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ANTARTIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Antarctique ou Antarctide


Ensemble continental et insulaire de l'hémisphère Sud (en quasi-totalité au-delà de 60° de latitude Sud).


L'Antarctique est situé au sud des pointes de l'Afrique, de l'Australie et de l'Amérique. Il est formé de deux domaines distincts, délimités par des cercles centrés au voisinage du pôle : une calotte continentale couverte de glaces (le continent antarctique), presque entièrement inscrite à l'intérieur du cercle polaire ; une zone océanique (l'océan Antarctique), partie des océans Atlantique, Pacifique, et Indien comprise entre le cercle polaire antarctique et le continent polaire.

GÉOGRAPHIE
1. Le milieu antarctique
Le trait distinctif de l'Antarctique est l'isolement, qui trouve son explication dans la dureté d'un climat considéré comme le plus rigoureux du monde et la présence d'une mer tempétueuse et englacée, enfermant un continent sans attrait, véritable « bout de monde », tardivement exploré et vide. Milieu répulsif, l'Antarctique est un désert humain.
Les données physiques de l'Antarctique
Données physiques de l'Antarctique
Superficie : 16 500 000 km2, dont : 12 160 000 km2 (continent sous la glace), 2 400 000 km2 (plate-forme continentale libre de glace), 1 600 000 km2 (plate-forme de glace flottante), 200 000 km2 (roche nue), 140 000 km2 (îles).
Altitude. Moyenne : 2 300 m (2 040 m en incluant les plates-formes flottantes). Maximale : 4 270 m (glace), 4 897 m (roche : mont Vinson).
Longueur des côtes : 24 000 km.
Température. Minimum absolu : −88,3°C (Vostok, août 1960).
Épaisseur de la glace. Moyenne : 2 200-2 600 m. Maximale : 4 335 m.
 
1.1. Le froid et les vents
Un froid excessif et des vents violents caractérisent le climat exceptionnel de l'Antarctique, conditionné certes par l'altitude du continent, mais surtout par le jeu complexe de divers facteurs.
Le rôle réfrigérant de l'hiver nocturne
Selon un phénomène normal de latitude, passé le cercle polaire austral, deux périodes s'individualisent dans l'année : l'une à l'époque du solstice de décembre, où le soleil est en permanence au-dessus de l'horizon ; l'autre au moment du solstice de juin, où il est constamment au-dessous. À mesure que l'on se rapproche du pôle, la période de nuit continue (l'hiver), ou de jour continu (l'été), gagne en durée, puis l'emporte. Au pôle, l'année est donc partagée en deux saisons d'illumination : l'une de mars à septembre, où le soleil ne se lève pas, l'autre d'octobre à février, où il ne se couche pas. C'est au cours de la nuit hivernale qu'intervient une intense déperdition thermique par rayonnement dans une atmosphère claire.
L'inefficacité d'un été sans chaleur
Le réchauffement associé à la durée de l'illumination estivale ne parvient pas à compenser le déficit hivernal. À ces hautes latitudes, les rayons solaires, qui ont une trop faible incidence au sol, doivent traverser une masse atmosphérique plus épaisse, où la déperdition par réflexion, absorption et diffusion est donc accrue. Seul un reliquat de radiation solaire atteint le sol : on estime qu'au pôle, au plein de l'été (décembre), sur les 36 000 cal/cm2 entrant dans l'atmosphère moins de 80 % parviennent dans les basses couches. Facteur aggravant, une importante fraction de cette énergie incidente est réfléchie sur la surface blanche des glaciers et de la banquise, qui interviennent comme d'immenses réflecteurs (albédo de 0,76). Les mers libres, qui absorbent toute la chaleur reçue, sont trop éloignées du pôle pour jouer un rôle thermique décisif. Enfin, l'inversion de température en altitude (par advection de chaleur venue des tropiques) disparaît en été, et ne vient plus freiner la perte calorique du sol sous l'effet de la radiation infrarouge, très efficace dans l'air sec et transparent des voisinages du pôle.
Au total, le bilan radiatif est déficitaire pour toute la calotte située au sud du 37e degré : à Mirny, le bilan thermique global varie entre – 2 et – 3 000 cal/cm2 par an, et est de – 8 000 pour l'intérieur du continent. À Mirny, il est négatif pendant 5 mois, et au pôle pendant 11 mois. C'est donc dans le domaine antarctique que l'on enregistre les températures les plus basses du monde (et de plus en plus rigoureuses à mesure que l'on se rapproche du centre du continent) ; ce domaine se caractérise en outre par l'absence d'été, fait que l'on exprime en choisissant l'isotherme 10 °C du mois le plus chaud pour le délimiter.
Un refroidissement d'une telle ampleur a pour effet un alourdissement de l'air et un tassement des basses couches engendrant au voisinage du pôle un anticyclone pelliculaire. Au nord, une auge de basses pressions est installée vers 55-65° sud, tout autour du continent. Les vents divergent en descendant et soufflent vers l'est à sa périphérie ; fortement refroidis au-dessus de la glace, ils ont un écoulement qui s'accélère et devient turbulent vers la côte, où ils sont connus sous le nom de vents catabatiques. Le contact entre l'air antarctique, d'origine continentale, et l'air maritime circulant sur l'océan Antarctique est exprimé sous la forme d'une discontinuité frontale, parcourue par des dépressions cycloniques très creusées qui circulent vers l'est, traversant à l'occasion tout le continent, de la mer de Weddell à celle de Ross. Dans l'ensemble, il s'agit d'une circulation zonale, puissante et rapide, car non perturbée par l'obstacle de masses continentales. Tous les navigateurs et explorateurs ont décrit la violence de ces vents agissant sans entrave sur la neige et sur les eaux : si le continent antarctique connaît les plus violents blizzards, l'océan Antarctique est le plus tempétueux du monde.
Interdisant ou limitant le dégel, donc l'évaporation, le froid a pour corollaire une humidité atmosphérique faible en valeur absolue (sur le continent, elle est 10 000 fois moindre qu'à l'équateur) ; en valeur relative elle ne dépasse pas 70 %, sauf sur la ceinture littorale ou maritime, où les vents viennent puiser leur humidité. Les précipitations, surtout sous forme neigeuse, totalisent seulement 150 mm (en eau de fusion) pour l'ensemble du continent, avec un minimum remarquable de 10 pour la partie orientale et un maximum de plus de 500 mm sur les littoraux et îles subantarctiques. En se déplaçant vers le nord, on passe ainsi d'une aridité saharienne à des régimes pluvieux caractéristiques des latitudes moyennes.
1.2. La glace et les eaux
Le froid se manifeste directement par la prise en glace et par l'animation des grands courants marins.
Le monde des glaces
Il est remarquable de constater que, dans l'une des régions les plus arides du globe, s'est constituée la plus grande réserve d'eau douce. La quasi-totalité du continent antarctique (98 %) disparaît en effet sous une énorme masse de glace (ou inlandsis), accumulée sur une épaisseur de plusieurs kilomètres, jusqu'à adopter la forme caractéristique en coupole, dont le sommet dépasse 4 000 m. Localement affleure la roche sous la forme de crêtes, suffisamment élevées pour isoler des glaciers locaux de type alpin à l'alimentation autonome. Le relief sous-glaciaire, déterminé séismiquement, est donc très diversifié, fait de chaînes montagneuses cloisonnant des bassins, dont le fond descend parfois sous le niveau de la mer (dépression unissant les mers de Weddell et de Ross), et isolant des archipels.


