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Apprentissage de la langue maternelle : un processus universel ?

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Apprentissage de la langue maternelle : un processus universel ?

02 novembre 2017    SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

Comment les enfants apprennent-ils leur langue maternelle ? Cette question a fait l'objet de peu d'études menées hors des pays industrialisés. Au Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique (CNRS/ENS/EHESS), des spécialistes du développement du langage chez l'enfant se sont intéressés à une population traditionnelle de l'Amazonie bolivienne, les Chimane 1, en lien avec des bio-anthropologues de l'Université Toulouse 1 Capitole 2 et de celle de Californie - Santa Barbara. Leur étude, publiée le 2 novembre 2017 dans la revue Child Development, montre que la durée moyenne des paroles adressées aux enfants de moins de quatre ans est inférieure à une minute par heure. C'est jusqu'à dix fois moins que pour les enfants du même âge de pays industrialisés. Ce constat invite à multiplier ce genre d'études dans des cultures diverses afin de vérifier si l'apprentissage de la langue maternelle suit un processus universel.
Dans toutes les cultures humaines, les enfants apprennent avec peu d'efforts la ou les langue(s) parlée(s) par ceux qui les entourent. Bien que ce processus ait fasciné plusieurs générations de spécialistes, il reste mal compris. La plupart des théories reposent sur l'étude d'un nombre réduit de cultures, principalement dans les pays industrialisés comme les États-Unis ou la France, où la scolarité est répandue et la taille des familles plutôt réduite.

Des spécialistes de cette question se sont penchés sur une population de chasseurs-horticulteurs de l'Amazonie bolivienne, les Chimane. Grâce à une collaboration avec des anthropologues spécialistes de cette ethnie, ils ont eu accès à une base de données unique. En effet, de 2002 à 2005, les membres du projet Tsimane ont rendu visite à des groupes d'individus dans leur habitation, à différents moments de la journée. Pendant leurs observations, ils ont noté ce que chaque personne présente faisait, et avec qui. Cette étude, réalisée dans six villages représentatifs, a inclus près d'un millier de Chimane.

Sur la base de ces observations, les spécialistes de développement du langage ont constaté que, tous interlocuteurs confondus, le temps consacré à parler à un enfant de moins de quatre ans était de moins d'une minute par heure. C'est quatre fois moins que les estimations faites auprès des personnes plus âgées présentes au même moment et au même endroit 3. Et jusqu'à dix fois moins que pour les jeunes enfants de pays occidentaux, d'après les estimations de précédentes études.

Si, comme chez nous, la mère est le locuteur principal de l'enfant, la fréquence avec laquelle elle parle au nourrisson est bien moindre. Après l'âge de 3 ans, la majorité des paroles adressées aux jeunes enfants proviennent d'autres enfants, généralement leurs frères et sœurs (les Chimane en ont en moyenne cinq, contre un pour les enfants français et américains).

Ces résultats révèlent donc une grande variation interculturelle dans les expériences linguistiques des jeunes enfants. Or, dans les pays industrialisés, le développement du langage chez l'enfant est corrélé aux paroles qui lui sont adressées directement par des adultes, et non aux autres paroles entendues. Cette corrélation est-elle universelle ? Les enfants chimane évoluent dans un monde social riche : à tout moment, ils sont entourés par huit personnes en moyenne. Est-ce que les échanges qu'ils entendent, et qui représentent environ dix minutes par heure, contribuent à leur apprentissage ? Les recherches se poursuivent actuellement sur le terrain : en recueillant les paroles adressées aux enfants chimane et celles qu'ils prononcent, les chercheurs espèrent pouvoir répondre à ces questions.
Pour en savoir plus : visualiser les résultats sur cette page 4.
 


Mère chimane avec sa fille.
Est-ce que l'apprentissage par observation contribue à l'acquisition du langage chez les enfants chimane ? C'est l'une des questions auxquelles souhaitent maintenant répondre les chercheurs.
 
 
Bibliographie
Child-directed speech is infrequent in a forager-farmer population: A time allocation study, Alejandrina Cristia, Emmanuel Dupoux, Michael Gurven, Jonathan Stieglitz. Child Development, 2 novembre 2017. DOI : 10.1111/cdev.12974

Contact
Alejandrina Cristia
CNRS Researcher
+33 (0) 1 44 32 26 23
alejandrina.cristia@ens.fr

Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS
+33 1 44 96 51 37
veronique.etienne@cnrs.fr
Notes
*         Ou Chimani. En anglais, Tsimane.
*         Au sein du Labex IAST(Institute for Advanced Study in Toulouse)
*         Ce n'est que lorsque les enfants atteignent la tranche d'âge de 8-11 ans qu'on leur adresse la parole à des niveaux similaires à ceux des adultes.
*         Comparaison avec les 6 autres publications de la littérature estimant précisément la fréquence des interactions verbales avec de jeunes enfants dans des cultures différentes.

 

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PHILOSOPHIE

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       PHILOSOPHIE1, subst. fém.
        PHILOSOPHIE2, subst. fém.    I.
A. − [Avec fondement théorique explicite, en tant que réflexion critique]
1. HIST. ou vieilli
a) ANTIQ. et jusqu'au xixes. Toute connaissance rationnelle quel que soit son objet; système général des connaissances humaines. Les Grecs appellent philosophie, comme au temps de Thalès, l'ensemble des connaissances humaines. La faculté de philosophie remplace à elle seule une faculté des lettres et une faculté des sciences (About, Grèce,1854, p.248).J'aime Leibnitz, réunissant sous le nom commun de philosophie les mathématiques, les sciences naturelles, l'histoire, la linguistique (Renan, Avenir sc.,1890, p.231).La philosophie (...) s'étend à tous les domaines de l'action et du savoir, elle peut et doit contenir le système complet des connaissances, ce système peut et doit atteindre à la perfection en même temps qu'à l'universalité. (...) tout le système du savoir tel que Descartes l'a décrit, est tiré, par une opération purement intellectuelle, d'un petit nombre de principes a priori estimés évidents (J.-Fr. Revel, Hist. de la philos. occ.,t.2, 1970, p.128).V. fragmenter ex. 4:
1. La philosophie avait pour objet le développement de la connaissance et l'exercice de la raison; ceux qui s'y dévouaient, étrangers au monde, étaient les sages par excellence, et il a fallu un étrange abus de mots pour que ce nom devînt un titre de proscription. Maine de Biran, Journal,1817, p.44.
− [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif]
♦ Philosophie de la nature, philosophie naturelle

Philosophie de la nature ou philosophie naturelle. Ensemble des disciplines qui ont pour objet le monde matériel. À chaque étape du progrès de nos connaissances en philosophie naturelle, s'introduisent des éléments nouveaux qui nous obligent souvent à refondre entièrement l'ensemble de notre interprétation des faits physiques (L. de Broglie, Nouvelles perspectives en microphysique,1956, p.49).

[Par recoupement avec I A 1 b β] Philosophie naturelle. Connaissance qui se fonde sur l'expérience, la raison, et est hostile à la révélation. La philosophie naturelle et (...) l'esprit scientifique, dont la première condition est de n'avoir aucune foi préalable et de rejeter ce qui n'arrive pas (Renan, Souv. enf.,1883, p.274).D'où vient que, si ombrageux, si combatifs, quand il s'agit de philosophie naturelle, les défenseurs de la tradition religieuse et des dogmes le soient si peu en matière de spéculation morale? (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. moeurs,1903, p.45).

