Arrêt provisoire des cours pour raison médicale.

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GÉNOME

 

génome
(de gène)


Ensemble du matériel génétique, c'est-à-dire des molécules d'ADN, d'une cellule ou d’une espèce.
LE GÉNOME HUMAIN
Le Projet génome humain

Les avancées récentes de la génétique médicale découlent des progrès enregistrés dans la connaissance de nos gènes, grâce à la généralisation de techniques d'étude de l'ADN mises au point à partir de 1974 et regroupées sous le terme « génie génétique ». De brillants succès ont ainsi été remportés, avec la mise en évidence des gènes impliqués dans des affections héréditaires majeures comme la myopathie de Duchenne (1986), la mucoviscidose (1989) ou la chorée de Huntington (1993).

Parallèlement à ces travaux s'engageait une étude d'ensemble coordonnée et systématique de notre patrimoine génétique, dont les résultats ont donné un formidable coup d'accélérateur à la recherche sur les maladies génétiques. Proposé dès 1985 aux États-Unis (la première réunion sur le séquençage du génome humain se tint cette année-là à l'université de Californie de Santa Cruz), le Projet génome humain (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Japon) a démarré officiellement en octobre 1990. Plus que d'un projet unique, il s'agit d'une série de programmes nationaux liés par de nombreuses collaborations, et abordant l'analyse de notre ADN à trois niveaux : cartographie génétique, cartographie physique et, enfin, séquençage. Le séquençage complet du génome humain a été publié en 2003, refermant le Projet. Les retombées médicales de ces travaux sont déjà considérables et vont aller en s'amplifiant, notamment par la caractérisation des gènes qui sont à l'origine des 5 000 maladies génétiques répertoriées à ce jour et, donc, d'en améliorer le diagnostic et, à plus long terme, d'en permettre la guérison par thérapie génique (traitement des maladies par modification des gènes). .
Résultats du séquençage du génome humain

Après le séquençage complet de deux chromosomes (21 et 22) et une première cartographie (carte à deux centimorgans) quasi complète du génome humain en 2000, la publication de la totalité du séquençage, en avril 2003, a permis de revoir à la baisse les estimations initiales, annonçant entre 60 000 et 140 000 le nombre total des gènes porteurs de l'information pour fabriquer les protéines. En fait, le séquençage complet a révélé que, contrairement aux prévisions antérieures, le génome humain ne comprendrait qu'environ 25 000 à 30 000 gènes (soit à peine 13 000 de plus que le génome de la mouche Drosophile) : une des surprises révélées par ce séquençage est en effet l'existence, au sein de nos chromosomes, de « vastes étendues de régions génétiquement désertiques » correspondant à de longs enchaînements d'ADN dont tout indique, dans l'état actuel de nos connaissances, qu'ils ne correspondent à aucun gène. Cet ADN « répétitif » auquel on ne peut attribuer aucune fonction particulière connue, correspondrait en fait à près du tiers du génome. Si certains chromosomes (ceux numérotés 17, 19 et 22) sont particulièrement denses en gènes, d'autres, par contre, semblent quasi-désertiques ; c'est le cas des chromosomes 4, 13 et 18, ainsi que des chromosomes sexuels X et Y.


LES GÉNOMES VÉGÉTAUX
Les techniques de la biologie moléculaire et les méthodes de la génétique ont permis de progresser de façon extraordinaire dans notre connaissance des génomes végétaux. Les résultats qui s'accumulent sur deux espèces modèles « à petit génome », le riz et Arabidopsis, la cartographie génétique, la transgenèse et les nouvelles méthodes de sélection qui en découlent modifient considérablement nos conceptions de l'amélioration des espèces végétales cultivées.
La médiatisation des résultats obtenus sur le décryptage du génome humain, et ses retombées espérées sur le traitement de certaines maladies, a tendance à laisser dans l'ombre les travaux des généticiens travaillant sur les espèces végétales. Il faut cependant garder à l'esprit que les premières causes de mortalité dans le monde aujourd'hui restent la famine et la malnutrition. Les végétaux sont indispensables à toute vie sur Terre. Depuis l'aube de l'humanité, l'agriculture, qui suppose la domestication et la sélection génétique inconsciente puis raisonnée des espèces végétales et animales, est l'activité essentielle qui caractérise les civilisations.
Comme pour le génome humain, et comme pour ceux des animaux et des micro-organismes, le développement des outils et des techniques de la biologie moléculaire a permis de progresser très rapidement dans notre connaissance des génomes végétaux (si parler du « génome humain » reflète avec justesse l'unicité de l'espèce humaine, parler du « génome végétal », au singulier, est absurde à plus d'un titre). Les centaines de milliers d'espèces végétales, des algues unicellulaires aux arbres, en passant par les fougères, les mousses et les plantes herbacées, possèdent chacune une organisation génomique particulière. De plus, dans chaque cellule végétale coexistent et coopèrent 3 génomes : celui du noyau de la cellules, organisé en chromosomes, celui des mitochondries, les usines énergétiques sièges de la respiration, et celui des chloroplastes, ces organites spécifiques des végétaux où a lieu la photosynthèse.
La constitution des génomes
Différentes méthodes sont utilisées pour estimer la taille d'un génome, c'est-à-dire le nombre de paires de bases de l'ADN contenu dans un noyau d'une cellule de l'espèce considérée.


La taille des génomes végétaux
La taille du génome « haploïde », correspondant à la moitié du stock chromosomique, varie de 100 millions de paires de bases (Mb) environ chez Arabidopsis thaliana (ou arabette des dames, petite crucifère cousine du colza devenue une espèce modèle pour la génétique végétale en partie grâce à la taille de son génome) à 123 000 Mb chez Fritillaria assyriaca (la fritillaire). Ainsi, ces deux espèces de plantes à fleurs (angiospermes dicotylédones) sont constituées des mêmes organes (racines, tiges, feuilles et fleurs) mais ont des dimensions de génomes qui diffèrent de 1 230 fois. (Pour mémoire, la taille du génome humain est d’environ 3 000 Mb.)
Il est vrai que de très nombreuses espèces végétales sont polyploïdes, c'est-à-dire avec plusieurs stocks chromosomiques par noyau. Le blé tendre, par exemple, est un hexaploïde ; son noyau de 42 chromosomes résulte de l'association de 3 génomes d'espèces proches ayant chacune 14 chromosomes. Mais la polyploïdie ne suffit pas à expliquer cette énorme variation de taille puisque ce blé a une taille de génome « haploïde » de 16 000 Mb, alors que le riz (de la même famille des graminées) a un génome de 450 Mb. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, outre son importance agronomique majeure, le riz est devenu l'autre espèce modèle des généticiens des végétaux, représentant les monocotylédones. La tomate (génome de 950 Mb) et le maïs (2 500 Mb) sont aussi des espèces très étudiées par les généticiens.
Comme dans les autres espèces, les génomes nucléaires des végétaux sont organisés en chromosomes, dont le nombre varie de 10 chez l'arabette à plus de 100 chez la canne à sucre. Les chromosomes sont constitués d'une longue double hélice d'ADN entourant des nucléosomes. La chaîne nucléoprotéique constituant ces nucléosomes est plus ou moins condensée selon les phases du cycle cellulaire. Cette organisation en chromosomes permet la réplication puis la ségrégation des gènes à la mitose et à la méiose. Les centromères qui s'attachent au fuseau équatorial lors de la division cellulaire sont essentiels à la régularité de la ségrégation. Les télomères, à chaque extrémité des chromosomes, sont indispensables à la fidélité de la réplication.


Les séquences répétées
Un génome de 100 Mb environ suffit pour le fonctionnement et l'organisation d'une plante à fleur évoluée, ce qui a donné lieu à de nombreuses spéculations sur la fonction de l'ADN apparemment en excès chez les espèces à grand génome. Constitué d'ADN répété, il ne code vraisemblablement pas pour des protéines et son rôle est encore mal connu, il pourrait être impliqué dans des phénomènes de régulation ou d'organisation physique des chromosomes.
Dans les années 1970, les études de cinétique de réassociation de l'ADN ont permis de mieux décrire la complexité des génomes végétaux. On a pu ainsi distinguer les séquences répétées (qui se réassocient rapidement car elles existent en un très grand nombre d'exemplaires) et les séquences dites « uniques », qui se réassocient très lentement. La proportion d'ADN répété est d'autant plus importante que la taille du génome est grande. Ainsi les espèces à grand génome comme le blé ont plus de 80 % de séquences répétées, alors que l'arabette en a autour de 20 %. On distingue deux types de séquences répétées : celles qui sont dispersées dans l'ensemble du génome et celles dites « en tandem », où les séquences identiques sont regroupées et se suivent le long de la molécule.
Parmi les séquences répétées en tandem se trouve l'ADN ribosomique, qui code pour les ARN des ribosomes où s'effectue la synthèse protéique. Plusieurs milliers de copies de cette séquence, dont seule une partie est effectivement transcrite, sont concentrées dans une ou quelques régions chromosomiques et peuvent couvrir plusieurs dizaines de kilobases (milliers de paires de bases). L'autre grand groupe est celui des ADN satellites, ainsi appelés d'après leur position par rapport à la plus grande partie de l'ADN après centrifugation dans un gradient de densité. Ces ADN satellites sont constitués d'unités répétées en tandem dont le motif élémentaire a de 150 à 350 paires de bases. On trouve ces familles de séquences dans les régions télomériques et dans les régions centromériques.
On trouve aussi dans les génomes des végétaux des séquences VNTR (pour Variable Number of Tandem Repeats), mini- ou microsatellites, comme dans les génomes des espèces animales. Ces séquences sont réparties de façon aléatoire le long des chromosomes et sont constituées d'un nombre variable de répétitions d'un motif élémentaire plus ou moins long. Les microsatellites sont des répétitions en tandem d'une courte séquence de 2 à 5 nucléotides. Le polymorphisme important quant au nombre de motifs répétés, constaté entre individus de la même espèce, fait de ces locus microsatellites d'excellents marqueurs pour l'établissement des cartes génétiques. Parmi le groupe des séquences répétées dispersées, la classe la plus abondante est représentée par des séquences caractéristiques des éléments transposables, gènes sauteurs capables de se déplacer (transposition) et de se multiplier au sein du génome. Les séquences de ces transposons, ou de leurs dérivés inactivés, peuvent représenter un pourcentage significatif du génome.
Les séquences « uniques »
Se trouvant en simple copie ou en faible nombre de copies dans un génome donné, elles représentent la fraction accessible à l'analyse génétique classique. Il s'agit des séquences codant pour les gènes exprimés et dont les mutations vont se manifester par une caractéristique particulière, visible à l'œil nu ou accessible à l'analyse biochimique. Cette matière de base des généticiens d'hier est aussi celle de la génétique moléculaire. Le très grand nombre de marqueurs nucléiques aujourd'hui disponibles, par exemple les RFLPs (polymorphismes de la longueur des fragments de restriction), font également fréquemment appel à cette fraction du génome qui est a priori la plus intéressante puisque codant pour des protéines intervenant dans le métabolisme.
L'utilisation de la transcriptase inverse, enzyme qui permet la synthèse d'ADN à partir d'une séquence d'ARN, a servi à isoler les ADN complémentaires (ADN-c) des ARN messagers dans différentes espèces, différents organes, différentes conditions environnementales. Ces ADN-c peuvent être utilisés comme sondes et fournissent ainsi des marqueurs génétiques permettant de différencier pour ces gènes, connus ou inconnus, les formes alléliques, polymorphisme indispensable à l'établissement des cartes génétiques.


