclavé, est dépendant de ses voisins, notamment de l'Éthiopie, qui devrait lui fournir ses ressources en électricité et assurer sa sécurité. Il devrait constituer le principal débouché des exportations de l'Ouganda.
La partition du Soudan, première division à remettre en cause les frontières issues de la colonisation de l'Afrique, entraîne la question de la délimitation des frontières entre les deux pays, notamment dans la région d'Abyei, ville située au Soudan.


HISTOIRE
La naissance, le 9 juillet 2011, du nouvel État du Soudan du Sud est le fruit de plusieurs décennies de guerre civile (1956-1972 et 1983-2005) entre le nord et le sud du Soudan qui, depuis l’annexion par l’Égypte (1821) puis le condominium anglo-égyptien (1899-1924) et la domination britannique (jusqu’en 1956, date de l’indépendance), n’a jamais véritablement connu de développement intégré. Au déséquilibre économique, s’est ajouté le fossé culturel : alors que le Nord a été pour une grande part arabisé et islamisé, les populations nilotiques du Sud ont toujours conservé leurs spécificités et leur grande diversité ethnique, certaines d’entre elles ayant été partiellement christianisées à l’époque de la colonisation britannique.


1. De l’annexion par l’Égypte à la domination britannique
1.1. La conquête égyptienne
En 1821, le pacha d’Égypte Méhémet Ali lance la conquête du Soudan. Les provinces méridionales – Équateur, Bahr el-Ghazal et Haut-Nil – marginalisées, sont particulièrement visées par l’esclavage qui se perpétue malgré son abolition officielle en 1860 sous la pression des Européens. De surcroît, elles ne reçoivent l’attention que du khédive Ismaïl Pacha (1867-1879) qui confie à l’explorateur britannique Samuel White Baker, avec les fonctions de gouverneur de la province d’Équateur, la charge d’annexer les territoires situés dans le bassin du Nil blanc et d’y supprimer la traite. Malgré l’action du gouverneur général Charles Gordon (1874-1880), celle-ci ne prendra cependant fin que très progressivement.


1.2. Le condominium anglo-égyptien et ses conséquences
Sous le condominium anglo-égyptien (1899-1924), les provinces du Sud restent à l’écart du développement jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors que s’y implantent les premières missions catholiques, presbytériennes et anglicanes donnant naissance aux élites, formées en partie également dans les pays voisins d’Afrique de l’Est. À partir des années 1920, les Britanniques décident de réserver au Sud un traitement à part qui conduit à sa séparation de fait : en 1922, le Close District Order interdit la libre circulation entre le Nord et le Sud, les administrateurs et les marchands arabes sont remplacés et expulsés, tandis que la pénétration de l’islam est découragée.
Cette politique de développement séparé conduit même à envisager un rattachement du Soudan du Sud à l’Afrique-Orientale britannique (Ouganda, Kenya et Tanganyika). Toutefois, en 1946, la Conférence administrative sur le Soudan revient sur ces mesures et prône l’unité : après avoir subi les conséquences économiques de l’isolement, le Soudan du Sud est désormais menacé par la domination des élites du Nord, une situation qui conduit à une rébellion en août 1955, à l’initiative de plusieurs unités de l’armée placées de force sous l’autorité d’un commandement nordiste. C’est l’étincelle qui débouche sur la première guerre civile.
Pour en savoir plus, voir l'article colonisation.


2. De l’indépendance du Soudan à la partition
2.1. Première guerre civile (1956-1972)
Alors que le Soudan accède à l’indépendance le 1er janvier 1956, les leaders sudistes tentent dans un premier temps d’obtenir des concessions dans la nouvelle organisation du pouvoir, écartant le recours à la violence. Mais, après le coup d’État d’Ibrahim Abbud (1958) puis sa décision d’encourager l’arabisation et l’islamisation de l’ensemble du pays, la résistance des populations du Sud se radicalise. À partir de 1963, l’insurrection prend la forme d’une guérilla menée par l’Anyanya (du nom d’un venin de serpent), bras armé du premier mouvement de libération sud-soudanais et dirigé par Joseph Lagu. Née dans l’Équateur, la rébellion s’étend bientôt aux deux autres provinces méridionales, reçoit l’appui direct ou indirect d’Israël, des États-Unis, de l’Ouganda et de l’Éthiopie mais s’épuise toutefois en querelles interethniques tandis que le Nord est également en proie à des divisions qui conduisent au coup d’État du général Djafar al-Nimayri en 1969.
La poursuite de la guerre conduit, en 1971, au regroupement des différentes factions de la guérilla sous la direction centralisée du Mouvement de libération du Soudan du Sud (SSLM), avant l’accord d’Addis Abeba du 27 mars 1972, concédant une assez large autonomie aux provinces méridionales.


2.2. Seconde guerre civile (1983-2005)
La région connaît dès lors une période de paix relative jusqu’à la reprise du conflit en mai 1983, dans le sillage de la découverte de gisements de pétrole et à la suite de l’abrogation unilatérale par Khartoum des accords d’Addis Abeba suivie de l’imposition de la charia ; les forces sudistes sont désormais placées sous l’autorité du Mouvement populaire de libération du Soudan et de son armée (SPLM/SPLA) sous le commandement du colonel John Garang, un officier dinka de confession chrétienne. Cette seconde guerre civile, extrêmement meurtrière (plus de 2 millions de morts) ne prend définitivement fin qu’en 2005 avec la signature d'un Accord de paix global (CPA) en janvier au Kenya, fruit de trois ans de négociations sous impulsion étrangère.


3. Le Soudan du Sud indépendant
3.1. Accession à l'indépendance
Après une période intérimaire de 6 ans, en janvier 2011, les Soudanais du Sud se prononcent massivement en faveur de leur indépendance. Celle-ci est proclamée le 9 juillet, en présence de nombreux chefs d’États africains dont le président soudanais Umar al-Bachir, et aussitôt reconnue par la communauté internationale. Une Constitution laïque transitoire, issue d’une révision du texte intérimaire adopté à la suite de l’accord de paix globale de 2005, entre en vigueur avant la future adoption d’une Constitution permanente ; le mandat de tous les représentants politiques élus en 2010 (dans leur très grande majorité du SPLM) est renouvelé pour une période de 4 ans. Mais, alors que de graves séditions sont apparues depuis 2010 au sein même de l’armée sudiste (SPLA), dans le Jonglei notamment, des voix s’élèvent pour que soit rapidement instauré un système pleinement fédéral ou pour contester l’hégémonie des Dinkas au sein de l’État. Cette ethnie représenterait environ 40 % de la population qui compte plus d’une soixantaine de communautés dont les principales sont en outre les Nuers, les Shilluks (ou Chillouks), les Zandés (Azandés), les Baris.


3.2. La main de Khartoum derrière les luttes intertribales récurrentes
Pendant la guerre civile, le gouvernement de Khartoum a joué sur ces divisions recrutant des milices parmi certaines tribus ou clans hostiles à la suprématie dinka, les communautés étant elles-mêmes divisées en de nombreux sous-groupes parfois rivaux. Les conflits interethniques, par exemple entre les Dinkas et les Nuers entre 1991 et 1999, ont ainsi conduit à de fortes tensions entre groupes rebelles. De ces deux ethnies, mais plus particulièrement de la première, sont issus de nombreux dirigeants actuels au premier rang desquels le président (dinka) Salva Kiir Mayardit, chef du SPLM, et le vice-président (nuer) Riek Machar. Le respect du pluralisme culturel et ethnique et la reconnaissance nationale de toutes les langues est ainsi un sujet très sensible, expressément prévu dans le texte constitutionnel.


3.3. Les principaux contentieux
Le statut de la région d'Abyei, à cheval entre le Nord et le Sud
Si la séparation entre le Nord et le Sud est désormais effective, la définition précise de la frontière et les relations entre communautés restent des sources de conflit, en particulier dans la zone d’Abyei, riche en pétrole et dont le statut est toujours flou en dépit de la redéfinition des limites de ce secteur par la Cour permanente d'arbitrage de La Haye en 2009. Refusée par le Nord, son appartenance au Sud est inscrite dans la Constitution transitoire. Mais la consultation par référendum de ses habitants – dont la plupart ont apporté leur soutien aux forces sudistes pendant la guerre civile – a été reportée sine die, faute d’un accord sur le recensement des électeurs et sur la participation des éleveurs nomades arabes Misseriya originaires du Nord (soutenant Khartoum) à cette consultation. En janvier 2011, des affrontements entre ces derniers et des cultivateurs/pasteurs de la tribu native des Ngok Dinkas resurgissent, faisant des dizaines de morts. Après de nouvelles attaques de milices soutenues par Khartoum puis l’intervention des Forces armées soudanaises (nordistes), un accord sur la démilitarisation de la région et le déploiement d’une force de maintien de la paix éthiopienne est finalement accepté par les deux parties en juin. Mais les tensions restent très vives.
Le Kordofan-Sud
S’y ajoute la reprise des violences au Kordofan-Sud voisin, principal État pétrolifère du Nord. Tenu par le NCP au pouvoir à Khartoum mais après avoir échappé de peu à une victoire de la branche nordiste du SPLM lors de l’élection du gouverneur en mai, cet État abrite notamment les Nubas qui se sont battus du côté des Sudistes et se sentent désormais abandonnés par leurs anciens alliés et menacés.
Le partage des richesses pétrolières
Outre les litiges concernant l’accès à la terre, aux pâturages et à l'eau ou la complexité des équilibres ethniques qu’ils révèlent, ces conflits renvoient également au principal contentieux entre le Nord et le Sud : le nouveau partage à venir des ressources issues de l’exploitation du pétrole, dont la plus grande partie des gisements est dans le Sud, mais dont l’acheminement et l’exportation dépendent pour l’heure des infrastructures (pipelines, raffineries, port) contrôlées par le Nord.
La question de la citoyenneté
Parmi les autres pommes de discorde figure aussi la question de la nationalité et de la citoyenneté concernant en particulier le futur statut des nombreux Soudanais du Sud qui avaient trouvé refuge dans le Nord et à Khartoum pendant la guerre civile.
Moins d'une semaine après son indépendance, le Soudan du Sud devient le 193e État membre des Nations unies. Appelé à y jouer un rôle qualifié de « vital » par son secrétaire général, l'ONU y a créé une nouvelle opération de maintien de la paix forte de 7 000 militaires, 900 policiers et 2 000 à 3 000 civils.


4. Vers une pacification de la région ?
Peu après l’accession à l’indépendance, le litige pétrolier entre les deux Soudans et les affrontements intercommunautaires dans les régions frontalières (Kordofan-Sud et Nil Bleu notamment) ressurgissent. Pour le Soudan du Sud, touché de plein fouet en 2012 par une brutale récession et une spirale inflationniste, la reprise de l’exportation de pétrole, qui représente plus de 70 % de son PIB mais qui a été interrompue par Djouba en janvier faute d’un accord sur les tarifs d’acheminement et de raffinage, est vitale.
Alors que les deux pays semblent au bord d’un nouveau conflit armé, sous la pression de l’Union africaine et des Nations unies, les présidents al-Bachir et Salva Kiir s’engagent à régler leurs différends économique et territorial à l’issue de deux sommets qui se tiennent à Addis Abeba en septembre 2012 et en janvier 2013. L’obtention de nouvelles conditions financières ouvre ainsi la voie à la reprise de la production du précieux hydrocarbure.
La délimitation de la frontière est un autre contentieux brûlant qui devrait être réglé après une démarcation confiée à une commission mixte. Le statut de la région d’Abyei, où le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA) est renouvelé en novembre 2012, reste cependant en suspens.


