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FASCISME

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fascisme


(italien fascismo, de fascio, faisceau)

Consulter aussi dans le dictionnaire : fascisme
Cet article fait partie du dossier consacré au totalitarisme.
Régime établi en Italie de 1922 à 1945, instauré par Mussolini et fondé sur la dictature du parti unique, l'exaltation nationaliste et le corporatisme. Doctrine ou tendance visant à installer un régime autoritaire rappelant le fascisme italien.

1. LES ORIGINES DU FASCISME ITALIEN
On ne saurait comprendre l'émergence du fascisme sans un rappel des déséquilibres et dysfonctionnements de l'Italie issue du Risorgimento.

1.1. L'UNITÉ INACHEVÉE DE L'ITALIE
L'État national italien s'est établi tardivement. Il faut attendre la décennie 1860-1870 pour que se constitue en 1861 autour du Piémont-Sardaigne le royaume d'Italie (→ histoire de l'Italie). L'annexion de Rome – source d'un contentieux avec la papauté – est accomplie seulement à l'automne 1870. Réalisée par le haut, la Renaissance nationale (→ Risorgimento) n'a pas permis d'intégrer les masses populaires.
Qui plus est, jusqu'à l'introduction du suffrage universel masculin en 1912, le système politique (régi par la Constitution de 1848 [lo Statuto]), est dominé par les élites traditionnelles grâce à l'instauration d'un régime censitaire. À la veille de la Première Guerre mondiale, l'Italie souffre d'un décalage croissant entre le pays légal et le pays réel.
Le refus des catholiques de participer aux élections, l'absence de véritables partis politiques, le recours permanent à la combinazione pour dégager des majorités, les méfaits du clientélisme concourent à ruiner la légitimité de l'édifice politique.
Ces difficultés se renforcent de l’inégalité du développement économique entre le Nord industrialisé (Gênes, Milan, Turin) et un Sud (Mezzogiorno) à vocation agricole.
L'habileté de Benito Mussolini, l'agitateur socialiste qui va devenir le principal promoteur du fascisme, est précisément de tirer parti de ces difficultés au moment où se dessinent les contours d'une crise d'identité nationale.
Le terme de faisceaux, qui renvoie à l'Antiquité romaine, apparaît d'ailleurs pour la première fois en Italie à propos du soulèvement des paysans de Sicile qui, en 1893-1894, forment des « faisceaux » de grévistes révoltés contre les conditions de travail inhumaines dans une province laissée pratiquement à l'abandon par le gouvernement de Rome. Ce mouvement rencontre de nombreuses sympathies dans toutes les classes sociales et contribue au développement de l'idéologie socialiste, qui ne cesse de progresser, spécialement dans la vallée du Pô, durant les vingt années séparant cet épisode révolutionnaire de la Première Guerre mondiale.

1.2. LA POUSSÉE ULTRA-NATIONALISTE
En 1914, il existe dans le pays une minorité composite formée de nationalistes bourgeois et de jeunes prolétaires anarcho-syndicalistes qui espèrent trouver dans la guerre le moyen de secouer l'immobilisme d'un régime aux mains du monde conservateur.
Bien que suscitée par des mobiles contradictoires, leur propagande retient vite par sa violence l'attention de Mussolini, qui y discerne pour lui-même l'occasion de s'élever politiquement sans que, toutefois, le but ultime de cette ascension – la conquête du pouvoir – lui apparaisse encore.
Peu à peu se dégage ainsi un courant idéologique influencé tout à la fois par le syndicalisme antiparlementaire notamment représenté par Hubert Lagardelle, le thème de la régénération par la violence de Georges Sorel, le nationalisme de Charles Maurras et celui de Gabriele D'Annunzio.

1.3. MUSSOLINI, L'ENTRÉE EN JEU D'UN OBSCUR MILITANT
Au printemps de 1914, l'ex-instituteur Benito Mussolini acquiert une première célébrité durant la « semaine rouge » qui bouleverse la vie des provinces limitrophes de l'Adriatique. Il dirige alors le principal quotidien socialiste, Avanti !, qui paraît à Milan ; lorsque la guerre éclate, il y exprime le refus radical des socialistes italiens de participer à la guerre dans laquelle s'engagent les grandes puissances.
Soudain, en octobre 1914, après avoir noué des contacts dans les milieux qui sympathisaient avec la cause alliée, Mussolini abandonne la direction d'Avanti ! ainsi que le parti socialiste pour fonder en novembre un quotidien rival, Il Popolo d'Italia, qui va soutenir une politique diamétralement opposée à celle de ses anciens amis. Il prône la nécessité, pour la grandeur de l'Italie et le triomphe d'une révolution constructive, de rompre l'alliance avec les Empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) et de participer à la guerre aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne, ce qui va finalement se produire en mars 1915 (→ Première Guerre mondiale).