La cartographie des génomes
Les cartes génétiques sont construites selon un principe simple : sur un chromosome, la distance entre 2 gènes est proportionnelle au pourcentage de recombinaisons entre ces 2 gènes lors de la méiose (pourcentage déduit de la proportion des différents types d'individus dans la descendance). Avec l'avènement des analyses moléculaires de l'ADN, les cartes génétiques des espèces, jusque-là restreintes aux gènes facilement repérables et aux protéines révélées par des techniques biochimiques, se sont considérablement développées. Chez la plupart des espèces de grande culture ainsi que chez les principales espèces d'arbres forestiers utilisés pour le reboisement, on dispose dorénavant de cartes saturées comportant plusieurs centaines de marqueurs anonymes ou de gènes. Une grande variété de techniques permet la mise en évidence des différents types de marqueurs moléculaires, comme chez les autres espèces (RFLPs, microsatellites…). Les avantages conférés aux plantes par leurs systèmes de reproduction (autofécondation, contrôle des croisements, obtention de lignées parfaitement homozygotes où les 2 allèles (versions) de chaque gène sont identiques, très grand nombre de descendants par individu, etc.) ont facilité l'établissement de ces cartes génétiques.


La cartographie génétique comparative
Dans de nombreux cas, des marqueurs positionnés sur la carte génétique d'une espèce ont été utilisés pour la cartographie d'une autre espèce. On a alors pu constater que l'ordre des gènes ou des marqueurs le long des chromosomes était conservé d'une espèce à l'autre pour des fragments chromosomiques plus ou moins longs. La « synténie » ainsi constatée est d'autant plus grande, et les segments d'autant plus longs, que les espèces sont proches du point de vue évolutif.
C'est ainsi que pour la grande famille des graminées, où l'on trouve des nombreuses plantes d'intérêt agronomique majeur, on peut déduire l'arrangement du génome ancestral et comprendre son évolution (translocations, fragmentations, insertions et duplications de segments chromosomiques). Plus important encore, la localisation d'un gène dans une espèce permet de prédire son emplacement sur la carte génétique d'une autre espèce. On voit ainsi toute l'importance que prennent dès à présent les études faites sur les espèces modèles à petit génome comme le riz pour les graminées et les monocotylédones et l'arabette pour les crucifères (choux, colza, radis) et les dicotylédones.


La cartographie physique
Les cartes génétiques permettent de situer les gènes et les marqueurs les uns par rapport aux autres le long des groupes de liaison. Les méthodes de la cytogénétique, qui se sont naturellement développées sur les espèces à grands génomes, pour lesquelles les chromosomes sont facilement repérables au microscope, ont permis de faire la correspondance entre groupes de liaison et chromosomes. C'est particulièrement le cas du blé tendre : on a construit des lignées où manque une paire de chromosomes ou une paire de bras chromosomique. Cette perte d'un ensemble de gènes n'empêche pas le développement de la plante, qui possède encore deux jeux complets de gènes équivalents du fait de son état hexaploïde. On peut alors déduire de son absence le chromosome porteur du gène que l'on cherche à localiser. L'hybridation in situ de séquences d'ADN rendues fluorescentes permet de les localiser directement sur les chromosomes. Elle permet aussi de décrire la constitution chromosomique de génomes complexes résultant d'hybridations interspécifiques.
Le développement de banques génomiques en YACs (pour Yeast Artificial Chromosomes) où le génome est coupé en morceaux de quelques centaines de kilobases et chaque morceau intégré dans un chromosome artificiel de levure permet d'établir la carte physique du génome. L'ordonnancement des différents YACs et la localisation sur ces derniers des marqueurs amènent à faire la correspondance entre les distances génétiques, mesurées en pourcentages de recombinaisons, et les distances physiques, mesurées en nombre de paires de bases d'ADN. Une fois complétée la carte physique, ce qui sera bientôt le cas de l'arabette et du riz, on peut localiser un gène directement par hybridation de marqueurs proches sur la banque de YACs ordonnée.
Séquences et fonctions
À l'instar des projets en cours sur le génome humain, deux grands types de programmes de séquençage systématique sont en cours chez les végétaux modèles (arabette et riz) : le séquençage des ADN complémentaires et le séquençage génomique.


Le séquençage systématique
Plusieurs milliers d'ADN-c ont été caractérisés par une fraction de leur séquence ; les « étiquettes » ou « signatures » ainsi obtenues peuvent être comparées aux très nombreuses séquences de gènes d'autres organismes, y compris de l'homme, déjà répertoriées dans les banques de données. La recherche des homologies ou des similitudes de séquences permet de faire des hypothèses sur la fonction du gène associé à cette étiquette. Mais, par ces comparaisons, il n'a été possible d'attribuer une fonction qu'à une faible partie des quelque 8 000 différentes étiquettes de l'arabette officiellement répertoriées aujourd'hui. Pour près des deux tiers de ces séquences aucune homologie n'a été trouvée et la fonction de ces gènes partiellement séquencés reste inconnue. Quant au séquençage génomique systématique, il a été rendu possible grâce aux banques génomiques ordonnées en YACs et au sous-clonage de ces YACs en fragments plus petits. L'entreprise est difficile, du fait des séquences répétées très délicates à ordonner les unes par rapport aux autres, même chez l'arabette, notamment les régions centromériques, télomériques et celles de l'ADN ribosomique. Une organisation s'est mise en place au niveau international où des groupes de laboratoires, avec l'aide financière de l'Union européenne et des instances nationales, se sont répartis de manière coordonnée les différentes régions à séquencer. On estime qu'en 1996 près de 2 Mb d'ADN génomique auront été séquencées chez l'arabette, avec une densité moyenne d'un gène toutes les 4 500 paires de bases. La plupart des gènes possèdent un nombre d'introns variant de 1 à 10, certains en ont plus de 25. Seule la connaissance préalable des ADN-c a permis de détecter les exons très courts de certains gènes.


L'analyse fonctionnelle
Plus on progresse dans les programmes de séquençage et plus on découvre notre ignorance de la fonction des très nombreux gènes décrits. Deux grandes directions de recherches se développent actuellement pour résoudre ce problème. L'une s'appuie sur le développement de programmes informatiques de l'analyse des séquences : la définition de motifs récurrents, la fréquence d'utilisation des codons sont deux exemples d'analyse in silico permettant de regrouper des gènes en fonction de leurs séquences nucléotidiques. Si ces gènes ont une fonction commune ou participent à une même voie métabolique, on pourra proposer un rôle au gène codé par une séquence nouvelle.
L'autre direction s'appuie sur des techniques de généticiens. Des méthodes originales de mutagenèse utilisent la possibilité de transformer génétiquement les plantes par des plasmides bactériens. C'est le cas de l'arabette transformée par le plasmide Ti d'Agrobacterium tumefaciens (l'agent de la gale du collet). Le plasmide a été « désarmé » pour que les plantes ne développent plus la maladie, et il est maintenant porteur d'une construction particulière. Capable de s'insérer au hasard dans le génome, il génère une mutation à chaque fois qu'il interrompt la séquence d'un gène. Un programme de « mutagenèse à saturation » a été entrepris à l'INRA de Versailles en utilisant ces méthodes. L'objectif est de créer des mutants pour tous les gènes exprimés, dont le nombre est estimé entre 20 000 et 25 000. Le plasmide bactérien reconstruit comporte un gène de résistance à un herbicide pour sélectionner les plantes transformées. Il sert également d'« hameçon moléculaire » permettant de remonter au gène interrompu par l'insertion de cette construction, de le cloner et de le séquencer. Toute la batterie des analyses physiologiques, biochimiques, cytologiques est utilisée pour décrire ces collections de transformants et découvrir le rôle des gènes mutés. On peut aussi « complémenter », c'est-à-dire restaurer le fonctionnement normal, des mutants déjà décrits de plantes ou de levures en les transformant par des séquences sans fonction, et donc assigner a posteriori un rôle à ces gènes inconnus.


Les applications
L'établissement des cartes génétiques chez les végétaux cultivés a un intérêt qui n'est pas uniquement académique. On peut aujourd'hui sélectionner beaucoup plus efficacement les variétés cultivées en contrôlant au cours des croisements la transmission des allèles favorables des gènes importants. Ce sont soit les gènes eux-mêmes que l'on caractérise au niveau moléculaire, soit les marqueurs proches de ces gènes.


La sélection assistée par marqueurs
La sélection végétale fait appel pour l'essentiel aux méthodes statistiques de la génétique quantitative, car les caractères que l'on souhaite améliorer sont complexes. Le rendement, la rusticité, ou la précocité, par exemple, résultent de l'expression coordonnée d'un grand nombre de gènes. De tels caractères ne se répartissent pas de façon simple dans une descendance et n'obéissent pas aux lois de Mendel qui s'appliquent à des caractères gouvernés par un très petit nombre de gènes. Grâce à l'établissement de cartes génétiques qui couvrent l'ensemble des chromosomes, on peut aujourd'hui localiser les QTLs (pour Quantitative Trait Loci), c'est-à-dire les locus impliqués dans l'expression des caractères quantitatifs. En balayant tous les marqueurs de la carte les uns après les autres et en associant aux différentes formes alléliques la valeur du caractère considéré (par des analyses de variance, par exemple) on peut définir les zones chromosomiques (voire les gènes) qui contribuent plus ou moins à l'expression de ce caractère. Ainsi il devient possible de réaliser une sélection plus efficace, plus précoce et pour de nombreux gènes simultanément.