Les glaciers antarctiques sont de type froid (parties supérieures au-dessous de 0 °C) et restent donc couverts sous plusieurs dizaines de mètres de neige meuble : ce n'est qu'en profondeur, et au bout de plusieurs années, que la neige évolue en névé, puis en glace, par tassement et recristallisation sans fusion. Les horizons les plus froids se situent à plusieurs centaines de mètres sous la surface (– 28 °C à – 800 m à la station Byrd) ; en dessous, la température augmente jusqu'au contact avec la roche, où le forage réalisé en cette même station a trouvé de l'eau liquide ; ce fait tendrait à prouver que la glace y atteint le point de fusion sous l'effet de la pression. La longueur de temps nécessaire à la formation de la glace est la raison majeure de la lenteur de ses mouvements. Même à l'intérieur du continent, son énorme épaisseur n'est pas suffisante pour engendrer des vitesses appréciables : on parle alors de régime stagnant propre à un glacier-réservoir. Mais sur les marges, des courants s'individualisent dans la glace, se moulent au tréfonds rocheux pour donner finalement naissance à des émissaires : ces régions fonctionnent alors comme un glacier évacuateur. Localement, un débordement peut se produire sous la forme de plates-formes, ou immenses pontons flottant sur la mer, dont se détachent des icebergs. Par leur abondance, ces derniers sont caractéristiques de l'Antarctique. Les moins nombreux, provenant de petites plates-formes, sont alourdis par des moraines, s'enfoncent beaucoup dans l'eau et sont fortement burinés par l'érosion, qui les rend reconnaissables à leur surface chaotique. Les plus nombreux ont une forme majestueusement tabulaire et des parois éblouissantes, qu'ils conservent longtemps. Leur abondance varie avec les saisons (maximum en décembre) et les années ; ils peuvent dériver jusqu'aux latitudes tempérées.
Lorsque la température de l'eau de mer descend au-dessous de – 2 °C, celle-ci à son tour se prend en glace pour former la banquise. Parfois, l'embâcle peut être facilité par de gros apports neigeux qui contraignent la banquise à s'enfoncer et à s'alimenter à l'eau de mer par capillarité. Par temps calme, les étapes caractéristiques de la congélation (fraisil, « mélasse », glace en crêpe, puis en plaques finalement soudées en banquise) se déroulent normalement. Mais, dans le monde très perturbé de l'Antarctique, notamment sous l'effet des fortes houles, la prise en glace est fréquemment contrariée par des cassures, des compressions donnant naissance à des crêtes hautes de plusieurs mètres. L'édification de la banquise est donc un travail de Pénélope, perpétuellement remis en cause ; une telle instabilité la rend peu épaisse (moyenne : 6 à 7 m ; maximum : 13 m), discontinue, soumise à des courants et des dérives qui en rendent l'extension fort variable dans l'espace et le temps.
Le mouvement des masses d'eau
Fonctionnant comme de puissants réfrigérateurs et, accessoirement, comme des pourvoyeurs en eau douce, les glaciers et la banquise sont responsables de la formation d'un très net gradient de salinité et de température dans les eaux océaniques et, partant, de l'établissement d'une pente isobarique inclinée vers le sud. C'est donc en cette direction que s'effectue (parallèlement à celui qui est signalé dans l'atmosphère) un important transfert thermique de compensation, depuis les latitudes plus basses. Schématiquement, cet échange se fait par l'intermédiaire de trois masses d'eau superposées, qui viennent successivement en affleurement au terme d'un long parcours, déviées vers la gauche comme il convient.
La plus septentrionale et la plus superficielle est l'eau subtropicale, chaude et salée (12 à 13 °C, plus de 35 ‰), installée à la hauteur des pointes méridionales des continents. Le front subtropical (ou convergence), au tracé très fluctuant, la sépare d'une masse d'eau tempérée (8 à 10 °C, 34,7 à 34,8 ‰) dite « subantarctique ». Celle-ci arrive à son tour, par l'intermédiaire du front antarctique (ou convergence), en contact avec la masse d'eau antarctique superficielle qui provient de la dilution et du refroidissement de l'eau antarctique circumpolaire, encore chaude et salée (0,5 °C, 34,7 ‰), située sous elle. Sauf au voisinage du continent, ces eaux sont animées d'un grand mouvement de dérive vers l'est : la répartition des densités conduit donc à des courants qui coïncident avec ceux que les vents feraient naître à eux seuls.
En compensation, des eaux de formation locale, donc froides et plus denses, sont affectées d'un mouvement inverse qui les fait plonger vers le nord. C'est d'abord de l'eau antarctique de surface, qui s'enfonce sous le front antarctique : on lui donne le nom d'eau antarctique intermédiaire. C'est d'autre part la formation près du continent d'une eau très froide subissant une descente vers les grands fonds, dont elle renouvelle l'eau abyssale : c'est l'eau antarctique profonde, qui dessine une vaste ronde, dont se détachent des branches qui s'échappent vers l'équateur à la faveur d'ensellements, dont le rôle exact n'est pas encore éclairci.
Au total, les eaux antarctiques sont entraînées par un puissant mouvement zonal (dit « circumpolaire »), dont le débit a été estimé dans la partie la plus resserrée du passage de Drake à 218 millions de m3/s en moyenne. C'est un des plus importants courants du monde, qui s'écoule à des vitesses variant entre 0,20 et 0,30 m/s. Intéressant les masses d'eau sur toute leur hauteur, il est fortement influencé par la forme du lit océanique, dont il gouverne en partie les processus morphologiques et sédimentologiques.
Cet affrontement de masses d'eau diversifiées a pour conséquence leur grande fécondité, due essentiellement à leur richesse en gaz dissous et à l'abondance des composés azotés. La vie se cantonne dans les couches superficielles, où le développement vital connaît un très court épanouissement estival, suivi d'une longue léthargie hivernale. La chaîne alimentaire (microfaune-copépodes-crustacés) assure la subsistance d'un nombre considérable de poissons et d'animaux amphibies, dont les plus volumineux (phoques, baleines), traqués et massacrés depuis deux siècles, ont dû chercher refuge vers des eaux que la banquise rend difficilement accessibles à l'homme.
1.3. Le continent et les fonds marins
Sous la glace et les eaux, le substratum géologique (qui n'apparaît que sur un étroit liséré littoral ou au sommet de quelques hauts-fonds) est encore mal connu dans sa nature et dans ses formes. Toutefois, les méthodes modernes de détection géophysique permettent d'en silhouetter les grands traits, à partir d'une distinction fondamentale entre une masse continentale centrale et des cuvettes marines périphériques.

L'Antarctique
Elle comprend deux parties géologiquement contrastées, séparées par un grand accident qui la traverse en écharpe.
L'Antarctique orientale
L'Antarctique orientale, massif de forme oblongue, est un vieux boucher, ancien édifice plissé (en deux phases, l'une précambrienne, qui a donné le noyau, l'autre calédonienne, responsable de la formation des bordures), ultérieurement mué en socle par le métamorphisme des roches sédimentaires. Gneiss et micaschistes y dominent, traversés par quelques rares pointements granitiques, comme dans les monts de Sør-Rondane. Tronqué par l'érosion, ce massif ancien a été recouvert par une série puissante (1 à 2 km), continentale (grès, grauwackes et schistes, avec des tillites témoignant d'une intense glaciation carbonifère), interstratifiée de sills, de dolérite et de basalte : ce sont les grès de Beacon, dont l'âge s'étage du Dévonien au Jurassique. Sismiquement stable (épaisseur de la croûte : 40 km en moyenne ; maximum : 48 au pôle d'inaccessibilité), le socle n'a connu qu'un rare volcanisme (en dehors du mont de Gauss) et des déformations postdévoniennes cassantes strictement localisées : dans les reliefs périphériques, encore enfouis sous la glace, séparés par des dépressions creusées sous l'actuel niveau de la mer (bassin de Wilkes, bassin polaire) et dans les montagnes transarctiques (de la mer de Weddell au cap Adare), dont les points les plus élevés émergent de la glace et sont modelés en reliefs tabulaires de plus de 4 000 m. Par sa structure et ses formes, le bouclier oriental évoque les autres socles de l'hémisphère austral.
L'Antarctique occidentale
L'Antarctique occidentale, plus petite, appartient par contre au domaine alpin.
Sa forme est en arc, dont la pointe (péninsule Antarctique) se prolonge dans les archipels de la mer de la Scotia (archipels des Shetland du Sud, Orcades du Sud, Sandwich du Sud, Géorgie du Sud) et par-delà le passage de Drake, dans la cordillère des Andes. Un tiers seulement est situé au-dessus de la mer, formant un archipel lâche, dont les points les plus hauts sont formés de pics aigus dans la péninsule Antarctique et les monts Sentinelles.
Son matériel est plus récent, plus épais (plusieurs milliers de mètres, 10 000 en Géorgie du Sud), où prédominent les dépôts marins (grès et schistes) accumulés au pied du socle oriental, et complétés par d'imposantes venues éruptives.
L'importance et le style des déformations ont joué depuis la fin du Crétacé (mouvements dits « laramiens », accompagnés d'intrusions et de métamorphisme) jusqu'aujourd'hui, sous la forme de plissements, de failles ou de décrochements. L'ampleur de cette tectonique est attestée par la formation d'une fosse sous-marine profonde au pied de l'arc insulaire de la Scotia.
Les effusions volcaniques ont joué un grand rôle et on peut suivre leurs manifestations depuis la Terre de Feu jusqu'à l'île de Ross : l'île de la Déception est un volcan parfois menaçant, dont l'ancien cratère a été envahi par la mer ; toute la bordure sud-pacifique est d'origine volcanique, notamment les monts Rockefeller, du Comité-Exécutif, Crary, Kohler (dont le point culminant, le mont Sidrey, 4 160 m, est un volcan endormi). C'est donc dans l'Antarctique que vient se boucler la « ceinture de feu » du Pacifique.
Son instabilité est attestée par une forte séismicité liée à l'amincissement de l'écorce (30 km).
La bordure précontinentale étroite oppose une plate-forme originale par sa profondeur (500 m en moyenne pour le rebord), son relief énergique (creusé par un fossé médian concentrique), à une pente fortement déclive, où les canons sont rares du fait même de la profondeur. L'irrégularité de la topographie s'explique moins par le labourage des glaces, qui semblent avoir débordé assez loin au Pléistocène (ou même avant), que par la densité des disjonctions, fréquentes dans un domaine de transition avec les structures océaniques : elles ont pu rejouer lors de la formation et des retraits de la masse glaciaire.
Les cuvettes océaniques
Les parties les plus profondes de l'océan Antarctique sont séparées par des seuils, ou dorsales, dont on a récemment reconnu l'activité et aussi la continuité avec les formes similaires des autres océans. La dorsale atlantico-indienne se rapproche du continent jusqu'à l'île Bouvet, puis remonte vers le nord dans l'océan Indien, où elle revêt la forme d'un « Y » renversé, dont la branche orientale (île Amsterdam, île Saint-Paul) se prolonge, sous le nom de dorsale indo-antarctique, jusqu'au sud de la Nouvelle-Zélande. On note encore les dorsales pacifico-antarctique, puis est-pacifique (dite parfois « de l'île de Pâques »), dont se détache un rameau, ou dorsale sud-chilienne, greffé sur l'Amérique du Sud. Sur tout ou partie de leur parcours, ces dorsales sont entaillées par un fossé central, bordées par des anomalies magnétiques disposées parallèlement à leur axe, et secouées par une notable activité séismique.
La présence d'îles et de hauts-fonds (bancs Maud, Banzare, du Discovery, du Meteor, etc.), qui sont des chicots de volcans épars ou groupés, parfois tronqués en guyots, atteste l'importance des épanchements volcaniques sous-marins. La disposition rubanée des anomalies magnétiques et l'activité tectonique témoignent de leur élaboration par des montées de matériaux venus du manteau dans la zone médiane, et repoussés de part et d'autre d'elle par des venues successives plus récentes. Les lignes de crêtes sont hachées par de grands décrochements (ou failles de transformation), qui semblent contemporains de l'édification des dorsales. On ne sait pas encore si le plateau aséismique portant les îles Kerguelen et Heard est un tronçon de dorsale ou un lambeau continental curieusement isolé.
De part et d'autre des seuils s'étendent des bassins océaniques comprenant : des collines abyssales, dont le désordre topographique est expliqué par l'importance des fractures ; à proximité des continents, des parties planes ou plaines abyssales (de Weddell, Enderby, Wilkes et de Bellingshausen), dont la régularité topographique est due à l'épaisseur et à l'ancienneté de dépôts non perturbés, puisqu'ils sont éloignés de l'axe des dorsales.
L'Antarctique est considérée comme un moignon d'un continent plus vaste, dont les morceaux ont été écartelés par la création progressive de la croûte océanique responsable de l'expansion du fond marin.
La dérive des continents est à l'origine d'un isolement encore renforcé par l'hostilité climatique : il explique l'endémisme des flores et des faunes comme la quasi-inexistence de peuplement humain sédentaire, en dehors des quelques établissements de pêcheurs, d'éleveurs et de scientifiques. Mais en raison de ces mêmes particularités et des intérêts politiques qu'elles ont éveillés, les régions antarctiques bénéficient de conditions diplomatiques privilégiées, qui leur permettront de devenir le plus grand laboratoire du monde.
1.4. Faune et flore
La plupart des êtres vivant sur l'Antarctique ou à sa périphérie tirent leur subsistance de la mer, car le continent, couvert de glace, est stérile. La flore y est essentiellement représentée par plusieurs dizaines d'espèces de lichens et de mousses, ainsi que de phytoplancton, présent dans certains lacs d'eau douce. Les insectes sont les principaux animaux répertoriés. En revanche, la faune marine est plus riche. Des phénomènes de remontée d'eaux profondes riches en sels nutritifs se produisent dans certaines régions. Le krill, population de petits crustacés marins qui consomment divers végétaux minuscules, devient à son tour une importante source alimentaire pour de nombreuses autres espèces. Les araignées de mer et les céphalopodes, comme le calmar et la pieuvre, sont relativement abondants dans la zone polaire australe.