1.4. LA « VICTOIRE MUTILÉE » ISSUE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
En 1918, l'Italie sort victorieuse mais déçue dans ses espoirs d'expansion et profondément troublée à l'intérieur.
Le succès de la révolution russe de 1917 y a fortifié les positions du parti socialiste, demeuré foncièrement hostile à la participation de l'Italie à un règlement de comptes international, qui, en somme, ne la concernait pas directement. La classe ouvrière le fait durement sentir aux officiers, insultés, et parfois brutalisés dans les rues, tandis que les syndicats, les maisons du peuple et les coopératives socialistes prennent un essor considérable.
Ces violences et ces succès de l'idéologie révolutionnaire ne tardent pas à susciter l'inquiétude des milieux bourgeois, surtout des propriétaires fonciers de la vallée du Pô, auxquels les grèves endémiques des travailleurs agricoles causent des pertes croissantes.

1.5. LES FAISCEAUX DE COMBAT
Dès le 23 mars 1919, à l'appel de Mussolini, une organisation groupant, sous le nom de Faisceaux de combat (dont l’uniforme est la Chemise noire), les éléments qui ont favorisé l'intervention italienne dans la guerre, auxquels se sont joints nombre d'officiers et de soldats démobilisés, se constitue place San Sepolcro, à Milan, et esquisse un programme d'action politique et sociale.
Ce programme dit de San Sepolcro, sans grande portée, mêle des revendications traditionnelles – telles que la journée de huit heures, le salaire minimum garanti ou la représentation proportionnelle aux élections – à des résurgences anticléricales et antimilitaristes d'un autre âge.

2. LA MONTÉE DU FASCISME EN ITALIE

2.1. DES DÉBUTS MODESTES (1919-1920)
Le mouvement fasciste est né, mais il n'a pas encore trouvé sa voie. Mussolini s'en rend compte lorsque, en novembre, ayant rompu avec une coalition électorale disparate et tenté sa chance seul à Milan, il n'obtient que 5 000 voix sur 270 000 votants, alors qu'il en escomptait 80 000. Ses amis socialistes d'autrefois remportent au contraire un éclatant succès (170 000 voix), mais l'heure de la revanche ne tardera pas.
Quand, en septembre 1920, les grèves s'étendent des services publics aux industries métallurgiques et à l'occupation des usines de Milan et de Turin – avec mort d'hommes – s'amorce en effet un choc en retour ; il ne cessera plus de s'amplifier et donnera au fascisme sa physionomie définitive de mouvement d'extrême droite.
Dans la typologie des fascismes établie par l'historien Pierre Milza (les Fascismes, 1985), cette agitation plébéienne et contestataire correspond au « premier fascisme ».

2.2. L'ESSOR DU FASCISME (1920-1922)
LA VIOLENCE COMME MOYEN D'AFFIRMATION

Les fils de propriétaires terriens, de membres des professions libérales, voire de commerçants et d'artisans s'organisent en escouades (squadre) de Chemises noires pour exercer des « expéditions punitives » ; l'argent leur est prodigué par les possédants, et l'armée leur accorde un soutien moral et souvent même des moyens de transport. Ils tombent à l'improviste dans un village, un bourg, une petite ville, mettent à sac ou incendient les lieux de réunion et les coopératives socialistes, en chassent et parfois tuent les occupants, puis regagnent les grands centres sans être poursuivis.
La terreur est telle dans la basse vallée du Pô que les paysans, épouvantés, désertent en grand nombre les ligues socialistes et s'inscrivent dans des orgnisations rivales que les fascistes font surgir pour regrouper, selon de nouvelles directives de type « paternaliste », ceux qui veulent bien les accepter.

L'ENTRÉE DES FASCISTES AU PARLEMENT (MAI-JUIN 1921)
Mal soutenu par l'opinion publique, le gouvernement réagit mollement. Le vieux libéral Giovanni Giolitti, redevenu chef du gouvernement en juin 1920, espère neutraliser les jeunes forces fascistes dans les combinaisons parlementaires traditionnelles ; pour cela, il favorise leur insertion dans la majorité qu'il escompte obtenir, après dissolution de la Chambre « ingouvernable » de 1919, à la faveur de nouvelles élections en mai 1921. Mais, cette fois, ses calculs s'avèrent illusoires.
Vingt-cinq profascistes et deux fascistes inscrits au « bloc national » sont élus grâce aux complaisances des autorités, et au premier rang, triomphalement, Mussolini à Bologne et à Milan avec 125 000 voix plus conservatrices qu'ouvrières. Dans le même temps de juillet 1920 à novembre 1921, le nombre des Faisceaux constitués à travers le pays passe de 108 à 2 300.
Si le chef du mouvement siège à l'extrême droite, son premier discours, le 21 juin 1921, attendu avec impatience, surprend par sa modération. En politique extérieure, Mussolini demeure attaché aux thèses nationalistes, et par conséquent hostile au traité de Rapallo conclu avec la Yougoslavie le 12 novembre 1920 par lequel l'Italie a renoncé à la Dalmatie pourtant revendiquée par les irrédentistes.
En revanche, il tend la main à la Confédération générale du travail, dans laquelle il feint de discerner un réformisme constructif opposé aux maximalistes du groupe parlementaire socialiste et au jeune parti communiste constitué en janvier à Livourne.
Surtout, Mussolini se montre plein de déférence envers l'Église catholique. Au Vatican, nombre d'esprits s'ouvrent à l'espoir de mettre fin, avec un « homme sans préjugés » comme Mussolini, à l'insoluble « question romaine » d'une papauté tournant le dos à l'État italien.