Les plantes transgéniques
La possibilité de transformer génétiquement les plantes représente l'autre direction privilégiée des créateurs de nouvelles variétés (→ transgenèse végétale, OGM). À partir du moment où un gène est cloné il est possible, pour un certain nombre d'espèces, de l'intégrer au génome de la plante et de le faire s'exprimer. On peut réaliser cette transformation en utilisant comme vecteur des plasmides bactériens. On peut aussi transformer directement des cultures cellulaires en les bombardant avec de minuscules billes de métal enrobées de l'ADN à introduire. La faculté que possèdent les plantes de régénérer un individu entier à partir d'une cellule quelconque permet alors de récupérer des individus transformés et de les multiplier.
De nombreux exemples sont déjà bien connus : celui de la tomate dont le mûrissement peut être retardé par l'introduction d'un gène (le transport devient alors plus aisé du fait de sa fermeté) ou encore ces nouvelles variétés de colza ou de betterave résistantes à un herbicide qui facilitent la tâche des agriculteurs. Pour le colza comme pour la betterave on connaît des espèces proches, au sens géographique comme au sens évolutif, avec lesquelles des hybridations naturelles se produisent et qui peuvent à leur tour acquérir le transgène.
Ces quelques exemples posent des questions qui, sans être de même nature que les questions éthiques, interpellent le législateur comme le simple citoyen. Pourtant il faut aussi garder à l'esprit que, pour les nombreuses espèces de plantes où la transgenèse est aujourd'hui possible, on va pouvoir réduire considérablement l'épandage d'engrais et de pesticides, et sauvegarder notre environnement, avec des plantes plus efficaces et plus résistantes aux différents ravageurs. En plus des instances internationales, deux comités d'experts indépendants ont été mis en place en France, la Commission de génie génétique et la Commission de génie biomoléculaire, pour réfléchir à ces questions et réglementer les pratiques des laboratoires et des entreprises commerciales.
On a récemment introduit chez le peuplier un gène contrôlant certaines étapes de la floraison de l'arabette. Les peupliers transformés ont fleuri la première année de leur culture, alors qu'il faut normalement une dizaine d'années pour qu'un peuplier fasse des fleurs. On imagine l'immense intérêt pour les généticiens des arbres de pouvoir raccourcir le temps de génération.


Génomes mitochondriaux et chloroplastiques
Les génomes mitochondriaux des plantes
Les mitochondries sont de petits organites de la taille d'une bactérie. Elles sont le site des réactions terminales de la respiration cellulaire. Elles consomment de l'oxygène, dégagent du gaz carbonique et fabriquent de l'ATP, molécule de stockage de l'énergie dans la cellule. Les membranes internes contiennent une chaîne de transfert d'électrons, des pompes à protons et le complexe enzymatique responsable de la synthèse d'ATP. Il est maintenant clairement établi que les mitochondries dérivent d'une espèce de bactérie qui vivait de manière autonome il y a 3 milliards d'années, et qui se serait trouvée incluse dans une cellule eucaryote. Tous les animaux, plantes, champignons et presque tous les protozoaires contiennent des mitochondries, provenant probablement toutes du même événement originel d'endosymbiose.
Les génomes mitochondriaux des plantes supérieures possèdent des caractéristiques qui les distinguent de ceux des autres eucaryotes. Ils ont une taille plus importante et beaucoup plus variable, de 200 kb chez les brassicacées à 2 500 kb chez les cucurbitacées, contre 16 à 20 kb chez les mammifères. Les cartes génétiques et physiques des génomes mitochondriaux des plantes sont représentées sous la forme de cercles-maîtres. Un cercle-maître peut être défini comme une représentation sur un cercle de l'ensemble de l'information génétique d'un génome mitochondrial.
On a récemment séquencé entièrement le génome mitochondrial d'une plante épiphyte, Marhantia polymorpha, ceux de l'arabette et du riz étant en cours d'achèvement. La caractéristique la plus frappante de ces génomes est la présence de séquences répétées variables en taille, en nombre de répétition et en orientation sur le cercle-maître. Ces séquences répétées sont impliquées dans des recombinaisons entre molécules d'ADN mitochondrial, une mitochondrie comportant plusieurs molécules d'ADN de tailles différentes résultant d'une intense activité recombinatoire. Cette flexibilité du génome mitochondrial est à l'origine d'une variabilité génétique importante. On peut ainsi trouver plusieurs types mitochondriaux au sein d'une même espèce et même au sein d'une même population, comme chez le thym. On peut aussi induire artificiellement cette variabilité en réalisant la fusion somatique de protoplastes (cellules débarrassées de leur paroi rigide) provenant d'espèces ou de genres différents. Les « cybrides » (pour cytoplasmes hybrides) obtenus disposeront de nouveaux génomes mitochondriaux, résultant de recombinaisons entre les ADN parentaux. Dans les croisements réalisés par les voies naturelles, le génome mitochondrial est très généralement hérité par voie maternelle (hérédité cytoplasmique) et ces événements ne se produisent pas.
Malgré leur grande variabilité en taille, les génomes mitochondriaux des plantes semblent tous avoir le même contenu en information génétique : de 100 à 120 gènes, y compris ceux codant pour les ARN de transfert et les ARN ribosomiques. Ils codent pour certaines sous-unités des complexes de la chaîne respiratoire, de l'ATP synthase, des ribosomes et pour quelques protéines de fonction encore inconnue.
Un phénomène particulier a été décrit dans les mitochondries végétales, c'est l'« édition » des messagers. Le transcrit primaire, l'ARN directement transcrit de l'ADN, peut subir des modifications post-transcriptionnelles transformant spécifiquement certaines cytidines en uraciles. La conséquence en est une modification des codons de l'ARN messager, qui sera traduit en protéine. Avant cette découverte, la séquence d'acides aminés des protéines ne correspondant pas à la suite des codons de l'ADN, on avait pensé que le code génétique n'était pas le même chez ces organites que dans le reste du monde vivant ! C'est d'ailleurs partiellement vrai dans certaines mitochondries d'animaux ou de micro-organismes.
Une autre particularité remarquable des mitochondries végétales est qu'elles sont à l'origine d'un phénomène à hérédité maternelle, décrit depuis longtemps et très fréquent chez les plantes supérieures, la stérilité mâle cytoplasmique. Les plantes possédant un génome mitochondrial inducteur de stérilité sont incapables de fournir un pollen fécondant, le blocage pouvant se situer selon les cas à différentes étapes du programme de développement des organes mâles. L'expression de cette stérilité peut toutefois être contrebalancée par un (ou plusieurs) gène(s) nucléaire(s), dit(s) « restaurateur(s) de fertilité ». Les plantes « restaurées » produiront du pollen, même avec un génome mitochondrial inducteur de stérilité. Ce phénomène a été largement exploité par les généticiens, puisqu'il permet de contrôler les croisements sans avoir à stériliser mécaniquement ou chimiquement les organes mâles des fleurs.


Le génome chloroplastique
Dans les chloroplastes s'effectue la fixation du carbone atmosphérique, base de la vie sur Terre (→ photosynthèse). Chacun de ces organites possède plusieurs copies d'un génome circulaire mesurant de 120 à 217 kb (150 kb en moyenne) chez les plantes supérieures. Ce génome s'apparente à celui des cyanobactéries, attestant de la probable origine endosymbiotique des plantes (selon un phénomène similaire à celui qui est à l’origine mitochondries).
Le séquençage complet de l'ADN chloroplastique a été réalisé chez plusieurs plantes très éloignées au sens évolutif (algues, bryophytes, gymnospermes, angiospermes). Chez les plantes terrestres, l'organisation de ce génome circulaire est remarquablement conservée. Le génome chloroplastique se caractérise chez la plupart des espèces, à l'exception de certaines légumineuses et des conifères, par la duplication d'une région contenant l'ADN ribosomique chloroplastique. Les deux répétitions sont inversées et séparent une grande et une petite région d'ADN en copie unique. Par recombinaison au niveau de ces séquences, deux isomères de la molécule d'ADN sont obtenus qui diffèrent par l'orientation de ces deux régions non répétées.
Les gènes de l'ADN chloroplastique se répartissent en deux catégories, ceux impliqués dans l'expression des gènes et ceux ayant une fonction bioénergétique. La première catégorie inclut tous les ARN nécessaires à l'expression des gènes (30 ARN de transfert et 4 ARN ribosomiques), 21 protéines ribosomiques et 4 sous-unités de l'ARN polymérase. La seconde catégorie comprend 29 gènes impliqués dans la photosynthèse et 11 dans la photorespiration. Parmi eux se trouve le gène rbcL qui code pour la grande sous-unité de la ribulose biphosphate carboxylase. Cette enzyme clé de la photosynthèse, qui fixe le CO2, est de loin la protéine la plus abondante sur la Terre, représentant près de 50 % des protéines foliaires. Elle est constituée de sous-unités codées par le génome chloroplastique et par le génome nucléaire, illustrant l'étroite collaboration entre les deux génomes. Une douzaine d'autres gènes codent pour des protéines de fonction encore inconnue.
Bien que des séquences d'ADN chloroplastique se retrouvent fréquemment dans le génome nucléaire ou mitochondrial, le contraire n'est pas vrai, cela étant peut-être lié au compactage assez poussé du génome chloroplastique. Quelques gènes possèdent néanmoins des introns, et le phénomène d'« édition » des messagers, moins fréquent que dans les mitochondries, a également été décrit dans les plastes.
Du fait de son taux d'évolution assez lent, le séquençage de certaines portions de l'ADN chloroplastique, en particulier du gène rbcL, permet de retracer l'évolution des grandes familles de plantes, à l'aide de reconstructions phylogénétiques. Le mode de transmission de ce génome fait également l'objet de l'attention des généticiens. En effet, s'il est généralement hérité maternellement, il existe d'importantes exceptions : d'une part de nombreuses espèces d'angiospermes transmettent de façon épisodique leurs chloroplastes par voie paternelle, d'autre part des groupes entiers comme les conifères transmettent leur ADN chloroplastique par voie exclusivement paternelle, alors même que leur ADN mitochondrial est transmis maternellement. Schéma de trois complexes protéiques de la chaîne respiratoire et de l'ATP synthase qui contiennent des sous-unités codées par l'ADN mitochondrial. Le Complexe I oxyde le NADH et transfère les électrons à l'ubiquinone (UQ). De là les électrons transitent par le Complexe III, le cytochrome C et le Complexe IV, où ils sont utilisés pour réduire l'oxygène. Les Complexes I, III et IV utilisent l'énergie fournie par ces réactions pour pomper les protons (H+) vers l'espace intermembranaire. L'ATP synthase utilise l'énergie fournie par le retour de ces protons pour fabriquer l'ATP. Les gènes mitochondriaux codant pour les différentes sous-unités sont indiqués sur chacun des complexes (en italique). Chaque complexe contient aussi plusieurs sous-unités codées par le génome nucléaire (au moins une trentaine pour le Complexe I, au moins 6 pour le Complexe III, 8 pour le Complexe IV et 6 pour l'ATP synthase). Dans la membrane interne des mitochondries végétales se trouvent plusieurs autres NADH oxydases, le Complexe II et l'oxydase alternative qui n ont pas été inclus dans ce schéma parce qu'ils ne contiennent pas des sous-unités codées par le génome mitochondrial.