Les oiseaux antarctiques sont les manchots, les albatros, les cormorans, les mouettes, les sternes et les pétrels. Sept espèces de manchots sont rassemblées dans la zone des banquises, en colonies pouvant dépasser le million d'individus : le manchot Adélie, qui niche dans les régions libres de glace, le manchot empereur, le manchot gentoo, le manchot à jugulaire et le manchot royal. Les mammifères marins sont représentés en Antarctique par les cétacés, les phoques − qui sont protégés par une convention datant de 1980 − et les otaries. Quatre espèces de mysticètes – la baleine bleue ou rorqual bleu, le rorqual commun, le rorqual de Rudolphi et le mégaptère ou baleine à bosse – habitent les eaux antarctiques en permanence. Cachalots, orques et épaulards se trouvent également en nombre important.


On rencontre sur la banquise les quatre espèces de phoques : le phoque crabier (près de 20 millions d'individus), le phoque de Weddell, le léopard de mer et le phoque de Ross.
2. Les zones antarctiques
2.1. La calotte antarctique
Le dôme central
Dans les parties les plus hautes de l'Antarctique orientale, délimitées par la courbe de 3 000 m et l'isotherme de – 40 °C, la quasi-permanence de l'anticyclone fait régner le froid le plus rigoureux (hiver : – 70 °C ; été : – 30 °C ; température moyenne annuelle : – 49 °C au pôle Sud, – 58 °C à Vostok et au pôle d'inaccessibilité). Mais il s'agit d'un froid que la fréquence des types de temps calmes rend supportable. L'atmosphère y est d'une surprenante sonorité et d'une incomparable transparence, à cause de la faible humidité de l'air et de la rareté des hydrométéores. Les précipitations (de 20 à 60 mm par an) ne sont dues qu'au givre et à la condensation de l'humidité atmosphérique, par suite de la faible fréquence des perturbations et des systèmes nuageux. L'indigence des apports neigeux explique que la transformation en glace ne se réalise qu'à 100 m de profondeur, et encore faut-il dix siècles au pôle Sud (peut-être vingt au pôle d'inaccessibilité) pour qu'une telle mutation se réalise. La masse glaciaire ne s'écoule que très lentement, à la vitesse de quelques mètres par an.
Sur la pente de l'inlandsis (entre 3 000 et 1 200 m), les paysages progressivement se modifient. La topographie glaciaire devient irrégulière et se résout en dômes, parfois séparés, comme ceux de la péninsule Antarctique, laissant apparaître des cuvettes, où la blancheur du manteau nival est déchirée et laisse affleurer des pointements rocheux élevés, dressés à la façon de navires échoués. La neige ne parvient plus à les recouvrir en raison de la force des vents, de la raideur des pentes et de la plus grande absorption thermique de la roche nue. C'est pourquoi certaines régions montagneuses sont occupées par de petits glaciers de type alpin sans rapport avec l'inlandsis. Sous l'effet de la déclivité d'ensemble, les vents catabatiques acquièrent sur cette couronne leur plus extrême violence ; de plus, l'anticyclone peut céder la place à une dépression établie entre le pôle et la mer de Ross, dont le fort gradient barométrique favorise le passage d'un courant-jet et la pénétration des temps perturbés. Ceux-ci permettent un afflux d'air océanique, qui apporte un adoucissement des températures (été : – 20 à – 25 °C ; hiver : – 40 °C) et une augmentation des précipitations (200 à 300 mm par an). Les blizzards, si fréquents qu'ils constituent le trait climatique dominant, transportent la neige, la transforment en croûte ou l'accumulent en « zastrouguis », congères disposés en grandes vagues irrégulières, hautes de quelques décimètres et ordonnées dans le sens du vent. L'absence de fusion, encore interdite par l'altitude et le froid, et l'accumulation neigeuse favorisent le tassement et la formation d'une glace dont la progression est plus sensible (quelques siècles suffisent pour passer de la neige à la glace bulleuse), pouvant atteindre et dépasser 10 m par an (17 m à 200 km au sud de Mirny).
La marge littorale
L'inlandsis s'écoule vers les rivages en bras individualisés (glacier Lambert, le plus important) ou isolés entre les parois rocheuses des fjords (glacier de Beardmore), au pied de montagnes (glacier de Wilson) ou sur des îles (île Drygalski). Nombre de ces effluents atteignent la mer, où ils donnent naissance à des icebergs ou à des plates-formes. Mais certaines régions côtières demeurent déneigées en permanence ; c'est le cas : des secteurs de côtes basses, faites de larges baies précédées d'un pointillé d'îlots (comme la terre Adélie), aux roches lustrées, ornées de rares moraines et d'étroites plages ; des vallées sans glaces (dites « oasis »), au profil caractéristique en U glaciaire, comme celles situées dans la région de McMurdo, qui sont les plus typiques (les parois abruptes, modelées par le gel, fournissent des débris, qui s'accumulent dans les fonds, où subsistent des lacs d'eau douce ou salée).
Le manteau glaciaire est important, car la région appartient à la zone d'alimentation de l'inlandsis : aux précipitations fortes (550 mm sur la côte de la mer de Bellingshausen) s'ajoutent les neiges de vannage apportées par les « vents blancs », qui soufflent de l'intérieur. En outre, les températures y sont moins rigoureuses sous l'effet des effluves océaniques et des vents catabatiques encore violents, mais qui sont réchauffés par un effet de fœhn. Comme la température du mois le plus chaud atteint 0 °C, la fusion est possible, permettant une recristallisation en profondeur de l'eau infiltrée. Quelques décennies suffisent pour faire de la glace, à écoulement rapide de quelques dizaines (glacier de la Zélée : 30 m) à quelques centaines de mètres par an (glacier de Beardmore : 500 à 600 m ; glacier Denmann : 1 200 m). L'abondance des crevasses, comme celles établies au passage des défilés ou au contact des plates-formes flottantes (ou de la banquise), qui sont des butoirs contre lesquels viennent s'édifier des crêtes de pression, des chevauchements de blocs de glace ou de moraines, en apporte un spectaculaire témoignage. L'expédition Scott, qui emprunta le lit du glacier de Beardmore, n'y progressa qu'au prix des pires difficultés.
Les secteurs déneigés sont ceux où l'alimentation est nulle ou déficitaire sous l'effet des vents qui en balaient la neige, de l'activité du rayonnement solaire, qui traverse aisément un manteau nival trop mince, ou de l'apport de poussières et de sable qui, absorbant mieux les radiations, favorisent la fusion ; localement peut intervenir le degré géothermique, comme dans la région de McMurdo. En général, c'est la roche nue qui affleure, car les dépôts proglaciaires sont minces et peu étendus en raison de la lenteur (ou de l'inefficacité) de l'érosion glaciaire ; les matériaux transportés à la base des glaces sont exportés en mer par les icebergs. En hiver, les régions les plus proches de la mer sont encombrées d'un chaos de glaces formant la banquette côtière, dont l'origine est complexe (gel des embruns, résidus de glaces de mer, accumulation de congères) et qui est fréquemment fracturée sous la poussée de la banquise. En été, la fusion et le décollement opéré par la marée permettent son morcellement en petits blocs, qui vont s'agglutiner à la banquise du large. Bloquée en hiver, faiblement battue par une houle amortie par les glaçons, la côte ne subit qu'une faible érosion, qui ne laisse que des dépôts peu usés et rares. Les falaises vives sont très localisées, et seules les plages sont décorées de formes particulières, comme des dépressions circulaires dues à la fusion de chicots de glace, ou de crêtes formées par la pression latérale de la banquise.