LA PREMIÈRE CRISE DU FASCISME (JUIN-NOVEMBRE 1921)
Mussolini s'efforce alors de convaincre ses amis de l'utilité d'un apaisement à l'intérieur et formule des offres de collaboration entre « les trois forces agissantes à l'heure présente dans la vie du pays » (socialistes modérés, démocrates-chrétiens du parti populaire italien et fascistes).
Mais ses partisans voient bien que leur leader songe avant tout à son triomphe personnel. Or, que serait-il sans eux ? pensent beaucoup de jeunes bourgeois activistes. Ils se refusent, dès lors, à jouer le rôle d'« utilisés » dans le mouvement et le font durement comprendre à Mussolini, principalement Dino Grandi, avocat de Bologne, dans son journal L'Assalto et lors d'un congrès de dirigeants provinciaux tenu dans cette ville le 17 août. Mussolini y est mis en minorité et doit s'incliner, renonçant à l'idée du pacte de pacification avec socialistes et démocrates-chrétiens.

NAISSANCE DU PARTI NATIONAL FASCISTE (NOVEMBRE 1921)
L'année 1921 se termine par un congrès national du fascisme en novembre à Rome, qui voit la transformation des Faisceaux de combat en un parti national fasciste et consolide son alliance avec le grand capital – alliance soudée par la renonciation totale aux nationalisations envisagées dans le programme initial de 1919.
Cet accord avec les milieux d'affaires correspond au « deuxième fascisme » dans la typologie de Pierre Milza.
Enfin, Mussolini est triomphalement réélu à la tête de la commission exécutive des Faisceaux.

2.3. LA CONQUÊTE DU POUVOIR

L'IMPUISSANCE DU RÉGIME PARLEMENTAIRE
Dès lors, le ministère Bonomi, qui a succédé à Giolitti le 1er juillet, s'efforce de résister au désordre, mais il se heurte à une recrudescence de la violence fasciste, qui brave ouvertement les autorités préfectorales ou municipales. Un projet de dissolution des escouades de combat est abandonné par le gouvernement, qui n'aurait pu le réaliser qu'au prix d'une guerre civile, le concours de l'armée régulière ne lui étant même pas assuré. Bonomi est finalement renversé par une coalition des socialistes, indignés de sa faiblesse, des fascistes, qui se jugent persécutés, et d'une partie des partisans de Giolitti, désireux de ramener leur chef au pouvoir.
Il s'ensuit une crise de deux mois (février-mars 1922), qui aboutit au pire résultat : un cabinet dirigé par un médiocre lieutenant de Giolitti, Luigi Facta, le recours au vieux leader ayant été écarté par le secrétaire général du parti populaire, don Luigi Sturzo, qui espérait placer l'un des siens à la présidence du Conseil.
Désormais, rien ne peut plus s'opposer à la vague fasciste, qui s'oppose à l'agitation sociale, de gauche, brisant par la force grèves et occupations d'usines.

MUSSOLINI PRÉSIDENT DU CONSEIL (OCTOBRE 1922)
Comme rien ne semble plus pouvoir fonctionner dans le pays sans l'aval du parti fasciste, pourquoi celui-ci reculerait-il devant la prise du pouvoir ?
Lorsque Luigi Facta se décide, trop tard, à une mesure de défense contre la prédominance fasciste en instituant à Rome l'état de siège, le roi refuse de signer le décret, et le ministère est contraint à la démission (28 octobre 1922). Ce sont les conseillers nationalistes du souverain eux-mêmes (Diaz, Federzoni) qui lui suggèrent de faire appel à Mussolini, dont les prétentions ont augmenté dans l'intervalle et qui refuse désormais de partager le pouvoir avec les vieux parlementaires.
Le 29 octobre, le roi invite Mussolini à venir le trouver de Milan pour y former le gouvernement.

LA MARCHE SUR ROME
Lancée de tous les coins d'Italie, la « marche sur Rome », que ses amis ont voulu organiser comme une démonstration de puissance, n'a plus vraiment de raison d'être. Elle se bornera dans l'après-midi du 29 octobre à une parade de quelques milliers de Chemises noires à travers les rues de la ville, en écho à celle, tout aussi spectaculaire qui avait eu lieu à Naples le 24 octobre, comme pour rendre tangible l'omniprésence du fascisme au nord et au sud de la péninsule. Le parti mussolinien compte alors plus de 400 000 membres (mais moins de 30 000 Chemises noires).