5. Le Soudan du Sud dans la guerre civile
En janvier 2013, un processus de réconciliation en vue de surmonter les tensions politiques et interethniques est lancé. Cependant, les rivalités à la tête du jeune État éclatent en plein jour avec le limogeage du gouvernement et du vice-président Riek Machar en juillet. Alors que ce dernier dénonce un abus de pouvoir avant de prendre la tête d’une rébellion, le président Salva Kiir accuse son rival de tentative de coup d’État.
Couvant depuis plusieurs mois, ces dissensions – dont les origines remontent au moins aux conflits entre leaders du mouvement de libération après la mort de J. Garang en 2005 –, s'aggravent avec l’opposition d’une frange du SPLM à l’exercice de plus en plus personnel du pouvoir par S. Kiir dans la perspective de l’élection présidentielle de 2015. Ce qui semblait n’être qu’un règlement de compte entre chefs politiques acquiert une tournure inquiétante à partir de décembre avec de violents heurts entre factions militaires qui prennent d’emblée une dimension ethnique en opposant Dinkas et Nuers.
Malgré l’ouverture de pourparlers de paix avec la médiation de l’IGAD à Addis-Abeba et un éphémère cessez-le-feu en janvier 2014, les combats se poursuivent, les troupes fidèles à R. Machar prenant l’avantage dans plusieurs zones du Centre et du Nord, tandis que celles du camp présidentiel – appuyées par l’Ouganda, ce qui leur permet notamment de reprendre la ville de Bor et de tenir la capitale – essuient d’importants revers. Le contrôle des champs pétrolifères en devient l’un des enjeux.
Cette nouvelle guerre civile entraîne des déplacements massifs de populations qui se réfugient auprès des forces des Nations unies (MINUSS, présente depuis juillet 2011) ou affluent dans les pays voisins, en Ouganda, en Éthiopie, au Kenya et même au Soudan. Elle s’accompagne d’affrontements interethniques meurtriers et de massacres commis dans les deux camps comme ceux perpétrés à Bor (Jongleï) le 17 avril visant des civils nuers ou, la même semaine, à Bentiu (État d’Unité) dirigés dans ce cas contre des Dinkas, des Soudanais du Darfour suspectés de soutenir les troupes gouvernementales mais aussi des Nuers accusés de ne pas adhérer à la rébellion.
Après 20 mois de guerre, avec la médiation du Kenya, de l’Ouganda et de l’Éthiopie et sous la menace de sanctions de la part des Nations unies, les deux parties finissent cependant par signer un accord de paix en août 2015. Ce texte prévoit notamment une démilitarisation de la capitale, un partage du pouvoir, la création d’une commission « vérité, réconciliation et réparations » et la formation d’un gouvernement d’union nationale de transition, avant l’organisation de nouvelles élections générales.

 

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ÉTHIOPIE

 

Éthiopie
en amharique Ityopya
Nom officiel : République démocratique fédérale d'Éthiopie


État d'Afrique orientale, l'Éthiopie est limitée au sud par le Kenya, au sud-ouest par le Soudan du Sud, à l'ouest par le Soudan, au nord par l'Érythrée, à l'est par la Somalie et Djibouti.
Superficie : 1 100 000 km2
Nombre d'habitants : 95 045 679 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Éthiopiens
Capitale : Addis-Abeba
Langue : amharique
Monnaie : birr éthiopien
Chef de l'État : Wirtu Mulatu Teshome
Chef du gouvernement : Hailemariam Desalegn
Nature de l'État : république
Constitution :
Adoption : décembre 1994
Entrée en vigueur : 22 août 1995

GÉOGRAPHIE


1. Géographie générale

En dehors des plateaux de l'Est (Ogaden) et du désert Danakil, plus au nord, domaines de l'élevage nomade, l'Éthiopie est un pays montagneux (ce qui lui vaut, à cette latitude, de ne pas être désertique). Pratiquement dépourvue de matières premières minières et énergétiques – exception faite d'une petite production d'or –, très faiblement dotée en industries (agroalimentaire, chimie, textile, travail du cuir, concentrées dans la province d'Addis-Abeba et le long du chemin de fer qui aboutit à Djibouti), l'Éthiopie demeure un pays profondément rural (85 % de la population) et agricole. Les cultures s'étagent en fonction de l'altitude : céréales (maïs, sorgho, blé) autour de 2 000 m, plantations à vocation commerciale (canne à sucre, coton et surtout café, réputé pour être le meilleur arabica au monde) au-dessous de 1 500 m. L'élevage est diversifié, exclusif (ovins surtout) dans les régions arides.
La population mêle principalement Abyssins et Oromos et est partagée entre chrétiens monophysites et musulmans.
Mais l'enclavement du pays, sans accès direct à la mer après la sécession de l'Érythrée, le très mauvais état des infrastructures, l'absence de propriété privée des terres et l'évolution erratique des cours des matières premières ne présagent guère une amélioration de l'agriculture à moyen terme. Seul le qat, plante euphorisante consommée dans toute la corne de l'Afrique, connaît un important essor.
L'Éthiopie reste pauvre et demeure très tributaire de l'aide internationale, notamment alimentaire. Depuis les années 1970, elle a en outre subi des sécheresses dramatiques (en 1973 et en 1984), des changements de régime radicaux et des conflits internes – nés des irrédentismes érythréen et somali – qui ont entraîné d'énormes dépenses militaires.
Le pays enregistre cependant une certaine croissance, s'efforçant notamment de développer son secteur agricole et son potentiel énergétique, notamment en construisant le barrage de la Grande Renaissance, sur le Nil Bleu.


2. Le cadre physique


2.1. Le relief
Vaste pays (1 100 000 km2) au relief élevé (Simien ou Ras Dachan : 4 620 m), l’Éthiopie sépare la vallée du Nil soudanais du fossé de la mer Rouge et isole la Somalie de l’Afrique arabe. Des dénivellations de plus de 2 000 m séparent le sommet des plateaux (ambas) des vallées profondes qui incisent le massif éthiopien. La dépression Danakil, au nord-est, étend ses lacs saumâtres de – 40 à – 166 m.


2.2. L’histoire géologique

L’explication de ces contrastes orographiques tient en grande partie dans l’histoire géologique. Les roches précambriennes et secondaires du substrat n’affleurent qu’à la périphérie du plateau (Harar, Sidamo) ; ailleurs, elles sont recouvertes d’épais dépôts de basaltes parsemés de cônes volcaniques anciens (Simien, Dendi, Kollo) ou récents (Erta Ale, Dubbi). Ces épanchements seraient liés à la formation des grandes fosses tectoniques (oligo-miocènes) après le soulèvement de l’ensemble du socle ancien arabo-éthiopien (éocène supérieur). L’une de celles-ci traverse d’ailleurs le pays dans sa partie méridionale, du lac Chew Bahir au golfe de Tadjoura (fossé de l’Aouach [ou Awash]) ; à cet endroit, elle se divise en deux branches, dont l’une correspond à la mer Rouge, l’autre au golfe d’Aden.


2.3. Les pluies
Les pluies sont abondantes sur le massif central et dans le sud-ouest (Iloubabor, Kaffa), où leur total annuel peut dépasser 2 m. Au contraire, elles sont irrégulières et peu abondantes dans l’Ogaden (extrême est) et la partie érythréenne (Massaoua : 188 mm). L’importance des pluies et le relief élevé ont fait du massif central éthiopien un véritable château d’eau.


2.4. Le réseau hydrographique

Le réseau hydrographique comprend :
– les bassins du Nil Bleu, ou Abbaï, du Sobat et du Takazzé, affluent de l’Atbara à l’ouest ;
– le bassin de l’Aouach au nord-est (ce dernier coule au fond d’une Rift Valley et se jette dans le lac Aba, ou Abbé, à la limite occidentale de Djibouri) ;
– enfin, le bassin de l’Omo, tributaire du lac Rodolphe, et les cours supérieurs du Djouba et de l’Ouebi Chébéli au sud.


2. Les différentes régions

Les frontières actuelles sont essentiellement le résultat de l'expansion de l'ethnie amhara sous l'impulsion du négus Ménélik II. Les conquêtes ont permis d'intégrer toutes les populations voisines des Amharas et habitant comme eux les hautes terres du centre du pays ainsi que les ethnies résidant dans les régions de bas plateaux et de plaines qui entourent les hautes terres centrales. Cela explique la complexité actuelle de l'Éthiopie (une quarantaine de groupes, quelque 70 langues). Les conditions naturelles (relief, climat) et la répartition des aires culturelles permettent de distinguer trois grands ensembles géographiques.


2.1. Le foyer amhara


Le foyer amhara est le cœur historique du pays, correspondant à peu près à l'ancienne Abyssinie, région de hautes terres située au N. de l'Abbaï (Nil Bleu), dépassant 4 500 m au Ras Dachan dans le massif du Semien. Dans ce bastion, les Amharas, population chrétienne monophysite parlant une langue sémitique (l'amharique, qui est d'ailleurs la langue nationale de l'Éthiopie), ont développé une civilisation rurale originale, qui a su au cours des siècles préserver son identité et résister à toutes les tentatives de conquêtes avant de s'imposer à son tour dans les régions voisines.

Le paysage dominant est celui de vastes plateaux basaltiques (les ambas) entre 2 000 et 3 000 m d'altitude, profondément entaillés par des rivières dont beaucoup s'écoulent en direction du Nil : Abbaï, issu du lac Tana, et qui correspond au cours supérieur du Nil Bleu, et Takazzé. Les régions le plus densément peuplées se situent vers 2 000 m d'altitude (c'est l'étage dit woïna dega) ; on y pratique à l'araire une agriculture céréalière pluviale (la saison des pluies, de juin à septembre, est la grande saison agricole). Le tef est la principale céréale : ses grains minuscules permettent d'obtenir une farine servant à faire l'enjera, galette consommée avec une sauce épicée contenant quelques morceaux de viande.
Le blé et l'orge sont cultivés à des altitudes plus élevées ; l'orge sert à fabriquer le talla (bière), mais c'est le tedj (hydromel) qui est la boisson nationale. Au-dessus de 2 500 m, l'élevage est plus important que les cultures (c'est l'étage dit dega) ; le lieu habité le plus haut est à 4 000 m. En dessous de 1 800 m (étage dit kolla), on cultive le sorgho et le maïs, mais ces zones plus chaudes et malsaines, correspondant le plus souvent aux vallées, sont évitées par la population, qui se contente souvent d'y mener paître des animaux. Les paysans amharas se sont aussi établis en grand nombre plus au sud, dans le Choa, dont ils ont fait la reconquête et où Ménélik II a installé sa capitale, Addis-Abeba, au xixe s. Cette province a pris au xxe s. une importance considérable, concentrant près de la moitié des citadins d'Éthiopie et près de 80 % des travailleurs de l'industrie. Cette dernière est essentiellement concentrée, en dehors de la capitale, le long de la voie ferrée qui part vers Djibouti en direction de la Rift Valley éthiopienne, qui constitue d'ailleurs aussi une zone de colonisation agricole.