Philosophie de la nature, p.oppos. à philosophie de l'esprit. Ensemble des réflexions des philosophes postkantiens (notamment de Schelling et de Hegel) sur la nature matérielle. Après l'idéalisme subjectif de Kant et de Fichte, vint la philosophie de la nature, retour à la réalité (Vigny, Journal poète,1847, p.1252).
♦ [Chez A. Comte] Philosophie positive*.
♦ Philosophie première. Partie de la philosophie qui a pour objet l'étude des premières causes et des premiers principes. P. oppos. chez Aristote à philosophie seconde, synon. de physique. Aristote ne pouvait voir dans la philosophie première qu'un système de la science objective, qu'une théorie concrète de ses principes: il créa la métaphysique. Science des principes, la philosophie d'Aristote est encore la science, d'intention du moins (J. Lagneau, Célèbres leçons et fragments,Paris, P.U.F., 1964 [1880], p.93).Seule, la philosophie première, c'est-à-dire de l'être lui-même se posant lui-même est positive (J. Wahl, La Philosophie première de V. Jankélévitchds R. de Métaphys. et de Mor., 1955, p.161).
b) En partic.
α) Philosophie ou philosophie chimique ou philosophie hermétique. Synon. de alchimie.La notion métaphysique de la matière première universelle de Platon est transformée et concrétée en quelque sorte, par un artifice de métaphysique matérialiste que nous retrouvons dans la philosophie chimique de tous les temps: elle est identifiée avec le mercure des philosophes (Berthelot, Orig. alchim.,1885, p.273).V. hermétique ex. 1:
2. ... le comte de Kueffstein était un riche seigneur, occultiste ardent, qui, comme l'avait fait Paracelse, le démiurge d'Occident, parcourait les pays d'Europe à la recherche de la solution des grands problèmes de la philosophie et était l'hôte de tous les alchimistes, nécromanciens, cabalistes et initiés... Cendrars, Bourlinguer,1948, p.141.
β) Attitude intellectuelle des philosophes du xviiies. (v. philosophe I A 1 b β). Ces principes de la raison et de la nature, que la philosophie avait su lui rendre chers [au peuple] (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p.168).Comme elle s'est faite [la Révolution], au nom de la philosophie, on en a conclu qu'il fallait être athée pour aimer la liberté (Staël, Consid. Révol. fr.,t.2, 1817, p.457).Si les maîtres de la philosophie ne paraissent pas à la tribune et aux affaires, c'est que, à l'aurore de la Révolution, ils sont morts presque tous (Maurras, Avenir intellig.,1905, p.33):
3. La philosophie prétend répandre des lumières, et le commerce créer des richesses; il faut prouver au monde qu'ils font tout le contraire; que la philosophie, avec ses faux droits de l'homme et ses faux équilibres de pouvoirs, ne répand que ténèbres et anarchie; que le commerce, avec sa concurrence mensongère, ses menées d'accaparement et de falsification, appauvrit les producteurs et les consommateurs, qu'il n'est qu'une sangsue de l'industrie. Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p.16, 17.
γ) Surtout au XIXes. Fondements généraux, principes de base d'une science. Il est regrettable (...) que cet enseignement populaire de la philosophie astronomique ne trouve pas encore, chez tous ceux auxquels il est surtout destiné, quelques études mathématiques préliminaires, qui le rendraient à la fois plus efficace et plus facile (Comte, Esprit posit.,1844, p.132).Dans un ouvrage remarquable sur la philosophie minéralogique et sur l'espèce minéralogique paru en 1801, Déodat Dolomieu développa (...) toutes les conséquences de l'identité posée par ce dernier [Haüy] entre le concept d'espèce minérale et celui de molécule intégrante (Hist. gén. sc.,t.3, vol. 1, 1961, p.344):
4. Les cosmologistes devaient, d'abord, par l'avènement de la chimie, pousser l'étude de l'ordre matériel jusqu'à ses phénomènes les plus nobles et les plus compliqués. Mais il fallait ensuite que les biologistes descendissent convenablement aux fonctions vitales les plus grossières et les plus simples, seules susceptibles de se rattacher directement à cette base inorganique. Tel fut le principal résultat de l'admirable conception due au vrai fondateur de la philosophie biologique, l'incomparable Bichat. Comte, Catéch. posit.,1852, p.126.
− P. méton. Ouvrage qui traite des principes de base d'une science. Philosophie botanique de Linné. Cette Philosophie zoologique présente les résultats de mes études sur les animaux, leurs caractères généraux et particuliers, leur organisation, les causes de ses développemens et de sa diversité, et les facultés qu'ils en obtiennent (Lamarck, Philos. zool.,t.1, 1809, p.xvii).
2. Courant
a) [Gén. empl. seul]
α) La philosophie. Réflexion critique sur les problèmes de l'action et de la connaissance humaine; effort vers une synthèse totale de l'homme et du monde. C'est la philosophie qui nous apprend à connaître notre nature, et la pratique de ses leçons s'appelle la vertu (P. Leroux, Humanité,1840, p.119).La philosophie n'est pas seulement le retour de l'esprit à lui-même, la coïncidence de la conscience humaine avec le principe vivant d'où elle émane, une prise de contact avec l'effort créateur. Elle est l'approfondissement du devenir en général, l'évolutionisme vrai, et par conséquent le vrai prolongement de la science, −pourvu qu'on entende par ce dernier mot un ensemble de vérités constatées et démontrées (Bergson, Évol. créatr.,1907, p.368).La philosophie est une prise de position raisonnée par rapport à la totalité du réel. Le terme de «raisonné» oppose la philosophie aux prises de positions purement pratiques ou affectives ou encore aux croyances simplement admises sans élaboration réflexive: une pure morale, une foi (J. Piaget, Sagesse et illusions de la philos.,1965, p.57).V. converger ex. 2:
5. Le concept de philosophie tend à désigner très généralement toute image du monde et toute sagesse humaine, la prise de conscience humaine du réel, quels qu'en soient les éléments et les modalités. Le droit à la philosophie devient un des droits de l'homme, en dehors de toute question de longitude, de latitude et de couleur de peau. G. Gusdorf, Traité de métaphys.,Paris, Armand Colin, 1956, p.7.
β) Une philosophie. Conception, démarche philosophique; système philosophique constitué. Synon. doctrine, théorie.La philosophie pure n'a pas exercé d'action bien immédiate sur la marche de l'humanité avant le XVIIIesiècle, et il est beaucoup plus vrai de dire que les époques historiques font les philosophies, qu'il ne l'est de dire que les philosophies font les époques (Renan, Avenir sc.,1890, p.24).De ressentir l'être dans l'homme, et de les distinguer si nettement, de rechercher une certitude du degré supérieur par une sorte de procédure extraordinaire, ce sont les premiers signes d'une philosophie (Valéry, Variété II,1929, p.16).V. côtoyer ex. 2.
− P. méton. Ouvrage, traité de philosophie. Dans quelques années, j'écrirai certainement une Philosophie (Lamart., Corresp.,1834, p.69).
γ) Discipline qui constitue la matière principale de l'une des classes terminales de l'enseignement secondaire ou un cycle d'études dans l'enseignement supérieur et qui comprend la psychologie, la morale et la sociologie, la philosophie générale, l'esthétique, la logique et la philosophie des sciences. Cours, dissertation de philosophie; baccalauréat, licence, agrégation de philosophie; chaire, professeur de philosophie. Une des grandes grâces de Saint-Sulpice fut la dévotion à l'Esprit-Saint. Mes cahiers de philosophie et de théologie l'attestent (Dupanloup, Journal,1876, p.33).Sur les quatre certificats de philosophie, un seul −logique et philosophie générale −évoquait les débats actuels. Les deux autres −psychologie, morale et sociologie −relevaient déjà des sciences humaines ou sociales (R. Aron, Mém.,1983, p.38):
6. Nous avons une classe de philosophie dans les lycées, ce qui montre assez clairement qu'il n'y a point pour nous de véritable culture si, au delà de toutes les disciplines spéciales, la réflexion ne vient pas s'appliquer aux lois de la pensée, aux principes de la conduite, à la vie profonde de l'homme pour en scruter la signification et la valeur... R. Le Senne, Introd. à la philos.,Av.-pr. de L. Lavelle, 1947 [1939], p.V.
♦ Philosophie générale. ,,Ensemble des questions de philosophie que soulèvent la psychologie, la logique, la morale, l'esthétique, mais qui n'appartiennent pas au domaine spécial de l'une de ces sciences`` (Lal. 1968). Synon. métaphysique.Je fus reçue en philosophie générale. Simone Weil venait en tête de liste, et je la suivais (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.243).
− P. méton. Classe où la philosophie est enseignée comme matière principale; section d'études philosophiques à l'Université. L'année scolaire approchait de son terme. C'était pour nous, élèves de philosophie, la dernière année de collège (A. France, Vie fleur,1922, p.417).V. celui-là ex. 5.
♦ Loc. Faire sa philosophie. Il fut envoyé fort jeune à Paris pour y faire ses études. Il fit ses humanités au collége des Jésuites, sa philosophie dans l'Université (Sainte-Beuve, Port-Royal,t.5, 1859, p.100).Georges Louis s'installa à Passy. C'est à Janson que mon ami devait faire sa philosophie (Gide, Si le grain,1924, p.507).
b) [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif]
α) Conception, système propre à un auteur, une école, un pays, une époque; ensemble des systèmes philosophiques propres à une civilisation, une culture. La véritable originalité de la philosophie grecque tient à sa perfection et non à ses commencements (Barrès, Cahiers,t.1, 1896, p.103).Il n'est pas d'expression qui vienne plus naturellement à la pensée d'un historien de la philosophie médiévale que celle de philosophie chrétienne (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p.1).Ses préjugés contre la dialectique qu'il [M. Mauss] identifiait à tort avec la philosophie hégélienne ou avec la philosophie marxiste (Traité sociol.,1967, p.19).V. évolutionniste A ex. de Bergson, indiscutable ex. 1, intégrant ex. 3.
SYNT. Philosophie de Husserl, de Plotin; philosophie bergsonienne, cartésienne, épicurienne, kantienne, platonicienne, thomiste, sartrienne; philosophie existentialiste, idéaliste, matérialiste, scolastique, sensualiste, transformiste; philosophie anglaise, allemande, arabe, chinoise, américaine; philosophie antique, classique, contemporaine, moderne; philosophies occidentales, de l'Orient.
− En partic. Nouvelle philosophie. Mouvement né de mai 1968, caractérisé notamment par la réaction aux idéologies communiste et marxiste et dont les chefs de file sont Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann. La référence à 1968, dernière imposture de la «nouvelle philosophie», rassure les belles âmes qui ne veulent lire dans les «événements de Mai» que le signe d'une crise de société sans idéal (Fr. Aubral, X. Delcourt, Contre la nouv. philos.,Paris, Gallimard, 1977, p.320).
β) Réflexion, ensemble de réflexions ayant pour objet un ordre de la connaissance, un domaine d'activité particuliers. Philosophie de l'éducation, de l'esthétique, de la logique, des mathématiques, des religions; philosophie politique, sociale. Choisir entre telle ou telle hiérarchie entre les sciences dont l'art médical utilise le savoir, autrement dit professer une philosophie de la médecine, c'est au fond professer une philosophie tout court (Biot, Pol. santé publ.,1933, p.19).S'il y a effectivement une histoire ethnique, il y a aussi une géographie et une philosophie ethniques, comme des sciences et des arts ethniques, toutes études oubliées par l'Académie (Marin, Ét. ethn.,1954, p.8).La philosophie des sciences: elle part d'un donné, qui est telle discipline déjà constituée, et s'attachant à analyser le comportement rationnel de ses spécialistes, elle dégage la structure logique de leur méthode (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p.28):
7. C'est à la philosophie du droit qu'il reviendrait de tenter la justification de certaines variations de l'expérience juridique de préférence aux autres, et de décider si tous les efforts entrepris pour réaliser la justice dans un milieu social se fondent sur une interprétation acceptable des différents aspects de celle-ci et s'ils possèdent tous la même valeur. Traité sociol.,1968, p.205.
♦ Philosophie de l'histoire

Recherche des lois générales qui se dégagent des faits historiques et qui régissent l'évolution de l'humanité:
8. Ce qu'on appelle de nos jours la philosophie de l'histoire consiste (...) dans l'étude des rapports et des lois générales qui rendent raison du développement des faits historiques pris dans leur ensemble, et abstraction faite des causes variables qui, pour chaque fait en particulier, ont été les forces effectivement agissantes. Cournot, Fond. connaiss.,1851, p.25.