 

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Ces protéines folles qui minent notre cerveau

 

Des protéines corrompues sont à l’origine d’Alzheimer, de Parkinson, Charcot, Creutzfeldt-Jakob et bien d'autres maladies neurodégénératives.   

  Une étude parue en juin montre que des formes différentes d'une même protéine entraînent des pathologies différentes.
Elles affectent plus de 47 millions de patients dans le monde, évoluent si discrètement qu’elles sont très difficiles à diagnostiquer avant que leurs dégâts ne deviennent vraiment handicapants, et demeurent à ce jour incurables. Considérées comme le mal du XXIe siècle, les maladies neurodégénératives sont, comme leur nom l’indique, causées par une dégénérescence des cellules neuronales. Elles se manifestent par une dégradation progressive mais irréversible des fonctions cognitives du sujet, ce qui les rend si terrifiantes tant pour le malade que pour son entourage. Parmi ces maladies, on compte bien sûr les maladies d’Alzheimer, de Charcot ou de Creutzfeldt-Jakob -forme humaine de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), plus connue sous le nom de maladie de la « vache folle ». Mais aussi la maladie de Parkinson et l’atrophie multi-systématisée (AMS) dont une étude qui vient d'être publiée dans la revue Nature montre qu'elles sont chacune causées par deux configurations différentes de la même protéine déficiente.

Un nouvel agent infectieux

Les travaux menés sur l’ESB ont été les premiers à mettre en évidence un nouvel agent infectieux qui n’était ni une bactérie ni un virus mais une protéine de forme anormale : le prion. Les chercheurs savent désormais que la plupart des maladies neurodégénératives sont dues à une accumulation pathologique dans le cerveau de protéines déficientes. Raison pour laquelle on les nomme aussi protéinopathies. C’est le cas de la maladie d'Alzheimer, dont on sait depuis longtemps qu'elle est liée à une accumulation de protéines Tau anormales dans les neurones.
Mais c'est aussi le cas de la maladie de Parkinson, qui touche 1 % des Français de plus de 65 ans et se place ainsi au deuxième rang des maladies neurodégénératives en France, juste après la maladie d’Alzheimer. Heiko Braak, anatomiste et histologiste allemand, et son équipe ont montré en 2003 que la maladie de Parkinson était due à des dépôts nommés « corps de Lewy », qui s’accumulent d’abord dans les tissus du bulbe olfactif et du tronc cérébral avant d’envahir tout le cerveau. Ces corps de Lewy sont des agrégats d’une protéine naturellement présente dans le cerveau mais dont on ne connait pas encore la fonction exacte, l’alpha-synucléine. Cette dernière devient toxique pour les cellules nerveuses lorsqu’elle s’agglomère en agrégats ou en fibrilles.


En 2008, Jeffrey H. Kordower, Patrik Brundin et leurs équipes ont prouvé l’importance de l’alpha-synucléine dans le processus de dégradation de tissus cérébraux chez des patients parkinsoniens1. Ils ont constaté que des greffes de tissus sains finissaient, au bout de plusieurs années, par être envahies par des corps de Lewy. Ce type de propagation jamais observé auparavant pour l’alpha-synucléine et les corps de Lewy est, selon ces équipes, à rapprocher de celui observé avec les protéines de type prion.

Une protéine, deux conformations

À Gif-sur-Yvette, Ronald Melki et son équipe se sont penchés de plus près sur la propagation des agrégats d’alpha-synucléine qu'ils ont donc injecté dans le bulbe olfactif et la paroi intestinale de souris adultes. Ces agrégats ont été retrouvés dans les neurones et leurs prolongements. Ils avaient donc migré depuis les terminaisons nerveuses situées près de la zone où avait été réalisée l’injection jusqu’aux corps des neurones situés dans le cerveau.

En 2013, en étudiant la polymérisation de l’alpha-synucléine2, ils ont constaté que, dans une même solution, plusieurs conformations coexistaient, donnant un grand nombre d’assemblages possibles (des isoformes). En contrôlant, de façon stricte, les conditions dans lesquelles les assemblages ont lieu, l’équipe est parvenue à isoler deux structures particulières de l’alpha-synucléine : l’une ressemble « à des pâtes larges en forme de ruban, comme des linguines », l’autre « à des pâtes cylindriques pleines, comme des spaghettis ». À cette occasion, les chercheurs ont remarqué qu’il n’était pas possible de passer d’une conformation à l’autre ; une fois les structures réalisées, on ne peut revenir en arrière. De plus ces deux isoformes agissent tel un moule : elles imposent leur conformation aux protéines alpha-synucléine non agrégées. Ce phénomène permet de comprendre le mécanisme par lequel les corps de Lewy se propagent à tout le cerveau à partir des régions du bulbe olfactif et du tronc cérébral.

Schéma montrant comment l’alpha-synucléine s’assemble dans des conditions pathologiques en fibrilles, composant majeur des corps de Lewy.
 L. BOUSSET et R. MELKI/NEUROPSI

En outre, ces deux conformations manifestent des propriétés fonctionnelles différentes : elles ne présentent ni les mêmes capacités à s’attacher aux cellules ni la même toxicité. Une étude menée conjointement par Ronald Melki et une équipe belge et publiée dans Nature3 vient en effet de montrer que les fibres d'alpha-synucléine qui diffèrent structuralement aboutissent également à des pathologies différentes. Ainsi quand ils ont injectés dans le cerveau de rats des fibres de forme cylindrique, semblables à des spaghettis, ceux-ci ont développé une maladie de Parkinson; tandis que l'injection de fibres en ruban amenait les animaux à développer une atrophie multi-systématisée.

Une piste thérapeutique

Le comportement de l’alpha-synucléine rappelle beaucoup celui de la protéine prion de l’ESB : remontée de la protéine le long des trajets nerveux jusqu’au cerveau et modification de protéines alpha-synucléine saines qui vont former des agrégats. Comment agir pour circonscrire ces agrégats ? Ronald Melki est optimiste : « Il y a deux façons d’interférer avec leur propagation : on cible soit la formation des fibrilles, soit leur propagation. Dans notre laboratoire, on étudie cette seconde possibilité et j’ai beaucoup d’espoir dans cette voie. » Pour réduire le champ d’action des agrégats et leur propagation, il suffirait, selon lui, de les lier à des molécules modifiant leurs propriétés fonctionnelles. En effet, « avec mon équipe, continue Ronald Melki, on cherche les molécules qui, une fois qu’elles sont liées aux fibrilles, changent leurs propriétés de surface, ce qui bloque ainsi leur propagation. »

La recherche sur l’alpha-synucléine continue. Un effort important est mené pour, à terme, permettre de ralentir ou d’arrêter la dégradation du tissu neuronal des malades voire, peut-être à très long terme, d’aboutir à une reconstruction des zones endommagées.

Notes
1.Nature Medecine, mai 2008, vol. 14 (5) : 467-585.
2. Structural and functional characterization of two alphasynuclein strains, L. Bousset.et al. Nature communications, 10 octobre 2013. doi:10.1038/ncomms3575
3. α-Synuclein strains cause distinct synucleinopathies after local and systemic administration, W. Peelaerts, L. Bousset, A. Van der Perren, A. Moskalyuk, R. Pulizzi, M.Giugliano, C. Van den Haute, R. Melki, V. Baekelandt. Nature, 10 juin 2015. DOI : 10.1038/nature14547


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BIOLOGIE DE SYNTHÈSE

 

 

 

 

 

 