3. LA MARCHE À LA DICTATURE (1922-1926)

3.1. LES PREMIÈRES BASES DE LA DICTATURE (1922-1924)

LA FAUSSE NORMALISATION

La composition du gouvernement formé par Mussolini est le fruit d'un dosage destiné à lui rallier le maximum de suffrages. Sur treize ministres, le cabinet ne compte, en effet, que trois fascistes. À leurs côtés, on trouve quatre libéraux de diverses tendances, deux démocrates-chrétiens, un nationaliste, deux anciens chefs d'état-major de l'armée et de la marine, enfin un philosophe célèbre, Giovanni Gentile, lui-même théoricien du fascisme, au ministère de l'Instruction publique.
Mussolini est vu par les conservateurs comme l'homme du retour à l'ordre dans le pays. Au cours de cette première période, caractérisée par une reprise économique orchestrée dans un cadre libéral par le ministre des Finances De Stefani, les conservateurs obtiennent même, avec l'appui bienveillant de l'armée et de la monarchie, la mise au pas du mouvement fasciste.
Mussolini procède à la dissolution des squadre, connus pour leur violence envers les opposants, et à leur intégration dans la Milice volontaire de la sécurité nationale (MVSN) en janvier 1923. Le mouvement fasciste perd ainsi une grande partie de son autonomie.

L'INCOMPLÈTE MISE AU PAS DES OPPOSITIONS
En prenant contact avec la Chambre, celui qui n'est pas encore le Duce (le chef, le Guide) y tient pourtant un langage de dictateur, propre à effrayer plutôt qu'à convaincre, mais habilement dosé, cependant, de manière à inspirer la confiance qui, d'ailleurs, lui sera très largement accordée.
Dès 1923, l'aile droite des démocrates-chrétiens se sépare de don Sturzo, intransigeant dans son opposition à Mussolini comme à Giolitti ; elle servira de caution lors de la signature des accords du Latran avec le Vatican en 1929. Les socialistes subissent le discrédit qui accompagne toute défaite.

Les libéraux acceptent une réforme électorale, la loi Acerbo (novembre 1923), qui décapite d'avance toute opposition en accordant les deux tiers des sièges d'une circonsription à la liste électorale y disposant d'au moins 25 % des voix. Les élections du 6 avril 1924 donnent lieu à sa première application. Mais si elles assurent, comme prévu, une large majorité aux fascistes et à leurs alliés, 3 millions de suffrages vont encore aux listes minoritaires contre 4,5 millions à la liste nationale. Tous les partis d'opposition conservent leurs représentants les plus en vue, et les communistes gagnent même 5 sièges, passant de 13 à 18 élus.

3.2. L'AFFAIRE MATTEOTI (MAI 1924-JANVIER 1925)

Dès la rentrée du Parlement, le 24 mai, le secrétaire du groupe socialiste, Giacomo Matteotti, démontre, dans un discours d'une extraordinaire vigueur, pourquoi cette victoire est en réalité une défaite pour le fascisme dont il souligne l'impopularité foncière dans le pays. Ce discours exaspère les fascistes, et, le 10 juin, Matteotti est enlevé en pleine rue par cinq miliciens, assassiné et enterré dans un coin désert de la campagne romaine, où son cadavre ne sera découvert que le 16 août. Ce meurtre, incontestablement fomenté par des hauts cadres du fascisme, remue profondément l'opinion publique et déconcerte Mussolini, qui niera toujours l'avoir ordonné et fera démissionner d'office les deux membres de son entourage qu'il juge les plus compromis dans l'affaire.
Le ministère de l'Intérieur passe au nationaliste Luigi Federzoni. Mais la campagne d'opinion se poursuit dans la presse d'opposition. Elle est animée notamment par le quotidien démocrate-chrétien Il Popolo, dirigé par Giuseppe Donati, par le plus important organe de portée internationale, Il Corriere della Sera, dont le propriétaire, Luigi Albertini, mène au Sénat, avec le comte Sforza, la lutte contre le gouvernement, et enfin par le journal démocrate Il Mondo, de l'ancien ministre Giovanni Amendola.
À la fin de 1924, la situation de Mussolini paraît intenable, et on attend du roi qu'il réclame sa démission. Des personnalités monarchistes ont communiqué au souverain l'accablant mémoire de Cesare Rossi, l'un des deux hommes choisis comme boucs émissaires au début de l'affaire : la crainte de désordres plus grands encore retient Victor-Emmanuel III d'intervenir. Mussolini joue alors sa dernière carte et l'emporte.

3.3. LA MISE EN PLACE DE LA DICTATURE DE MUSSOLINI (1925-1926) ...

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Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune

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Jean-François Champollion
dit Champollion le Jeune



Jean-François Champollion
Égyptologue français (Figeac 1790-Paris 1832).