Cette dépression tectonique d'orientation S.-O.-N.-E. coupe en effet les hautes terres éthiopiennes en deux parties. Prolongeant la Rift Valley d'Afrique orientale, elle rejoint le golfe de Tadjoura (République de Djibouti). Son altitude varie de 375 m (lac Turkana) à 1 846 m (lac Zwai) pour redescendre en dessous du niveau de la mer dans l'Afar. Plus chaude et moins arrosée que les hautes terres, elle fut délaissée jusqu'à ce que de grands domaines y soient établis par l'aristocratie amharique (ou des capitaux étrangers) afin d'y pratiquer l'agriculture irriguée de la canne à sucre, du coton, du riz, du maïs et même du café, arrosé en saison sèche.

Dans plusieurs secteurs, les Amharas sont mêlés à d'autres populations, mais même s'ils ne sont pas les plus nombreux, ils constituent partout les classes dominantes.


2.2. Les régions périphériques des hautes terres

Les régions périphériques des hautes terres sont habitées par d'autres populations. Certaines ont adopté le même type d'agriculture que les Amharas. Ainsi, vers le nord, les Tigréens constituent une population chrétienne de langue sémitique débordant en Érythrée très proche des Amharas. Dans le Choa, les Oromos sont souvent musulmans, parfois christianisés et parlent une langue couchitique. Cette population est d'ailleurs la plus importante d'Éthiopie par le nombre (un tiers de la population du pays). Les agriculteurs oromos accordent une place plus importante au bétail que les Amharas. Dans l'ouest des hautes terres (Wollega), un véritable front pionnier se développe. Amharas et surtout Oromos s'installent aux dépens de la forêt (la région est mieux arrosée que l'Abyssinie) pour pratiquer une agriculture où le sorgho est plus important qu'en pays amhara, alors qu'apparaissent les tubercules (inconnus en Abyssinie). Au N. du lac Tana, les Falachas ou Kaylas sont des Juifs pratiquant l'agriculture mais surtout l'artisanat, activité considérée comme déshonorante par les Amharas.

Sur les rives du lac Tana, la ville neuve de Bahar Dar reçoit l'électricité produite sur les chutes de l'Abbaï. C'est aussi sur cette rivière qu'est entrée en service en 1973 la centrale hydroélectrique de Findjar, la plus puissante du pays.
Certaines populations pratiquent une agriculture très différente de celle des Amharas. Au Sud d'Addis-Abeba, les Gouragués, de langue sémitique, cultivent l'ensette, faux bananier dont les nervures des feuilles donnent une farine constituant la base alimentaire. Les Sidamos, population couchitique animiste, qui occupent les hautes terres situées au S. de la Rift Valley (4 340 m au mont Galamo), se nourrissent aussi à partir d'ensettes, plantés autour des maisons en bambou de forme elliptique et séparés des pâturages par des haies d'euphorbes. Les Sidamos sont d'importants éleveurs de bovins, et le lait et le beurre sont des éléments importants de leur alimentation (la viande est plus secondaire).

C'est dans les zones d'ensette que l'on observe les densités les plus fortes (plus de 200 habitants par km2).


2.3. Les régions de bas plateaux et de plaines entourant les hautes terres centrales

Les régions de bas plateaux et de plaines entourant les hautes terres centrales présentent un vigoureux contraste climatique. À l'O. et au S., les pluies sont abondantes (2 m) et assez bien réparties toute l'année. Les provinces de Kaffa et de Sidamo produisent du café arabica en grandes plantations familiales. Le café est le principal produit d'exportation du pays, et cette région est probablement le foyer d'origine du café qui y pousse aussi spontanément. Le long de la frontière du Soudan du Sud, des populations nilotiques cultivent le mil, le sorgho, le maïs, la patate douce. Dans la province d'Iloubabor, on a développé des plantations de thé. Les régions périphériques de l'Est sont au contraire semi-arides ou arides. Seuls quelques îlots montagneux sont occupés par des agriculteurs sédentaires, ainsi les montagnes de la région de Harar, où, à côté du sorgho et du maïs vivriers, on observe des plantations de café établies sur des terrasses irriguées. Le café recule cependant devant le qat, stupéfiant exporté clandestinement vers l'Arabie par Djibouti. Ailleurs, c'est le domaine des semi-nomades et nomades. Dans le sud du Sidamo, des pasteurs oromos, les Boranas, élèvent bovins et chevaux sans déplacer leur habitat. L'Est est le domaine des nomades chameliers qui élèvent ovins et caprins en évoluant vers le semi-nomadisme; ils parlent des langues couchitiques : Somalis de l'Ogaden (Darods, Issas), Afars (ou Danakils) des régions basses et volcaniques entourant la République de Djibouti. Les Afars exploitent aussi le sel des chotts de leur région et en effectuent le commerce en direction des hautes terres centrales. La voie ferrée reliant Addis-Abeba à Djibouti traverse ces déserts. Elle a permis le développement de Dirédaoua, troisième centre industriel de l'Éthiopie après la capitale et Asmara. La circulation se limite désormais au tronçon Djibouti-Dirédaoua.

Parmi les peuples qui vivent en partie ou en totalité en Éthiopie figurent les Amharas, les Gallas, les Gouragués, les Afars, les Issas, les Kaffas, les Tigréens, les Somalis, les Murles.


HISTOIRE
Les définitions de l'Éthiopie sont restées longtemps légendaires : pays de Pount des Égyptiens, encore très imprécise pour Hérodote, l'Éthiopie n'apparaît avec certitude qu'avec Strabon (mais faisant un tout avec les Somalies) et Ptolémée, qui mentionne le royaume d'Aksoum. En fait, l'Éthiopie semble avoir été pour les Anciens synonyme d'« Afrique noire ». Au temps des Ptolémées se développent des relations maritimes et commerciales avec la côte érythréenne et la royauté d'Aksoum, mais les idées sur l'intérieur demeurent floues.


1. L'Éthiopie du royaume d'Aksoum au milieu du xixe siècle


1.1. Les royaumes sabéens


Aux environs de 1000 avant J.-C. se constituent sur la côte méridionale de l'Arabie des royaumes connus sous le nom de « sabéens », en possession de techniques agraires évoluées, notamment de l'irrigation. C'est à eux que se rattache la tradition nationale faisant descendre les empereurs d'Aksoum, par Ménélik Ier, de la reine de Saba et de Salomon.
La civilisation d'Aksoum est un mélange, semble-t-il, de la culture autochtone et de la culture sabéenne, notamment de celle apportée par la dernière vague de ces colonisateurs (temple de Yeha dans le Tigré, fondation du port d'Adulis, traces d'irrigation sur les hauts plateaux).


1.2. Le royaume d'Aksoum


Le royaume d'Aksoum, fondé par les Sabéens, apparaît aux alentours de 500 avant J.-C. Sa puissance s'étend à toute l'Éthiopie du Nord et la plus grande partie du Centre, jusqu'au Nil Bleu à l'ouest et aux dépressions de l'Est. Des inscriptions gravées sur la pierre des fameuses stèles d'Aksoum (en sabéen, en guèze ou en grec) témoignent de ces expéditions menées jusqu'en Arabie et de la conquête du royaume de Méroé.
Le plus illustre des empereurs est Ezana, monté sur le trône vers 320 après J.-C. et converti au christianisme par saint Frumence, envoyé du patriarche d'Alexandrie portant le titre d'abouna. Rattaché ainsi à l'Église égyptienne, le pays la suit dans l'hérésie monophysite.
Le règne de Caleb, qui châtie le prince juif de Sanaa coupable d'avoir mis à mort un de ses sujets chrétiens (523), marque l'apogée du royaume d'Aksoum. La civilisation, à la fois agricole et urbaine, a été vivifiée par un important commerce (ivoire, or, esclaves, contre armes, métaux, tissus de coton), qui, à partir de 250, utilise aussi des pièces de monnaie.
La naissance et la rapide expansion de l'islam au viie siècle aboutissent à couper le royaume d'Aksoum de ses sources (Arabie et Égypte). Mais, au début du xe siècle, les Éthiopiens reprennent pied sur le littoral érythréen, reconquièrent les îles Dahlak, ce qui n'empêche pas le royaume d'Aksoum, affecté aussi par les combats en mer Rouge et contre les Bedjas du Soudan, de s'effondrer, victime des révoltes des populations autochtones non christianisées, personnifiées par la légendaire princesse Judith.


1.3. Période de prospérité (xiiie-xvie siècle)


Une dynastie usurpatrice connue sous le nom de Zagoué, appartenant à la vieille race autochtone des Agaous, prend alors le pouvoir dans la région de Lasta, avec Roha (aujourd'hui Lalibela, du nom du plus célèbre de ses rois [1190-1225]) comme capitale. Vers 1270, le dernier roi Zagoué doit céder la place à Yekouno Amlak (1270-1285), qui prétend descendre de la dynastie légitime salomonienne. Il établit sa capitale à Tegoulet dans le nord du Choa. C'est le début d'un brillant renouveau.
Pendant plus de deux siècles et demi, les Éthiopiens développent leur prospérité et enrichissent leur culture. La civilisation, centrée sur la religion, prend sa forme originale. Toutefois, Yekouno Amlak et ses successeurs seront engagés dans une guerre perpétuelle contre les populations islamisées de l'Est et du Sud. La langue parlée n'est plus le guèze mais l'amharique. Les « rois des rois » sont également aux prises avec les populations païennes du Nord-Ouest, qu'ils tentent d'assujettir et de christianiser. Au cœur même du royaume, leur autorité se heurte à la tradition d'indépendance des chefs locaux héréditaires et s'épuise en luttes contre les hérésies et les dissensions du clergé.


1.4. Guerres et troubles
Sous le règne de Lebna Denguel (1508-1540), le royaume d'Éthiopie est presque entièrement conquis par les troupes musulmanes de l'imam Ahmad ibn Ibrahim al-Ghazi, plus connu sous le nom d'Ahmad Gran, originaire du Harar. Les églises et les monastères sont détruits, les cultures ravagées, le bétail tué et nombre d'habitants vendus comme esclaves. Le négus mort, les Portugais qu'il a sollicités en 1535 viennent à l'aide de la monarchie.
Après des succès initiaux, les Portugais sont décimés par les musulmans, aidés par les Turcs, et leur commandant, dom Cristóvão da Gama, est fait prisonnier et massacré (1542). Mais les survivants se regroupent autour de l'empereur Claude (Galaoudéos) [1540-1559] et Ahmad Gran est tué à son tour au cours de la bataille d'Ouaïna Daga, près du lac Tana, en 1543. L'échec de la tentative de conquête d'Ahmad Gran laisse chrétiens et musulmans également épuisés par une lutte longue et acharnée.
Le pays est par ailleurs soumis d'une part aux invasions des Gallas païens, venus du sud-est, qui repoussent les musulmans vers le nord-est, s'infiltrent vers le nord le long du contrefort oriental du massif éthiopien et parviennent à l'ouest jusqu'au Nil Bleu, d'autre part à la lente poussée des nomades afars et somalis vers l'ouest.
L'intervention portugaise amène en Éthiopie – en laquelle l'Europe a cru reconnaître l'empire fabuleux du Prêtre-Jean – des missionnaires catholiques qui tentent de la ramener dans le giron de l'Église de Rome, ajoutant encore aux difficultés du pouvoir central. Les rois Minas (1559-1663), Sartsa Denguel (1563-1597), tout en luttant contre les Gallas, maintiennent tant bien que mal un équilibre religieux.
Après une période de troubles, le roi Sousneyos (1607-1632) suscite l'assimilation d'une partie des Gallas, mais sa conversion au catholicisme, sous l'influence du jésuite Pedro Páez en 1613, provoque la révolte du pays, et il préfère abdiquer au profit de son fils Fasilidas (1632-1667). Celui-ci expulse les jésuites et interdit le catholicisme. Il fixe sa capitale en 1636 à Gondar et ordonne la construction d'un château autour duquel viennent s'agglomérer peut-être 100 000 habitants.
Ses successeurs continuent à embellir la ville, symbole de leur autorité centralisatrice. Ils tentent de défendre leurs frontières, et même de les étendre, tandis que les chefs héréditaires des principales provinces (Tigré, Semien, Begameder, Lasta, Choa, Godjam) rivalisent d'influence à la Cour.