Le débat est-il possible en France ?
Des sociologues de l’Inra et de l’Ecole des Mines ont étudié, pour le ministère en charge de la Recherche, les conditions d’un dialogue avec la société sur la biologie de synthèse. Leur rapport, daté de 2011, tire les leçons des débats précédents sur les sciences et techniques émergentes et préconise la création d’un observatoire et d’un forum organisés de façon continue et sur le long terme.
In EnglishPar Pascale Mollier MIS À JOUR LE 08/12/2014PUBLIÉ LE 10/10/2014 MOTS-CLÉS : BIOTECHNOLOGIE - GENOME - SOCIOLOGIE - SCIENCES SOCIALES - BIOLOGIE DE SYNTHÈSE
Conférence-débat organisée par le groupe Sciences en questions, Paris, 2005. © MAITRE Christophe
© MAITRE Christophe
Le Comité d’éthique de la recherche agronomique souligne que : « pour que le progrès soit réel, qu’il se traduise par une amélioration de la situation des hommes et des femmes du monde, il faut veiller à l’instruire, à le gérer, à le partager. Lorsque la recherche engendre des forces qui entraînent la société dans des directions qu’elle n’a pas anticipées, ni a fortiori tracées, (…), il n’est pas surprenant que des réactions de résistance au progrès s’installent, parfois durablement. »
C’est le cas en France, où le débat public sur les sciences et techniques émergentes est difficile. Certaines associations s’opposent au débat, considérant qu’il n’a d’autre vocation que de promouvoir l’acceptabilité des nouvelles technologies, sans réelle influence sur les choix opérés. C’est ainsi que le débat public organisé par la CNDP (1) sur les nanotechnologies en 2009-2010 a été fortement perturbé, voire empêché dans plusieurs villes. Le premier forum public sur la biologie de synthèse a connu le même sort en 2014 (voir ci-après). « Ce phénomène est très particulier à la France et confronte à des défis qui n’existent pas au Royaume-Uni, analyse Claire Marris (2). Cependant, il faut absolument prendre au sérieux les critiques portées par ces groupes. S’il s’agit simplement d’éviter une controverse et promouvoir l’acceptabilité, le débat est inutile. S’il s’agit d’aborder des questions qui méritent discussion dans le développement de ce champ de recherches, alors il y a des choses à faire ».
 Neuf leçons tirées des expériences précédentes
Après analyse des expériences antérieures dans plusieurs pays et des travaux des sciences sociales au cours des vingt dernières années, les auteurs du rapport retiennent neuf leçons à prendre en compte pour organiser des dispositifs de débat public.
Leçon 1 - L'incertitude est une ressource essentielle pour le débat public.
Leçon 2 - Le « grand public » n'existe pas.
Leçon 3 – Les perceptions du public sont ambivalentes.
Leçon 4 - Le débat public sur les sciences et techniques émergentes est un processus pluriel.
Leçon 5 - Le débat public sur les sciences et techniques émergentes est un processus qui s'inscrit dans la durée.
Leçon 6 - Le débat doit viser l'ouverture des choix scientifiques et techniques.
Leçon 7 - Toute initiative de débat s'inscrit dans un champ de forces, qu'elle peut contribuer à transformer.
Leçon 8 - Le débat public est une des composantes de la gouvernance de la biologie de synthèse.
Leçon 9 - Le cadrage des débats est fondamental.
A partir de ces neuf leçons, le rapport formule des recommandations à l'adresse du ministère. Une idée force est que le débat doit contribuer à la définition de la biologie de synthèse et à ses enjeux, et non pas avoir lieu après que les experts en aient décidé. Car les choix des objets et programmes à développer sont de nature à la fois cognitive et politique, comme par exemple, développer des applications pour assurer le développement économique, ou déterminer un produit de synthèse en fonction de ses risques sanitaires. La biologie de synthèse est un objet « scientifico-politique » et sa définition doit être le premier enjeu du débat.
Un observatoire, un forum et des lieux de débats citoyens
Le rapport s’est concrétisé par la mise en place d’outils complémentaires. L’Observatoire de la biologie de synthèse (3) a été créé en 2012 au Cnam (4) à Paris  par le ministère en charge de la Recherche. Il suit en temps réel  les prises de position sur la définition des objets, les problèmes et les enjeux de la biologie de synthèse, avec un regard distancié. « Le site Internet de l’Observatoire permet d’apprendre et de dialoguer sur la biologie de synthèse sans en connaitre la définition », explique Claire Marris. Ce dispositif doit être complété par l’organisation de divers lieux et formes de discussions, forum, conférence de citoyens, etc. Un premier forum de discussion publique, organisé au Cnam le 26 avril 2014, a été bloqué par un groupe militant (5), ce qui suggère, pour Pierre-Benoit Joly (6), « qu’il faut déléguer l’organisation du débat à des associations ou à des régions, mais pas aux scientifiques, bien qu’ils ne constituent pas du tout un bloc d’opinion uniforme vis-à-vis de la biologie de synthèse ». Des réflexions sont en cours pour organiser de nouvelles instances de discussion.
 
(1) Commission nationale de débat public.
(2) Claire Marris, chercheuse à l’Ifris, Institut Francilien Recherche Innovation Société, détachée au King’s College London, est co-auteur du rapport « Biologie de synthèse : conditions d’un dialogue avec la société ».
(3) L’Observatoire comporte une cellule de coordination, chargée des aspects opérationnels et un conseil d’orientation, qui fixe les objectifs et les priorités. Un groupe interministériel fait le lien entre l’Observatoire et les ministères concernés (recherche, écologie, santé, agriculture, etc.)
(4) Cnam : Conservatoire national des arts et métiers.
(5) Voir l’analyse de Morgan Meyer, de l’Ifris.
(6) Pierre-Benoit Joly, directeur de recherche à l’unité Inra-SenS et directeur de l’Ifris, co-auteur du rapport « Biologie de synthèse : conditions d’un dialogue avec la société, fait partie, comme Claire Marris, du conseil d’orientation de l’Observatoire.
Contact(s)
Contact(s) scientifique(s) :
Pierre Benoit Joly    UR326 Sens Sciences en Société
Claire Marris
Département(s) associé(s) :
Sciences sociales, agriculture et alimentation, espace et environnement, Sciences pour l’action et le développement
Centre(s) associé(s) :
Versailles-Grignon
ETAT DES LIEUX DE LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE EN FRANCE
Une étude de 2011 montre que la biologie de synthèse ne fait pas l’objet de programmes dédiés en France, que ce soit à l’ANR ou au CNRS, ce qui n’en favorise pas la visibilité. Les projets sont inclus dans des programmes blancs (sur les bioénergies) ou dans des programmes pluridisciplinaires. Par contre, il existe des programmes européens spécifiques dans le 6ième et le 7ième PCRD, dans lesquels les équipes françaises ont une part significative. La recherche privée est active dans le domaine des carburants et de la chimie verte, avec cependant des partenariats publics-privés faibles, comparativement aux USA, à l’Allemagne ou à la Suisse.
Pour structurer le domaine en France, les rapports de la SNRI (1) et de l’OPECST préconisent la création de plateformes dans des lieux stratégiques : Paris-Ile de France (Evry), Toulouse, Bordeaux, Grenoble et Strasbourg, afin de partager des équipements, créer une masse critique de chercheurs, favoriser les échanges public-privé.
Un institut spécialisé en biologie de synthèse, l’Institut de biologie systémique et synthétique (ISSB), a été créé en 2010 à Evry avec le soutien du Génopole et du CNRS. L’ISSB a fondé et dirige le master « mention sciences du génome et des organismes M2 spécialité biologie systémique et synthétique », une des rares formations de ce type en France (2).
La Paillasse, apparentée au mouvement de la biologie de garage (voir partie 5), est une association créée en 2012 à Vitry-sur-Seine. Ses membres, professionnels et non professionnels, y développent des débats, des projets pédagogiques et des projets scientifiques.
 
(1) SNRI : Stratégie nationale de recherche et d’innovation. Rapport de 2009.
(2) Il existe aussi une formation à Strasbourg. On en dénombre une quinzaine en Europe.
(D’après le rapport de l’OPECST, février 2012).

 

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CLONAGE REPRODUCTIF, CLONAGE THÉRAPEUTIQUE

 

Texte de la 28ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 28 janvier 2000 par Jean-Paul Renard


Le Clonage
La naissance du mouton Dolly "a fait la une" dans les médias du monde entier. Chez cette brebis, le noyau qui contient son patrimoine génétique a été prélevé de la glande mammaire d'une de ses congénères. Il a ensuite été transplanté dans un ovule prélevé sur une autre brebis, ovule dont on avait préalablement retiré le matériel génétique, c'est à dire les chromosomes maternels. Preuve était faite que même les mammifères peuvent se reproduire par une autre voie que la voie sexuée ! D'où la grande inquiétude : serait-il possible de faire chez l'homme ce que l'on a fait chez l'animal ?
Qu'est-ce qu'un clone ?
Un clone est un ensemble d'organismes génétiquement identiques.. Il est possible de cloner des molécules, des cellules ou des êtres vivants, qu'il s'agisse de micro-organismes, de végétaux ou d'animaux. Le clonage est un mode de reproduction naturel chez de nombreuses espèces. Ainsi, les bactéries peuvent se reproduire par scissiparité, les plantes par bouturage ou marcottage, et de nombreux invertébrés (abeille, puceron, daphnies) par parthénogenèse.
Dans tous les cas et contrairement à une idée répandue, le clone au sens de copie conforme n'existe pas en biologie : car même s’ils sont génétiquement identiques, deux organismes vivants manifesteront très vite des différences dues au fait que l’environnement vient moduler l’action des gènes.
Telle était la définition du clone avant l’annonce de la naissance du mouton Dolly. Depuis, la publicité que lui a consacré la revue scientifique “ Nature ” a fait évoluer l’usage de ce mot: il sert maintenant le plus souvent à désigner un animal, fut il unique, obtenu à partir du noyau d’une cellule non reproductrice, c’est à dire d’une cellule somatique, prélevée sur un animal adulte. Dolly était unique puisque l’animal sur le quel avait été prise la cellule donneuse de noyau, cellule qui avait été cultivée puis conservée à l’état congelé, était mort bien avant la naissance du fameux mouton. Mais Dolly fut appelée “ clone ”. Depuis, d’autres mammifères clonés ont vu le jour, notamment des veaux et plus récemment des souris, quelques chèvres et quelques porcs. Depuis deux ans, nous avons produit quelques souris et une douzaine de veaux clonés de la race Holstein au laboratoire de l’INRA de Jouy-en-Josas. Certains de ces veaux sont issus de noyaux provenant du même animal donneur et sont donc bien génétiquement identiques. Pourtant la répartition des taches noires et blanches de leur pelage diffère d’un individu à l’autre ; placés au milieu d’autres veaux non clonés, on a quelques difficultés à les reconnaître ; si on les observe plus attentivement , on constate par exemple que leur comportement alimentaire est en certains points très semblable, mais en d’autres très différents.. On est loin de la vision simpliste du clonage comme ” photocopieuse ”.