Faune et flore
Sur cet ourlet étroit vient se réfugier une vie appauvrie par la brièveté de la période végétative et la forte évaporation, qui ne tolèrent qu'une maigre végétation de lichens – on en distingue plus de 400 espèces –, d'algues et de mousses, dont les touffes, parfois réfugiées dans les anfractuosités, sont trop éparses pour former le tapis de la toundra. Seulement deux familles de phanérogames sont connues : les caryophyllacées (2 espèces) et les graminacées (3 espèces). On ne trouve de plantes à racines que sur les îles de la péninsule Antarctique. Pas d'animaux terrestres, sauf de minuscules insectes. Les collectivités animales d'une certaine densité n'y font qu'une fugace apparition saisonnière, profitant, comme les manchots empereurs, de la renaissance du plancton littoral ; l'hiver revenu, ces peuplements nomades prennent place sur un glaçon qui les emmène vers les confins plus hospitaliers de la banquise. Pareillement, le benthos est rare sur les étages infralittoraux, trop raclés par les glaces. Au point de vue humain, les littoraux font figure de régions privilégiées, ce sont des sites favorables à l'installation de bases scientifiques et aériennes.
Les plates-formes flottantes
En plusieurs secteurs, la glace continentale s'écoule au-delà de la limite du continent et s'avance en flottant sur la mer. Parfois, ce sont d'étroites passerelles (celles prolongeant les glaciers de Mertz et Ninnis, terre Adélie), qui se terminent en spatule crevassée. D'autres fois, ce sont de larges promontoires, comme les plates-formes d'Amery et de Shackleton. Mais les plus importantes sont des plateaux occupant les encoignures des mers de Ross (plus grande que la France) et de Weddell (plates-formes de Filchner et de Larsen).


La glace colonisatrice s'incline vers le large en s'amincissant (l'épaisseur moyenne n'excède pas quelques centaines de mètres à l'amont, quelques dizaines à l'aval) et en prenant appui sur des îles et des hauts-fonds. La surface est une plaine neigeuse, aux crevasses rares, peuplée de quelques surélévations ou ondulations hautes de 5 à 20 m ; à 10 m sous la surface apparaît le névé, puis à 50 m la glace. Elle se termine sur la mer par une falaise (dite « barrière »), dont se détachent des blocs volumineux, et où se lit aisément la stratification originelle de la neige : par sa hauteur (20 à 50 m) et sa régularité, qui ont toujours frappé les navigateurs, elle constitue une muraille infranchissable.
La plate-forme est animée d'un triple mouvement : une oscillation due à la marée, exprimée par une crevasse qui la sépare du continent ou des points d'appui ; une progression sur la mer (de plusieurs centaines de mètres par an), surtout visible en été (en hiver, elle est contenue par la banquise, qui la contraint à se déformer) ; une dérive enfin sous l'emprise des courants littoraux, comme en mer de Weddell, où les plates-formes glissent vers l'ouest et provoquent une congestion des glaces contre la péninsule Antarctique.
Les plates-formes connaissent une double alimentation : atmosphérique (neige et fixation de l'humidité des brouillards) et océanique (accrétion par congélation de l'eau de mer). Mais leur bilan de masse est négatif : dans le cas de la plate-forme de Ross, qui ne recule plus comme entre 1841 et 1902, le gain superficiel (126 km3) et latéral (100 km2) est largement compensé par la fusion sous-marine et le vêlage, de telle façon que le déficit annuel s'élève à 60 km3. Aussi les plates-formes s'étalent-elles tout en s'amincissant.

2.2. La banquise antarctique
La banquise permanente (ou interne)
Tout le continent antarctique est ceinturé par de la glace de mer difficilement pénétrable. En hiver, elle forme un revêtement continu, sorte de conglomérat de glace jeune, soudant de vieux morceaux de banquise déformés par les compressions à des icebergs labourés par l'érosion, parfois échoués. En été, une fusion partielle, favorisée par la marée et les courants, contribue à la dissocier en plaques, ou floes, qui ménagent contre la côte (ou les plates-formes) un étroit couloir d'eau libre. L'ensemble se ressoude en hiver, en commençant par les régions abritées les plus proches de la côte.
Le déplacement vers l'ouest de la banquise interne fut prouvé par les dérives de nombreux navires qu'elle emprisonna (le Deutschland en 1912 ; l'Aurora, du détroit de McMurdo aux îles Balleny, en 1915). Il varie en vitesse (de 0,15 à 0,75 km/h) et en direction selon la force des vents et courants locaux et le dessin des découpures du continent. En mer de Weddell, les glaces dessinent une rotation jusqu'à la pointe de la péninsule Antarctique, où, reprises par le courant d'ouest, elles s'avancent en une pointe qui tend à isoler les accès orientaux de cette mer.
Faite d'éléments offrant une résistance différente aux vents et courants, la surface de la banquise est cassée de nombreuses discontinuités, qui permettent aux glaces de se comprimer et de s'accumuler, comme sur la façade occidentale de la mer de Weddell, où la pression considérable écrasa nombre de navires, comme l'Antarctica ou l'Endurance.
En été, la fusion, quoique limitée, et l'afflux d'eau douce continentale aboutissent à la création d'une eau littorale diluée (32,4 à 34 ‰ en mer d'Amundsen) et réchauffée. Mais, en hiver, le tarissement de cet apport et la ségrégation des sels, consécutive à la restauration de la banquise, provoquent une substantielle augmentation de la salinité (plus de 34,7 ‰), tant en surface que sur le fond, signalée en mer de Ross, sur la plate-forme de la terre Adélie, mais principalement en mer de Weddell, où l'eau se trouve parfois confinée dans de petites dépressions. Comme sa densité l'entraîne à dévaler la pente, elle est la source du renouvellement des eaux profondes, et joue ainsi un rôle hydrologique mondial.
Sur les fonds récemment dégagés par l'inlandsis, les dépôts actuellement apportés par les glaces varient régionalement et ne voilent qu'imparfaitement l'irrégularité des formes. La sédimentation est essentiellement siliceuse, car le calcaire est facilement dissous par les eaux froides du fond (les coquilles restent toujours minces et flexibles). Les fractions les plus fines sont aisément exportées par les courants de densité.
La banquise saisonnière (ou externe)
Dans la grande auréole s'étendant jusqu'à 60° sud en moyenne, la banquise est fréquente en hiver sous la forme d'un pack discontinu et dérivant ; mais elle devient rare, voire absente, en été, et surtout en automne. L'importance de ces variations exprime l'adoucissement des températures estivales, illustré par l'exhaussement de la ligne de névé, qui est reportée à plusieurs centaines de mètres : les îles ne sont couvertes que par des calottes glaciaires. Dense ou éparpillée, la banquise n'est pas faite de floes immenses comme dans l'Arctique, mais d'éléments petits et peu épais, poussés vers l'est et le nord-est, ou dansant au gré des houles. Les vents peuvent les chasser les uns contre les autres, sans toutefois provoquer de trop dangereux serrages. La banquise externe est aisément navigable en toutes saisons. L'eau froide et faiblement salée qui la transporte provient du mélange de l'eau côtière avec des montées de l'eau sous-jacente, que l'on reconnaît à partir de 200 m de profondeur à sa salinité et à sa température. Son ascendance peut donner lieu à des divergences temporaires (divergence antarctique) ou permanentes (divergence intermédiaire, de Bouvet), où l'intensité du mouvement semble en relation avec la fréquence des passages cycloniques.

Faune et flore
À ces montées de l'eau sous-jacente se trouve associé un enrichissement en phosphates, qui est, avec l'illumination, l'agent essentiel du prodigieux développement planctonique de l'été. Ces eaux sont alors les plus productives de tout l'Antarctique, teintées de jaune par la masse des diatomées, qui sont ici particulièrement abondantes, trouvant dans les silicates les éléments nécessaires à l'édification de leur squelette. Aussi, sur le fond, les sédiments glaciaires, de plus en plus mal alimentés, sont-ils progressivement supplantés par le dépôt des coques siliceuses de ces algues, dont l'accumulation (à une vitesse variant entre 5 et 200 mm par millénaire) donne une boue d'un jaune crémeux. Enfin, on trouve en troupes nombreuses les poissons et les manchots migrateurs, qui prennent ici leurs quartiers d'hiver.
Les insectes sont les principaux animaux répertoriés. En revanche, la faune marine est plus riche. Des phénomènes d'« upwelling » (remontée d'eaux profondes riches en sels nutritifs) se produisent dans certaines régions. Des petits crabes du genre Euphausia (ou krill), qui consomment divers végétaux minuscules, deviennent à son tour une importante source alimentaire pour de nombreuses autres espèces. Les araignées de mer et les céphalopodes, comme le calmar et la pieuvre, sont relativement abondants dans la zone polaire australe.
Les oiseaux antarctiques sont les manchots, les albatros, les cormorans, les mouettes, les sternes et les pétrels. Sept espèces de manchots sont rassemblées dans la zone des banquises, en colonies pouvant dépasser le million d'individus : le manchot Adélie, qui niche dans les régions libres de glace, le manchot empereur, le manchot « gentoo », le manchot à jugulaire et le manchot royal. Les mammifères marins sont représentés en Antarctique par les cétacés, les phoques – qui sont protégés par une convention datant de 1980 – et les otaries. Quatre espèces de mysticètes – la baleine bleue ou rorqual bleu, Balenoptera musculus, qui est le plus grand mammifère connu, le rorqual commun, le rorqual de Rudolphi et le mégaptère ou baleine à bosse – habitent les eaux antarctiques en permanence. Cachalots, orques et épaulards se trouvent également en nombre important. Le voisinage des îles est fréquenté par de grands troupeaux d'animaux amphibies : morses, otaries, éléphants de mer et les quatre espèces de phoques : le phoque crabier (près de 20 millions d'individus), le phoque de Weddell, le léopard de mer et le phoque de Ross, qui passent l'hiver dans les déchirures de la banquise et l'été sur les grèves. Mais ils sont la proie des grands carnassiers, comme les léopards des mers ou les épaulards.
C'est sur les îles isolées par la banquise que les baleiniers et les phoquiers installèrent jadis des bases pour le dépeçage et le traitement des gros cétacés, qui ont fait l'objet de véritables hécatombes. Certaines installations n'eurent qu'une durée éphémère, surtout à la suite de la raréfaction des proies ; quelques stations ont été aménagées, comme sur les îles Balleny, et surtout en Géorgie du Sud, qui fournit les deux tiers de la production mondiale d'huile de baleine et où se regroupent à Grytviken, le chef-lieu, les flottes baleinières de toutes les nationalités.