[Avec un indéf. ou au plur.] Toute explication ou spéculation sur le devenir de l'humanité, sur la signification du mouvement de l'histoire. À l'origine des grandes philosophies de l'histoire du XIXesiècle, il y a cette valorisation de la Révolution française qui a substitué à la simple constatation de l'événement, la foi en l'avènement (H. Gouhier, Les Grandes avenues de la pensée philos. en France depuis Descartes,1966, p.12):
9. Les doctrines de Hegel et de Comte représentent le type de ce que l'on entend par philosophie de l'histoire. À l'aide d'un principe unique, loi des trois états ou progrès de la liberté, on organise les périodes, on apprécie leur signification, on interprète l'évolution totale. (...) La science élabore un déterminisme lacunaire, la philosophie imaginerait un déterminisme continu. Au lieu d'une nécessité construite, hypothétique et partielle, elle découvrirait dans le devenir lui-même une nécessité totale. R. Aron, Introd. à la philos. de l'Hist.,1938, p.285.
♦ Philosophie morale. Partie de la philosophie qui a pour objet l'évaluation des fins et des moyens de l'action humaine. Le but de la philosophie morale est moins d'apprendre aux hommes ce qu'ils ignorent, que de les faire convenir de ce qu'ils savent, et surtout de le leur faire pratiquer (Bonald, Législ. primit.,t.1, 1802, p.73).Parmi ces philosophies particulières [philosophie de la nature, de l'art, de l'histoire...], la philosophie morale occupe une place à part, (...) parce que, dès l'entrée, elle concerne l'homme et le concerne en sa totalité, avec ses désirs et ses problèmes. L'histoire de la philosophie le montre suffisamment, c'est par ce chemin particulier que tous les penseurs ont accédé à la philosophie (É. Weil, Philos. mor.,1961, p.12).
− P. méton. Ouvrage traitant de la réflexion philosophique sur un ordre particulier de connaissance. Taine n'a pas insisté dans sa Philosophie de l'art sur les déserts artistiques d'une époque (Arts et litt.,1935, p.64-4).
γ) Attitude, système, courant philosophique qui a comme perspective ou pour fondement tel(le) ou tel(le) thème ou méthode philosophique. Une philosophie du progrès (...) consiste à admettre que l'ensemble des sociétés et de l'existence humaine tend à s'améliorer, parfois même que cette amélioration, régulière et continue, doit se poursuivre indéfiniment (R. Aron, Introd. à la philos. de l'Hist., op.cit.,p.149).Historiquement les philosophies de l'existence apparaissent comme une protestation contre l'esprit d'abstraction et de système (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p.59):
10. La liberté affirmée, devenue le principe de la recherche et de la possession de la vérité comme du bien, rend à toutes les consciences la dignité que s'arrogent les philosophies de l'absolu. Renouvier, Essais crit. gén.,3eessai, 1864, p.XLVI.
SYNT. Philosophie de l'angoisse, de la communication, du concept, de la connaissance, de la conscience, de l'esprit, de l'essence, de l'idée, de l'imaginaire, de l'immanence, de l'infini, de l'intuition, du langage, de la liberté, du mouvement, de l'objet, de la perception, du sujet, de la transcendance, de la vérité.
δ) P. anal. Système d'idées qui éclaire un événement, une activité, un fait de société, un comportement. On a beaucoup écrit sur le voyage, car les voyageurs les plus conscients ont été de tout temps les écrivains. Il y a une philosophie du voyage (Defert, Pol. tour. Fr.,1960, p.43).Toute la philosophie des rapports mutuels [entre l'entreprise privée et le syndicat], leur loi d'équilibre, repose sur l'établissement de procédures très minutieuses qui restreignent les épreuves de force (Traité sociol.,1967, p.484).Ces pays-là [les pays anglo-saxons] ont toujours eu la même philosophie fiscale. Ils ont bâti leur équilibre de recettes à une époque où l'impôt ne drainait pas encore les masses considérables d'argent qu'il représente aujourd'hui dans les États modernes (Le Nouvel Observateur,17 mars 1975, p.53, col. 3):
11. ... ce qui a été dit sur la philosophie de la bataille et sur les arguments qu'elle met en oeuvre reste vrai quant au fond, puisque c'est le même être moral, l'homme, qui la livre toujours... Foch, Princ. guerre,1911, p.309.
♦ Loc. Chercher, dégager, faire, formuler la philosophie de qqc. Le monde, l'humanité, les capitaux, l'industrie, la pratique des affaires, existent: il ne s'agit plus que d'en chercher la philosophie, en d'autres termes de les organiser (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t.1, 1846, p.255).La grande presse (...) dégagea la philosophie de cet attentat monstrueux qui révoltait les consciences (A. France, Révolte anges,1914, p.381):
12. Sans doute veulent-ils [les socialistes] nationaliser, mais l'une de leurs pensées dominantes est déjà la méfiance envers les communistes. Ils laissent venir à eux toute une clientèle de hauts fonctionnaires et de polytechniciens; s'ils faisaient la philosophie de leur comportement, ils reprendraient la dialectique de Léon Blum, au temps du Front Populaire: leur mandat n'est pas de faire une révolution mais de construire le secteur nationalisé dans une certaine harmonie des relations sociales et politiques. Chenot, Entr. national.,1956, p.20.
− En partic. Idée directrice suivant laquelle on procède à l'établissement d'un plan, d'un projet dans le domaine économique, financier, technologique. La mode est aujourd'hui à la pierre apparente [dans les églises] (...). C'est la philosophie de la maison de campagne qui envahit nos sanctuaires (Le Monde,7 juill. 1974, p.11, col. 5).Pour le Conservatoire [du littoral], ouvrir au public un espace tout en le protégeant cela signifie qu'on y trace quelques sentiers, une aire de pique-nique (...). Cette philosophie a été rappelée lors du dernier conseil d'administration (Le Monde,5 juill. 1978, p.28, col. 2 et 3).Le gouvernement dans cette philosophie des «petits délais» [pour le versement des payes des agents de l'État] qui font les bonnes gestions, pourrait être moins innocent qu'il ne l'affirme (Libération,31 janv. 1985, p.14, col. 5).
B. − [Sans fondement théorique explicite, en tant qu'attitude spontanée ou raisonnée de l'esprit]
1.
a) Attitude ou qualité morale d'une personne qui connaît la juste valeur des choses et accepte la vie telle qu'elle est. Synon. raison, sagesse.Pauvre garçon, l'aimait-il! Allons, mon gendre, de la philosophie (...). Faut-il que ce soit moi qui vous console (...), moi qui perds ma fille! (Dumas père, Noce et enterrement,1826, 9, p.101).Léopold se voyait notaire à Paris: sa vie était devant lui comme un de ces grands chemins qui traversent une plaine de France, il l'embrassait dans toute son étendue avec une résignation pleine de philosophie (Balzac, A. Savarus,1842, p.36).La dureté de Joseph, tempérée d'humanisme et de philosophie, deviendrait peut-être de la vigueur, de la grandeur (Duhamel, Maîtres,1937, p.93):
13. ... je le voyais vieux et exilé, et meurtri de l'ingratitude des hommes, mais ferme et gai dans le malheur, et plein de cette philosophie naturelle qui fait supporter patiemment l'infortune à ceux qui ont leur fortune dans leur coeur... Lamart., Voy. Orient,t.2, 1835, p.330.
− Loc., vieilli. Avoir de la philosophie; montrer de la philosophie dans (une situation). −«Voilà une douce morale!» lui dis-je. −C'est celle de la nature. −Vous avez de l'esprit et de la philosophie! (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p.12).Ma soeur Élisa était une tête mâle, une âme forte: elle aura montré beaucoup de philosophie dans l'adversité (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.270).
b) Souvent fam. Attitude, qualité d'une personne qui reste sereine, calme, patiente quelles que soient les circonstances. Synon. sérénité.Il vient à moi, son tablier retroussé, les deux mains dans les poches de pantalon, et tranquillement, avec philosophie, le regard voyageur, il me dit: −Elle m'a f... à la porte (Frapié, Maternelle,1904, p.73).Hubert était mobilisé dans les services auxiliaires. Les conseils de révision, qu'il subissait avec philosophie, te donnaient de l'angoisse (Mauriac, Noeud vip.,1932, p.155).
2. Conception générale de la vie et du monde qu'une personne manifeste dans ses idées et dans sa conduite. Dans la vie il est aimable, affectueux, voyant les choses de haut et ne les prenant jamais par les angles; d'une philosophie d'artiste, un peu épicurien, bien vivant, toujours amoureux (Sainte-Beuve, Poisons,1869, p.95).Bien peu d'hommes ont une philosophie; l'instinct et le délire, le goût féroce de frapper, voilà les forces qui les mènent (Barrès, Cahiers,t.2, 1898, p.11).Robert Empeaux, parvenu au terme de sa carrière [de magistrat], avait eu à se prononcer sur tant de misères humaines qu'il en avait acquis une philosophie sereine où le désir de comprendre l'emportait, de loin, sur la volonté de châtier (Ch. Exbrayat, Tout le monde l'aimait,1982 [1969], p.99).V. génération ex. 5, inverse ex. 4:
14. Qu'avait-il à dire en effet à ce misérable enfant? Qu'il faut accepter l'inévitable dans le monde intérieur comme dans le monde extérieur, accepter son âme comme on accepte son corps? Oui, c'était là le résumé de toute sa philosophie. Bourget, Disciple,1889, p.220.
− [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif indiquant le sens particulier d'une conduite] Tosh est, avec Marley, le chantre de la philosophie rasta. Une étrange religion qui prône le port des cheveux nattés et le retour à la mère Afrique, vénère feu Hailé Sélassié et (...) la marijuana (L'Express,28 juill. 1979, p.14, col. 1).Sous sa houlette énergique [de Jane Fonda], ces dames acquièrent l'entraînement [sportif] exact et la philosophie nouvelle: celle de l'effort (Le Figaro Magazine,11 févr. 1984, p.65, col. 1):
15. Les gars qui allaient se coucher [après la relève de la garde] filaient d'un pas lourd (...). Les autres, encore tout pleins de tiédeur et de sommeil, s'apprêtaient à subir le froid, la pluie, l'attente (...). Encore si cela avait servi à quelque chose... Mais pour garder une porte, de pacifiques tôlards, des officiers que personne ne songeait à toucher de l'ongle et trois caisses de grenades... La philosophie de l'absurde est née sous l'uniforme français. R. Fallet, Pigalle,Paris, Le Livre de poche, 1981 [1979], p.70.
II. − Arg., vx. Art de voler au jeu ou vol au jeu. Il se mit à jouer au hasard, ce que la philosophie appelle jouer au flan (C. des Perrières, [18]85 dsLarch. Nouv. Suppl.1889, p.105).
REM.
Philosophier (se), verbe pronom.,plaisant. Se fier à la philosophie développée dans tel ou tel système. V. encyclopédier rem., s.v. encyclopédie.
Prononc. et Orth.: [filɔzɔfi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1175 «ensemble de disciplines spéculatives, comprenant la logique, la morale, la physique et la métaphysique, dont l'enseignement et l'étude, fondés sur les Auctores, succédaient à ceux des arts libéraux» (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 31216); 1370-72 philosophie moral (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.157); 1379 philosophie naturelle (J. de Brie, Bon Berger, 6 ds T.-L.); 1637 philosophie spéculative, philosophie pratique (Descartes, Discours de la méthode, sixième partie ds OEuvres, éd. F. Alquié, t.1, p.634); 1647 philosophie première (Descartes, Méditations métaphysiques touchant la première philosophie); 1765 philosophie théorique (Encyclop.); b) 1553 la philosophie «les spéculations et les raisonnements de la science humaine, par opposition à la foi» (Bible, impr. J. Gérard, Coloisiens, 2, 8); 1580 «la science, sous son aspect supérieur et général, recherche de la vérité universelle des choses naturelles, humaines et divines» (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t.1, p.160); c) ca 1756 philosophie de l'histoire (Voltaire, Mél. hist. Fragm. hist., X ds Littré); 2. 1225-50 «sagesse profonde consistant dans l'amour de la vérité et la pratique de la vertu» (H. d'Andeli, Lai d'Aristote, éd. H. Héron, 336); 1655 «haute sagesse, fondée sur le raisonnement et la méditation de la vie, et donnant une grande force d'âme dans les vicissitudes» (La Rochefoucauld, Max. 22 OEuvres, éd. A. Régnier, t.1, p.39); 3. xve-xvies. «nom donné à leur art par les alchimistes» (Petit traité d'alchimie, éd. Méon, p.207); 1573 philosophie chimique «nom donné aux opérations de l'alchimie» (J. Liébault, Le livre des secrets de medecine et de la philosophie chimique); 1721 philosophie hermétique (Trév., s.v. hermétique); 4. 1588 «manière particulière à telle époque, telle école, tel Maître, d'envisager les grands problèmes du monde et de l'âme» (Montaigne, Essais, II, 12, éd. citée, t.1, p.578); 1588 «l'attitude intellectuelle particulière à laquelle quelqu'un se range, l'opinion qu'il professe quant aux problèmes de la philosophie» (Montaigne, Essais, III, 5, op. cit., t.2, p.842); 5. 1622 [date d'éd.] typogr. (E. Binet, Merveilles de nature, p.299 ds Gdf. Compl.). Empr. au lat. philosophia, lui-même empr. au gr. φ ι λ ο σ ο φ ι ́ α . Fréq. abs. littér.: 7072. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 11466, b) 6882; xxes.: a) 7704, b) 11971. Bbg. Gohin 1903, p.299. _Sckomm. 1933, pp.103-106. _Zumthor (P.). Cf. bbg. philosophe.

 

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A L'HEURE DES NEUROSCIENCES

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A l'heure des neurosciences
Jean-Jacques Slotine dans mensuel 350
daté février 2002 -  Réservé aux abonnés du site
Connaît-on l'ascidie, ce petit animal marin qui, après s'en être servi pour se mouvoir, digère tranquillement son cerveau, car il n'en a plus besoin ? Plus que jamais à l'école du vivant, la robotique s'aventure aujourd'hui vers la prise en compte de phénomènes qui vont bien au-delà de la conception classique du « cerveau dans la boîte ».
« Alors la babouine demande timidement au babouin, les yeux chastement baissés : Aimez-vous Bach ? » Albert Cohen .


L'heure est au dialogue entre robotique et neurosciences, et, au-delà des analogies les plus évidentes, à l'élaboration de problématiques communes. Partout dans le monde se créent des centres regroupant neurosciences, biologie, modélisation mathématique et robotique. Témoin de l'ampleur du phénomène : le nouveau McGovern Institute, au MIT, qui va y consacrer pas moins de 350 millions de dollars - à peu près autant que le synchrotron Soleil ! Nous sommes sans doute à l'aube d'une véritable approche « système » de la compréhension du cerveau, réalisant le vieux rêve de la cybernétique.