LA VIE ET LA CARRIÈRE
Ce fils d'un libraire de Figeac grandit au milieu des livres et fait preuve d'une extraordinaire précocité. À cinq ans, il apprend à lire seul ; à onze ans, il part pour Grenoble, où il se consacre au latin, au grec, à l'hébreu, puis au copte, et, quelques années plus tard, il communique à l'académie de cette ville le plan d'un ouvrage sur l'Égypte des Pharaons (publié en 1814). De 1807 à 1809, il est à Paris, suit des cours de perse, de sanskrit, d'arabe, se penche sur une copie de la pierre de Rosette et tente d'en déchiffrer les inscriptions. Interrompant ses études parisiennes, il va occuper à Grenoble une chaire d'histoire à la faculté, chaire qu'il conserve jusqu'en 1821 (avec une interruption de 1815 à 1818), avant de retourner à Paris. Le 7 août 1809, il présente une théorie sur l'écriture égyptienne : il découvre qu'entre les hiéroglyphes et le démotique il existe une troisième écriture, l'« hiératique », déformation cursive signe pour signe des hiéroglyphes. Outre le fac-similé de la pierre de Rosette, il dispose alors de textes nombreux, notamment de ceux qui, au retour de l'expédition de Bonaparte, ont été publiés dans les luxueux volumes de la Description de l'Égypte (1809).

En mai 1821, Champollion est capable de traduire un texte démotique en hiératique pour le transposer ensuite en hiéroglyphes. Sachant que le nom d'un souverain inscrit dans le cartouche de la pierre de Rosette est Ptolémée, il déduit que ce nom est écrit phonétiquement dans le texte : p-t-o-l-m-j-s. L'année suivante, il a sous les yeux la copie lithographiée de l'inscription hiéroglyphique de l'obélisque de Philæ découverte par un collectionneur anglais, William John Bankes : l'inscription correspond à un texte grec gravé sur le socle. Il vérifie que le nom de Cléopâtre est écrit exactement tel qu'il l'a reconstitué à partir du démotique. Les deux cartouches « Ptolémée » et « Cléopâtre » lui fournissent ainsi douze lettres hiéroglyphiques différentes, base solide pour tout déchiffrement et qui lui permettra de reconnaître Alexandre, Tibère, Germanicus, Trajan. Le 14 septembre 1822, il examine les dessins d'hiéroglyphes que vient de lui envoyer d'Égypte l'architecte français Jean Nicolas Huyot : il y lit avec émotion non plus les noms de rois grecs ou d'empereurs romains de l'époque tardive, mais les noms de Ramsès (R-m-s-s) et de Thoutmôsis (Thot-m-s).

Champollion consigne ses résultats dans la fameuse Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques, présentée à l'Académie des inscriptions et belles-lettres à la fin septembre 1822 : selon lui, l'élément phonétique constitue, à côté des signes idéographiques, la base de tout le système de l'écriture égyptienne. En 1824, son Précis du système hiéroglyphique précise les données de la Lettre, donne la lecture de nombreux autres noms, traduit des fragments entiers. De 1824 à 1826, Champollion visite les collections égyptologiques d'Italie, dont celle de Turin. En 1826, il est nommé conservateur du département égyptien du Louvre, puis, de 1828 à 1830, il parcourt la vallée du Nil et relève les inscriptions des monuments. Professeur d'égyptologie au Collège de France en 1831, il meurt le 4 mars 1832 d'une attaque d'apoplexie.
Son frère aîné, Jacques (Figeac 1778-Fontainebleau 1867), publia après sa mort ses Lettres écrites d'Égypte et de Nubie (1833), ses Monuments de l'Égypte et de la Nubie (1835-1845), sa Grammaire égyptienne (1835-1841), « carte de visite pour l'éternité », suivant le mot de Champollion lui-même, et le Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique (1841-1843).

LA PIERRE DE ROSETTE
Cette stèle de basalte noir, de 114 cm de hauteur sur 72 cm de largeur, fut découverte pendant l'expédition d'Égypte, au cours de l'été 1799, par un soldat de l'officier du génie Bouchard lors de travaux au vieux fort de Rosette (en arabe Rachīd, à 70 km à l'est d'Alexandrie), appelé plus tard fort Julien. Elle porte trois inscriptions : l'une, mutilée, est en hiéroglyphes ; la deuxième est en caractères démotiques ; la troisième, écrite en grec, se termine par une ligne qui indique qu'il s'agit d'un seul et même décret, pris au printemps de l'an 196 avant J.-C. par une assemblée de prêtres égyptiens réunis à Memphis, en l'honneur du roi Ptolémée V Épiphane.
Le 15 septembre 1799, le Courrier de l'Égypte, № 37, décrit la pierre et signale qu'elle donnera peut-être la clef des hiéroglyphes. Elle est transportée à l'Institut d'Égypte du Caire, où l'on fait des copies des inscriptions à destination de la France. Un peu plus tard, elle est installée à Alexandrie, chez le général de Menou, mais, lorsque celui-ci capitule (1801), la pierre est saisie par les Anglais et envoyée au British Museum, où elle se trouve actuellement.