2.3. La ceinture subantarctique
Au-delà de la limite moyenne de la banquise, les eaux de l'océan Antarctique sont moins froides, surtout lorsque est franchi le front antarctique, où l'on enregistre une augmentation subite de 5 à 6 °C sur une distance d'un degré de latitude. Les floes deviennent exceptionnels, sauf pendant les hivers les plus rigoureux, mais les icebergs sont rois. Ils sont particulièrement abondants au sud du front, où Shackleton décrivit une « véritable Venise de glaces ». Au-delà, ils sont exceptionnels et, livrés à l'assaut des vagues énormes et des courants tièdes, ils sont creusés de grottes, de portiques, transformés en une architecture aussi bizarre que fragile : ils se cassent, se désagrègent et sont la proie de chavirements successifs et dangereux. Ce ne sont plus d'altières montagnes tabulaires et miroitantes, mais des chicots informes qui n'apparaissent qu'à certaines années comme apportés par de subites débâcles ; ils n'atteignent jamais le front subtropical.
Ils dérivent, portés par le grand mouvement circumpolaire d'ouest, dont l'ampleur et la régularité sont exemplaires, et qui entraîne les eaux antarctiques et subantarctiques à la vitesse moyenne de 1 km/h. Au sud du cap Horn, cette dérive devient un véritable courant dépassant plusieurs kilomètres à l'heure. Aussi l'influence du fond est-elle déterminante sur la formation de grandes sinuosités bouclées, comme le courant des Falkland ou le tourbillon Bounty-Campbell. Si le front subtropical, très sinueux, varie fortement en latitude selon les saisons, le front antarctique présente une remarquable stabilité géographique, fait qui tendrait à prouver qu'il n'est pas seulement conditionné par le champ isobarique, mais également par la topographie du fond, puisqu'il s'avance vers le nord sur les dorsales, mais glisse vers le sud au-dessus des cuvettes. Il n'en demeure pas moins que cette sédentarité fait du front antarctique une très nette frontière biogéographique, où disparaissent les eaux froides, peu salées, riches en oxygène, en silicates et en diatomées ; au-delà, les eaux plus tièdes sont moins riches, et peuplées par des organismes planctoniques à tests calcaires prédominants. Ce passage s'exprime directement par un changement dans la nature de l'épais revêtement sédimentaire qui ennoie les reliefs les plus irréguliers : aux boues à diatomées succèdent les dépôts calcaires blanchâtres, où dominent les globigérines. Ce n'est que dans les cuvettes les plus déprimées que les tests calcaires ont donné lieu à la formation caractéristique des boues rouges. En plus de la profondeur, donc de la pression, une telle dissolution peut s'expliquer par l'écoulement vers le nord de l'eau antarctique de fond, qui a un grand pouvoir solvant. Divers carottages (tels ceux réalisés dans les parages des îles Crozet) ont révélé la présence de boues à diatomées sous l'actuel dépôt de globigérines : le front antarctique a donc occupé une position plus boréale lors d'un maximum glaciaire, accompagnée d'une expansion de l'eau de fond, comme en témoigne la présence d'argile rouge sous les boues calcaires.
Le circuit circumpolaire puise son énergie dans les « grands frais d'ouest », qui soufflent avec constance dans la rainure de basses pressions, où les dépressions atmosphériques se succèdent avec une force rare, et à une cadence estimée à 10 ou 15 par mois dans les alentours des îles Kerguelen, quelle que soit la saison. Les vents, qui travaillent sur une mer sans obstacle, y soulèvent les plus fortes vagues du monde, qui atteignent couramment 6 à 7 m, et dépassent 12 à 13 m lors des tempêtes : au cours de sa première croisière antarctique, l'Ob a enregistré, le 22 avril 1956, une vague monstrueuse de 24,9 m.
De telles lames peuvent faire danser les flottilles d'icebergs, qui s'agitent dangereusement, comme « enivrées de légèreté » (Byrd). Les vagues ont également une action efficace sur le relief et la sédimentation des seuils les moins profonds et des parages insulaires : sur les côtes exposées se dressent des falaises abruptes et élevées, alors que les rivages sous le vent ont des versants marins plus adoucis, offrant un abri par leur climat moins éprouvant. La ceinture des vents violents, qui subit une ample oscillation saisonnière sur plus de 10° de latitude, peut agir directement sur la dynamique des courants. Lorsqu'elle est reportée très au sud, le mouvement de divergence qui affecte les eaux antarctiques provoque leur refroidissement accru et leur descente le long du front antarctique, qui fonctionne alors comme une convergence ; si les tempêtes travaillent plus au nord, le front peut s'estomper et être affecté d'une divergence, et en conséquence le front subtropical est le mieux marqué.
L'air antarctique passant sur des eaux plus chaudes devient instable et se charge d'humidité : la pluie et la neige sont fréquentes (250 à 300 jours de précipitations par an) et abondantes surtout dans les îles (1 000 mm à Amsterdam), apportées par des grains violents engendrés par de brutales advections d'air glacial. Le tapis neigeux est encore important sur les îles les plus exposées, comme sur Heard et l'île Bouvet, couvertes par des calottes glaciaires, et sur une partie des îles Kerguelen, où un petit glacier descend jusqu'à la mer. Partout, l'ennuagement est constant et encapuchonne le sommet des îles de plus de 500 m, singulièrement au voisinage du front antarctique, où la déperdition thermique se manifeste sous la forme de brouillards opaques et persistants. En dépit de la régularité du régime des températures (aux Kerguelen, la température moyenne annuelle est de 4 °C), le climat est âpre et inhospitalier. Sur les îles minuscules et perdues dans les brumes, les versants sont voués à la solifluxion et aux sols chétifs. Le froid n'est certes pas cruel, mais l'été est trop frais et l'évaporation trop forte pour permettre un cycle végétatif autre que celui des plantes basses, de phanérogames qui adoptent des formes de buissons ou de coussins ; les arbres n'existent que sur Auckland, Campbell, Amsterdam et Tristan da Cunha, déjà aux frontières de l'océan Antarctique. Toutes les formes vitales témoignent d'un endémisme accusé : parmi les plantes typiques, il faut signaler le chou des Kerguelen et l'Acœna insularis, arbuste rampant, dont les tiges ligneuses enfouies forment des broussailles basses.
Parmi les collectivités animales prédominent les oiseaux de mer, qui, dégagés de la menace des grands carnassiers, trouvent dans les parties abritées des îles des sites favorables à la ponte ; certains volent (albatros, pétrels et cormorans), mais les plus caractéristiques nagent comme les manchots – qu'ils soient sédentaires (du genre Aptenodytes) ou migrateurs (du genre Eudytes) –, groupés en rookeries nauséabondes de plusieurs centaines de milliers d'hôtes. Les baleines et les éléphants de mer ont fui ces parages, où ils furent atrocement chassés.
Aussi les rares tentatives de colonisation (Kerguelen, Campbell) ont-elles échoué ; plus que l'hostilité du milieu, les grands responsables sont l'éloignement et l'isolement par rapport aux grands foyers de peuplement et aux circuits commerciaux qui les unissent. Seuls les navires océanographiques sont venus, de loin en loin, troubler la quiétude venteuse de ces îles, où plus récemment quelques stations météorologiques ont été installées. Deux petites collectivités humaines subsistent cependant aux Malouines et à Tristan da Cunha, où elles se livrent à l'élevage (moutons) et à la pêche (crustacés surtout), organisée scientifiquement par quelques grandes firmes sud-africaines.
Avant d'atteindre 40° sud, c'est à une multitude de signes, comme l'apaisement des vents et des houles, le tiédissement de l'air et de l'eau, l'évanouissement des icebergs, le bleu d'un ciel lavé de ses nuages et d'une mer au plancton déjà tropical, et à l'apparition des premiers navires des lignes régulières et des superpétroliers que l'on reconnaît avoir enfin quitté le monde inhumain de l'Antarctique…
3. L'exploration de l'Antarctique


L'Antarctique a constitué le dernier grand objectif des découvreurs, si l'on excepte la conquête des sommets de l'Himalaya, qui a plus apporté sur le plan de l'exploit sportif que sur celui de la connaissance du monde. Pourtant, l'existence d'un vaste continent entourant le pôle Sud avait été pressentie depuis l'Antiquité. À la Renaissance, les cartes et les mappemondes, en particulier celles d'Oronce Fine et d'Ortelius, mentionnaient une immense Terra australis incognita.
3.1. Les premiers découvreurs