Cette fertilisation croisée, cette coévolution, pourrait-on dire, n'est certes pas nouvelle. La nature inspirait déjà la robotique du temps des tortues de Grey Walter, en 1950. Mais l'accélération considérable au cours des vingt dernières années des découvertes sur le cerveau, la physiologie de l'action, ou encore l'acquisition de la parole et du langage, a changé la donne. Jim Watson, le codécouvreur de la structure de l'ADN et le promoteur du programme « Génome humain », fait avec raison de la compréhension du cerveau le grand défi scientifique du XXIe siècle. Compréhension susceptible de remettre en question notre conception de la science elle-même : c'est avec notre cerveau que nous créons des théories !

Mais à l'inverse, la robotique peut éclairer la physiologie, l'artificiel illuminer le vivant. Comme le remarque le biologiste Edward O. Wilson, dans son classique Consilience : the Unity of Knowledge 1998 « Le moyen le plus sûr d'appréhender la complexité du cerveau, comme de tout autre système biologique, est de le penser comme problème d'ingénierie . »I 1 L'ambition de la robotique est de comprendre de quelles capacités on peut doter une machine en interaction physique avec son environnement, et comment cette machine peut par elle-même s'adapter et apprendre.

En neurosciences, on associe de plus en plus l'évolution et le développement des processus cognitifs au raffinement des fonctions sensori-motrices2. Le neurologue Rodolfo Llinas3, à l'université de New York, cite l'exemple de l'ascidie, petit animal marin qui, après avoir nagé vers le rocher où il s'installera, digère son cerveau, devenu inutile dès lors qu'il n'a plus à se déplacer ! De même, l'interaction physique et dynamique avec l'environnement, le contrôle du mouvement, poussent la robotique au-delà du domaine conceptuel classique de l'intelligence artificielle, du brain in a box cerveau dans une boîte.

Mémoire parfaite. En règle générale, la robotique est très loin d'égaler la nature, mais ses contraintes ne sont pas les mêmes et, pour certaines tâches, elle fait même mieux que la nature. Malgré la grande flexibilité de positionnement des actionneurs moteurs, muscles artificiels, etc. et des capteurs caméras, encodeurs, etc., le hardware mécanique est très à la traîne, tant en complexité qu'en robustesse et en adaptabilité. En revanche, la robotique bénéficie de la possibilité de coder explicitement des relations mathématiques complexes les équations de la mécanique, par exemple, permettant souvent soit des raccourcis à travers les calculs de la nature, soit des techniques fondamentalement différentes. Les robots possèdent également une mémoire parfaite et une capacité de répétition exacte. Si l'on veut qu'un robot apprenne à marquer des paniers au basket-ball, il lui suffit de déterminer une fois pour toutes la relation entre son mouvement et l'endroit où la balle tombe : problème mathématique simple qui conduira à un apprentissage rapide. Le robot dispose également de possibilités de simulation en temps très accéléré, alors qu'il faut à l'homme à peu près autant de temps pour imaginer un mouvement que pour l'effectuer. Un robot peut « penser » en 5 ou 10 dimensions aussi facilement qu'en 3. Enfin la robotique tire profit de l'accélération constante des moyens de calcul4, au point de pouvoir calculer plus vite que la nature elle-même.

Un autre avantage des robots sur les systèmes biologiques est la rapidité de la transmission de l'information. La vitesse de transmission des impulsions nerveuses est bien inférieure à la vitesse du son. Elle est donc environ un million de fois plus petite que celle de l'information dans un câble électrique. De plus, à chaque connexion synapse entre neurones le signal électrique est transformé d'abord en signal chimique, puis de nouveau en signal électrique à l'arrivée, perdant chaque fois environ 1 ms : un peu comme un train qui prend un ferry-boat. Ce rôle central des délais conditionne certains aspects de l'architecture des systèmes biologiques, par exemple l'organisation massivement parallèle des calculs dans les cent milliards de neurones du cerveau et leurs millions de milliards de synapses. Laquelle architecture parallèle, il faut le reconnaître, se prête particulièrement bien aux problèmes d'approximation distribuée, c'est-à-dire d'apprentissage.

Cette question du temps est aussi au coeur de bien des aspects importants de la robotique, qu'il s'agisse de la téléprésence - comment commander un robot à l'autre bout de la planète ou au fond de l'océan, « comme si vous y étiez » -, pour coordonner la vision par ordinateur et la manipulation, et, comme chez les êtres vivants, pour tous les mécanismes permettant l'unité de la perception binding.

Notre laboratoire a beaucoup étudié l'adaptation et la coordination vision-manipulation5,6, et leur illustration expérimentale sur des robots rapides. Comment un robot attrape-t-il un objet qu'on lui lance ? Il doit anticiper la trajectoire de l'objet, sur la base d'informations visuelles - obtenir ces informations avec une précision suffisante peut nécessiter d'utiliser des caméras mobiles, comme le fait l'oeil quand il suit un objet en mouvement. Il doit planifier une trajectoire pour intercepter l'objet et l'attraper - il peut être judicieux, par exemple, d'attraper l'objet tangentiellement à sa trajectoire, de façon à nécessiter moins de précision du timing de la fermeture de la main, et aussi à attraper l'objet plus délicatement. Une fois l'objet attrapé, il faut le décélérer progressivement et ne pas le laisser tomber, en s'adaptant très vite à ses propriétés dynamiques inconnues masse, position du centre de masse, moments d'inertie. Ces travaux nous ont conduits à rechercher des méthodes et des concepts généraux pour aborder systématiquement des questions de plus en plus complexes, impliquant une réflexion plus directe sur ce que nous apprend le monde du vivant.

Primitives motrices. La solution de la nature à la construction progressive de tels systèmes est, bien sûr, l'évolution. Tout objet biologique, et le cerveau en particulier, résulte de l'évolution. Celle-ci procède par accumulation et combinaisons d'éléments intermédiaires stables, créant ainsi des structures fonctionnelles de plus en plus complexes7,8. Selon la formule de François Jacob, « De la bactérie à la drosophile, quel bricolage depuis trois milliards d'années ! » La réponse émotionnelle humaine, par exemple, combine deux éléments intermédiaires stables, une boucle archaïque rapide ne passant pas par le cortex, et une boucle corticale plus lente9. Le système immunitaire humain se compose d'une série de couches fonctionnelles, où se combinent notamment des mécanismes rapides et archaïques d'immunité innée, et des mécanismes plus lents d'immunité acquise ou adaptative, dont le temps de réponse dépend de l'exposition antérieure au pathogène.

De même, l'architecture de contrôle du mouvement chez les vertébrés utilise des combinaisons de primitives motrices. Emilio Bizzi et ses collègues, au MIT, ont fait, sous divers protocoles expérimentaux, l'expérience suivante. On excite la moelle épinière d'une grenouille anesthésiée, et un capteur placé sur la cheville de l'animal mesure le champ de forces ainsi créé. Deux conclusions. Tout d'abord, si l'on déplace l'excitation le long de la moelle épinière, on n'obtient que quatre champs de forces, correspondant à quatre régions de la moelle. De plus, si l'on excite deux régions en même temps, on obtient essentiellement la somme vectorielle des champs de forces. Ces résultats et des expériences plus récentes suggèrent que les mouvements de la grenouille, par exemple quand elle saute pour attraper un insecte, sont obtenus par simples combinaisons de primitives motrices élémentaires, modulées temporellement dans la moelle épinière sur la base d'informations provenant du cerveau.

Les accumulations progressives de configurations stables sont un thème récurrent dans l'histoire de la cybernétique et de l'intelligence artificielle, depuis les tortues de Grey Walter à la « Society of Mind10 » de Marvin Minsky 1986, en passant par les architectures hiérarchiques de Herbert Simon11 1962, les véhicules de Valentino Braitenberg12 1984, et autres insectes de Rodney Brooks13 1986, 1999.

Ces accumulations progressives forment aussi la base de théories récentes sur le fonctionnement du cerveau, qui privilégient l'interaction massive entre structures spécialisées pour expliquer la pensée et la conscience14,15,16.

Un des thèmes centraux des neurosciences est de comprendre comment des informations provenant de diverses modalités sensorielles, traitées par des centaines de régions spécialisées dans le cerveau, aboutissent à une perception unifiée. Dans le seul système visuel, par exemple, certaines aires corticales traitent les contours, d'autres les formes, le mouvement, les distances, la couleur... Mais ces processus sont inconscients. Vous ne voyez qu'un enfant en train de jouer au ballon sur la plage. Des recherches récentes suggèrent que cette unité de la perception, sans système centralisé de coordination « Il n'y a pas d'aire en chef » , comme le dit Gerald Edelman, pourrait essentiellement être le résultat de milliers de connexions réciproques entre aires spécialisées, particulièrement dans le système thalamo-cortical. Le thalamus est une formation qui a évolué avec le cortex. Toutes les informations sensorielles qui arrivent au cortex passent par le thalamus, où elles sont sélectionnées. De plus, beaucoup des connexions entre les différentes aires du cortex passent également par le thalamus17.

Boucles lentes. Il s'agit là de boucles rapides. La description se complique si on intègre l'existence de milliers d'autres boucles, « lentes » et inconscientes, qui partent du cortex, passent par les ganglions de la base ou le cervelet deux structures intervenant notamment dans la planification et dans le contrôle des mouvements, puis par le thalamus, avant de revenir au cortex. D'autres boucles encore passent par l'hippocampe une autre structure, liée à la mémoire à long terme. L'un des rôles de ces boucles pourrait être de permettre une sorte de « jeu des vingt questions » sélectionnant les informations les plus pertinentes pour une tâche donnée. Le délai de transmission de l'information à travers chacune de ces boucles est de l'ordre de 150 ms. Comment le système converge-t-il malgré ces délais ?

Intrinsèquement, accumulations et combinaisons d'éléments stables n'ont aucune raison d'être stables, et donc d'être retenues à l'étape suivante de l'évolution ou du développement. D'où notre hypothèse que l'évolution favorise une forme particulière de stabilité, automatiquement préservée en combinaison. Une telle forme de stabilité peut être caractérisée mathématiquement. Cette propriété, dite de contraction, fournit également un mécanisme très simple de construction progressive de systèmes robotiques arbitrairement complexes à partir d'un grand nombre de sous-systèmes eux-mêmes contractants, en sachant que la stabilité et la convergence des combinaisons seront automatiquement garanties18.

Plus spécifiquement, un système dynamique non linéaire est contractant s'il « oublie » exponentiellement ses conditions initiales. Autrement dit, si l'on perturbe temporairement un tel système, il reviendra à son comportement nominal - il reprendra ce qu'il était en train de faire - en un temps donné. On peut montrer que ce type de système peut être caractérisé par des conditions mathématiques relativement simples. Mais surtout que la propriété de contraction est automatiquement préservée par toute combinaison parallèle, en série ou hiérarchique, et certains types de rétroaction ou recombinaison dynamique de sous-systèmes eux-mêmes contractants. Permettant du coup de jouer au Lego avec des systèmes dynamiques19.

Remarquons qu'au moins pour des petites perturbations, un tel type de robustesse est en fait une condition nécessaire à tout apprentissage : un système dont les réponses seraient fondamentalement différentes à chaque essai serait incompréhensible.

Revenons à la grenouille d'Emilio Bizzi. L'architecture simplifiée mise à jour est intéressante intuitivement, car elle réduit considérablement la dimension et donc la complexité des problèmes d'apprentissage et de planification. Mathématiquement, ce type d'architecture est proche du concept - très classique en robotique - de champs de potentiels, où l'on utilise les moteurs du robot pour créer des « ressorts » virtuels dans des problèmes de navigation et de contrôle. Mais il en est aussi différent, de par la modulation temporelle des primitives, elle-même le résultat de processus dynamiques en amont. On peut montrer que chacune des primitives motrices de la grenouille vérifie la propriété de contraction, et donc que toutes ces combinaisons, parallèles et hiérarchisées, sont automatiquement stables.