1.5. La « période des princes »


Au milieu du xviiie siècle s'ouvre la « période des princes ». Sous le règne de Iyassou II (1730-1755), qui a épousé une femme galla, une faction galla (devenue entre-temps adepte de l'islam) vient s'ajouter à toutes celles qui intriguent à la Cour. Au début de la seconde moitié du xviiie siècle, le ras Mikael, du Tigré, confisque en quelque sorte la monarchie à son profit. On le surnommera le « faiseur de rois ». L'Empire verra se développer dans le gouvernement et dans les mœurs un esprit féodal dont les vestiges se perpétueront jusqu'au début du xxe siècle.
Un homme énergique, Kassa, d'une famille de chefs du Kouara, dont le père est tombé au combat contre les musulmans venus du Soudan, réussit à s'imposer au milieu de l'anarchie qui règne depuis le début du siècle. Il met fin à la suprématie des ras (titre de la plus haute dignité, après le négus) gallas en vainquant le ras Ali en juin 1853, puis les chefs du Godjam, du Semien, du Begameder et du Tigré, et occupe alors le Choa, dont il emmène en otage l'héritier Ménélik. En 1855, il se fait oindre et proclamer « roi des rois » sous le nom de Théodoros II.


2. L'Éthiopie face aux puissances coloniales


2.1. Théodoros II (1855-1868)


Arrivé au pouvoir, Théodoros II entreprend un certain nombre de réformes, organisant l'administration des provinces, confiées à des fonctionnaires nommés par lui, créant une armée de métier payée sur le Trésor public. Tenant Gondar et ses richesses pour responsables de la décadence de l'Empire, il incendie la cité et transfère sa résidence dans le Centre, sur l'amba de Magdala. Hostile aux musulmans, Théodoros II mate une insurrection des Gallas et, le premier, cherche l'appui des Européens, particulièrement des Anglais, pour moderniser son pays.
Mais c'est aussi l'époque où les puissances occidentales rivalisent pour tenter de s'installer sur la côte est de l'Afrique, au débouché de la mer Rouge, dont l'importance est liée à l'ouverture prochaine du canal de Suez. La rupture avec les Anglais intervient pour de multiples causes (activités des missionnaires protestants, incursions égyptiennes, malentendus diplomatiques). La Grande-Bretagne, pour délivrer ses ressortissants et diplomates emprisonnés, organise une expédition militaire contre la capitale du négus, Magdala. Les troupes de sir Robert Napier, laissées libres d'agir par des populations qui redoutent le fanatisme religieux de l'empereur, écrasent les troupes éthiopiennes, provoquant le suicide de Théodoros (1868) et le retour de l'anarchie pour quatre ans, jusqu'à ce que le chef du Tigré devienne empereur sous le nom de Jean IV (Johannès IV) [1872-1889] et continue l'œuvre de réunification nationale.


2.2. Johannès IV (1872-1889)
En face des ambitions européennes développées depuis l'ouverture du canal de Suez (1869) – la France s'installe à Obock (1881) et Djibouti (1885) – et pour faire face au danger italien (installation à Assab en 1882 et à Massaoua en 1885), Johannès IV recherche l'appui de la Grande-Bretagne (établie à Aden dès 1839) et traite avec Ménélik, roi du Choa, qu'il reconnaît comme héritier présomptif (1878).
Cependant les Égyptiens, vassaux des Turcs, ne sont pas moins avides que les Européens et en 1875 occupent Harar, qui ne sera libérée par Ménélik qu'en 1887, malgré la défaite que leur ont infligée les forces impériales à Goura en 1877.
Enfin, l'Éthiopie est aussi attaquée à l'ouest par les troupes mahdistes, d'abord victorieuses au Godjam, puis battues à Metemma par Johannès IV, qui est mortellement blessé (1889).


2.3. Ménélik II (1889-1913)
Devenu empereur, Ménélik, tout en poursuivant une politique d'expansion territoriale, négocie avec l'Italie, par l'intermédiaire du ras Makonnen, gouverneur du Harar, le traité d'Uccialli (2 mai 1889). Celui-ci reconnaît à l'Italie la possession de l'Érythrée et la faculté de s'étendre jusqu'à Asmara et institue un véritable protectorat de fait sur l'Éthiopie, à la faveur d'un double texte, italien et amharique, dont Ménélik n'a pu lire que cette dernière rédaction.
Pour en savoir plus, voir l'article campagnes d'Éthiopie.
Ménélik s'attache à moderniser le pays (fondation d'une compagnie de chemin de fer franco-éthiopienne, appel à de nombreux techniciens, transfert de la capitale à Addis-Abeba). Son autorité suffisamment établie, il s'indigne des prétentions italiennes, dénonce le traité d'Uccialli (1893), écrase les troupes du général Baratieri à la bataille d'Adoua (1er mars 1896) et impose aux Italiens le traité d'Addis-Abeba, reconnaissant la souveraineté éthiopienne.
Mais les convoitises italiennes toujours vivaces, la course franco-anglaise à la vallée du Nil (→ affaire de Fachoda) aboutissent au partage de l'Éthiopie en trois zones d'influence économique (anglaise, française et italienne) par la convention du 13 décembre 1906, qui affirme, d'ailleurs, respecter l'intégrité du territoire.
Ménélik II, malade, se retire dès 1907, laissant s'instituer une régence en attendant que puisse régner son petit-fils Lidj Iyassou. Le pays entre de nouveau dans une ère d'intrigues et de rivalités qui ruinent partiellement l'œuvre de Ménélik. À partir de 1911, Iyassou, qui n'a que 15 ans, rejette toute tutelle, mais se montre peu capable de gouverner. Favorable aux Turcs et à l'Allemagne, il est déposé en 1916 par les grands du royaume et l'Église, avec l'appui discret des Alliés. Zaouditou, fille de Ménélik II, est proclamée impératrice (1916).


3. Le règne de Hailé Sélassié (1930-1936 et 1941-1974)


3.1. Du régent Tafari au « roi des rois » Hailé Sélassié
Apparaît alors sur la scène politique le ras Tafari, fils du ras Makonnen, nommé régent et héritier du trône. Il se consacre à la politique extérieure, adhérant à la Société des Nations (SDN) (1923) et au pacte Briand-Kellog (1928), ainsi qu'au progrès social et culturel de la nation. À la suite de l'échec d'une tentative de coup d'État, il devient négus, puis « roi des rois » en 1930 à la mort de Zaouditou, après avoir brisé la révolte de plusieurs provinces, et prend le nom de Hailé Sélassié.
Hailé Sélassié s'attache dès lors à promouvoir des réformes politiques prudentes, mais réelles, et à résister par ailleurs aux entreprises italiennes. En 1931, il octroie une Constitution qui proclame son pouvoir absolu de droit divin, mais prévoit un Conseil privé où les compétences doivent progressivement remplacer les privilèges sociaux ; il institue des ministres et un Parlement consultatif, composé d'un Sénat de 30 membres, choisis par l'empereur, et d'une Chambre des députés de 60 membres, nommés par les chefs locaux.


3.2. La conquête italienne
Mais les Italiens en 1925, puis de nouveau en 1928, tentent par la voie diplomatique d'affirmer leur emprise sur l'Éthiopie. Dès 1930, Mussolini est décidé à la conquête. L'Italie prend prétexte d'un premier incident en novembre 1934 dans l'Ogaden, puis d'un autre à Oual-Oual, pour mettre en accusation l'Éthiopie devant la SDN. Au mépris des principes de la SDN, les Anglais et les Français sont prêts à se résigner à accepter une tutelle italienne sur l'Éthiopie. Mais déjà, le 3 octobre 1935, les troupes italiennes franchissent la frontière érythréenne. La conquête dure sept mois. (→  campagnes d'Éthiopie) L'empereur se réfugie en Angleterre. Jusqu'en 1941, l'Éthiopie constituera avec l'Érythrée et la Somalie italienne l'Africa orientale italiana.


3.3. Libération et modernisation de l'Empire
Libérée en 1941 par les troupes anglo-françaises, l'Éthiopie retrouve son indépendance (traité avec la Grande-Bretagne le 31 janvier 1942) et proclame dès 1945 ses droits sur l'Érythrée et la Somalie italienne. Un référendum fait connaître le désir de l'Érythrée d'être rattachée à l'Empire. Elle y sera en pratique fédérée en 1952, puis deviendra simple province en 1960. L'Ogaden est restitué en 1948 par les Britanniques, mais le problème de la frontière avec la Somalie n'est pas réglé lors de l'accession de celle-ci à l'indépendance en 1960, d'où une série d'incidents – même armés – jusque vers 1965.
Dès 1942, l'empereur a entrepris de réorganiser l'administration du pays en douze provinces, gouvernées chacune par un ras responsable devant les ministres et dépourvues de forces armées pour éviter les tentations de dissidence. Est aussi créé un système judiciaire hiérarchisé, accompagné d'une réforme du droit pénal distinguant les pays de droit chrétien de ceux de droit musulman. En 1945 sont installés des conseils municipaux élus et, à l'occasion du jubilé impérial de 1955, une nouvelle Constitution accorde au Parlement (Sénat nommé par l'empereur parmi les hauts dignitaires de l'État et Chambre élue au suffrage universel à raison de deux députés par circonscription de 200 000 habitants) l'initiative des lois (concurremment avec le négus) et la publicité des débats. L'Éthiopie demeure cependant une autocratie.
Les années d'après-guerre voient s'accroître l'audience internationale de l'Éthiopie, grâce au prestige de l'empereur, symbole de l'indépendance africaine. Cette audience s'affirmera notamment, après les mouvements d'indépendance des années 1960, au sein de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), dont le siège est fixé en 1963 à Addis-Abeba.
En décembre 1960, la garde impériale, profitant d'un voyage de l'empereur au Brésil, tente de le remplacer par le prince héritier, mais la situation est rapidement rétablie. En 1966, Hailé Sélassié entreprend une certaine libéralisation du régime en donnant au Premier ministre, responsable devant l'empereur, mais aussi devant le Parlement, le pouvoir de désigner les membres du cabinet. Le mécontentement n'en persiste pas moins dans les milieux libéraux et intellectuels, qui réclament notamment une réforme agraire.