Les voies du clonage
Trois techniques très différentes permettent d'obtenir des animaux génétiquement identiques : la dissociation, la section ou le transfert de noyaux.
La dissociation consiste à prendre les cellules d'un tout jeune "embryon". Le mot embryon est utilisé ici comme un nom générique désignant les premiers stades du développement depuis le stade “ une cellule ”, c’est à dire celui de l'œuf fécondé, jusqu’au stade blastocyste à partir duquel se réalise l’implantation dans l’utérus de la mère. Au delà commence le développement du fœtus, même si souvent on réserve l’usage de ce mot à la période plus tardive à partir de laquelle apparaît une forme organisée (avec une partie antérieure et une partie postérieure) qui prendra ensuite un aspect caractéristique de l’espèce concernée. Pour obtenir un clone par dissociation, il faut partir des cellules issues soit de la première (deux cellules), de la deuxième (quatre cellules), ou, tout au plus, de la troisième (huit cellules) division de l’œuf. En les replacant soit seules, soit par groupe de deux dans la petite coque de glycoprotéines qui entoure l’œuf, la zone pellucide, on obtient autant d’embryons qui peuvent ensuite, chacun ou par groupe de deux, être transplantés dans une femelle porteuse. Le singe “ Tétra ”, né récemment dans un laboratoire de l’Oregon aux USA, a été obtenu de cette façon. Une équipe canadienne de l’Université de Guelph a pu, il y a quelques années, produire 4 veaux à partir des huit cellules d’un embryon ce qui constitue un record.
La scission d'un embryon se fait à un stade un peu plus tardif au stade blastocyste (ou blastula). A ce stade, les cellules de l’embryon viennent juste de commencer à se différencier en deux types bien distincts, celles qui ne donneront que le placenta, et celles qui donneront le fœtus et une partie du placenta. La zone pellucide commence à se fendre ce qui permettra au blastocyste de s’implanter. Si on coupe en deux parties ce blastocyste, en prenant soin de répartir à peu près également les deux types cellulaires facilement reconnaissables, on peut obtenir des jumeaux. C'est d’ailleurs ce qui se produit naturellement, mais très occasionnellement quand, au moment de s’échapper de la zone pellucide, l’embryon se trouve momentanément géné par une ouverture qui se révèle être de façon fortuite trop étroite. Telle est l’origine, chez l’homme, des jumeaux vrais, c’est à dire issus du même œuf. Et ce n’est pas injure leur faire que de dire que biologiquement parlant, les vrais jumeaux sont bien des clones ! Il y a quelques années, nous nous étions appuyé sur ces observations pour produire des jumeaux bovins par scission de blastocyste ; la technique s’est avérée très efficace puisque la moitié des vaches gestantes après transfert des deux demi embryons avaient donné naissance à des jumeaux ! Mais couper un blastocyste en quatre révéla vite son défaut, les quatre lots de cellules étant alors trop petits pour pouvoir chacun reformer un blastocyste capable ensuite de pouruivre son développement.
Le transfert de noyau consiste à placer au contact d'un ovule énucléé (sans chromosomes maternels) une cellule provenant d'un tissu déjà différencié, qui contient donc les deux stocks de chromosomes parentaux. En pratique on utilise des ovules provenant de femelles différentes dont on ne garde que le cytoplasme; ainsi, dans le cas de la vache, ces ovules peuvent être ponctionnées directement dans les follicules d’ovaires récupérés dans des abattoirs, ce qui permet de disposer très rapidement de plusieurs dizaines de cytoplasme receveurs pour les noyaux. On a recours à différents procédés pour s’assurer que le noyau de la cellule donneuse rentre dans l'ovule receveur. Une des étapes de cette opération minutieuse consiste à fusionner la membrane de la cellule donneuse de noyau avec celle de l’ovule. Pour cela on se sert d’une courte impulsion électrique qui ne dure que quelques microsecondes mais qui suffit pour déstabiliser très transitoirement les membranes et permettre à la fois leur fusion et l’activation de l’œuf, c’est à dire la mise en route de modifications chimiques qui conduiront à la réalisation de la première division. Le développement de "l'œuf reconstitué" peut alors commencer. Transplanté dans une mère porteuse, le veau obtenu sera génétiquement identique à la vache donneuse de noyau, qu'il s'agisse d’une cellule de glande mammaire, comme cela a été le cas pour Dolly en février 1997, ou de celui d’un muscle comme pour la vache Marguerite née à l’INRA en février 1998. Le rôle du cytoplasme de l’ovule mérite ici d’être souligné car c’est lui qui va réorganiser le noyau pour lui faire retrouver un état embryonnaire. Cet étonnant pouvoir est encore loin d’être compris : on sait seulement que l’ovule est une cellule tout à fait particulière qui contient plusieurs millions de molécules fabriquées au cours de l’ovogénèse, c’est à dire pendant cette longue période qui commence dés la vie fœtale de la femelle après que se soit différenciée la gonade. Ces molécules sont indispensables au contrôle des premières divisions de l’œuf car le noyau est à ce moment là incapable par lui-même de toute activité de synthèse. Il ne deviendra véritablement actif que progressivement et après que le cytoplasme de l’ovule l’ait profondément réorganisé. Ces premiers échanges entre le noyau et le cytoplasme sont déterminants pour la suite du développement. On commence à réaliser qu’ils peuvent affecter le fonctionnement de gènes qui ne s ‘expriment que plus tard au cours de l’embryogénèse et l’on soupçonne même que ces effets peuvent se faire sentir après la naissance ! En outre le cytoplasme de l’ovule est riche en ces organites cellulaires que sont les mitochondries qui jouent un rôle essentiel dans le contrôle du métabolisme cellulaire. Les mitochondries possèdent leur ADN propre qui ne sera utilisé qu’après plusieurs divisions, un peu avant le stade blastocyste,et en interaction avec l’ADN du noyau. Il faut donc qu’un “ dialogue ” constructif puisse s’établir rapidement entre le cytoplasme de l’ovule et le noyau donneur alors même que celui ci a en quelque sorte leurré le cytoplasme programmé chez les mammifères pour accueillir un spermatozoïde. Comprendre comment le noyau se trouve ainsi être dé-différencié en un noyau embryonnaire est la question fondamentale de biologie que pose le clonage
Technique, science :technoscience et clonage
Quelque soit l’espèce considérée, le rendement de la technique de transfert de noyaux est faible : un à trois pourcents seulement des embryons reconstitués se développement à terme alors qu’après fécondation in vitro, ce taux est d’environ 50%. Il est vrai que nous n'avons que très peu de recul, à peine trois ans, mais ce faible rendement est aussi un fait chez la grenouille où pendant de nombreuses années des chercheurs tentèrent, sans succès, d’obtenir un animal adulte (au delà du stade larvaire) à partir du noyau d’une cellule somatique elle même prélevée sur un autre adulte. Les données qui commencent à être publiées suggèrent que l’efficacité diminue quand le noyau provenant du même type cellulaire (par exemple un fibroblaste) est prélevé sur un animal adulte par rapport à un fœtus sans que l’on puisse dire pour l’instant si cette différence est due au fait qu’une plus grande partie des noyaux donneurs est porteuse d’anomalies génétiques après prélèvement chez l’adulte ou si il s’agit d’une moins grande aptitude à subir les remaniements imposés par le cytoplasme de l’ovule. Si on utilise des noyaux de cellules embryonnaires (prélevés juste avant l’implantation) l’efficacité est plus élevée et on peut obtenir (chez le bovin) en moyenne 10 veaux pour cent embryons reconstitués. Par contre l’âge de l’animal adulte semble peu affecter les résultats. Une autre observation est que dans tous les cas, et contrairement à ce qui se produit aussi bien dans les conditions de reproduction naturellles qu’après insémination artificielle ou fécondation in vitro, le taux d’avortements tardifs est élevé, un peu comme si le filtre que constitue l’implantation fonctionnait moins bien pour les embryons clonés. Les causes sont apparemment multiples et comme nous le verrons plus loin, pas seulement génétiques.
A ce jour, environ cent cinquante veaux clonés sont nés dans le monde, une quarantaine de moutons, moins de vingt chèvres, quelques porcs.. C’est peu au regard des cinq milliards de veaux nés par insémination artificielle depuis 1950, des deux millions nés après transfert d'embryons depuis 1975 ou des cent mille issus de fécondation in vitro depuis 1988 ! Curieusement, les premiers clones de souris n’ont été obtenus que près de deux ans après la naissance du mouton Dolly, et ceci malgré les nombreux efforts réalisés pendant près de vingt ans par plusieurs équipes. Ces échecs avaient fait considérer le clonage comme “ biologiquement impossible ” chez les mammifères ! Aujourd’hui, les succès avec cette espèce sont encore peu nombreux. Mais la situation pourraient changer: en jouant à la fois sur les conditions techniques de reconstitution de l’embryon et sur la composition du milieu de culture avant transfert dans une femelle receveuse nous venons de montrer que l’on pouvait obtenir un taux d’implantation élevé, et que c’était surtout la mortalité fœtale tardive qui était responsable du faible rendement. Les quelques souris obtenues sont par contre physiologiquement normales et peuvent se reproduire normalement.
Les clones commencent donc à naître régulièrement dans les laboratoires et ils forcent au constat suivant : un clone est un animal dont la généalogie brouille très vite les repères auxquels nous sommes habitués. Avec le clonage, un animal donneur de noyau peut avoir plusieurs clones d’âge différents dont peuvent être dérivés des clones de clones si l’opération de transfert de noyaux est répétée à partir de cellules prélevées sur un animal lui même issus de clonage. Un clone femelle peut avoir cinq mères : la “ mêre ” donneuse de noyau ; celle qui a donné le cytoplasme receveur ; la mère porteuse ; la mère qui l’allaite (nous avons fréquemment recours à cette mêre car les mêres porteuses que nous utilisons sont des vaches de la race charolaises moins bonne laitières que celles de la race Holstein) ; et… la mêre génétique, c’est à dire celle qui a donné naissance à la mêre donneuse de noyau en lui transmettant ses gènes ; il a dans tous les cas un pére, le père génétique, indispensable chez le mammifères où la parthénogénèse (c’est à dire le développement à terme d’un ovule activé sans fécondation), n’est pas possible. Si ce clone est un mâle, il a un deuxième père, le donneur du noyau et jusqu’à quatre mères. Quand aux clones de clones, leur grand-mère donneuse de noyaux est aussi leur soeur génétique (même père et même mère) et les autres membres du premier lot de clones sont à la fois leurs tantes (ou oncles) et leurs sœurs (ou frères). Nous venons, à des fins expérimentales de constituer une telle tribu de 10 vaches à l’INRA : définir un système d’identification pour ces animaux n’est pas une mince affaire !