Malgré ces intuitions des géographes de cabinet, les découvreurs ne s'approcheront que très tardivement du « continent blanc ». Pourtant, Amerigo Vespucci, dans son voyage de 1501-1502, descend jusqu'à 52° de latitude sud environ.
Les découvertes successives des îles subantarctiques persuaderont les marins de l'existence d'une vaste terre dans leurs parages, mais la position de ses côtes devra être reportée sans cesse plus au sud par les cartographes.
En 1598, le Hollandais Dirk Geeritz est entraîné par les tempêtes jusqu'à une île escarpée, qui appartient peut-être au groupe des Shetland du Sud. Mais, en fait, il faut attendre le xviiie s. pour que la découverte soit entamée volontairement. En 1738, Jean-Baptiste Charles Bouvet de Lozier est envoyé par la Compagnie française des Indes pour établir des comptoirs sur les terres inconnues que les légendes décrivent parfois comme un éden. Après une navigation difficile, il ne découvre qu'une petite île brumeuse, qu'il prendra pour un continent (la future île Bouvet). C'est pourtant d'aussi faibles indices qui permettent à Charles de Brosses d'écrire en 1756 : « Il n'est pas possible qu'il n'y ait pas dans une si vaste plage quelque immense continent de terre solide au sud de l'Asie, capable de tenir le globe en équilibre dans sa rotation. » Les recherches continuent donc. En 1772, Nicolas Thomas Marion-Dufresne et Crozet découvrent les îles qui portent leurs noms.
La même année, Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec reçoit de Louis XV un ordre de mission : se diriger vers « le très grand continent […] qui doit occuper une partie du globe depuis les 45e degrés de latitude sud jusqu'aux environs du pôle ». L'officier breton ne découvre, en 1772, vers 60° de latitude, que les îles désolées auxquelles on a donné son nom, mais il pense lui aussi avoir atteint un continent probablement habité, qu'il dépeint sous des couleurs idylliques : « La France australe fournira de merveilleux spectacles physiques et moraux. » Un deuxième voyage lui montrera, hélas ! combien il est loin de la réalité.
3.2. La fin du mythe antarctique
C'est à James Cook qu'il reviendra de porter le coup le plus rude aux mythes de l'époque sur l'Antarctique, au cours de son deuxième voyage (1772-1775) : il franchit le cercle polaire une première fois puis, le 30 janvier 1774, atteint la latitude de 71° 10' et se heurte à des glaces infranchissables, la banquise antarctique, qu'il longe pendant des mois. Dans son journal, il écrit : « Le danger qu'on court à reconnaître une côte dans ces mers inconnues et glacées est si grand que j'ose dire que personne ne se hasardera à aller plus loin que moi et que les terres qui peuvent être au sud ne seront jamais reconnues. »

 

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Constantin Ier le Grand

 

 

 

 

 

 

 

Constantin Ier le Grand
en latin Caius Flavius Valerius Aurelius Constantinus


1. La conquête du pouvoir

1.1. Le principe de l'hérédité contre la tétrarchie
Lorsque Dioclétien fait de Constance Chlore un césar, il garde le jeune Constantin en otage à Nicomédie et l'emmène avec lui lors d'une expédition en Égypte, en 295-296. L’empereur Galère est hostile à Constantin et ne lui accorde que la dignité de césar, en 306, alors que, à la mort de son père la même année, les soldats l'ont proclamé auguste.
L'année suivante, Constantin se fait reconnaître auguste par Maximien, dont il épouse la fille Fausta. Les empereurs réunis à Carnuntum en 308 essaient, mais en vain, de le persuader de se contenter d'être un césar. C'est bien là le début d'une carrière qui va consister à grignoter progressivement une tétrarchie en décomposition.
Pendant quelques années, Constantin gouverne la Bretagne, la Gaule et l'Espagne. Il s'allie un moment avec Maxence, fils de Maximien, maître du pouvoir à Rome en 306. Mais Maximien, qui a abdiqué malgré lui en même temps que Dioclétien, essaie de reprendre le pouvoir en provoquant un soulèvement contre son gendre Constantin. Celui-ci a le dessus et contraint Maximien au suicide (Marseille, 310).


1.2. L'élimination de Maxence

Après s'être assuré l'appui de Valerius Licinius Licinianus, l'un des augustes d'Orient, Constantin s'attaque à Maxence : par Vérone, Aquilée et Modène, il parvient devant Rome avec une armée relativement faible. Ayant rencontré les troupes de Maxence le 28 octobre 312 au pont Milvius, sur le Tibre, il est encore vainqueur, et Maxence se noie. De son côté, Licinius se débarrasse de son collègue impérial en Orient, Maximin Daia (bataille d'Andrinople, 313).

1.3. Constantin, seul maître de l'Empire
Entre Constantin et Licinius, la brouille inévitable se traduit par des guerres successives. Licinius persécute les chrétiens, considérés comme des alliés de son adversaire. Vaincu lui aussi près d'Andrinople, en 324, il doit se rendre à Constantin, qui, après lui avoir promis la vie sauve, le fait exécuter. Constantin est dès lors seul maître de l'Empire. Il fait de ses propres fils (→ Constantin II, Constant Ier) des césars, tentant d'instaurer une monarchie héréditaire.
Constantin poursuit cependant la politique militaire de la tétrarchie, repoussant les Francs et les Alamans sur le Rhin au prix de combats qui durent au moins jusqu'en 335, et pacifiant la région du Danube après avoir vaincu les Wisigoths en 332. Il a généralisé l'appel aux fédérés wisigoths, qu'il a employé contre Licinius, et a signé un nouveau traité après sa victoire contre eux, les enrôlant à nouveau comme fédérés mais les maintenant cependant au-delà du limes.

2. Vers le christianisme

2.1. Du culte solaire apollinien…
À l'origine et bien qu'il ait pu ne pas être dépourvu de sentiments chrétiens ou favorables aux chrétiens par tradition familiale, Constantin s'était placé sous le patronage d'Hercule, dans le cadre des filiations divines de la tétrarchie. À partir de 309, il s'attache au culte du Soleil, qui apparaît sur ses monnaies à la place d'Hercule. En 310, en Gaule, il a une vision, celle d'Apollon (qui n'est autre que le Soleil), qui lui promet un long règne.
À la veille de la bataille du pont Milvius, ou au cours même de la bataille (les récits anciens divergent autant qu'il est possible), il aurait eu une nouvelle vision, celle d'un signe, dans le ciel, qui devait lui donner la victoire (in hoc signo vinces – par ce signe, tu vaincras) et qu'il devait marquer sur les boucliers. Certains pensent, assez justement, que ce récit ne serait qu'un « réarrangement chrétien » de la première vision. La vision elle-même d'un signe rappelant le chrisme a été jugée possible du fait de l'éclairage cruciforme que peuvent produire les rayons solaires bas sur l'horizon et réfractés sur des nuages de glace. Toujours est-il qu'on vit apparaître le chrisme sur les boucliers, sur le casque de Constantin et sur son étendard, le labarum, cela étant attesté par les monnaies dès les années 314 à 317.
En fait, des symboles du culte solaire continuèrent à figurer sur les monnaies jusqu'en 324-325, tout comme si Constantin avait hésité entre paganisme et christianisme ou cherché à ne pas se prononcer. Peut-être a-t-il alors professé quelque croyance en un monothéisme syncrétique fait de traditions païennes, de quelques idées chrétiennes et de philosophie néoplatonicienne.
2.2. … à la tolérance envers les chrétiens : l'édit de Milan (313)
Cependant, peu après la victoire du pont Milvius, l'édit de Milan (313) accorde aux chrétiens le droit de pratiquer leur culte au grand jour. Ce n'est là, somme toute, que la réédition de ce que Galère avait accordé à sa mort, en 311.
À partir de 321, Constantin paraît davantage chrétien. Sa législation s'inspire directement du christianisme : loi sur la sainteté du dimanche, droit de justice accordé aux évêques, droit d'affranchir les esclaves à l'église, interdiction d'obliger les chrétiens à célébrer les sacrifices.
L'empereur garde néanmoins le titre de Grand Pontife, chef de la religion romaine et continue d'admettre les cérémonies païennes, dans la mesure où elles sont publiques. Il bâtit des églises, et accorde à ce titre de larges crédits à sa mère. Il intervient dans les affaires de l'Église, en se définissant lui-même comme l'« évêque du dehors ».
2.3. Le concile de Nicée (325)
Après s'être occupé une première fois de la querelle donatiste (→ Donat de Carthage), il convoque le concile de Nicée de 325 pour tenter de mettre d'accord les partisans de l'hérésie d'Arius et leurs adversaires (→ arianisme). En contrepartie, on l'accuse d'avoir compris ce concile comme un congrès de philosophes.

2.4. La conversion…
On note aussi qu'au même moment il donne aux églises qu'il bâtit des noms qui ne sont pas spécifiquement chrétiens : la Sagesse, la Paix. Enfin, si des monnaies le représentent en prière, Constantin ne refuse pas d'être honoré comme un dieu et conserve son attachement au culte impérial. En 326, encore, il autorise une municipalité à dédier un temple à la famille impériale, à condition qu'on n'y pratique pas de sacrifices sanglants. Mais, la même année, à Rome, il boude ostensiblement les cérémonies païennes officielles. L'évolution vers le christianisme semble donc se poursuivre. En 331, Constantin rompt avec les philosophes : l'un d'eux, Sopatros, est décapité. Vers le même temps, il ordonne la destruction des livres du néoplatonicien Porphyre. À la veille de sa mort, il se fera baptiser. Mais, le même jour, il prendra des dispositions relatives à l'organisation du culte impérial !
2.5. … stratagème ou sincère conviction ?
Dans ces conditions, les érudits ont pu débattre de la profondeur de ses convictions chrétiennes. Beaucoup ont vu en lui un froid calculateur, trouvant dans le christianisme un allié contre Licinius et un prétexte pour confisquer les biens des temples. D'autres l'ont vu résigné au christianisme en dépit de ses instincts ou l'ont dit capricieux. Beaucoup voient en lui un chrétien sincère, mais hésitant à attaquer brutalement les traditions païennes. Cette attitude s'expliquerait par le fait que les chrétiens étaient encore en minorité dans l'Empire.
Un fait est certain, c'est que l'avènement de Constantin a marqué un tournant décisif dans l'histoire d'une Église à laquelle on accolera volontiers désormais l'épithète « constantinienne », qui semble impliquer une certaine connivence avec les forces temporelles.
3. Vers l'Empire byzantin
La cour devient officiellement chrétienne par son transfert à Constantinople (330), nœud de communications sur la voie qui relie les diverses résidences impériales. Constantinople, la nouvelle capitale, est destinée, dans l'esprit de Constantin, son fondateur, à rivaliser avec Rome, la capitale de l'Occident. L'empereur fuit ainsi Rome et son aristocratie païenne, Rome qu'il a embellie de nouveaux monuments, mais où son séjour a été troublé par de sinistres événements : il y a fait mettre à mort son fils Crispus et son épouse Fausta à la suite d'intrigues mal connues, et cela a peut-être renforcé l'hostilité des Romains à son égard.
Comme l'autre capitale, Constantinople a quatorze régions ; on y trouve sept collines ; on lui donne un sénat, un forum, un capitole. On y bâtit beaucoup de grandes églises — et peut-être quelques petits temples. Mais il n'est pas question qu'elle remplace, ni même éclipse Rome. C'est seulement une deuxième capitale, stratégiquement mieux placée. C'est aussi, mais accessoirement, une ville de langue grecque. Accessoirement, car Constantin ne parle pas le grec et il n'est pas question de laisser les institutions s'helléniser. C'est le point de départ, involontaire, d'un futur Empire grec, durable, médiéval.