3.4. Premiers signes de contestation et destitution de l'empereur
Si les difficultés frontalières se règlent avec le Soudan en 1967 et s'apaisent avec le Kenya, un conflit armé se développe à partir de 1964 dans l'Ogaden ; puis un Front de libération de l'Érythrée (FLE) se constitue, soutenu par des pays arabes, notamment l'Iraq et la Syrie, soucieux de fermer la mer Rouge pour isoler le port israélien d'Eilat. Des détournements d'avions d'Ethiopian Air Lines et la destruction à Francfort d'un Boeing entraînent l'expulsion de diplomates tchécoslovaques et de journalistes soviétiques, accusés d'actions subversives. À partir de 1970, les affrontements se multiplient entre l'armée et le FLE. L'état d'urgence est proclamé, mais au début de 1974 les séparatistes, ayant fait taire les dissensions entre chrétiens et musulmans, contrôlent la moitié de la province.
Cette situation, aggravée par l'impuissance du gouvernement devant la famine qui sévit depuis 1971 comme dans toute la frange sahélienne de l'Afrique, entraîne une crise sans précédent : mutinerie de militaires à Asmara, manifestations à Addis-Abeba et agitation dans l'ensemble du pays. En février 1974 éclate une révolte générale de l'armée de terre : la marine occupe Massaoua, l'aviation Debra Zeyt. Aux officiers supérieurs, aristocrates et conservateurs, s'opposent de jeunes officiers réformistes, issus des classes modestes. À la grève des étudiants et universitaires s'ajoutent celle des travailleurs, la révolte des paysans contre les propriétaires terriens, les revendications du bas clergé contre la hiérarchie orthodoxe et des musulmans, qui réclament l'égalité des droits avec les coptes. Le contrôle de l'armée, où la tendance progressiste l'emporte, s'étend peu à peu sur le pays. Le 12 septembre, l'empereur, qui a été privé peu à peu de ses derniers pouvoirs, est déposé, le Parlement est dissous et la Constitution de 1955 abrogée par le Conseil militaire provisoire.


4. La dictature marxiste-léniniste du général Mengistu (1977-1991)


4.1. Luttes de factions au sein du Derg
La période qui s'ouvre alors est marquée par des luttes intestines au sein du Conseil militaire – le Derg, junte millitaire composée de cent vingt hommes, simples soldats et officiers –, l'instauration d'un régime socialiste et des guerres épuisantes contre la Somalie et les irrédentistes érythréens. Deux factions s'opposent au sein du Derg : le MEISON (Mouvement socialiste panéthiopien) et le parti révolutionnaire du Peuple éthiopien. Leur affrontement se traduit par des purges sanglantes, dont sont successivement victimes les deux généraux portés à la tête de l'État, l'Érythréen Aman Andom et Teferi Bante, exécutés respectivement en 1974 et 1977. Le colonel – puis général – Mengistu Hailé Mariam sort vainqueur de cette épreuve de force et devient chef de l'État et président du Derg le 11 février 1977, après l'élimination de Teferi Bante.


4.2. La « terreur rouge » et la République populaire démocratique d'Éthiopie
La politique éthiopienne s'oriente vers l'option socialiste. Dès 1974, le nouveau régime met au pas les syndicats avant d'entreprendre la nationalisation des terres et des entreprises privées. Il s'ensuit une répression sans pitié – la « terreur rouge » – dirigée contre toute forme d'opposition et menée par les comités de quartier, formés dans les villes. En 1976, les étudiants sont envoyés dans les villages pour une campagne d'alphabétisation et d'éducation des masses rurales. En 1984, un parti unique est créé : le parti des Travailleurs d'Éthiopie, dont le général Mengistu est le secrétaire général. À la suite de la sécheresse qui frappe durement le pays la même année, le gouvernement procède à un déplacement massif des populations les plus éprouvées, au nord du pays, vers les zones moins peuplées et mieux arrosées de l'ouest et du sud. L'opération – qui affecte plusieurs centaines de milliers de paysans – est vivement critiquée par les organisations humanitaires, qui y voient une manœuvre politique destinée à dépeupler les régions les moins dociles à l'égard du régime. En 1987, une nouvelle Constitution fédérale est adoptée par référendum, et l'Éthiopie devient une démocratie populaire de type soviétique.


4.3. La guerre de l'Ogaden
Entre-temps, le régime a dû affronter les irrédentismes somali et érythréen. La Somalie revendique en effet l'Ogaden et soutient activement le Front de libération de la Somalie occidentale, qui y mène des opérations de guérilla et s'infiltre en Éthiopie. En 1977, un conflit éclate entre les deux pays. Comme les troupes éthiopiennes se trouvent en mauvaise posture, le général Mengistu se rend à Moscou. On assiste alors à un spectaculaire renversement d'alliance : l'URSS, qui soutenait jusqu'à présent la Somalie, décide d'appuyer l'Éthiopie. Des conseillers soviétiques viennent renforcer l'armée éthiopienne, consolidée également par des troupes cubaines. L'armée somalienne est défaite, et, en 1978, la Somalie renonce à ses revendications sur l'Ogaden.


4.4. L'Éthiopie face aux irrédentismes érythréen et tigréen
Le régime éthiopien peut alors reporter son effort militaire contre deux mouvements de libération érythréens : le Front de libération de l'Érythrée (FLE), à dominante musulmane et soutenu par le Soudan, et le Front populaire de libération de l'Érythrée (FPLE), qui regroupe chrétiens et musulmans de tendance socialiste. Le FPLE s'avère le mieux structuré, mais il se voit néanmoins contraint d'abandonneren 1978 les villes qu'il avait conquises. Pourtant, plusieurs offensives postérieures de l'armée éthiopienne ne parviennent pas à réduire la rébellion, qui, par la suite, reconquiert progressivement le terrain perdu.
Le régime éthiopien doit également faire face à plusieurs mouvements d'opposition interne, le plus souvent à base ethnique, en pays afar, oromo et dans le Tigré. Tandis que l'effondrement de l'URSS, en 1991, prive l'Éthiopie de son principal soutien, le Mouvement populaire de libération du Tigré (MPLT) – à dominante marxisante – prend le contrôle de cette province. Il fédère alors plusieurs mouvements d'opposition (amhara et oromo notamment) au sein d'un Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), dirigé par Meles Zenawi et dont les troupes progressent rapidement vers Addis-Abeba.


5. Meles Zenawi (1991-2012)
En 1991, le général Mengistu Hailé Mariam renonce au pouvoir pour se réfugier au Zimbabwe (jugé par contumace depuis 1994 par la Haute Cour fédérale de son pays, reconnu coupable de génocide en 2006, il est condamné à la prison à vie en 2007). Meles Zenawi, le leader du FDRPE, qui a abandonné entre-temps ses options marxisantes, est alors élu à la tête de l'État par une conférence nationale. Il règle le problème érythréen, d'autant plus facilement que le MPLT et le FPLE ont combattu ensemble le régime de Mengistu.
En 1993, Addis-Abeba accorde l'indépendance à l'Érythrée, moyennant un accord qui ménage à l'Éthiopie un accès aux ports érythréens de Massaoua et d'Assab. Mais le nouveau régime, soutenu par les États-Unis, se heurte à différents mouvements d'opposition – comme le Front de libération oromo (FLO) et l'Organisation populaire panamhara (OPPA) – qui accusent les Tigréens de monopoliser le pouvoir. Les autorités procèdent à de nombreuses arrestations dans les rangs de l'opposition, rassemblée au sein de diverses coalitions. Les formations hostiles au régime, en particulier le FLO, boycottent les élections de 1994 à l'Assemblée constituante et les législatives de 1995, remportées haut la main par le FDRPE.
En 1995, après la rédaction d'un nouvelle Constitution, l'Éthiopie devient une république fédérale, composée de neuf régions à base ethnique, chacune étant pourvue d'une large autonomie et d'un droit théorique à la sécession. Le Parlement élit président un Oromo, Negasso Gidada, tandis que M. Zenawi devient Premier ministre, fonction qui lui assure la direction effective du pouvoir.
La nouvelle Constitution ne suffit pourtant pas à ramener le calme : les partis d'opposition continuent à se multiplier, malgré une répression contraignant souvent leurs dirigeants à l'exil. Deux mouvements de rébellion islamique font en outre leur apparition en pays oromo et dans l'Ogaden. D'autre part, le procès des dirigeants de l'ancien régime, accusés d'avoir organisé la « terreur rouge », s'ouvre en 1995, tandis que le Zimbabwe refuse l'extradition de Mengistu.
Les tensions au sein de la coalition au pouvoir – le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) – dans lequel le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) occupe une place dominante, aboutissent en mars 2001 à la suspension de 12 membres du Comité central, fragilisant M. Zenawi accusé par certains de faiblesse envers l'Érythrée et la communauté internationale. Après son investiture comme unique candidat par le FDRPE à la présidence de la République, Girma Wolde-Giorgis est élu par le Parlement en octobre 2001.
Les élections de mai 2005, marquées par une très forte mobilisation populaire, voient une nette progression de l'opposition qui conteste vivement la victoire annoncée du FDRPE. Au terme d'une crise de quatre mois, accompagnée de violences et de nombreuses arrestations, le FDRPE remporte la majorité absolue au Parlement fédéral devant la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD), le mouvement d'opposition le plus important.
Les élections de mai 2010 se soldent de nouveau par la victoire écrasante du FDRPE (499 sièges sur 547) un résultat avalisé le 21 juin après le rejet par la Cour suprême des recours déposés par l’opposition et malgré les réserves émises par la mission d’observation de l'UE et les États-Unis sur la régularité du scrutin.
La mort de Meles Zenawi en août 2012 après vingt-et-un ans de règne, ouvre une période d’incertitude. Le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Hailemariam Desalegn lui succède, s’engageant à renforcer le pluralisme et la démocratie dans le pays alors que de graves atteintes aux droits humains – dont des journalistes et des opposants sont notamment les victimes –, sont dénoncées par Human Rights Watch. En octobre 2013, le Parlement élit Mulatu Teshome Wirtu à la présidence de la République.
6. Vers un équilibre des tensions ?
En politique étrangère, les relations avec le Soudan se détériorent. Khartoum refuse d'extrader les auteurs de la tentative d'assassinat du président égyptien Hosni Moubarak, qui a eu lieu dans la capitale éthiopienne lors du sommet de l'OUA, en 1995. De son côté, Addis-Abeba apporte son soutien à la rébellion du Sud-Soudan. Une amélioration dans les relations entre les deux pays se dessine en 1998, se traduisant par la reprise des vols entre les deux capitales.
Au même moment, les rapports avec l'Érythrée s'enveniment. En 1997, l'introduction d'une nouvelle monnaie dans ce pays – qui utilisait jusque-là le birr éthiopien – provoque une sérieuse tension entre les deux États, que vient encore aggraver un différend frontalier. Ceux-ci finissent par s'affronter militairement à partir de mai 1998. Après plusieurs tentatives de médiation infructueuses, un accord de cessez-le-feu élaboré par l'OUA, soutenue par l'ONU et l'Union européenne, est signé en juin 2000. Cet accord prévoit le déploiement d'une force de maintien de la paix (Mission des Nations unies en Érythrée, Minuee), puis en décembre, la signature d'un accord de paix et la délimitation de la frontière par une Commission internationale.
En décembre, alors que le déploiement de quelque 4 200 Casques bleus à la frontière avec l'Érythrée a commencé, un accord de paix est signé à Alger par les autorités éthiopiennes et érythréennes. L'Éthiopie, après avoir rejeté la décision rendue par la Commission internationale en 2002, l'accepte finalement en 2004 et invite l'Érythrée à ouvrir un dialogue. À la suite du refus de cette dernière, le processus de paix demeure toujours dans l'impasse. En novembre 2006, la Commission trace une démarcation « virtuelle » entre les deux États mais l'Éthiopie rejette la procédure.
Les deux États, qui concentrent des forces militaires de part et d'autre de la zone de sécurité temporaire, se rejettent mutuellement la responsabilité du blocage de la situation. La Commission achève sa mission le 30 novembre 2007 sans avoir obtenu l'application de ses décisions.
Longtemps envenimées par le souvenir laissé par la guerre de l'Ogaden, les relations avec la Somalie s'intensifient. Au sein de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l'Éthiopie accompagne le processus de paix en cours dans ce pays. En 2006, elle intervient militairement aux côtés des troupes somaliennes dans le conflit qui les oppose à l'Union des tribunaux islamiques, soutenue par l'Érythrée. Si elle accepte de retirer ses forces militaires en 2009, elle maintient sa pression avant de mener de nouvelles opérations contre les milices islamistes chabab à partir de novembre 2011 tout en soutenant le processus de transition politique lancé à Muqdisho depuis août 2012.