Les signaux mesurés dans le système nerveux, par exemple ceux impliqués dans le contrôle du mouvement, correspondent rarement à des quantités physiques « pures », mais plutôt à des mélanges2, par exemple de positions et de vitesses. Alors qu' a priori ces signaux composites pourraient paraître mystérieux ou même être des imperfections, ils relèvent sans doute de bonnes raisons mathématiques. En effet, on peut montrer que l'utilisation de combinaisons judicieuses de variables peut réduire très sensiblement la complexité des problèmes d'estimation et de contrôle, et même réduire l'effet des retards de transmission de l'information.

En théorie du contrôle, par exemple, on utilise souvent des variables dites « de glissement » sliding variables , combinaisons linéaires d'une quantité et de ses dérivées temporelles. Ces combinaisons peuvent être facilement choisies de façon à réduire un problème d'ordre quelconque à un problème du premier ordre, beaucoup plus simple à résoudre. Elles correspondent à créer mathématiquement des séries de modules contractants.

D'autres problèmes que le système nerveux doit résoudre sont essentiellement identiques à des problèmes résolus par les ingénieurs. Dans le système vestibulaire humain l'oreille interne, par exemple, les « otolithes » mesurent l'accélération linéaire, et les « canaux semi-circulaires » mesurent la vitesse angulaire au moyen d'une mesure tres filtrée de l'accélération angulaire. Cette configuration est essentiellement la même que dans les systèmes dits strapdown de navigation inertielle sur les avions modernes, où un algorithme classique utilise ces mêmes mesures pour estimer la position et l'orientation de l'avion.

Faculté de prédire. Une notion essentielle à prendre en compte est la faculté de prédire2,3. Prédire est l'une des principales activités du cerveau. On la retrouve dans l'anticipation de la trajectoire d'une balle à attraper20, l'évitement d'obstacles mobiles, la préparation du corps à l'éveil dans les dernières heures de la nuit, voire dans l'aberrante efficacité de l'effet placebo plus de 30 % dans la plupart des maladies bénignes.

Prédire joue également un rôle fondamental dans la perception active orienter le regard, par exemple et l'attention. Dans le système nerveux, l'information est sélectionnée, filtrée, ou simplifiée à chaque relais sensoriel. Si l'on considère par exemple la partie du thalamus correspondant à la vision, moins de 10 % des synapses amènent des informations provenant des yeux et déjà préfiltrées au passage, et toutes les autres synapses servent à moduler ces informations17 !

Du point de vue mathématique, toutes ces questions relèvent de la théorie des observateurs, qui sont des algorithmes utilisés pour calculer ou pour prédire l'état interne d'un système en général non linéaire à partir de mesures partielles, souvent externes et bruitées. Typiquement, un observateur se compose d'une simulation du système utilisant un « modèle interne » peut-être approximatif, guidée et corrigée par les mesures prises sur le système. Dans les problèmes de perception active et sous certaines conditions, l'observateur permet aussi de sélectionner, a priori , la mesure ou la combinaison fusion de mesures à effectuer qui seront les plus utiles pour améliorer l'estimation de l'état du système à un instant donné, une idée inspirée du système nerveux et utilisée aujourd'hui dans les systèmes de navigation automobile automatique.

Parce qu'ils se fondent sur des mesures partielles, les observateurs permettent aussi de généraliser à des processus dynamiques la notion de mémoire adressable par le contenu content-addressable memory , chère aux amateurs de réseaux de neurones artificiels. Par exemple, une personne peut être reconnue à partir seulement d'une image de ses yeux, un concerto de Ravel à partir des premières mesures. Et, dans un processus physiologique minutieusement décrit, élaboré sur le plus archaïque de nos sens, la madeleine de Proust conduit automatiquement aux huit volumes de la Recherche .

Pour le problème de l'unité de la perception, la notion de contraction suggère un modèle possible pour expliquer la convergence globale des interactions rapides dans le système thalamo-cortical et la variation régulière de la perception au fur et à mesure que les données sensorielles changent : il suffirait que la dynamique de chacune des aires impliquées soit contractante. Inversement, le principe d'un vaste réseau de systèmes contractants spécialisés, totalement décentralisé mais globalement convergent, peut être utilisé dans un système artificiel pour intégrer diverses informations sensorielles et algorithmes de traitement. De plus, on peut montrer que ces boucles d'interaction sont un moyen particulièrement efficace et rapide de partager le traitement de l'information entre divers systèmes, puisque le temps de réponse de l'ensemble ne dépasse pas celui du système le plus lent. Cette rapidité contraste fortement avec celle d'une architecture centralisée ou hiérarchisée, où les temps de réponse s'accumulent et deviennent totalement prohibitifs pour de grands systèmes.

Téléprésence. Petite note historique : en Union soviétique, les discours fleuve annuels sur le socialisme scientifique ont suivi, littéralement, l'évolution de la cybernétique interprétée au sens large comme science du « gouvernement » et ont donc vu apparaître au début des années 1980 les ancêtres des systèmes décentralisés que nous venons de décrire. On connaît la suite.

Un problème similaire à celui des boucles lentes se rencontre en téléprésence, où des délais de transmission non négligeables entre robot-maître et robot-esclave créent d'importants problèmes de stabilité. L'une des façons de le résoudre est d'utiliser pour les transmissions un type particulier de variable composite, qui revient à ce que chaque transmission simule une onde dans une poutre mécanique virtuelle. En effet, une poutre transmet des ondes dans deux directions avec des délais, mais est naturellement stable. Le cerveau utilise-t-il de telles combinaisons dans ses boucles lentes14,18,21 ?

Ce type d'architecture et de telles « variables d'onde » pourraient également être exploités dans d'autres systèmes artificiels. Par exemple, dans les problèmes de calcul asynchrone distribué, où des milliers d'ordinateurs, communiquant entre eux par Internet, doivent être coordonnés pour résoudre un problème commun.
1 Edition française, Robert Laffont, 2000.

2 A. Berthoz, Le Sens du mouvement, Odile Jacob, 1997.

3 R. Llinas, I of the Vortex : from Neurons to Self, MIT Press, 2001.

4 R. Kurzweil, The Age of Intelligent Machines, Viking, 1999.

5 J.J.E. Slotine et W. Li, Applied Nonlinear Control , Prentice-Hall, 1991.

6 S. Massaquoi et J.J.E. Slotine, « The intermediate cerebellum may function as a wave variable processor », Neuroscience Letters, 215 , 1996.

7 R. Dawkins, The Salfish Gene, 2e ed., Oxford University Press, 1994.

8 M. Ridley, Mendel's Demon, Free Press, 2000.

9 J. Ledoux, The Emotional Brain, Simon and Schuster, 1996.

10 M. Minsky, The Society of Mind, MIT Press, 1986.

11 H.A. Simon, The Sciences of the Artificial, 3e éd., MIT Press, 1996.

12 V. Braitenberg, Vehicles, MIT Press, 1984.

13 R. Brooks, Cambrain Intelligence, MIT Press, 1999.

14 S. Massaquoi et J.J.E. Slotine, « The intermediate cerebellum may function as a wave variable processor », Neuroscience Letters, 215 , 1996.

15 S. Hanneton et al. , Biological Cybernetics , 776, 1998.

16 G. Tononi et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 95 , 3198, 1998.

17 S.M. Sherman et C. Koch, « Thalamus », in Synaptic Organization of the Brain , 4th éd., G.M. Shepherd éd., Oxford University Press, p. 289-328, 1998.

18 J.J.E. Slotine et W. Lohmiller, « Modularity, evolution, and the binding problem : A view from stability theory », Neural Networks, 14 , 2001.

19 W. Lohmiller et J.J.E. Slotine, Automatica, 346, 1998.

20 S. Dehaene, M. Kerzberg et J.-P. Changeux, Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 95 , 14529, 1998.

21 J. Hong et J.J.E. Slotine, Experiments in Robotics Catching , ISER, 1995.
SAVOIR
:

-G. Edelman et G. Tononi, L'Univers de la conscience , Odile Jacob, 2000.

 

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UN PSYCHANAYLSTE FACE AUX NEUROSCIENCES

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Un psychanalyste face aux neurosciences texte intégral
André Green dans mensuel 99


Le débat entre psychanalyse et neurosciences a trait, entre autres à l'idée que nous nous faisons de la vie psychique et de la spécificité de l'homme. L'article que l'on va lire aurait dû être le premier d'une série sur les rapports entre biologie et psychanalyse. Il en est le second. En effet, en 1989, la publication du livre de J.-P. Changeux et A. Connes, « Matière à pensée », nous avait semblé propice pour aborder enfin ce problème. Nous avions alors de mandé à A. Green, psychanalyste qui avait déjà discuté les thèses de J.-P. Changeux, de donner son point de vue sur les rapports de la neurobiologie et de la psychanalyse. Son texte fut envoyé fin 1990 à J.-P. Changeux pour qu'il le discute. Ce dernier a préféré écrire un article indépendant que nous avons publié dans notre numéro de juin1992 sous le titre « Les neuronesde la raison ». Le débat prévu à l'origine n'a pas eu lieu. Nous publions donc le texte original d'André Green dans le présent numéro, suivi des réflexions que la lecture des « neurones de la raison » a inspiré au psychanalyste. Ainsi le lecteur pourra-t-il se faire une idée de la diversité et de la vivacité des opinions sur ce sujet.
Dans leur jargon d'initiés, les psychanalystes emploient le verbe « chaudronner » par allusion à l'histoire racontée par Freud dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient : « A emprunte un chaudron de cuivre à B. Une fois qu'il l'a rendu, B fait traduire A en justice en l'accusant d'être responsable du gros trou qui se trouve maintenant dans le chaudron, et qui rend l'ustensile inutilisable. A présente sa défense en ces termes : " Primo, je n'ai jamais emprunté de chaudron à B ; secundo, le chaudron avait déjà un trou lorsque B me l'a donné ; tertio, j'ai rendu le chaudron en parfait état " ». Bref, une accumulation de dénis qui s'annulent logiquement.

Les scientifiques n'agissent pas autrement à l'égard de l'inconscient, et au-delà à l'égard de la psychanalyse. J'entends encore Jacques Monod disant « Montrez-moi une seule preuve de l'inconscient ! », bien convaincu qu'il saurait en démontrer l'inanité. Plus tard, la stratégie devait changer. « L'inconscient, mais bien sûr qu'il existe ; il est certain que la conscience n'est qu'une toute petite partie de ce qui vit : tout ce qui n'est pas conscient est inconscient. Tous les mécanismes biologiques sont inconscients, la majeure partie des mécanismes cérébraux se passent en dehors des structures biologiques de la conscience » disait-on. Dans le même ordre de logique, vers les années 1950, les neurophysiologistes n'avaient d'yeux que pour les structures cérébrales régulant la conscience. Avec ces études, la neurobiologie de l'inconscient était à portée de main 1. L'inconscient des neurobiologistes était cependant fort différent de l'inconscient de Freud. Puis avec les neurotransmetteurs, la chimie a relayé l'électricité. Le chaudron, cette fois, bouillonnait. L'énigme des maladies mentales était à deux doigts d'être levée. Bientôt la psychogenèse ne serait plus qu'un souvenir datant de la préhistoire de la psychiatrie. L'ambivalence n'existait pas chez les biologistes. En 1953, on découvrait les premiers neuroleptiques. A Sainte-Anne, dans le service hospitalier qui était La Mecque de la toute nouvelle psychopharmacologie, Jacques Lacan tenait aussi son séminaire de psychanalyse. Les drogues psychotropes auraient-elles fait bon ménage avec l'inconscient ? Jean Delay, le maître de céans, psychiatre et homme de lettres, rêvait déjà de psychothérapies qui supplanteraient la vieille psychanalyse par des méthodes mixtes : narcoanalyse supposée faciliter la levée du refoulement grâce au « sérum de vérité » ; cures sous champignons hallucinogènes, imprudemment prônées comme agents libérateurs de l'imaginaire, etc. Les psychanalystes du crû récusèrent l'invitation. Nos psychiatres d'alors n'avaient pas perçu dans quel engrenage ils risquaient d'être broyés. Et l'on aurait eu beau jeu de nos jours, s'ils avaient fait un autre choix que celui de leur cohérence, d'accuser les psychanalystes d'avoir favorisé la toxicomanie ! Le temps passant, le développement de la psychopharmacologie allait profiter, pensait-on, du progrès des neurosciences. La neurobiologie devenant moléculaire, on allait pouvoir balayer toute cette métaphysique de pacotille, pour qu'enfin la psychiatrie devienne moléculaire à son tour. Les ouvrages comme L'homme neuronal procèdent de cette inspiration. Il suffit cependant que l'on aborde le problème des aspects affectifs des comportements pour qu'un autre neurobiologiste, Jean-Didier Vincent, auteur d'une Biologie des passions 2 nous ramène à une vision plus nuancée, bien éloignée du triomphalisme parti à l'assaut de ce que Changeux appelait la « Bastille du mental ».