4. Vers le Moyen Âge
Constantin contribue largement au renversement des institutions traditionnelles. L'empereur Julien l'a assez justement qualifié de « novateur » et de « perturbateur des vieilles lois ».
À la cour, la majesté impériale s'impose plus que jamais, et tout ce qui l'entoure est sacré. Au conseil impérial, dénommé consistoire parce qu'on y reste debout devant l'empereur, les séances sont appelées des silences (silentia), car on y subit sans broncher la volonté du maître. Des charges de fonctionnaires apparaissent, caractéristiques d'une monarchie absolue et centralisée : le grand chambellan (praepositus sacri cubiculi), le comte des largesses sacrées et celui du trésor privé, les agentes in rebus, à la fois courriers et inspecteurs. Les comtes (de comes, compagnon) se multiplient, dotés d'attributions inédites et se greffant mal sur les hiérarchies antérieures.
La classe sénatoriale prend les formes d'une noblesse domestiquée : constituée encore par l'aristocratie traditionnelle, elle s'enfle de fonctionnaires qui y sont introduits à titre honorifique. Ainsi, l'ordre équestre disparaît-il presque entièrement. Tous ces personnages de l'ordre sénatorial sont dits clarissimi. Au-dessus du clarissimat est créé le titre de patrice, distinction rarissime.
La préfecture du prétoire devient toute civile : les prétoriens sont supprimés. L'armée continue à évoluer suivant l'impulsion donnée par Dioclétien : les troupes de l'intérieur (comitatenses) s'accroissant aux dépens de l'armée des frontières (limitanei) et les Barbares occupant de plus en plus de places dans les rangs et dans les plus hauts grades. La fiscalité s'alourdit : à la capitation de Dioclétien s'ajoutent la gleba, impôt spécial aux sénateurs, le chrysargyre, qui frappait les marchands, et l'or coronaire, réclamé épisodiquement aux décurions municipaux. Les membres du clergé, bénéficiaires, par ailleurs, de diverses faveurs, n'échappent cependant pas à la capitation ; s'ils sont dispensés des charges du décurionat, la loi veille à ce que les décurions n'entrent pas dans les ordres.
Cette fiscalité est écrasante. Les villageois, les corporations et les collèges sont solidairement responsables de l'impôt. L'hérédité obligatoire des fonctions se généralise dans un but fiscal. Mais les énormes dépenses de l'Empire conduisent à l'inflation. Constantin est l'inventeur du célèbre solidus, monnaie d'or qui succède à l'aureus et qui se veut rigoureusement fixe.
En fin de compte, l'époque constantinienne ne dut pas être très heureuse pour tous ceux qui n'avaient pas de puissants protecteurs ou qui n'avaient pas l'heur de partager les idées religieuses du maître. Constantin imposa à l'Empire un considérable changement d'orientation, qui ne pouvait pas se faire sans réactions ; d'où les portraits très dissemblables que nous ont laissés les contemporains. Si Eusèbe de Césarée, ébloui, l'appelle « le bien-aimé de Dieu, participant du royaume céleste », l'empereur Julien le considère comme un goinfre et un dépensier, et l'historien Zosime, païen, reflétant sans aucun doute l'opinion d'une partie des contemporains, ne voit que la « malice de son naturel » ; sa conversion n'aurait été qu'un stratagème pour expier ses crimes à meilleur compte !

 

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ALASKA

 

 

 

 

 

 

Alaska

Toundra au Denali
Toundra au Denali

 

 

 

 

 

État des États-Unis, à l'extrémité nord-ouest de l'Amérique du Nord.

 

 

 

 

 

  • Superficie : 1 530 000 km2
  • Population : 710 231 hab. (recensement de 2010)
  • Nom des habitants : Alaskiens
  • Capitale : Juneau

 

 

 

 

 

GÉOGRAPHIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La région fut cédée en 1867 par la Russie aux États-Unis, dont elle devint un État en 1959. La chaîne de Brooks sépare les plaines du Nord de la dépression centrale, drainée par le Yukon. Au sud se dresse la chaîne de l'Alaska (6 187 m au mont McKinley), en partie volcanique, qui se continue dans la péninsule de l'Alaska. La population se concentre sur le littoral méridional, au climat relativement doux. La pêche, la sylviculture, le tourisme et surtout, aujourd'hui, l'extraction des hydrocarbures sont les principales ressources.

 

1. Le milieu naturel

 

1.1. Le relief

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Alaska s'étend sur des régions variées. En bordure de l'océan Pacifique, le large golfe d'Alaska est limité vers l'Est par un archipel côtier et à l'Ouest par la longue péninsule de l'Alaska, qui se prolonge dans les îles Aléoutiennes. Les montagnes atteignent de 2 000 à 3 000 m. L'archipel du sud-est est formé par un fouillis d'îles montagneuses précédant une zone continentale étroite, ouverte par des fjords profonds et dominée par la chaîne côtière.

Les montagnes entourant le golfe d'Alaska forment une barrière qui a isolé très longtemps l'intérieur, à peine exploré, des côtes du Pacifique, fréquentées depuis le xviiie s. par les Russes. La chaîne de l'Alaska porte les plus hauts sommets d'Amérique du Nord (McKinley, 6 187 m). La chaîne de Saint Elias forment un autre ensemble de hauts sommets nord-américains (plus de 5 000 m). Entre la chaîne de Brooks, qui dominent la plaine arctique, et les chaînes pacifiques se situe une région intérieure qui comprend des montagnes, des bas plateaux, des collines et des plaines fluviales (du Yukon et de ses affluents, du Kuskokwim), marécageuses en été, parfois séparées par des vallées en gorge (cañon de Rampart sur le Yukon).

Le nord de l'Alaska est formé de massifs montagneux beaucoup moins accidentés que ceux de la partie méridionale : monts Bairds à l'Ouest et chaîne de Brooks, qui dépasse cependant 2 500 m vers l'Est.

En bordure de la mer de Beaufort, enfin, s'étendent des plaines couvertes par la toundra.

L'histoire du relief, qui date du milieu et de la fin du tertiaire, n'est pas achevée : on compte trente-cinq volcans actifs (sur une centaine), et les failles jouent encore, ainsi qu'en témoigne la fréquence des séismes ; un des plus forts jamais enregistrés a ravagé le sud de l'Alaska en 1964, détruisant notamment Anchorage, la principale ville.

1.2. Le climat

Quoique l'Alaska soit situé à la même latitude que la Scandinavie, on ne peut comparer ni leurs conditions naturelles ni leur développement économique actuel ou potentiel. En effet, à l'exception de la côte du Pacifique, la nature est plus hostile à l'homme en Alaska que dans le Nord européen. Le littoral de l'océan Arctique et de la mer de Béring possède un climat polaire. L'hiver est long, froid (température moyenne inférieure à – 18 °C pendant 170 à 180 jours, minimale de – 40 à – 50 °C) et relativement sec. L'été est court, sans chaleur (moyenne inférieure à 10 °C) et reçoit quelques précipitations. Dans les vallées intérieures (Yukon, Tanana) règne le climat subarctique, avec des minimums encore plus bas que ceux de la région arctique (minimum absolu de – 60 °C à Tanana), mais avec un moins grand nombre de jours très froids ; les précipitations sont plus abondantes, surtout en été ; un ou deux mois d'été ont une moyenne dépassant 10 °C et occasionnellement des températures de 25 °C, voire 30 °C. Seule la côte du Pacifique est tempérée, sans hiver marqué (– 2 °C en janvier à Sitka), ni été accusé (11 °C en août) ; les précipitations dépassent partout 2 500 mm, 4 000 mm sur la côte même (4 500 mm à Ketchikan) et beaucoup plus encore dans les montagnes littorales.

1.3. Les sols

Sur la façade arctique, le pergélisol (sol gelé permanent) est continu ; en été, une mince couche dégèle, et la région se transforme en une toundra tachetée de marais infranchissables et percée d'une myriade de lacs. Dans l'intérieur, le pergélisol, discontinu ou plus profond en été, permet la croissance de la toundra boisée ou d'une forêt de petits conifères. La côte du Pacifique doit à l'absence de pergélisol, aux températures modérées et aux précipitations abondantes une belle forêt de grands conifères, comparable parfois à celle de la Colombie-Britannique.

2. La population

Plus vaste État de la Fédération (presque trois fois la France) et occupant une position stratégique importante, l'Alaska en est le moins peuplé (1 habitant pour 4 km2). Cependant, il a connu récemment un grand essor démographique (quasi-doublement de la population entre 1960 et 1980) et économique, lié à la découverte d'hydrocarbures (1 600 Mt de pétrole et 900 milliards de m3 de gaz de réserves), surtout sur la côte arctique.

La population se concentre sur le littoral méridional, au climat relativement doux. Le peuplement est essentiellement ponctuel, urbanisé, dans des sites miniers, commerciaux (Fairbanks) et surtout portuaires (Anchorage et Juneau). Les autres principales localités sont Seeward, Cordova et Ketchikan.

3. Les activités

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Alaska est riche en ressources naturelles : le bois des forêts méridionales (conifères), la faune océanique (saumon, flétan, crabe géant, et deux espèces protégées, le phoque et la baleine), les minerais (or, cuivre, platine, charbon). Il possède un potentiel hydroélectrique encore inexploité, et surtout les hydrocarbures du versant nord découverts en 1968 dans la baie de Prudhoe. Le pétrole extrait à Prudhoe Bay est amené par oléoduc au terminal méridional de Valdez, un gazoduc doit aussi permettre l'évacuation du méthane. L'économie régionale repose sur l'exploitation des ressources naturelles et sur la valeur stratégique de l'État face à la Russie.