 

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LA RÉSISTANCE

 

 

 

 

 

la Résistance


Ensemble des actions menées, durant la Seconde Guerre mondiale, contre les occupants et leurs auxiliaires ; ensemble de ceux qui ont participé à ces actions.
Introduction
De 1940 à 1944, l'Allemagne hitlérienne domine le continent européen. L'ambition de Hitler est de modeler autour du grand Reich germanique (Grossdeutschland) une Europe inféodée, contrainte de mettre ses richesses humaines et économiques à sa disposition. Mais la nazification de l'Europe se heurte dans tous les pays à des actes de résistance, qui vont aller en s'amplifiant au fur et à mesure du durcissement des conditions d'occupation et de l'amélioration de l'organisation des réseaux de résistants.
Les objectifs de la Résistance sont militaires et visent à aider l'effort de guerre par le sabotage, le renseignement, le rapatriement des combattants (aviateurs par exemple) puis la formation de maquis. Ils sont également civils et cherchent à protéger les proscrits (communistes, Juifs, réfractaires) tout en formant l'opinion publique par la presse clandestine ou la diffusion de tracts… Ils sont enfin politiques, prévoyant, la victoire acquise, de prendre le pouvoir et de procéder à de profondes réformes.
Perçue comme une force occasionnelle, la Résistance n'est pas incluse dans une stratégie élaborée par les Alliés. Cependant la Grande-Bretagne, où se retrouvent les gouvernements exilés, devient la plaque tournante de tous les réseaux d'action et de renseignements vers l'Europe occupée. Les États-Unis fourniront progressivement en armes les mouvements de résistance, alors que l'URSS se préoccupera essentiellement des partisans soviétiques opérant sur les arrières allemands. Il existera de sérieuses divergences tactiques entre les Alliés : pour les Soviétiques, en effet, il importe d'intensifier les actions de guérilla, les attentats et les sabotages, alors que les Britanniques préfèrent, en accord avec les gouvernements en exil, limiter ces actions afin d'éviter des représailles meurtrières contre les populations civiles. Les difficultés ne cesseront pas entre les tuteurs occidentaux de la Résistance – SOE (Special Operations Executive) britannique, créé dès juillet 1940, auquel s'ajoute en 1942 un organisme américain, l'OSS (Office of Strategic Services) – et l'URSS, la Pologne étant la principale victime de ces divisions.
1. Naissance des mouvements de Résistance
1.1. Des débuts très précoces…
Les mouvements et réseaux de Résistance obligent les occupants à rester en alerte et incitent les occupés à secouer leur léthargie – interprétée dans un premier temps comme une adhésion à l'ordre nouveau. Le premier souci des vaincus est en effet de survivre ; c'est l'époque des disettes et du marché noir, du rationnement des vivres et des restrictions de toutes sortes. Aussi n'est-il pas étonnant que tant d'occupés se contentent d'attendre l'issue des hostilités en tentant de passer au travers des difficultés quotidiennes.

Désobéir à Hitler, c'est raccourcir la guerre
Cependant, la résistance s'affirme très tôt à travers l'Europe, que ce soit en Pologne, où, dès octobre 1939, on commence à collecter des renseignements sur l'armée allemande et à cacher des armes, que ce soit en France, où, en juin 1940 – le jour même où le maréchal Pétain demande l'armistice –, Edmond Michelet distribue des tracts reproduisant la phrase célèbre de Péguy, « Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend », que ce soit en Grèce, où deux jeunes patriotes audacieux réussissent, dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à décrocher l'immense drapeau à croix gammée qui flottait sur l'Acropole d'Athènes.
1.2. … et très humbles
Comme tous ces résistants partent de rien, il leur faut partout innover, sauf en Pologne, où les traditions de lutte nationale sont anciennes, et dans une certaine mesure en Belgique et dans le nord de la France, qui ont déjà eu l'expérience d'une occupation étrangère en 1914-1918. Aussi les débuts sont-ils souvent très humbles : refus muet, comme le décrit le Silence de la mer, de Vercors, publié clandestinement en 1942 ; gestes modestes et spontanés ou rassemblements populaires, par exemple à Marseille, le 27 mars 1941, devant la plaque commémorative de l'assassinat du roi de Yougoslavie (→ Alexandre Ier Karadjordjevic), laquelle vient de déclarer la guerre au Reich ; exécution de consignes lancées de bouche à oreille ou propagation du « V » de la victoire tracé sur les murs… Bientôt les petits noyaux du début s'étoffent : c'est le stade de l'organisation et de la structuration, qui se traduit par la mise sur pied de réseaux de renseignements militaires, de publications clandestines, de filières d'évasion.
1.3. Un but unique, des méthodes différentes
Si la Résistance s'étend ainsi à travers toute l'Europe, c'est que l'on trouve à la base le même but : la défaite de l'Axe. D'où la similitude des méthodes utilisées par les résistants dans la lutte clandestine, similitude qui s'étend à leurs formes d'organisation, à leurs échecs et à leurs succès.
Toutefois, l'importance de la Résistance varie notablement suivant les pays. Et les résultats sont très différents selon le degré d'union des différents mouvements, la désunion pouvant conduire jusqu'à la guerre civile, comme en Yougoslavie, où s'affrontent dès l'été 1941 les Tchetniks et les Partisans de Tito.
Par ailleurs, chaque résistance nationale présente des caractéristiques propres, compte tenu de la situation et des traditions historiques du pays, du comportement des troupes d'occupation, des données géographiques, de la proximité de pays neutres, aux frontières plus ou moins accueillantes – telle la Suisse pour les Français et les Italiens, ou la Suède pour les Norvégiens et les Danois – et, enfin, de l'aide inégale fournie par les Alliés aux divers groupes de résistance.
2. Les différentes formes de résistance
Les moyens de cette guerre souterraine sont multiples. Néanmoins, on peut esquisser trois modes d'action principaux : la résistance civile, improprement qualifiée parfois de passive ; la lutte armée ou résistance militaire ; la résistance humanitaire ou caritative.
2.1. La résistance civile
Graffiti, journaux clandestins

Journal L'espoir, organe officiel du Mouvement de libération nationale
Elle traduit le refus de la domination du vainqueur et consiste, en premier lieu, en une contre-propagande hostile à l'occupant, qui va des graffiti sur les murs et de la lacération des affiches ennemies à la fabrication et à la diffusion de publications clandestines en tout genre – tracts, journaux, caricatures, opuscules. Cette presse clandestine s'impose dès les débuts de l'Occupation dans tous les pays vaincus, afin d'y maintenir et d'y relever le moral.
Par exemple, aux Pays-Bas, où les opérations militaires n'ont duré que quatre jours – du 10 au 14 mai 1940 –, le Geuzenactie, modeste feuille ronéotypée, paraît dès le 15 mai ; en France, Jean Texcier publie ses Conseils à l'occupé dès le 14 juillet 1940. En l'espace de cinq ans, des millions de journaux sortent des imprimeries clandestines, poursuivant partout les mêmes objectifs : révéler les horreurs du nazisme, stimuler les tièdes, encourager les sympathisants, soutenir les combattants, développer chez les occupés, une hostilité systématique envers les nazis.
D'ailleurs, plusieurs des mouvements importants de résistance sont nés, particulièrement en France, autour de journaux clandestins : Franc-Tireur tirera à 165 000 exemplaires en utilisant douze imprimeurs successifs ; Combat consomme chaque mois trois tonnes de papier ; Jean Paulhan fonde avec Jacques Decour, qui sera fusillé par les nazis, les Lettres françaises ; Marc Bloch met sa plume au service de l'antinazisme.
Grèves, désobéissance, infiltration
Autres manifestations de résistance civile : les grèves, menées en dépit de la violence de la répression (l'une des plus marquantes est la grève des 22 et 23 février 1941, à Amsterdam, en signe de protestation contre les mesures antisémites et les arrestations de juifs) ; la non-exécution des ordres et des circulaires dans les administrations au niveau national ou local ; l'infiltration de résistants dans les postes de responsabilité des différents services publics. En France est instauré le NAP, ou Noyautage des administrations publiques, et le « super NAP » qui infiltre les ministères du régime de Vichy.
2.2. La résistance militaire
La lutte armée – celle des partisans et des saboteurs – frappe l'imagination et suscite l'admiration. Ne considérant pas la victoire finale comme acquise aux Allemands, les résistants commencent par cacher des armes et entrer en contact avec les services britanniques en attendant le jour où ils pourront constituer une armée secrète, se livrer à la guérilla sur les arrières de l'ennemi et participer par les armes à la Libération.
Espionnage et réseaux de renseignements
De fait, depuis Londres, les Britanniques et les gouvernements en exil envoient dans les pays occupés des agents et des techniciens radio pour recruter des volontaires qui, malgré les multiples arrestations, transmettront jusqu'à la fin de la guerre des informations capitales pour les Alliés. La plupart de ces réseaux de renseignements, premiers éléments en date de la résistance militaire, sont d'une remarquable efficacité. Les Polonais, en particulier, montrent une grande maîtrise, soit en Allemagne, où plus d'un million d'entre eux ont été requis pour travailler, soit en Pologne même, d'où ils font parvenir à Londres les premières informations sur l'arme secrète des Allemands, la fusée V1.
Réseaux d'évasion
Si les activités d'espionnage, qui débouchent sur la collecte et la transmission de renseignements concernant l'ennemi, sont essentielles, il faut parallèlement organiser des réseaux d'évasion, en particulier pour les aviateurs tombés en territoire occupé. D'où la mise sur pied de filières, telles que Comète, dirigée de Belgique par une femme, Andrée De Jongh – l'une des très rares femmes chefs de réseaux de la Résistance (avec la française Marie-Madeleine Fourcade, qui dirige le réseau de renseignement Alliance) –, ou Pat O'Leary (pseudonyme du médecin belge Albert Guérisse), qui se chargent de fournir des vêtements civils, des faux papiers, des cartes à ces rescapés (en général totalement ignorants de la langue du pays) et qui les convoient jusqu'à la frontière espagnole.
Attentats et sabotages

Dans le même temps, attentats et sabotages se multiplient dans toute l'Europe, obligeant les Allemands à vivre en état d'alerte permanente. Cependant, comme les occupants ripostent, sur l'ordre de Hitler, par des représailles sauvages et massives, la politique des attentats est l'objet de vives controverses, tant parmi les résistants qu'à Londres. En URSS, on multiplie les attaques systématiques contre les militaires allemands, malgré la répression meurtrière dont les populations civiles font les frais, car les Soviétiques estiment que ces vengeances de l'ennemi, qui sont disproportionnées, augmentent la haine contre les envahisseurs et renforcent les rangs des partisans.
En France, les attentats se multiplient à partir de 1943 : le maréchal von Rundstedt échappe de peu à la mort en août ; de juillet à octobre, le groupe de Missak Manouchian met en œuvre près de 70 attentats. Le rôle militaire de la Résistance va s'accroître (→ Francs-tireurs et Partisans français, FFI). Les premiers parachutages d'armes ont lieu dans le Cantal à la fin de 1943. Des maquis s'organisent, notamment en montagne. Celui du Vercors est anéanti du 21 au 27 juillet 1944 (→  bataille du Vercors). Ceux d'Alsace ont pour but essentiel de faire passer en Suisse des réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht ou la SS.