La méconnaissance, voire le déni de la vie psychique par les scientifiques, l'acharnement à postuler une causalité exclusivement organique à toute symptomatologie, conduit à des jugements peu sereins. Il est fréquent qu'on accuse un psychanalyste d'être « passé à côté » d'une affection organique. Et l'on se gaussera de ce soi-disant thérapeute, qui ne s'était pas rendu compte qu'il avait affaire à une « vraie » maladie. Mais qu'un chirurgien opère quatre fois un malade indemne de toute atteinte organique sur la foi d'hypothèses étiologiques infondées et sans consistance à la recherche d'une « lésion » introuvable, alors qu'il se révèle aveugle et sourd à la demande inconsciente de son patient, personne ne songera jamais à lui en faire le reproche. N'était-ce pas son devoir d'éliminer une cause possible de désordre pathologique ? Quant à se poser la question de l'impact traumatique de telles opérations, ou celle de leur rôle de fixation pour entretenir une conviction quasi délirante, la formation médicale n'y prépare guère. « La psychiatrie, vous l'apprendrez en trois semaines », disait une sommité de la neurologie des années soixante à ses internes qui se plaignaient d'une expérience insuffisante dans ce domaine.

Toutes ces remarques vont dans le même sens : celui d'une dénégation forcenée de la complexité du fonctionnement psychique et du même coup de l'inconscient, tel que la psychanalyse le conçoit, par les défenseurs de la cause du cerveau, neurobiologistes, psychiatres et neurologues. La neurobiologie peut-elle se substituer à la psychanalyse dans la compréhension de la vie psychique et de ses manifestations ?

Une telle ambition repose sur des postulats simplificateurs : la vie psychique est l'apparence d'une réalité qui est l'activité cérébrale. Or celle-ci n'est vraiment connaissable que par la neurobiologie. Ergo , c'est cette dernière qui permettra de connaître vraiment la vie psychique. Ceci revient à dénier à la vie psychique un fonctionnement et une causalité propres, même si l'on admet la dépendance de celle-ci à l'égard de l'activité cérébrale. La littérature du XIXe siècIe ne manque pas de mettre en scène le personnage du médecin matérialiste convaincu s'opposant au curé du coin. On peut douter que nous soyons sortis de cette représentation simpliste, quand on assiste à l'assaut de certains neurobiologistes contre l'« Esprit », dont l'acte d'accusation englobe et amalgame le psychisme et se résume ainsi : « si vous croyez au psychisme, c'est que vous ne croyez pas à la physiologie du cerveau, c'est que vous croyez à l'Esprit ; c'est en fin de compte que vous êtes religieux, c'est-à-dire fanatique et antiscientifique ». J'exagère ? Pas vraiment. Le psychisme reste un domaine obscur, inquiétant, redoutable. Chacun s'autorise d'une compétence en ce domaine, comme s'il possédait de la science infuse. La maladie mentale existe, mais si les investigations cérébrales ne révèlent rien, être malade psychiquement, ce n'est pas être vraiment malade, c'est avoir une maladie imaginaire. Ou bien dans le cas contraire, c'est une maladie dont le support somatique s'ancre dans la génétique dont on ne tardera pas à connaître les véritables causes. Elle rejoint alors le cortège des maladies du destin. Et les névroses ne sont-elles pas les troubles dont souffrent ceux qui n'ont rien à faire d'autre que d'y penser, ou qui « s'écoutent » ?

Quant à la psychanalyse, on sait bien qu'elle ne sert à rien et qu'elle est une escroquerie. Que les chercheurs quittent leurs laboratoires, qu'ils prennent le chemin des consultations de psychiatrie. ils sentiront alors le poids de la maladie mentale et de sa souffrance. Qu'ils s'interrogent sur le fait que la consommation des tranquillisants dépasse de loin celle de tous les autres produits et atteint des proportions inquiétantes. Thérapeutique psychotrope ou toxicomanie légale ? Il est sans doute plus simple et plus expéditif de prescrire et de se débarrasser de l'ennuyeux angoissé que de chercher à comprendre le fonctionnement psychique d'un individu singulier.

L'exigence de scientificité est parfois confondante de naïveté. Il y a quelques années, au cours d'une réunion sur la recherche en psychiatrie, réunissant d'éminents psychiatres, expérimentalistes, neurophysiologistes, neuropharmacologistes, une autorité en neuropharmacologie exprima ses plaintes et ses griefs à l'égard des psychiatres qui, disait-il, « ne savaient pas faire de la recherche ». Ainsi, comme il était extrêmement important de savoir ce qui advenait aux médicaments au-delà de la barrière méningée, la seule manière de lever l'obstacle était de pratiquer sur les patients traités des ponctions sous-occipitales fréquentes, quotidiennes et même pluri-quotidiennes. Il est clair que ce chercheur n'avait jamais vu un malade mental de sa vie et n'avait pas la moindre idée de ce que pouvait représenter, en soi, pour un malade mental, la piqûre d'une aiguille à la base du crâne pour en prélever le liquide céphaIo-rachidien. C'aurait pourtant été un beau projet de recherche que d'étudier la psychose expérimentale comme maladie induite par le médecin ! Le 12 décembre 1978, au cours d'un entretien avec J.-P. Changeux, d'où devait partir l'idée du projet qui deviendra L'homme neuronal , Jean Bergès racontait qu'il avait entendu Jacques Monod dire que, si l'on suspendait pendant un certain nombre d'années les dépenses entrainées par les malades mentaux et qu'on affectait cet argent à la recherche, eh bien, lui se faisait fort de percer l'énigme biologique de la maladie mentale 3 et de la traiter efficacement. La vision de la psychiatrie développée par J.-P. Changeux ou J. Monod laisse rêveur. En mettant en avant les seuls effets des molécules, elle repose sur un déni fondamental de toute organisation psychique, qui ne serait pas le reflet d'une désorganisation neuronale primitive.

Nous n'avons pas fini de chaudronner : une troisième attitude se fait jour parmi les biologistes. Loin du déni ou de la confusion, voici que des chercheurs des plus sérieux auraient découvert les bases biologiques de l'Inconscient. Et d'autres de prétendre avoir dévoilé « les mécanismes inconscients de la pensée » 4.

Ainsi, la boucle est bouclée, les trois arguments du chaudron ont été défendus. La

publication de l'ouvrage de Connes et Changeux Matière à pensée 5 me permet de reprendre et de développer une discussion antérieure sur L'homme neuronal de J.-P. Changeux. La thèse de J.-P. Changeux 6 est connue depuis 1982 : tout fonctionnement mental s'inscrit dans un déploiement physique de cellules et de molécules et dans leurs remaniements. Le développement actuel de cette thèse tend à la formalisation mathématique de la position précédente. Un mécanicisme sans doute, mais que l'on pourrait donc mimer par la logique des équations. Je pense que la validité de ces thèses peut s'argumenter à partir de la mécanique définie par Changeux pour tenter de rendre compte des processus de création, par exemple de création scientifique.

Avant d'aller plus avant, j'aimerais cependant préciser que je suis persuadé qu'aucune activité psychique n'est indépendante de l'activité cérébrale. Mais je tiens à ajouter que cette opinion n'infère nullement que la causalité psychique soit à trouver dans l'ensemble des structures du cerveau. Les modèles de l'activité psychique conçus par les scientifiques sont tout à fait insuffisants. Changeux fait observer que quelqu'un qui fait une psychanalyse n'acquiert pas pour autant la connaissance de son cerveau. Certes, mais la connaissance du cerveau permet-elle de connaître ce qui se passe au cours d'une pychanalyse ? Il est permis d'en douter. Reste que la connaissance du cerveau permet la connaissance... du cerveau. Je pense, contrairement à J.-P. Changeux, que de tous les modèles existants de l'activité psychique, y compris les modèles de la neurobiologie, ceux de la psychanalyse freudienne me paraissent, en dépit de leurs imperfections, ceux dont l'intérêt est le plus grand pour comprendre les pensées et les productions humaines, sans pour autant les couper du psychisme ordinaire. Les modèles de la psychanalyse freudienne maintiennent les relations du psychique au corporel, tout en reconnaissant l'obscurité de leurs rapports ; ils font la part du développement culturel ; ils soulignent l'intérêt d'une constitution progressive de la psyché qui fasse sa place aux relations avec l'autre, qui est en même temps le semblable ; ils s'efforcent enfin de préciser ce qui détermine l'organisation psychique et qui fonde un mode de causalité spécifique la causalité psychique.

C'est ce dont les hypothèses fondamentales et les conceptions théoriques de la psychanalyse freudienne s'efforcent de rendre compte : les pulsions ancrent le psychique dans le somatique ; le refoulement trouve partiellement son origine dans les effets de la culture ; le développement de la psyché repose en partie sur l'identification aux figures parentales ; les fantasmes primaires organisent l'expérience imaginaire ; l'investissement de ce qui est chargé de sens et important est le moteur de la causalité psychique. Ainsi, la formulation du vieux problème des relations corps-esprit ne reçoit de réponse satisfaisante à mes yeux ni dans la réduction exclusivement au profit du corps, ni dans le postulat de l'existence d'un psychisme d'essence indépendante de celle du corps. La formulation à laquelle je me range repose sur l'hypothèse d'un dualisme de fait qui réclame des justifications que je ne puis donner ici faute de place.

Cela pose la question des limites entre le vivant et le psychique, question qui soulève bien des problèmes. Mais elle plaide en faveur de la reconnaissance de la spécificité humaine qui fonde le psychique. C'est aussi pourquoi la recherche des facteurs pertinents pour fonder cette spécificité du psychisme humain a varié au cours des époques et pourquoi les scientifiques n'ont pas cessé d'adopter une attitude ambiguë à son propos. Qu'on en juge. La notion de spécificité humaine a longtemps été victime d'une perspective intellectualiste : l'homme possédant l'intelligence se situait au sommet de l'échelle des animaux soumis à l'instinct. Or la neurobiologie devait démontrer que l'homme partageait avec l'animal les mêmes constituants organiques et donc, implicitement, les mêmes modalités élémentaires de fonctionnement. La connectivité ou la circulation d'informations dans le « câblage » des neurones a pris le relais en devenant la clé de la compréhension des accomplissements du cerveau humain. Mais cette épistémologie n'a pas beaucoup amélioré la situation même quand elle espère une résonance du biologique au niveau des mathématiques, dont témoigne l'échange entre A. Connes et J.-P. Changeux dans Matière à pensée . C'est que la stratégie théorique des approches dites scientifiques consiste toujours à chercher la spécificité du côté des activités que l'homme seul peut accomplir, et non dans la mise en perspective de ce qui diffère entre l'animal et l'homme lorsque l'on considère des activités homologues.