L'État fédéral est le premier employeur de l'Alaska, à cause de la forte présence de l'Armée, de la Marine et de l'Aviation.

Le chef-lieu de l'État, Juneau, créé en 1880 par des chercheurs d'or, possède des industries légères et témoigne d'une certaine activité touristique. Fairbanks, fondée en 1902, est la plus grande ville intérieure et le terminus de la route Alberta-Alaska, longue de 2 500 km, achevée en 1943 pour faire face à une éventuelle invasion japonaise. La ville principale, Anchorage, dispose d'un aéroport international sur l'itinéraire Europe-Japon et abrite une importante base militaire.

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SOCRATE

 

 

 

 

 

 

 

Socrate

Homme de la parole philosophique en cette époque du « siècle de Périclès » féconde entre toutes pour l’histoire de la pensée en Occident, Socrate fit de l’intelligence l’instrument d’une quête méthodique de la vérité. Son enseignement, propagé par les dialogues de Platon, fut si déterminant que la vie de l’esprit en fut à jamais transformée.
1. La vie de Socrate : le maître de l'agora
Né dans un milieu modeste, Socrate a pour père Sophronisque, un simple sculpteur, et pour mère Phainarète, qui exerce la profession de sage-femme. Voué lui-même au métier de sculpteur, il l’abandonne pour se consacrer à la philosophie. Sa vie consiste alors à discuter avec ses concitoyens, en déambulant où que ce soit dans Athènes, mais de préférence sur l’agora (centre religieux, politique et commercial de la ville grecque antique).
De la vie de Socrate peu de choses nous sont parvenues. On sait qu’il a eu trois enfants (Lamproclès, Sophonisque et Ménéxène) d’un ou de trois mariages. On sait aussi qu’il n’est sorti que quatre fois d’Athènes : en 432-429 avant J.-C. pour la bataille de Potidée, en 424 pour la bataille de Délium, en 422 pour l'expédition d'Amphipolis et à une date incertaine pour aller consulter l'oracle de Delphes.
Un curieux professeur
À une époque où fleurissent les « maîtres de savoir » professionnels, il ne se prétend pas fondateur d’école et, s’il a des disciples, jeunes gens fortunés – Platon, Alcibiade, Xénophon – ou simples artisans, c’est qu’ils viennent spontanément s’entretenir avec lui. Il n'écrit rien mais il le dit lui-même : « Si on me pose des questions, j’y réponds ; si on préfère que j’en pose, je m’exécute. »
À la différence des sophistes, professeurs itinérants, Socrate ne fait pas payer ses leçons. Il a la réputation de vivre dans la pauvreté. Mais, pendant la guerre du Péloponnèse, il sert comme hoplite (fantassin lourdement armé), ce qui sous-entend qu’il dispose d’un minimum de bien. À la guerre, il fait preuve de sa valeur mais aussi de son endurance. Alcibiade en témoigne : « Il ne ressemble à aucun homme, ni des temps anciens, ni des temps actuels. » Il peut aussi, de l’aube d’un jour à l’aube du jour suivant, rester « planté comme une souche » afin de trouver la solution au problème qu’il se pose.
Alcibiade, l'élève préféré de Socrate

Pupille de Périclès, Alcibiade faisait partie de la jeunesse dorée d’Athènes qui n’avait que vénération pour Socrate – un homme aux traits disgracieux (d’un avis unanime) mais à l’esprit supérieur. Durant la guerre du Péloponnèse, il fut deux fois son compagnon d’armes, lors de la bataille de Potidée, où Socrate lui sauva la vie, puis lors de la bataille de Délium, où c’est lui qui se porta au secours de Socrate.
Pour Socrate comme pour Platon, qui fit d’Alcibiade l’un des protagonistes du Banquet et le héros de tout un dialogue (Alcibiade, sous-titré De la nature de l’homme), le jeune aristocrate incarnait l’idéal grec du kalos kagathos, selon lequel la beauté du corps était le reflet de la noblesse de l’âme. Hélas ! L’arriviste qui sommeillait en lui précipita la ruine d’Athènes en provoquant l’expédition de Sicile de 415 avant J.-C., devenant ainsi, selon le mot de Jacqueline de Romilly, le « beau fossoyeur » de sa patrie.
Socrate vu par ses contemporains
Trois de ses contemporains parlent de Socrate. Aristophane le ridiculise dans les Nuées (423 avant J.-C.). Platon a vingt ans quand il rencontre Socrate. Des huit années qu'il passe auprès de lui, tous les dialogues portent sans doute la trace, mais les premiers sont plus riches en informations (Apologie de Socrate, Criton, le Banquet, Phédon, Théétète). Quant à Xénophon (auteur également d'une Apologie de Socrate), il a fréquenté Socrate à la même époque, mais semble-t-il moins assidûment ; l'intérêt de ses Mémorables s'en ressent. Entre les trois portraits que font ces auteurs, l'accord est loin de régner.
Sans doute le Socrate d'Aristophane est-il plus jeune, mais, pour avoir le même âge, celui de Platon et celui de Xénophon ne se ressemblent pas. Qu'y a-t-il de commun entre le personnage quelconque évoqué par ce dernier et la figure qui, à travers les dialogues de Platon, dominera toute la philosophie ?
2. La philosophie de Socrate
Une attitude : l'ironie
Socrate n’a pas toujours la philosophie facile. Face aux esprits exigeants que sont ses interlocuteurs, il doit batailler dur ; s’il se trouve à court d’argument, il s’en veut et parle d’un « démon intérieur » comme d’un contradicteur qui le rappelle à l’ordre. La plupart du temps, il est vrai, c’est lui qui s’amuse de ceux qui l’approchent (l’« ironie socratique ») et, s’il le faut, qui les malmène en les poussant dans leurs retranchements. L’enjeu, en effet, dépasse leur personne : c’est l’homme en général que Socrate s’efforce de changer en homo philosophicus. Il faut donc que son raisonnement soit sans défaut pour que sa pensée soit la plus universelle possible, et pour que lui-même ne soit pas seulement un grand homme d’Athènes, « mais du monde », comme le dira Montaigne.
« Connais-toi toi-même »
Lors de son voyage à Delphes, Socrate découvre l’injonction inscrite au fronton du temple d’Apollon : « Connais-toi toi-même » (gnôthi seauton). Il en fera la maxime de sa vie, tout entière consacrée à révéler aux consciences ce qu’elles sont au fond d’elles-mêmes et à les faire passer du savoir apparent au savoir vrai.
La première chose à savoir sur soi-même est en effet l’état d’ignorance où l’on se trouve : « Je sais que je ne sais rien. » Aussi Socrate, comparant sa « sagesse » à celle d’un autre Athénien, déclare-t-il : « Il y a cette différence que, lui, il croit savoir, quoiqu’il ne sache rien ; et que moi, si je ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu’en cela du moins je suis un peu plus sage – je ne crois pas savoir ce que je ne sais point » (Apologie de Socrate).
Une méthode : la dialectique et la maïeutique
Pour conduire la jeunesse d’Athènes sur la voie du Vrai, du Beau et du Juste, Socrate met en application une méthode qui repose sur l’art du dialogue contradictoire – la dialectique – et, comme le confirmera Aristote, sur l’« art d’accoucher les esprits » – la maïeutique. C’est ainsi qu’au jeune Théétète médusé, il apprend que son âme (son esprit) est « en butte aux douleurs de l’enfantement » au moment d’accoucher de ses opinions sur la nature de la science. Socrate présidera au « travail » de son âme afin que, de question en question, celle-ci donne naissance à l’opinion vraie – la seule qui ait le droit d’exister.
3. Le procès et la mort de Socrate
Au lendemain du régime des Trente, qui avait mis à bas la démocratie, celle-ci est restaurée par Thrasybule revenu d’exil. À Athènes, cependant, le climat reste tendu. Indifférent aux honneurs et aux compromissions, Socrate irrite. Par surcroît, son admiration pour Sparte, la cité rivale d'Athènes, le rend suspect. Surtout, il est celui qui, ayant toute sa vie pris le parti de la raison, a ébranlé au moins autant les certitudes que les traditions de ses compatriotes.

C’est alors que trois citoyens d’Athènes, le tailleur Anytos flanqué du poète Mélétos et du rhéteur Lycon, accusent Socrate d’« avoir honoré d’autres dieux que ceux de la cité et tenté de corrompre la jeunesse », sous le prétexte qu’il y avait parmi les Trente plusieurs de ses anciens élèves.
Son procès sera celui de la conscience individuelle en butte à l’abus de pouvoir et à la démagogie.
Se chargeant lui-même de sa défense (qu’exposent en détail les deux textes dits Apologie de Socrate) mais se refusant à invoquer la pitié de ses juges, Socrate est condamné à mort par 281 voix contre 278. À ses amis qui le pressent de s’enfuir, il répond qu’il préfère « subir l’injustice plutôt que de la commettre » : il détruirait la cité s’il ne respectait pas son jugement. Alors, il accepte la coupe de ciguë qui va lui ôter la vie. En ce soir de mars 399 avant J.-C., il aura ces derniers mots : « Je tiens d’une noble tradition qu’il faut en quittant la vie se garder de paroles funestes. »
Dans l’histoire de la philosophie, la rupture est faite. Il y aura les « présocratiques » et les « postsocratiques ». La science de l’homme qui commence avec Socrate trouvera en Platon puis en Aristote ses féconds continuateurs. Et, plus de 2000 ans après sa mort, Paul Valéry pourra écrire : « Grand Socrate, adorable laideur, toute-puissante pensée, qui changes le poison en un breuvage d’immortalité »(Eupalinos ou l’Architecte).

 

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