Paris, 22 janvier 2007 DOCUMENT CNRS LIEN
Mise en rotation d'une roue moléculaire montée sur un essieu
Des chercheurs du Centre d'élaboration des matériaux et d'études structurales de Toulouse (CEMES-CNRS) et leurs collègues de la Freie Universität de Berlin sont parvenus pour la première fois à contrôler la rotation d'une roue dans la molécule. L'expérience de nano-mécanique porte sur une roue d'un diamètre de 0.7 nm attachée à un essieu de 0.6 nm de long. Une telle réussite ouvre la voie à la création des premières molécule-machines. Ces travaux sont publiés on line, le 21 janvier 2007, dans la revue Nature Nanotechnology.
Dans l'histoire des inventions, la roue est à l'origine de développements scientifiques et technologiques considérables : depuis la création des horloges astronomiques, des machines à calculer jusqu'aux véhicules tractés et autres voitures à moteurs. Á l'échelle moléculaire, plus petite échelle pour créer une roue, elle représente pour les chimistes et les physiciens un véritable défi. Depuis la fin des années 1990, les chimistes du CEMES travaillent à la réalisation de molécule-machines munies de roues. Étape par étape, ils ont défriché ce domaine avec leurs collègues d'IBM Zürich puis de la Freie Universität de Berlin. Après l'observation de la rotation aléatoire d'une roue moléculaire à plat en 1998, la conception et la synthèse d'une brouette unimoléculaire en 2003 puis la synthèse d'un moteur moléculaire en 2005, ils sont parvenus l'année dernière à faire fonctionner la première crémaillère moléculaire d'un pignon de 1.2 nm de diamètre.
Aujourd'hui, les chercheurs ont montré qu'une roue moléculaire montée sur un essieu, le plus court possible, pouvait tourner. Ils ont réussi à contrôler son sens de rotation. Pour préparer cette expérience de nano-mécanique, les chimistes du CEMES-CNRS ont conçu et synthétisé une machinerie moléculaire simple faite d'une molécule-essieu de 0.6 nm de long où viennent se lier chimiquement deux roues triptycènes d'un diamètre de l'ordre de 0.7 nm (fig. 1). Le type de roue et de surface a été minutieusement choisi. Deux roues crantées et sans « pneus » ont été utilisées pour leur adhérence maximale à la surface de roulement, une surface de cuivre ultra propre. Sa rugosité naturelle présente des rangées d'atomes de cuivre séparées d'une distance de 0.3 nm environ et d'une hauteur mono-atomique.
L'expérience consiste à déposer délicatement des molécules roue-essieu-roue sur la surface de cuivre puis à repérer par imagerie en microscopie à effet tunnel (STM) et à très basse température les molécules se trouvant dans la bonne orientation par rapport aux rangées d'atomes de la surface. La pointe du STM positionnée sur une roue permet de la faire tourner. En avançant la pointe (fig. 2), le microscope se comporte comme un doigt agissant dans le déclenchement de la rotation.
L'opérateur du STM suit en temps réel sur son écran de contrôle les variations du courant électrique qui passe au travers de la roue pendant qu'il la fait tourner. Suivant les conditions de manipulation de la molécule, il peut à loisir faire tourner une roue puis l'autre alors que la molécule avance ou faire avancer la molécule sans faire tourner ses roues.
Cette expérience permet d'approcher et de comprendre à l'échelle d'une seule molécule des fonctionnalités connues à l'échelle macroscopique. Sans roue, certains modes d'avancée technologique ne pourraient pas fonctionner. La séparation de la partie habitable ou technique d'un véhicule, par exemple, est obligatoire pour éviter le frottement. Á l'échelle moléculaire, le raisonnement et les conséquences sont similaires. Si le plateau de la molécule n'est pas séparé de la surface, il y a interaction et donc destruction. Ces résultats ouvrent la voie à la création de molécule-machines. Un objectif ? Pouvoir un jour embarquer dans une seule molécule toute la machinerie d'une nano-voiture : quatre roues, un moteur, etc.