Pour prendre un exemple, on devrait plutôt comparer l'instinct sexuel animal à la sexualité humaine pour que la comparaison ait quelque sens. En fait, ce qui paraît au détour de ces raisonnements était posé à son origine : donner une image de la spécificité humaine comme délivrée de sa sujétion au corps sexué. De nos jours, le fondement de la spécificité humaine est recherché du côté du langage. L'homme en dispose ; les animaux n'en disposent pas. Mais c'est alors parer au plus pressé que de donner au mot langage, lorsque cela arrange et pour éventuellement annuler son sens, une signification qui relève d'autre chose que de la linguistique. C'est ce qui s'est produit lors du colloque sur la spécificité de l'homme qui s'est tenu à Royaumont en 1974 7. M. Piatelli-Palmarini faisait état de seize traits distinctifs entre la communication des primates et le langage humain. Or nombre d'entre eux sont probablement rattachables à des propriétés extralinguistiques. Ici, la faute de raisonnement en la matière est de considérer que puisque les approches biologiques sont scientifiques, c'est que les phénomènes mentaux s'y réduisent, alors que l'analogie ne repose que sur la mise en condition scientifique d'une fraction ténue de l'ensemble des phénomènes psychiques envisagés, que rien n'autorise à valoriser de la sorte pour la compréhension de l'objet étudié.

La vague la plus récente de l'offensive antipsychanalytique des biologistes naquit durant les années 1960. Deux ouvrages de biologistes devaient s'imposer : Le hasard et la nécessité de Jacques Monod et La logique du vivant de François Jacob. Alors que le second faisait preuve de prudence, le premier adoptait une attitude résolument incisive. Quinze ans après, le ton se durcit avec l'esprit de conquête de J. -P. Changeux, élève de J. Monod, prolongateur de sa pensée et partisan déclaré d'un mécanicisme tranquille. C'est l'essence de l'Homme neuronal . Avec Jacques Ruffié, Michel Jouvet, Henri Korn, etc., Changeux s'attaque frontalement à la psychanalyse pour traquer les erreurs de Freud ou faire valoir l'optique de leur science sur la dimension psychique. Le problème est que leurs explications se situent dans une perspective qui n'apporte pas le moindre éclairage au niveau où se placent les analystes, c'est-à-dire celui de la réalité psychique. C'est que ce niveau n'a pour eux aucun sens. Leurs outils ne visant pas la vie psychique au sens des psychanalystes, ils en nient donc tout simplement l'existence, alors que leurs outils ne réussissent qu'à en donner une image dérisoire. Il est dommage que les prises de position polémiques empêchent une vraie discussion de s'établir. Exception parmi les scientifiques mais est-il une exception ou l'un des rares qui s'expriment ?, un biologiste est conscient des enjeux spécifiques des différentes méthodes employées pour décrire la réalité d'un individu 8.

Nous avons, quant à nous, fait remarquer qu'à tous les niveaux, autant la science a la possibilité d'examiner les mécanismes du fonctionnement cérébral, autant, quand la science se mêle d'aborder le psychique, elle ne manque pas de se commettre dans des raisonnements discutables 9. C'est que la science se refuse à analyser les conditions exactes de sa production effective, c'est-à-dire les conditions même d'apparition de l'« idée » créatrice, dans sa démarche comme ailleurs. Elle ne prend pas en compte le fait que l'idée créatrice dérive de processus associatifs parfaitement en dehors de la logique rationnelle et sur lesquels précisément la science ne sait rien dire, alors qu'elle a beaucoup à dire sur la production scientifique elle-même. C'est dire à quel point une position extrême de la biologie devient insoutenable. Jusqu'à présent la biologie se donnait pour but la connaissance d'un champ particulier, le vivant. Avec la neurobiologie moléculaire, elle se donne donc désormais pour but d'expliquer la Science, je veux dire les conditions d'apparition de l'idée scientifique. C'est ce qui ressort du dialogue dans lequel Changeux veut convaincre son collègue mathématicien de la dépendance des mathématiques à l'organisation cérébrale ! La question est alors de savoir si l'on peut soutenir une telle visée tout en restant fidèle aux critères qui fondent la démarche scientifique.

C'est le problème de la fin et des moyens qui est ici posé. C'est au niveau des concepts que la discussion doit s'engager et il me semble que les arguments des biologistes risquent de se retourner contre eux. Soucieux de combattre toute théorie qui survalorisait à des fins « spiritualistes » la différence entre l'animal et l'homme, ils n'ont cessé de souligner l'absence, en biologie, de propriétés exclusivement spécifiques de l'humain. S'il est bien clair que le récepteur à la dopamine ou à l'acétylcholine est le même chez le rat et l'homme, ces constatations qui servaient d'abord le combat militant des neurobiologistes vont leur poser des problèmes inattendus lorsque l'on s'attaque à la spécificité humaine. Car s'il est vrai que la marge des différences est si étroite, la connectivité à elle seule suffit-elle à rendre compte de cette spécificité humaine qu'il leur faut bien reconnaître ? Peut-être faut-il invoquer qu'une petite différence devienne décisive par ses conséquences qualitatives ? Et c'est là, dans ces conséquences qualitatives, qu'apparaît l'obligation de réintroduire ce dont on voulait à tout prix circonvenir l'influence : le psychisme, sa relation au langage et les rapport de ce dernier avec la pensée. Pour éviter que la psychanalyse devienne digne de considération, une contre-stratégie lui préfère une conception autre du psychisme. C'est ce que l'on tente aujourd'hui avec l'approche « cognitiviste » de la psychologie dont il n'est pas surprenant que la dimension également mécaniciste dérive dans l'intelligence artificielle. Un effet de plus de la volonté de dissocier l'affectif et le cognitif.

Le lien de la neurobiologie à la recherche de la vérité passe par la méthode expérimentale. Apparemment le sujet pensant le scientifique se sert de l'outil approprié qu'est la « machine » pour découvrir, tester, démontrer une hypothèse. J'entends par machine l'ensemble allant de l'hypothèse à l'instrumental. Supposé commander cette machine et la dominer, puisque ses prémisses seraient purement rationnelles, le scientifique en fait, ne peut penser que ce que sa machine est capable de faire, c'est-à-dire de tester, de vérifier. Le tour de passe-passe consiste donc à faire croire que c'est dans la liberté de pensée qu'a été conçue l'idée à découvrir, la machine ne faisant que le démontrer. Les contraintes de la production scientifique obligent à un rapprochement de plus en plus grand entre la façon dont fonctionne la machine et celle dont doit penser le scientifique pour produire un savoir pourtant considéré implicitement comme indépendant de celle-ci. Il est facile de voir le cercle vicieux que constituera l'utilisation de machines supposées mimer le fonctionnement mental 10. C'est l'une des orientations de la neurophysiologie actuelle avec son recours aux modèles formalisés et aux machines logiques : l'enjeu irréfléchi est ici la réflexion sur la genèse de la pensée scientifique, sur la genèse de toute pensée qui ne serait pas automatique...

Cela nous introduit à l'avancée neurobiologique la plus ambitieuse et la plus récente : chercher un fondement mathématique aux modèles de la neurophysiologie. C'est l'objet de la discussion entre J.-P. Changeux, neurobiologiste, et A. Connes, mathématicien. Un fondement mathématique à la neurobiologie est important pour Changeux, non seulement à cause des prétentions à la rigueur de la neurobiologie, mais surtout à cause de l'idée selon laquelle la pensée mathématique pourrait offrir un modèle de fonctionnement cérébral « pur ». Fières de réussir dans la construction d'une pensée pouvant fonctionner indépendamment de tout contenu, les mathématiques sont néanmoins prises dans une contradiction. Celle d'être le critère quasi absolu de la scientificité lorsqu'elles réussissent à avancer la compréhension de phénomènes existant dans la réalité, alors même qu'une partie d'entre elles tient sa valeur d'un critère exactement opposé : celui de ne se compromettre avec aucune donnée appartenant à la réalité du monde physique. Aussi les mathématiques sont-elles, selon les biologistes, invoquées comme garantes de la vérité scientifique Changeux et tantôt récusées comme science confinées à n'être qu'une logique A. Lwoff. Dans son dialogue avec le mathématicien A. Connes, J. -P. Changeux est persuadé que c'est Connes qui possède les bons outils intellectuels qui lui serviraient, lui, Changeux, à avancer dans son propre champ. Mais il veut convaincre son interlocuteur que c'est lui, Changeux, qui tient, en dernière instance, la clé de ce que fait Connes, parce qu'à défaut de posséder les moyens de son interlocuteur, son objet est le substrat véritable le cerveau qui produit ces moyens : « L'équation mathématique décrit une fonction et permet de cerner un comportement, mais pas d'expliquer le phénomène. En biologie, l'explication va de pair avec l'identification de la structure qui, sous-jacente à la fonction, la détermine » 11. L'obsession de pureté de Changeux les mathématiques comme « synthèse épurée de tous les langages, une sorte de langage universel » 12est en fait la voie de la facilité. Car le cerveau, à ce que j'en sais, ne fonctionne pas de façon si « purement » homogène. Bizarrement, c'est Connes qui devient objectiviste en postulant la réalité non humaine des mathématiques et Changeux « subjectiviste » puisqu'il lie le fonctionnement mathématique à la structure du cerveau humain 13. C'est en tout état de cause reposer le vieux problème du rapport entre réalité et perception, qui n'est pas davantage réglé par cette discussion.

On ne pourra pas éviter de se demander comment le même cerveau capable de raisonner mathématiquement peut aussi entretenir les idées qui poussèrent Newton vers l'alchimie, ou Cantor à rechercher l'appui du Vatican. La « purification » ici est pour le moins imparfaite ! La science explique ce qui doit être tenu pour vrai ; elle devrait aussi, me semble-t-il, découvrir la raison d'être du faux.

Si Changeux se défend d'assimiler le réel biologique à des objets mathématiques, il ne paraît pas soucieux de tirer les conséquences de son attitude : « On sélectionne le modèle qui s'adapte le mieux. » On ne saurait mieux dire. Encore serais-je tenté d'ajouter : « Pour comprendre ce que l'on peut comprendre et discréditer ce qu'on ne comprend pas comme n'étant pas susceptible d'être "sélectionné" par un modèle mathématique » ! Ainsi Changeux reprochera-t-il aux physiciens de ne pas avoir tenu compte, en dehors des rôles de l'instrument de mesure et du regard de l'observateur, de leur « propre fonctionnement cérébral ». De quel côté est « l'erreur épistémologique grave » 14 dénoncée par le biologiste ? Du côté des physiciens négligents ou de celui du neurobiologiste qui assimile purement et simplement « fonctionnement cérébral » tel qu'il est connu par la science aujourd'hui et « fonctionnement mental » en termes d'analyse, de jugement, d'autoréférence ? Et ce sera Connes qui introduira la part de l'affectivité dans la recherche, cette référence bannie du discours neurobiologique 15. Curieusement, le psychanalyste se sentirait plus proche ici du mathématicien que du neurobiologiste. Il y a d'ailleurs une pensée mathématique qui peut rencontrer le discours de la psychanalyse, sans le chercher ou l'éviter. Ainsi Esquisse d'une sémiophysique du mathématicien René Thom présente des concepts mathématiques qui suggèrent des fonctionnements pas tellement éloignés de certains concepts psychanalytiques 16.