Face à ces actions militaires, Jodl, adjoint de Keitel, commandant suprême des armées d'occupation, indique que« des mesures collectives contre les habitants de villages entiers, y compris l'incendie […] doivent être ordonnées exclusivement par les commandants de division ou les chefs des SS et de la police » (6 mai 1944). Quelques semaines plus tard, la répression s'aggrave encore : « Il est à remarquer qu'on n'agit jamais assez durement. Il ne faut pas avoir peur de fusillades, pendaisons et incendies de maisons » (ordre du 27 août 1944).
Les attentats n'épargnent pas les collaborateurs : certains sont condamnés à mort depuis Londres par la cour martiale de la Résistance ; Philippe Henriot est abattu par des officiers de la Résistance en mission le 28 juin 1944 ; des membres du parti populaire français (PPF) de Doriot sont exécutés.
Partisans et maquisards dans les Balkans et en Europe orientale
Bien qu'elle fleurisse en France et en Italie à partir de 1943, la tactique de la guérilla – celle des partisans et des maquisards – se développe surtout dans les Balkans et en Europe orientale, où les méthodes d'occupation sont infiniment plus brutales qu'à l'Ouest. En Pologne se constitue, sous le nom d'Armée de l'intérieur, et en liaison avec le gouvernement en exil à Londres, une armée secrète.
En Yougoslavie, de véritables batailles rangées opposent les partisans de Tito aux divisions allemandes.
En Grèce, des guérillas communistes rivalisent avec les guérillas royalistes soutenues par les Britanniques du SOE ; il leur arrive cependant de collaborer, comme dans l'opération célèbre contre le viaduc enjambant le Gorgopotamos, non loin des Thermopyles, sur lequel passe l'unique voie ferrée reliant Salonique au Pirée (d'où est embarqué le matériel destiné à l'Afrikakorps du maréchal Rommel) : la coopération des deux principaux chefs de la Résistance grecque – le colonel Zervas de l'Armée secrète et le communiste Veloukhiotis – et d'un commando britannique parachuté d'Égypte permet, le 26 novembre 1942, de faire sauter le viaduc, interrompant le trafic du chemin de fer pendant trente-neuf jours.
En URSS, dès juillet 1941, Staline lance un appel à la radio qui donne l'ordre d'organiser des unités de partisans dans les territoires envahis, de faire sauter ponts et nœuds de communications, de couper les lignes téléphoniques, de mettre le feu aux entrepôts ; en vérité, ces actions ne prennent de la consistance qu'après 1942. Les partisans soviétiques restent étroitement liés à l'Armée rouge et intégrés à sa stratégie.
2.3. La résistance caritative
Cette forme de résistance se donne pour mission de venir en aide aux persécutés et d'apporter secours et protection aux diverses catégories de victimes : en premier lieu les Juifs, mais aussi les familles de résistants arrêtés et déportés. Elle leur fournit de l'argent, des hébergements, des « planques », des vêtements, des cartes d'alimentation. De véritables laboratoires de faux papiers sont organisés ; des prêtres délivrent de faux certificats de baptême ; des homes d'enfants arrachent à la mort des milliers de victimes potentielles. On met également sur pied des filières de médecins exerçant clandestinement au profit de Juifs camouflés, de résistants blessés ou malades, tel le groupe Medisch Contact aux Pays-Bas.
L'aide de l'Église
L'aide aux Juifs mobilise beaucoup de personnes, en particulier les Églises chrétiennes, qui participent largement à cet effort de sauvetage et élèvent parfois des protestations publiques contre les persécutions : on peut citer les lettres pastorales du Synode général de l'Église réformée de Hollande, en septembre 1941 ; celles d'évêques catholiques français au cours de l'été 1942 ; et les proclamations de résistance spirituelle de l'Église luthérienne de Norvège.
2.4. La radio, arme essentielle de la Résistance


Émetteur radio destiné à la Résistance
La radio a été une arme à part entière du combat contre l'Axe. En effet, le moral des peuples occupés, livrés à l'oppressante propagande de l'ennemi, avait besoin d'être constamment soutenu, et leur volonté de lutte aiguillonnée. Aussi la TSF devint-elle dès le début un outil capital de la guerre psychologique. La BBC fut la plus écoutée des stations alliées, Radio-Moscou (qui possédait l'émetteur le plus puissant du monde et qui avait la plus longue expérience de propagande par les ondes) n'étant captée que dans les pays de l'Est et écoutée que par les communistes.
Les programmes diffusés par la Suisse, pays neutre, étaient assez recherchés en raison de leur réputation d'objectivité. Malgré les efforts acharnés des occupants pour brouiller les émissions de Londres, la BBC, qui diffusait dans toutes les langues et s'adressait à chacun des pays européens y compris l'Allemagne et l'Italie, a joué un rôle déterminant : elle a pu transmettre des consignes d'action à la masse de ses auditeurs et envoyer aux mouvements et réseaux de résistance des instructions sous forme d'innombrables messages codés. La BBC a beaucoup servi la Résistance gaulliste, le général de Gaulle – et avec lui la France libre – n'ayant eu pendant longtemps, pour la plupart des Français, d'autre existence que radiophonique.
3. La Résistance à l'ouest de l'Europe
3.1. Traits généraux
Elle associe résistance civile et propagande à une résistance plus militaire, tournée vers le renseignement puis la formation de maquis. On compte alors une dizaine de pays occupés : Pologne, Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, Yougoslavie, Grèce, territoires envahis de l'Union soviétique. Les régimes d'occupation varient néanmoins beaucoup, depuis l'occupation « douce » du Danemark jusqu'à la férule cruelle tenue sur la Pologne dépecée et réduite au « Gouvernement général » ou sur l'Ostland (Biélorussie et pays Baltes) et l'Ukraine, régions administrées par des Reichskommissare.
3.2. Pays-Bas
Aucun armistice n'a été signé ; la reine Wilhelmine est partie en Grande-Bretagne. La résistance sera surtout intellectuelle et morale (protestations contre les mesures antisémites). À partir de 1944 toutes les actions seront coordonnées, sur le plan militaire, par le prince Bernard, et sur le plan politique par le Grand Conseil de la Résistance.
3.3. Belgique
Si le gouvernement Pierlot a rejoint Londres, le roi Léopold III est resté en Belgique. La Résistance s'exerce d'une façon très efficace par les réseaux d'évasion et de renseignements. Tous les groupements armés s'unifient en juin 1944 (Forces belges de l'intérieur).
3.4. Norvège
Le roi Haakon VII et son gouvernement rallient l'Angleterre. L'exploit le plus spectaculaire de la Résistance sera la destruction de l'usine d'eau lourde (février 1943).
3.5. Danemark
Resté sur place, le gouvernement décide, devant les exigences allemandes, sa propre dissolution en août 1943. Des mouvements de grève générale se développeront à partir de l'été 1944.
3.6. La Résistance française
Une situation particulière

La Résistance française est une synthèse ; la France occupe une position particulière en raison : d'une part, de l'existence, d'une zone occupée par les Allemands et d'une zone « libre » (qui sera occupée à son tour en novembre 1942), d'autre part, de la présence, à Vichy, d'un gouvernement dirigé par le maréchal Pétain. En conséquence, la Résistance française revêt un double aspect : lutte contre l'occupant allemand, mais aussi lutte contre le régime de Vichy, sa « révolution nationale » et sa politique de collaboration.
Seuls quelques isolés réagissent au désastre et à l'armistice de juin 1940 (manifestation patriotique des étudiants parisiens le 11 novembre 1940, distribution des premiers tracts et des premières feuilles clandestines). La radio anglaise joue un rôle essentiel en faisant connaître de Gaulle et la France libre.
En zone occupée
En zone occupée naissent de nombreux mouvements de résistance (→ Musée de l'Homme, Valmy, Libération-Nord, Résistance, Organisation civile et militaire [OCM], Ceux de la Résistance) auxquels se joindront, après l'entrée de la Wehrmacht en URSS, les organisations du parti communiste (→ Front national et Francs-Tireurs et Partisans français).
En zone libre
En zone libre, la Résistance s'affirme de manière plus politique. Les activités s'organisent autour de trois grands mouvements : Combat, Libération et Franc-Tireur. Combat résulte de l'union du réseau Liberté, de François de Menthon, avec le Mouvement de libération nationale, organisation fondée par Henri Frenay ; Combat se ralliera à de Gaulle en 1942. Claude Bourdet ou Georges Bidault en sont membres. Libération-Sud est créé en 1941 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. En 1940 naît Franc-Tireur, qui organise le premier maquis près de Grenoble en janvier 1942.
Le BCRA
Dans les deux zones, des réseaux liés au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) ou aux services anglais, renseignent, sabotent ou aident à rapatrier les aviateurs alliés. À partir de 1943 se créent des maquis, structures d'accueil pour les réfractaires et futures bases opérationnelles destinées à aider les Alliés à la libération.
L'unification de la Résistance

Obéir c'est trahir. Désobéir c'est servir.
Quant à de Gaulle, pour affirmer la légitimité de son action vis-à-vis des Alliés, il a besoin de se faire reconnaître comme le chef d'une résistance unifiée. Tâche dont s'acquitteront, chacun à leur manière, Jean Moulin, Pierre Brossolette et le colonel Passy.
C’est plus particulièrement au préfet Jean Moulin, délégué personnel du général de Gaulle, que l’on doit l’unification de la résistance intérieure. Le 27 mai 1943, sous sa présidence, a lieu, à Paris, 48 rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) qu'il a mis sur pied. Cependant, Jean Moulin, vraisemblablement trahi, est arrêté le 21 juin 1943. Georges Bidault lui succède à la tête du CNR.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord (8-11 novembre 1942), cette marche vers l'unification est concrétisée par la fusion des trois mouvements de la zone sud dans les Mouvements unis de Résistance (MUR), puis par l'intégration des principaux mouvements, des partis résistants et des centrales syndicales clandestines dans le CNR. À Alger, de Gaulle constitue le Comité français de libération nationale (CFLN) dont, il devient le seul président après avoir écarté Henri Giraud.
Vers la libération de la France