Génèse, épigénèse : le clonage, un outil pour la recherche fondamentale
Le clonage est d’abord un nouvel outil pour l’une des grands thématiques de la recherche fondamentale : celle de la différenciation cellulaire. Au fur et à mesure que les tissus se forment, les cellules se spécialisent dans différentes fonctions ; dans de très nombreux tissus, on trouve des cellules qui en se divisant sont capables de donner à la fois une cellule identique à elle-mêmes et une autre cellule différenciées : ces cellules multipotentes sont aussi appelées cellules souches. La transformation d'une cellule souche en une cellule différenciée obéit à un mécanisme contrôlé qu'il convient de comprendre. En effet, le dérèglement de cette division reproduit ce qui se passe quand des cellules se mettent à proliférer de façon anarchique et à devenir cancéreuses. Comprendre avec le transfert de noyaux comment une cellule peut en quelque sorte revenir en arrière en modifiant le programme de développement qui l’avait faite passer de l’état d’œuf à celui de cellule différenciée devrait nous conduire à mieux cerner les conditions qui engagent une cellule à devenir tumorale. Avec le transfert de noyaux, la cellule fusionnée avec le cytoplasme de l’ovule retrouve un état totipotent, c’est à dire un état qui lui permet, à elle toute seule, de redonner toutes les cellules de l’organisme. Cet état redonne une vigueur nouvelle aux cellules. C’est ce que montre l’expérience suivante réalisée récemment chez la vache. Elle consiste, dans un premier temps, à mettre en culture des cellules prélevées sur un animal, par exemple des fibroblastes qui se divisent un certain nombre de fois, environ 30 à 50 , avant de rentrer dans un état de sénéscence ; dans un deuxième temps, on produit par clonage un fœtus à partir du noyau de ces cellules et on met à nouveau des fibroblastes en culture : on constate que ceux ci peuvent alors à nouveau se diviser autant de fois que lors de la première culture; et peut être même plus !
Cette jouvence cellulaire observée en culture a éveillé le fantasme d’immortalité qu’évoque le clonage alors que quelques mois auparavant, mais en sens opposé, on affirmait que Dolly vieillissait plus vite que son âge parce que certaines régions de ses chromosomes, les extrémités ou télomères (qui jouent un rôle clé pour maintenir normal le nombre de chromosomes à chaque division), étaient plus semblables à celles de l’animal donneur de noyaux agé de six ans qu’à celle d’un animal de deux ans ! Dans les deux cas, c’est extrapoler rapidement de la cellule en culture à l’animal vivant, en oubliant d’intégrer toute la complexité des régulations qui permettent à un organisme complexe d’exister : on a sans doute plus l’âge de ses artères que celui de ses télomères, et Dolly et les autres clones ont bien l’âge physiologique qui correspond à leur naissance! Seuls quelques type cellulaires ont à ce jour été utilisés comme source de noyaux. Et aucun d’entre eux ne correspondaient à des cellules ayant atteint un stade de différenciation terminal in vivo. L’étude des remaniements du noyau de ces cellules après clonage serait pourtant très précieux pour comprendre comment l’environnement cellulaire peut dicter à une cellule les conditions qui aboutissent à son engagement dans une fonction spécialisée, comme c’est le cas par exemple pour les cellules neuronales ou bien les kératinocytes qui forment la surface de notre peau.
Le clonage permet aussi d’aborder de nouvelles questions fondamentales. C’est le cas par exemple pour celle qui concerne le rôle important et jusqu’à une date récente ignoré, de l’environnement de l’embryon sur le développement fœtal et celui du jeune après la naissance. L'environnement est pris ici dans un sens très large puisqu'il peut s'agir de l'environnement du noyau avec le cytoplasme de l'ovule, de l'environnement de l'embryon cloné avec son milieu de culture ou celui que constitue l'environnement utérin au cours de la vie fœtale. Le clonage révèle que cette épigénèse, c’est à dire l'ensemble des mécanismes qui se surimposent à ceux déterminés par l'ADN et qui influencent un caractère, est de fait à l’oeuvre dès les premiers stades du développement. L’effet à long terme de l’environnement sur l’activité du noyau s’est manifestée de façon spectaculaire avec deux de nos clones bovins, dont l’un était la vache Marguerite, née tout à fait normalement après clonage somatique. Deux mois après leur naissance, soit au moment du sevrage, ces animaux n’ont pu activer leur système immunitaire et sont morts en quelques jours d’une infection généralisée avec gangrène fulgurante ; l’autopsie révélera que toutes les fonctions s’étaient développées normalement à l’exception de la fonction immunitaire, le thymus n’étant pas devenu mature. Aucune anomalie génétique ne put être décelée sur les tissus, et nous pûmes conclure que ce déréglement physiologique trouvait son origine dans le transfert de noyau qui n’avait pourtant pas empéché la mise en place des autres fonctions de l’organisme. D’autres manifestations tardives du clonage commencent maintenant à être documentées : les clones issus de cellules somatiques différenciées sont, à la naissance, en moyenne plus lourds que les veaux nés après insémination artificielle (6 kg en moyenne), et 20 à 30 % d’entre eux ont un surpoids de 10 à 25 kg avec des manifestations de type diabétique et des anomalies cardio-vasculaires. Ces dysfonctionnements semblent résulter du fait que, par rapport aux fœtus normaux, les fœtus clonés ont une croissance qui semble se synchroniser plus difficilement avec les variations d’apports nutritifs du milieu utérin. Ces désynchronisations sont aussi observées après reproduction normale, mais avec un fréquence faible, quand l’alimentation de la mère est mal adaptée aux besoins du fœtus. Les clones bovins se révèlent être des bons modèles pour mieux comprendre l’origine fœtale (et non seulement génétique) de physiopathologies prévalentes dans notre propre espèce
Parce qu’il procède à la fois d’une dissociation entre noyau et cytoplasme et d’une multiplication d’organismes génétiquement identiques, le clonage rend aussi possible l’étude du rôle spécifique des gènes nucléaires dans la genèse et la réalisation de caractères complexes comme la résistance à des maladies, le comportement ou le vieillissement. . Disposer de plusieurs animaux génétiquement identiques permet donc de mieux distinguer dans les caractères d'un animal ce qui est dû à ses gènes de ce qui est dû à l'environnement; en d'autres termes, quelle est la part de l'inné et celle de l'acquis. Le clonage devrait aussi permettre de définir l’importance de l’héritage mitochondrial maternel et de connaître les fonctions qu’exerce le cytoplasme de l’ovule au cours du développement. Plusieurs expériences montrent clairement que la fusion entre une cellule somatique d’une espèce et le cytoplasme d’un ovule énuclée d’une autre espèce permet de reconstituer un embryon capable de se différencier en blastocyste. Des lignées de cellules embryonnaires ont même pu être établies après mise en culture d’ embryons chimères mouton/vache, ou singe/vache ! Savoir si de tels embryons peuvent s’implanter ou non, c’est mieux comprendre ce qui fait la spécificité d’une espèce et découvrir que certaines combinaisons nucléo cytoplasmiques seront peut être tout à fait viables .
Semblables, différents : à quoi serviront les clones ?
Les premières applications du clonage vont concerner non pas tant l’obtention de lots d’animaux domestiques génétiquement identiques, avec la menace d’un appauvrissement des populations animales que certains ont tout de suite évoqué à l’annonce de la naissance du mouton Dolly, que l’utilisation et l’aide au maintien… de la diversité génétique. Le paradoxe n’est qu’apparent et il montre en tout cas que les premières craintes n’étaient pas les plus justifiées.
La première perspective du clonage est de devenir un outil pour la transgénèse animale. Il y a deux raisons à cela. La première concerne l'efficacité de la transgénèse. Des premiers succès obtenus chez la brebis, la chèvre ou la vache montrent l'avantage du transfert de noyaux par rapport à la microinjection d'ADN directement dans l'oeuf (au stade une cellule). Cette technique est utilisée depuis plusieurs années pour obtenir l'intégration d'une séquence d'ADN étranger dans un noyau hôte. La transgénèse permet de produire des molécules complexes en utilisant ce biotransformateur performant qu'est la mamelle et les nombreuses possibilités de cette approche seront développées dans la conférence de L.M.Houdebine. Le clonage devrait donc contribuer à réduire le coût de production de molécules complexes d'intérêt pharmaceutique pour obtenir des molécules à haute valeur ajoutée (comme par exemple le facteur IX qui intervient dans le processus de coagulation du sang), ou des anticorps qui pourraient alors être utilisés beaucoup plus largement à des fins de diagnostics. C‘est ce que démontre le veau ” Lucifer ”, né en juillet 1998 à l’INRA. Dans cette expérience, on a comparé l’efficacité de la microinjection d’un transgène avec celle du transfert de noyaux de cellules somatiques transgéniques . Il nous a fallu injecter plus de 2100 embryons de stade “ une cellule ” pour obtenir un fœtus transgénique alors que le transfert de 20 blastocystes, obtenus à partir de seulement 175 embryons reconstitués chacun avec un noyau transgénique, a suffi pour obtenir “ Lucifer ” avec un coût trois à cinq fois plus faible que pour la microinjection. Ce veau est porteur d’un gène semblable à celui qui chez le ver luisant, produit de la lumière : la luciférase. On a fait en sorte que le gène s’exprime dans toutes les cellules, mais seulement après un stress. On dispose ainsi d’un animal modèle chez lequel on peut mesurer très finement l'état de stress et ceci par une méthode non invasive puisqu'il suffit de prélever quelques cellules de la muqueuse buccale par exemple pour faire le test.
La seconde raison tient au fait que l'on peut envisager, dans un avenir sans doute proche, d'utiliser le clonage pour garantir le bon fonctionnement du transgène. A ce jour, son intégration après microinjection ou après transfection des cellules donneuses de noyaux se fait au hasard, et le plus souvent sous forme de copies multiples. Ces intégrations non contrôlées affectent fréquemment le patron d'expression de l'ADN étranger et compromettent les longs efforts requis pour produire les animaux. Elles contribuent à l'augmentation de la fréquence d'apparition de troubles physiologiques, une situation que le respect dû au bien être des animaux d'élevage ne peut tolérer. Or, le fait de pouvoir disposer d'un grand nombre de cellules en culture permet de recourir à des stratégies moléculaires pour cibler l'intégration du transgène dans un endroit préalablement choisi du génome, par exemple une région où l'environnement chromatinien favorisera un niveau élevé de son activité. Le clonage devient alors un enjeu pour obtenir directement ces animaux transgéniques en utilisant des cellules donneuses de noyaux où les séquences du transgène se sont recombinées à des séquences endogènes préalablement choisies. Compte tenu du grand nombre de divisions nécessaires pour sélectionner ces rares événements de recombinaison, l'obtention de lignées de cellules totipotentes qui peuvent être maintenues pendant très longtemps en division active in vitro sera sans doute requise. Ces cellules n'existent à ce jour que chez la souris.