Ceci dit, on peut se demander si la position de J.-P. Changeux est admise dans tout le monde des biologistes et des neurobiologistes. D'une part, un débat actif existe dans les neurosciences et, d'autre part, pour considérer le seul registre psychanalytique, il existe des biologistes qui peuvent écrire le mot sens sans le flanquer de guillemets. Ainsi Henri Atlan indique comment un changement de niveau dans des organisations hiérarchiques « consiste en une transformation de ce qui est distinction et séparation à un niveau élémentaire en unification et réunion à un niveau plus élevé »17. La psychanalyse se trouve au coeur du questionnement qu'il énonce : comment parler de ce pour quoi nous n'avons pas de langage adéquat, parce que nos méthodes d'observation qui conditionnent notre langage ne sont pas encore adéquates ? La difficulté bien repérée ici est due à l'impossibilité d'observer tous les niveaux avec la même précision.

Le paradoxe, c'est qu'en fin de compte aussi bien Changeux, qu'Atlan et Thom, concluent que la solution du problème qui nous retient est de savoir ce qui fait que la parole a un sens. Et c'est aussi notre avis. C'est le langage qui fonde la validité de l'expérience psychanalytique comme autre manière de faire fonctionner la parole afin d'accéder à la réalité de l'inconscient. Sans pour autant conclure, comme l'a fait hâtivement Lacan, que l'inconscient est structuré comme un langage. Pour Atlan, comme pour nous, l'émergence des significations relève de l'examen des rapports du langage à la pensée rapports cerveau/langage et langage/pensée - ce qui exige sans doute une ré-appréhension de ce qu'est la pensée, cette fois-ci à la lumière des hypothèses psychanalytiques.

Il semble pourtant que même les plus radicaux des biologistes admettent l'existence d'une activité psychique, à condition de l'envisager au niveau collectif. Comme si la constitution des groupes humains avait eu le pouvoir de générer le psychisme d'une manière analogue au fruit de la collaboration des « assemblées » de neurones. Groupes de neurones en « assemblée » et hommes réunis en « société », le psychique pourrait naître de ce « collectivisme », semble-t-il. Car L'homme neuronal de J.-P. Changeux se terminait déjà par des réflexions sur le phénomène collectif de la culture, alors que parlant de l'individu, sa conception de l'image mentale était des plus simplistes 18. Prenons un exemple simple. Reportons-nous au numéro spécial de La Recherche sur la sexualité paru en septembre 1989. Comparons la pensée qui sous-tend tous les articles d'inspiration biologique et médicale sur les problèmes relatifs à la sexualité avec celle qui inspire l'exposition de Maurice Godelier, socio-anthropologue, spécialiste des Baruyas de Nouvelle-Guinée. « Sexualité, parenté et pouvoir », titre de sa contribution, permet de mesurer non pas tant l'écart entre les biologistes et le socio-anthropologue que celui de la carence des concepts qui permettraient de passer des uns à l'autre et que, en revanche, la psychanalyse pourrait posséder. Et pour cause dira-t-on.

Ayant fait la critique des présupposés intellectuels de la science biologique, les psychanalystes se situeraient-ils, dans le pur ciel des idées, à partir du choix de paramètres moins fondés que ceux des neurosciences ? Je souhaite que l'on se souvienne que les psychanalystes, tout comme les psychiatres, ont une activité thérapeutique. Que nous dit la neurobiologie de ces pièges à souffrance humaine ? Mettra-t-on en doute les positions de ces thaumaturges menacés par les progrès fulgurants de la thérapeutique psychiatrique ? Tournons-nous vers les théoriciens de la psychiatrie contemporaine, G. Lanteri-Laura, M. Audisio, R. Angelergues 16 et E. Zarifian. Nous ne nous attacherons qu'à ce dernier, car en tant que représentant de la psychiatrie pharmacologique, et fort peu suspect de sympathies psychanalytiques, sa critique des représentants des neurosciences est à prendre en considération. Il accuse ceux-ci de défendre des positions abusives en invoquant une causalité purement cérébrale aux maladies mentales, et de méconnaître dans cette optique le rôle du temps et de l'environnement. Il souligne leur confusion entre pensée et psychisme. Il dénonce leurs revendications méthodologiques. « L'application de la quantification, de la statistique et des méthodes de la biologie n'a, à ce jour, strictement rien apporté comme découverte importante à la psychiatrie » 19. La progression des connaissances s'est faite en sens inverse de ce qui était souhaité, vers le plus petit le neurone et ses molécules là où l'on espérait des lumières sur le plus grand l'individu et ses rapports aux autres.Plus on « descend » vers la cellule, moins les phénomènes relatifs au comportement deviennent intelligibles. Si tant est que le comportement soit la bonne référence...

Quant au prestige tiré de la connectivité, Zarifian montre qu'il y manque l'essentiel pour une conception neurobiologique à prétention explicative de l'humain : la connexion entre les parties superficielles et profondes du cerveau. « L'idéologie neurobiologique est propagée par des psychiatres qui ne connaissent rien, à la neurobiologie et par des neurobiologistes qui ne connaissent rien à la psychiatrie » 20. La dernière-née des stratégies théoriques pour circonvenir la psychanalyse au moyen d'arguments tirés de la biologie n'est plus de réfuter l'existence de l'inconscient à la manière d'un J. Monod, c'est de ramener cette existence à ce que la neurobiologie prétend éclairer. Autant dire qu'il faudra préalablement contraindre le psychisme à entrer dans la grille des circuits qui sont à la portée des conceptions neurobiologiques. Ainsi aux dernières nouvelles, par une interprétation sommaire de l'action pharmacothérapique, le substrat de l'inconscient est-il attribué aux neurones dopaminergiques. Lors du rêve, « seules parmi les cellules monoaminergiques, les neurones dopaminergiques n'ont pas changé d'activité, l'équilibre métabolique aires sensorielles/aires limbiques est nettement en faveur des aires limbiques ; le système nerveux central fonctionne sur le mode inconscient » 21.

Cette « découverte » est connue de ceux qui s'intéressent à ces questions depuis les années cinquante, où les discussions sur le « dreamy-state » de l'épilepsie temporale, suite aux travaux de Penfield, avaient déjà permis de soupçonner le rôle du système limbique dans ce type d'altération de la conscience. Seul s'y trouve ajouté le rôle des neurones dopaminergiques. Cet exemple parait fondé sur une conception biochimique des maladies mentales encore inexistante à ce jour. Aussi veut-on accréditer l'idée que l'équilibre conscient/inconscient dépendrait des rapports des systèmes mono- aminergiques et doparainergiques. C'est bien la seule démarche possible : pour éviter d'entrer dans la complexité de l'objet immaitrisable par les procédures expérimentales, il s'agira de ramener l'investigation à la façon dont la machine pourra le traiter en laissant croire qu'on n'a pas ainsi modifié l'objet. En un temps ultérieur, la complexité initiale aura disparu au profit du traitement de sa forme simplifiée. Ainsi la conclusion de l'article cité plus haut dit-elle : « Les connaissances neurobiologiques actuelles peuvent donc rendre compte, sans pour autant le démontrer, de l'existence d'un mode de fonctionnement particulier différent du conscient et assimilable à l'inconscient décrit en psychanalyse. » 22. Nous savons bien que le lecteur de cette revue n'est pas familier avec le langage et les concepts psychanalytiques. Nous pourrions lui demander, afin qu'il se fasse une idée de ce qu'est le psychique, de s'interroger sur les circonstances de sa lecture d'un tel article, et sur l'analyse de ses états d'âme à l'orée de celle-ci. Une idée plus complète, encore que très incomplète, de cette notion exigerait qu'il s'interroge sur son état d'esprit au moment d'arriver à la fin de sa lecture, pour envisager le déroulement rétrospectif de ce qui s'est passé en lui. En ce qui me concerne, je ne pensais pas pouvoir être en mesure de fournir une explication de ce qu'est le psychisme. Ce serait déjà beaucoup si j'étais parvenu à donner une idée de ce qu'il n'est pas...
1 C. Blanc , « Conscience et inconscient dans la pensée neurologique actuelle », in Colloque de Bonneval , Desclée de Brouwer, 1966

2 J.D. Vincent, Biologie des passions , O. Jacob, 1985

3 J. Bergès, Ornicar , 17/18, 166, 1979

4 J. Weiss, « Les mécanismes inconscients de la pensée », Pour la Science

5 A. Connes, J.-P. Changeux, Matière à pensée , O. Jacob, 1989

6 A. Green, « L'homme machinal », in Le Temps de la réflexion , IV, 345-369, Gallimard, 1983

7 Colloque de Royaumont, L'unité de l'homme , Le seuil, 1974

8 G . Gachelin, « Vie relationnelle et immunité », in J. MacDougall et al. eds , Corps et Histoire, Les Belles Lettres , 1986

9 A. Green, « Méconnaissance de l'Inconscient », in L'Inconscient et la Science , ouvrage collectif, Dunod, 1991

10 Ibid. 5 p. 255

11 Ibid. 5 p. 91

12 Ibid. 5 p. 39

13 Ibid. 5 p. 86

14 Ibid. 5 p. 97

15 Ibid. 5 p. 112

16 R. Thom, Esquisse d'une sémiophysique ; « Saillance et prégnance », in L'Inconscient et les Sciences , op. cit., Apologie du logos , Hachette, 1992

17 H. Atlan, « L'émergence du nouveau et du sens », in Paul Dumonchel et Jean Pierre Dupuy sous la dir., L'auto-organisation de la physique au politique, Colloque de Cerisy , Le Seuil, 1983

18 R. Angelergues, La psychiatrie devant la qualité de l'homme , PUF, 1989 ; M. Audisio, Psychisme et biosystèmes , Privat, 1978 ; G. Lanteri-Laura, Clefs pour le cerveau , Seghers, 1987

19 E. Zarifian, Les jardiniers de la folie , O. Jacob, 1988, p. 12

20 Cf. note 16, p. 101

21 J.P. Tassin, Neurp-Psy , 4, 1989

22 Loc. cit. Neuro-Psy , 4, 421, 1989
SAVOIR
J. -P. Changeux, L'Homme neuronal , p. 7

Loc. cit., chap. I

J. -P. Changeux et S. Dehaene, « Modèles neuronaux des fonctions cognitives », in J.N. Missa ed, Philosophie de l'esprit et sciences du cerveau , Vrin, 1991

J. Vuillemin, « Kant », in Les philosophes célèbres , Mazenod, 1956

E. Kant, L'anthropologie du point de vue pragmatique , trad. M. Foucaud, Vrin, 1970

A. Green, « Méconnaissance de l'inconscient », in R. Dorey sous la dir. de, L'Inconscient et la Science , Dunod, 1991

R.B. Perry, The thought and character of William James , vol. I, p. 479, Boston, 1935

R. Angelergues, « Intervention au VIe colloque de Bonneval, 1960 », in L'Inconscient , Desclée de brouwer, 1965, pp. 242-243

P. Tassy ed, L'ordre et la diversité du vivant , Fayard, 1992

G. Edelman, Bright air, brilliant fire , Basic Books, 1992

L. Ritvo, L'ascendant de Darwin sur Freud , trad. et préface de Patrick Lacoste, Gallimard, 1992

Voir R. Carnap, J. Fodor et le cognitivisme logique de Régine Kolinsky et de José Morais dans Philosophie de l'esprit et sciences du cerveau

P. Engel, Psychologie populaire et explications cognitives , loc. cit

G. Gillett, Meaning and the brain philosophy and neuroscience , loc. cit.

J.D. Vincent, Biologie des passions , O. Jacob, 1986, p. 14

A. Green, « L'Homme machinal », Le temps de la réflexion , 1983

R. Tissot, « La psychiatrie biologique peut-elle rattacher la clinique psychiatrique au cercle des sciences ? », in Psychiatrie française , n° spécial 99

J. -P. Changeux, « le théâtre de la vie », in Viera da silva , Skira, 1988, pp. 52-54

G. Edelman, loc. cit., p. 145

 

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