 

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L'ÉCRITURE

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écriture
(latin scriptura)

Consulter aussi dans le dictionnaire : écriture
Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.

Système de signes graphiques servant à noter un message oral afin de pouvoir le conserver et/ou le transmettre.

HISTOIRE
Toutes les civilisations qui ont donné naissance à une forme d'écriture ont forgé une version mythique de ses origines ; elles en ont attribué l'invention aux rois ou aux dieux. Mais les premières manifestations de chaque écriture témoignent d'une émergence lente et de longs tâtonnements. Dans ces documents, les hommes ont enregistré : des listes d'impôts et des recensements ; des traités et des lois, des correspondances entre souverains ou États ; des biographies de personnages importants ; des textes religieux et divinatoires. Ainsi l'écriture a-t-elle d'abord servi à noter les textes du pouvoir, économique, politique ou religieux. Par ailleurs, les premiers systèmes d'écriture étaient compliqués. Leur apprentissage était long et réservé à une élite sociale voulant naturellement défendre ce statut privilégié et qui ne pouvait guère être favorable à des simplifications tendant à faciliter l'accès à l'écriture, instrument de leur pouvoir.

À partir du IIIe millénaire avant J.-C., toutes les grandes cultures du Proche-Orient ont inventé ou emprunté un système d'écriture. Les systèmes les plus connus, et qui ont bénéficié de la plus grande extension dans le monde antique, demeurent ceux de l'écriture hiéroglyphique égyptienne et de l'écriture cunéiforme, propre à la Mésopotamie. L'écriture égyptienne est utilisée dans la vallée du Nil, jusqu'au Soudan, sur la côte cananéenne et dans le Sinaï. Mais, pendant près d'un millénaire, l'écriture cunéiforme est, avec la langue sémitique (l'assyro-babylonien) qu'elle sert à noter, le premier moyen de communication international de l'histoire. L'Élam (au sud-ouest de l'Iran), les mondes hittite (en Anatolie) et hourrite (en Syrie du Nord), le monde cananéen (en Phénicie et en Palestine) ont utilisé la langue et l'écriture mésopotamienne pour leurs échanges diplomatiques et commerciaux, mais aussi pour rédiger et diffuser leurs propres œuvres littéraires et religieuses. Pour leur correspondance diplomatique, les pharaons du Nouvel Empire avaient eux-mêmes des scribes experts dans la lecture des textes cunéiformes.
À la même époque, d'autres systèmes d'écriture sont apparus, mais leur extension est limitée : en Anatolie, le monde hittite utilise une écriture hiéroglyphique qui ne doit rien à l'Égypte. Dans le monde égéen, les scribes crétois inventent une écriture hiéroglyphique, puis linéaire, de 80 signes environ, reprise par les Mycéniens.
Au Ier millénaire, l'apparition de l'alphabet marque une histoire décisive dans l'histoire de l'écriture. Depuis des siècles, l'Égypte dispose, au sein de son écriture nationale, du moyen de noter les consonnes. Au xive siècle avant J.-C., les scribes d'Ougarit gravent sur des tablettes d'argile des signes cunéiformes simplifiés et peu nombreux, puisqu'ils ne sont que 30, correspondant à la notation de 27 consonnes et de 3 valeurs vocaliques. Mais les uns et les autres ne font pas école. Ce n'est qu'après le xie siècle que le système d'écriture alphabétique se généralise à partir de la côte phénicienne. Une révolution sociale accompagne cette innovation radicale : les scribes, longuement formés dans les écoles du palais et des temples, voient leur rôle et leur importance diminuer.

LE SYSTÈME CUNÉIFORME

Le premier système d'écriture connu apparaît dans la seconde moitié du IVe millénaire avant notre ère, en basse Mésopotamie, pour transcrire le sumérien. Dans l'ancienne Mésopotamie, les premiers signes d'écriture sont apparus pour répondre à des besoins très concrets : dénombrer des biens, distribuer des rations, etc. Comme tous les systèmes d'écriture, celui-ci apparaît donc d'abord sous forme de caractères pictographiques, dessins schématisés représentant un objet ou une action. Le génie de la civilisation sumérienne a été, en quelques siècles, de passer du simple pictogramme à la représentation d'une idée ou d'un son : le signe qui reproduit à l'origine l'apparence de la flèche (ti en sumérien) prend la valeur phonétique ti et la signification abstraite de « la vie », en même temps que sa graphie se stylise et, en s'amplifiant, ne garde plus rien du dessin primitif.