Une exigence supplémentaire, au moins pour les espèces domestiques, sera d'éliminer toute séquence d'ADN utilisée pour trier les cellules où s'est produit la recombinaison homologue entre les séquences endogènes visées et le transgène. Plusieurs technologies récentes devraient permettre de débarrasser ainsi les noyaux donneurs de ces auxiliaires de fabrication que sont les gènse de résistance aux antibiotiques, ou les gène rapporteur du fonctionnement effectif du transgéne. Plus question donc, avec l’animal, de produire des organismes génétiquement modifiés par bricolage comme cela a été le cas avec les plantes. L’objectif de la recherche est une transgénèse propre qui ne fera que substituer par exemple un allèle à un autre. Les applications du clonage chez l'animal conduiront donc en pratique à développer les technologies de transgénèse, pour façonner directement les animaux d'élevage et non seulement pour mieux sélectionner les meilleurs à partir de lots d'animaux de méme génotype. Dans un premier temps, il est probable que la recombinaison homologue entre l'ADN exogène et des séquences endogènes sera utilisée pour des applications médicales, comme par exemple la création d'animaux immunocompatibles avec l'homme (le porc) et pour tenter de rendre effective la pratique des xénotransplantations. A plus long terme, c’est une véritable ingéniérie des animaux domestiques qui pourrait voir le jour et rendre plus rapide les méthodes classiques de la sélection animale. Le clonage devrait aussi aboutir à l'établissement de nouveaux modèles animaux tant pour approfondir nos connaissances sur les régulations des principales fonctions de l'organisme que pour étudier des maladies pour lesquelles le recours à la souris comme modèle s'est avéré décevant.
Mais le clonage a commencé aussi à être utilisé pour maintenir des génotypes animaux exceptionnels. Les Néo-zélandais par exemple viennent d’obtenir plusieurs veaux clonés à partir d'une cellule prélevée sur une vache de dix-sept ans, une des rares survivantes d'un troupeau qui s'était adapté au climat très rigoureux d’une ile du sud du pays. Les Japonais ont aussi cloné un taureau de vingt trois ans, un âge canonique chez cette espèce. Dans les deux cas, ces clones ont pu se reproduire tout à fait normalement permettant ainsi d’ introduire ces génotypes d’intérèt dans les schémas classiques de la sélection animale. Avec un collègue généticien de l’INRA, nous avons montré qu’il suffit de disposer d’environ 5,ou tout au plus 10 clones d’un animal d’intérèt pour accéder, à partir de mesures faites sur les clones eux mêmes ou sur leurs descendants, à une connaissance à la fois plus précise et plus rapide de la valeur génétique de l’animal.
L’animal, l’homme : clonage reproductif et clonage thérapeutique
Avec les exemples présentés ci-dessus, l’objectif est d’obtenir la naissance de clones après transfert, dans une femelle porteuse, d’embryons reconstitués avec des noyaux somatiques prélevés sur un organisme adulte: c’est ce que l’on appelle le clonage reproductif. Mais on peut aussi envisager de ne pas transplanter les embryons reconstitués et de les cultiver pour obtenir des lignées de cellules multipotentes embryonnaires ou différenciées qui auront les mêmes caractéristiques génétiques que celles du donneur : c’est ce que l’on appelle le clonage thérapeutique ou aussi le clonage non reproductif.. Cette distinction, établie par le Comité Consultatif National d’Ethique dès 1997 est essentielle pour comprendre comment le clonage pourrait être appliqué à l’homme.
A ce jour, il existe dans le monde entier un très large mouvement pour interdire le clonage reproductif humain. Il y a deux ans, dix-neuf pays européens ont signé un protocole dans ce sens. Bien sûr, on peut toujours justifier le recours pour l’homme au clonage reproductif. : il permettrait par exemple d’augmenter les chances de grossesse lorsqu’un seul embryon a pu être obtenu in vitro, ou de perpétuer le lignage biologique en cas de procréation impossible. Mais de telles pratiques, techniquement possibles, ouvriraient la voie à la reproduction par clonage d’un enfant sur le point de mourir, à celle d’un être cher ou d’une personne “exceptionnelle”, sans parler du fantasme de faire naître plusieurs enfants génétiquement identiques. Le clonage reproductif apparaît alors comme une inadmissible instrumentalisation de la personne humaine, une atteinte dégradante à sa dignité. Il suscite aujourd’hui la prise de conscience quasi unanime de la nécessité d’un accord international visant à une interdiction. L’énoncé d’un tel accord marquerait une nouvelle avancée de la démarche éthique dans l’accompagnement et le contrôle de l’avancée des connaissances scientifiques.
Le clonage thérapeutique par contre vise une utilisation très différente du transfert de noyaux: celle qui ouvre la voie à de nouvelles formes d'autogreffes. L'annonce aux USA de premiers succès dans l'isolement de lignées de cellules totipotentes établies à partir de la culture de blastocystes humains surnuméraires donnés à la recherche par des couples de patients (engagés dans un programme de procréation médicalement assitée) a considérablement renforcé l’intérèt pour cette approche. L’idée est de produire, par transfert de noyaux, un blastocyste à partir par exemple de cellules donneuses prélevées par biopsie sur un patient atteint de leucémie, puis de cultiver les cellules de cet embryon et dériver différents types cellulaires dont des cellules précurseurs du lignage hématopoïétique ; ces cellules pourront alors être, sans danger de rejet, réintroduites dans la moelle osseuse du malade après avoir éventuellement été modifiées génétiquement pour les rendre saines.
La mise en oeuvre effective du clonage thérapeutique nécessitera encore beaucoup de recherches avant de pouvoir devenir réalité mais elle est promise à de très nombreuses applications médicales, notamment pour les maladies neurodégénératives. Cette forme de clonage pourrait à son tour n’être qu’une étape transitoire de la recherche. En effet, on s’est aperçu récemment que des cellules souches isolées à partir de tissus spécialisés, tissus nerveux, sanguins ou musculaires, peuvent voir leur destin réorienté quand on modifie directement leur environnement in vitro sans faire pour autant appel au transfert de noyaux : en plaçant par exemple des cellules nerveuses dans la circulation sanguine de souris, ces cellules acquièrent un phénotype de cellules sanguines. Les mécanismes de cette transdétermination dont semblent capables plusieurs types de cellules somatiques sont encore peu compris. Mais ces derniers résultats nous placent de fait devant un véritable débat éthique que l’on peut formuler en deux questions :
Pour établir des lignées de cellules embryonnaires humaines multipotentes à partir de noyaux de cellules somatiques, il faut d’abord définir les conditions de culture qui permettront de dériver des lignées de cellules à partir de blastocyte. En France, ceci est impossible, car toute recherche , même sur les embryons surnuméraires des programmes de procréation médicalement assistée, est interdite par la loi de Bioéthique de 1994. Mais cette loi doit être prochainement révisée. D’où la première question posée au législateur : faut il, en prenant en compte les nouvelles données de la recherche, continuer à interdire ou au contraire autoriser la mise en culture de ces embryons surnuméraires, avec bien sûr un contrôle approprié ? Pour réaliser le clonage thérapeutique, il faut reconstituer des embryons donc créer des embryons humains, à partir d’ovules humains, pour les besoins de la recherche. En France, comme dans de nombreux pays, cette création “ d’êtres humains potentiels ” pour reprendre l’expression proposée par le Comité Consultatif National d’Ethique pour définir le statut de l’embryon humain, est interdite. D’où la deuxième question, sans doute plus difficile : peut on autoriser, même transitoirement la création d’embryons humains pour la recherche? Interdire, autoriser : le clonage thérapeutique appelle une exigence supplémentaire : celle d’apprendre à mesurer à leur juste valeur les avancées très rapides de ce monde des technosciences auquel appartient le clonage. Entre un rejet global et une défense aveugle, suivre une ligne de crête sans doute plus courageuse : celle le long de laquelle il faut , en temps voulu, décider d’avancer ou de faire marche arrière. Contre la peur, une telle démarche devient un acte de sagesse.
Conclusion
En moins de trois ans, le clonage animal est devenu à part entière un outil pour la recherche fondamentale. Il aide à mieux comprendre les mécanismes de la différentiation cellulaire et la nature moléculaire de la grande plasticité fonctionnelle du génome de nos cellules. Il montre aussi que nous ne sommes pas que le produit de nos gènes et devrait permettre de mieux comprendre comment, chez les mammifères, l’environnement de l’embryon modèle son destin. Associé à la transgenèse, le clonage permettra de façonner l'animal et d’engager une véritable ingéniérie de leur génome.
Là, science et applications avancent déjà de paire, côtoyant le marché pour qui le vivant est avant tout une activité minière. Là, les esprits curieux qui voudraient connaître la complexité de l’ontogénèse rencontrent les téméraires pour qui science et techniques sont aussi des instruments de puissance de l’homme sur le vivant. Là se dessinent de nouvelles utilisations de l’animal qui pourraient redéfinir les contours de notre représentation de l’homme.
Avec le clonage, l’activité scientifique semble se confronter aux plus forts de nos mythes fondateurs : celui de l’immortalité avec ses pactes qui confèrent une éternelle jeunesse ; celui du pouvoir qui rapproche des dieux façonnant les êtres vivants de notre entourage ; celui enfin du double et donc de l’indifférenciation qui conduit au crime. Les chimères modernes semblent prêtes à sortir des laboratoires et la peur mais aussi la fascination qu’excerce le clonage animal se lisent à longueur de médias. Mais être partagé entre l’attrait et l’effroi, n’est ce pas en définitive ce qui accompagne notre regard quand nous le portons sur cette terre irremplaçable pour mieux en ressentir la beauté ” !.

 

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