En juin 1944, le CFLN est transformé en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Les Forces françaises de l'Intérieur (FFI) sont progressivement formées à partir du printemps 1944 et compteront sans doute quelque 500 000 hommes à l'été (chiffre à rapprocher des 270 000 « combattants volontaires » reconnus par les pouvoirs publics). Les FFI participent aux combats de la Libération sous les ordres du général Kœnig, notamment en harcelant les convois allemands qui montent vers le front lors des débarquements alliés. Enfin, une partie des FFI est intégrée à la Iere division blindée du général de Lattre de Tassigny.
La Libération

Après quatre ans de luttes, la Résistance s'est imposée. Sans exagérer son rôle militaire, elle a contribué à hâter la libération du pays. Elle est parvenue à éliminer les autorités vichystes et à accéder au pouvoir sans déclencher une guerre civile ; elle a obligé les Alliés à reconnaître le général de Gaulle comme chef légitime du gouvernement français. Deux forces politiques émergent de ses rangs ; de Gaulle (qui refuse de créer un parti à la Libération) et le Mouvement républicain populaire (MRP), qui regroupe les partisans de la démocratie-chrétienne (novembre 1944). Auréolé par sa participation à la lutte clandestine et le prestige de l'Union soviétique, le parti communiste bénéficie d'une grande influence et participera au gouvernement jusqu'en mai 1947.
5. La Résistance en Europe orientale
5.1. Traits généraux
Elle s'affirma davantage dans les maquis et dans la guérilla que dans la guerre psychologique ; plus qu'ailleurs elle a revêtu un caractère populaire.
5.2. Tchécoslovaquie
Aussitôt après les accords de Munich (1938), le président Beneš est parti à Londres. S'il y a peu de groupes armés en Bohême, les maquis sont nombreux en Slovaquie où ils opèrent en liaison avec l'Armée rouge.
Pour en savoir plus, voir l'article Tchécoslovaquie.
5.3. Les résistances polonaises
Après l'écrasement militaire et le partage du pays entre Allemands et Soviétiques, les Polonais endurent pendant cinq ans la plus effroyable des occupations. Réduits à l'état d'esclaves travaillant pour le peuple allemand, chassés et dépossédés de leurs terres et de leurs biens, soumis à une brutale politique de germanisation, ils réagissent en bloc à la volonté nazie de destruction physique des élites nationales.
L'Armée de l'intérieur
De 1941 à 1945, la Résistance polonaise se trouve néanmoins dans une situation très particulière par rapport aux autres pays européens : elle se compose de deux organisations rivales, d'importance inégale par ailleurs. Toute la Résistance reconnaît dans un premier temps l'autorité du gouvernement réfugié à Londres et gouverné par le général Sikorski. C'est cette Armée de l'intérieur (Armia Krajowa) qui déclenche la dramatique bataille de Varsovie le 1er août 1944, férocement réprimée par les Allemands. Alors qu'il semblait que l'Armée rouge pouvait libérer la ville, les troupes soviétiques marquèrent une pause dans leur progression, ce qui sera interprété après la guerre comme une volonté délibérée de laisser massacrer les résistants polonais non communistes.
Le mouvement communiste
Il est certain que cette attitude profita à l'autre mouvement de résistance, soutenu par l'URSS, qui avait un soutien moindre dans le pays. Ce mouvement, formé de communistes et dirigé par le gouvernement provisoire établi à Lublin dès 1944, finira par éliminer les représentants du gouvernement polonais en exil à Londres.
La résistance juive
En Pologne se développe également une résistance juive, la plus puissante d'Europe, avec de petits groupes de partisans qui opèrent dans les forêts, aux confins de la Biélorussie et des pays baltes. Mais la grande épopée de cette résistance est l'insurrection du ghetto de Varsovie, où survivent, en avril 1943, environ 70 000 Juifs : le 19, un millier de combattants décidés à « mourir dans l'honneur » se dressent contre les troupes allemandes ; ils combattront pendant vingt-six jours avec acharnement, tandis que le ghetto sera incendié et démoli maison par maison.
5.4. Yougoslavie
Dans les Balkans, la lutte contre l'occupant prend la forme d'actions de guérilla conduites par des francs-tireurs que les Allemands dénoncent comme des « terroristes » et contre lesquels ils exercent une répression féroce. La Yougoslavie offre l'exemple d'une guérilla victorieuse – favorisée, il est vrai, par la topographie : relief montagneux et tourmenté, régions cloisonnées, vastes étendues boisées – et d'une nation occupée libérée en large partie par ses propres forces, mais au prix de pertes terribles et d'une mémoire divisée et sanglante.
En effet, dès les débuts de l'Occupation, deux groupes distincts de résistants se constituent. D'un côté, le colonel Mihailović, patriote serbe anti-allemand et anticommuniste, rassemble d'anciens soldats et des paysans volontaires, recrutés essentiellement parmi les Serbes, et les organise en unités de Tchetniks.
De l'autre, de petites unités de partisans mobiles et pugnaces dirigés par Josip Broz, dit Tito, secrétaire général du parti communiste yougoslave, opèrent en Bosnie, en Dalmatie et en Croatie. Bientôt, ces dernières unités, qui résistent avec succès aux offensives de l'armée allemande, tandis que les troupes de Mihailovic se montrent passives et entretiennent des relations douteuses avec l'adversaire, apparaissent comme le noyau le plus actif et le plus efficace de la résistance.
La rupture éclate dès la fin de 1941, allant jusqu'à la lutte ouverte. Tito, qui préconise la formation d'une Yougoslavie fédérée après la guerre, obtient l'appui britannique. Son « armée de libération nationale » libérera seule le sol national, ne recevant l'aide soviétique qu'au cours des ultimes combats pour Belgrade.
Pour en savoir plus, voir l'article Yougoslavie
5.5. Grèce
Deux mouvements se disputent le pays : l'EDES, royaliste, et l'ELAS, communiste. Ce dernier l'aurait sans doute emporté à la fin de 1944 sans l'intervention des forces britanniques à Athènes.
5.6. Union soviétique
L'originalité de la Résistance russe est d'avoir opéré en liaison avec une armée régulière et sous les ordres d'un gouvernement demeuré dans le pays. La tactique de la « terre brûlée » fut particulièrement spectaculaire dans les territoires occupés par la Wehrmacht.
6. La Résistance dans les pays de l'Axe
6.1. Italie
D'abord émigrée, la Résistance au fascisme constitue, en décembre 1942, un front national d'action en Italie du Nord. Après septembre 1943, la Résistance se développe dans les territoires demeurés sous contrôle allemand et dans la république de Salo, près du lac de Garde. La Résistance est dirigée par le Comité de libération nationale, qui rassemble six partis (notamment les démocrates-chrétiens, les communistes, les socialistes et les libéraux), sous l'autorité de Ferruccio Parri, du communiste Luigi Longo et du général Cadorna.
6.2. Allemagne
Bien que l'opposition politique ait été muselée avec l'arrivée de Hitler au pouvoir, certaines voix s'étaient élevées dans les milieux religieux pour condamner la doctrine nazie. La tentative la plus marquante reste celle de militaires, conservateurs qui, convaincus de la défaite inéluctable, tentèrent d'assassiner Hitler.
L'Église luthérienne
Une partie de l'Église luthérienne s'oppose au projet des nazis de soumission au Reich. L'Église du Reich, qui reçoit l'aval du pouvoir hitlérien, est dominée par les Chrétiens allemands, une organisation satellite du parti nazi. Face à elle se dresse, à partir de 1934, l'Église confessante (Bekennende Kirche), animée par les pasteurs Dietrich Bonhoeffer et Martin Niemöller, qui critique ouvertement l'idéologie antisémite propagée par les nazis et la réinterprétation de la Bible par l'Église du Reich. Bonhoeffer est arrêté par la Gestapo et pendu le 9 avril 1945 ; Niemöller est arrêté en 1936, et malgré une campagne internationale en sa faveur, il est placé en camp de concentration comme « prisonnier perpétuel ».
Le Concordat signé le 20 juillet 1933 entre l'Église catholique et le Reich interdit à la hiérarchie catholique de s'immiscer dans la politique de l'État. Pourtant, certains évêques protestent contre la politique nazie ; ainsi, l'évêque de Münster, Clemens von Galen, dénonce l'extermination des malades mentaux, et de nombreux prêtres stigmatisent les exactions dont sont victimes les Juifs, tel le prieur de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg, au lendemain de la Nuit de cristal.
L'Orchestre rouge
Divers autres groupes ou individus mènent des actions de résistance. Au début des années 1930, le conseiller scientifique du gouvernement Arvid Harnack et le lieutenant Harro Schulze-Boysen forment l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, plus connue sous le nom que lui attribua la Gestapo d'« Orchestre rouge ». L'activité de l'organisation s'oriente à la fois vers la dénonciation du caractère criminel du régime nazi et l'opposition à la guerre ; le groupe se livre également à des activités de renseignements, informant l'Union soviétique de l'imminence de l'attaque de 1941, puis coopérant avec les Soviétiques en leur transmettant des secrets militaires. À la fin de 1942, l'organisation est démantelée, 119 personnes sont arrêtées et 50 sont exécutées. En 1942, l'organisation Harnack-Schulze-Boysen était entrée en contact avec la Rose blanche, organisation fondée à l'université de Munich par quelques étudiants et un professeur de philosophie ; le réseau de ce dernier groupe s'étend jusqu'à Hambourg et d'autres villes d'Allemagne, jusqu'à l'arrestation et l'exécution de ses membres, en 1943.
Femmes résistantes
Les femmes jouent un rôle important dans la Résistance allemande : le programme des nazis les excluent de fait de toute responsabilité, ne leur laissant que le choix d'être de bonnes mères allemandes vouées à la trilogie « Kinder, Küche, Kirche », soit « enfant, cuisine, église ». De nombreuses femmes paient leur résistance de leur vie ; citons Liselotte Hermann, communiste, arrêtée en 1935 et exécutée en 1938 ; Libertas Schulze-Boysen et Mildred Harnack-Fish, les épouses des fondateurs de l'organisation Harnack-Schulze-Boysen, qui travaillèrent pour cette organisation ; Maria Terwel, qui aida les Juifs en leur obtenant des passeports et qui fut exécutée le 5 août 1943. Grâce aux importantes manifestations qu'elles organisent fin février 1943, à Berlin, des femmes « aryennes » – selon la définition des lois raciales de 1935, dites lois de Nuremberg – mariées à des Juifs sur le point d'être envoyés vers les camps d'extermination réussissent à obtenir la libération de leurs maris, soit quelque 1 700 personnes.
Généraux allemands
Dans la haute hiérarchie militaire du IIIe Reich, un certain nombre d'officiers allemands s'opposent à la guerre voulue par Hitler. La principale conspiration militaire débouche sur l'attentat du colonel Claus Graf von Stauffenberg contre Hitler, le 20 juillet 1944, attentat qui échoue mais tue cependant une vingtaine de personnes. Parmi les principaux officiers impliqués, le général Ludwig Beck et le maréchal Von Kluge se suicident une fois connu leur échec. Enfin, notons que Hitler échappa à plusieurs attentats, dès l'année de sa prise du pouvoir.

 

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