LES PICTOGRAMMES DE L'ÉCRITURE CUNÉIFORME
Trouvées sur le site d'Ourouk IV, de petites tablettes d'argile portent, tracés avec la pointe d'un roseau, des pictogrammes à lignes courbes, au nombre d'un millier, chaque caractère représentant, avec une schématisation plus ou moins grande et sans référence à une forme linguistique, un objet ou un être vivant. L'ensemble de ces signes, qui dépasse le millier, évolue ensuite sur deux plans. Sur le plan technique, les pictogrammes connaissent d'abord une rotation de 90° vers la gauche (sans doute parce que la commodité de la manipulation a entraîné une modification dans l'orientation de la tablette tenue en main par le scribe) ; ultérieurement, ces signes ne sont plus tracés à la pointe sur l'argile, mais imprimés, dans la même matière, à l'aide d'un roseau biseauté, ce qui produit une empreinte triangulaire en forme de « clou » ou de « coin », cuneus en latin, d'où le nom de cunéiforme donné à cette écriture.

LE SENS DES PICTOGRAMMES CUNÉIFORMES
Sur le plan logique, l'évolution est plus difficile à cerner. On observe cependant, dès l'époque primitive, un certain nombre de procédés notables. Ainsi, beaucoup de ces signes couvrent une somme variable d'acceptions : l'étoile peut tour à tour évoquer, outre un astre, « ce qui est en haut », le « ciel » et même un « être divin ». Par ailleurs, les sumériens ne se sont pas contenté de représenter un objet ou un être par un dessin figuratif : ils ont également noté des notions abstraites au moyen de symboles. C'est ainsi que deux traits sont parallèles ou croisés selon qu'ils désignent un ami ou un ennemi.
Le sens peut aussi procéder de la combinaison de deux éléments graphiques. Par exemple, en combinant le signe de la femme et celui du massif montagneux, on obtient le sens d'« étrangère », « esclave ».
Tous ces signes, appelés pictogrammes par référence à leur tracé, sont donc aussi des idéogrammes, terme qui insiste sur leur rôle sémantique (leur sens) et indique de surcroît leur insertion dans un système. L'écriture cunéiforme dépasse ensuite ce stade purement idéographique. Un signe dessiné peut aussi évoquer le nom d'une chose, et non plus seulement la chose elle-même. On recourt alors au procédé du rébus, fondé sur le principe de l'homophonie (qui ont le même son). Ce procédé permet de noter tous les mots et ainsi des messages plus élaborés.

L'ÉCRITURE DES AKKADIENS
Cependant, les Sumériens considèrent les capacités phonétiques des signes, nouvellement découvertes, comme de simples appoints à l'idéographie originelle, et font alterner arbitrairement les deux registres, idéographique et phonographique. Lorsque les Akkadiens empruntent ce système vers − 2300, ils l'adaptent à leur propre langue, qui est sémitique, et font un plus grand usage du phonétisme, car, à la différence du sumérien, dont les vocables peuvent se figurer par des idéogrammes toujours identiques, flanqués d'affixes qui déterminent leur rôle grammatical, l'akkadien renferme déclinaisons et conjugaisons.

L'ÉVOLUTION DU SUMÉRO-AKKADIEN
L'écriture suméro-akkadienne ne cesse d'évoluer et connaît notamment une expansion importante au IIe millénaire. Le cunéiforme est adopté par des peuples de l'Orient qui l’adaptent à la phonétique de leur langue : Éblaïtes, Susiens, Élamites, etc. Vers − 1500, les Hittites adoptent les cunéiformes babyloniens pour noter leur langue, qui est indo-européenne, associant leurs idéogrammes à ceux venus de Mésopotamie, qu'ils prononcent en hittite. L'ougaritique, connu grâce aux fouilles de Ras Shamra (l'antique Ougarit), dans l'actuelle Syrie, est un alphabet à technique cunéiforme ; il note plusieurs langues et révèle que, à partir de − 1400 environ, l'écriture en cunéiformes est devenue une sorte de forme « véhiculaire », simplifiée, servant aux échanges internationaux. Au Ier millénaire encore, le royaume d'Ourartou (situé à l'est de l'Anatolie) emprunte les caractères cunéiformes (vers − 800) et ne les modifie que légèrement. Enfin, pendant une période assez brève (vie-ive s. avant notre ère), on utilise un alphabet à technique cunéiforme pour noter le vieux perse. Au Ier millénaire, devant les progrès de l'alphabet et de la langue des Araméens (araméen), l'akkadien devient une langue morte ; le cunéiforme ne se maintient que dans un petit nombre de villes saintes de basse Mésopotamie, où il est utilisé par des Chaldéens, prêtres et devins, jusqu'au ier s. après J.-C., avant de sombrer dans l'oubli.

DU HIÉROGLYPHE AU DÉMOTIQUE

Hiéroglyphes
Tout d'abord hiéroglyphique, l'écriture égyptienne évolue en se simplifiant vers une écriture plus maniable, et d'un usage quotidien. Le hiéroglyphe est une unité graphique utilisée dans certaines écritures de l'Antiquité, comme l'égyptien. Les premiers témoignages « hiéroglyphiques » suivent de quelques siècles les plus anciennes tablettes sumériennes écrites en caractères cunéiformes. Le mot « hiéroglyphe », créé par les anciens Grecs, fait état du caractère « sacré » (hieros) et « gravé » (gluphein) de l'écriture égyptienne monumentale, mais n'est réservé à aucun système d'écriture particulier. On désigne par le même terme les écritures crétoises du minoen moyen (entre 2100 et 1580 avant J.-C.), que l'on rapproche ainsi des signes égyptiens, mais qui demeurent indéchiffrées.

LES HIÉROGLYPHES ÉGYPTIENS
La langue égyptienne est une langue chamito-sémitique dont la forme écrite n'est pas vocalisée. Vers 3000 avant J.-C., l'Égypte possède l'essentiel du système d'écriture qu'elle va utiliser pendant trois millénaires et dont les signes hiéroglyphiques offrent la manifestation la plus spectaculaire. Quelque 700 signes sont ainsi créés, beaucoup identifiables parce que ce sont des dessins représentant des animaux, un œil, le soleil, un outil, etc.
Cette écriture est d'abord pictographique (un signe, dessiné, représente une chose ou une action). Mais dès l'origine, l'écriture égyptienne eut recours, à côté des signes-mots (idéogrammes), à des signes ayant une valeur phonétique (phonogrammes), où un signe représente un son. Le dessin du canard représente l'animal lui-même, mais canard se disant sa, le même signe peut évoquer le son sa, qui sert aussi à désigner le mot « fils ». Pour éviter au lecteur confusions ou hésitations, le scribe a soin de jalonner son texte de repères : signalisation pour désigner l'emploi du signe comme idéogramme (signe-chose, représentant plus ou moins le sens du mot) ou phonogramme, et compléments phonétiques qui indiquent la valeur syllabique. Il existe également des idéogrammes déterminatifs, qui ne se lisent pas, mais qui indiquent à quelle catégorie appartient le mot. Les signes peuvent être écrits de gauche à droite ou de droite à gauche.
On distingue trois types d'écriture égyptienne : l'écriture cursive ou hiératique, tracée sur papyrus, l'écriture démotique, plus simplifiée que l'écriture hiératique, et l'écriture hiéroglyphique proprement dite, c'est-à-dire celle des monuments, antérieure à 2500 avant J.-C. Ces hiéroglyphes, gravés à l'origine dans la pierre, en relief ou en creux, peuvent être disposés verticalement ou horizontalement, comme ils peuvent se lire de droite à gauche ou de gauche à droite, le sens de la lecture étant indiqué par la direction du regard des êtres humains et des animaux, toujours tourné vers le début du texte.
L'écriture hiéroglyphique apparaît toute constituée dès les débuts de l'histoire (vers 3200 avant J.-C.) ; la dernière inscription en hiéroglyphes, trouvée à Philae, date de 394 après J.-C.

LE SYSTÈME DE L'ÉCRITURE ÉGYPTIENNE
Les idéogrammes peuvent être des représentations directes ou indirectes, grâce à divers procédés logiques :
– la représentation directe de l'objet que l'ont veut noter ;
– la représentation par synecdoque ou métonymie, c'est-à-dire en notant la partie pour le tout, l'effet pour la cause, ou inversement : ainsi, la tête de bœuf représente cet animal ; deux yeux humains, l'action de voir ;
– la représentation par métaphore : on note, par exemple, la « sublimité » par un épervier, car son vol est élevé ; la « contemplation » ou la « vision », par l'œil de l'épervier, parce qu'on attribuait à cet oiseau la faculté de fixer ses regards sur le disque du Soleil ;
– représentation par « énigme » – le terme est de Champollion – ; on emploie, pour exprimer une idée, l'image d'un objet physique n'ayant qu'un rapport lointain avec l'objet même de l'idée à noter : ainsi, une plume d'autruche signifie la « justice », parce que, disait-on, toutes les plumes des ailes de cet oiseau sont parfaitement égales ; un rameau de palmier représente l'« année », parce que cet arbre était supposé avoir autant de rameaux par an que l'année compte de mois, etc.

L'ÉVOLUTION DE L'ÉCRITURE ÉGYPTIENNE

L'évolution des hiéroglyphes vers le phonétisme

À partir des idéogrammes originels, l'écriture égyptienne a évolué vers un phonétisme plus marqué que celui du cunéiforme. Selon le principe du rébus là aussi, on a utilisé, pour noter telle notion abstraite difficile à figurer, l'idéogramme d'un objet dont le nom a une prononciation identique ou très proche. Par exemple, le scarabée, khéper, a servi à noter la notion qui se disait également khéper, le « devenir ».
Poussé plus loin, le recours au phonétisme mène à l'acronymie. Un acronyme est en l'occurrence une sorte de sigle formé de toute consonne initiale de syllabe. Apparaissent ainsi des acronymes trilitères et bilitères (nfr, « cœur » ; gm, « ibis »), ainsi que des acronymes unilitères (r, « bouche »), qui constituent une espèce d'alphabet consonantique de plus de vingt éléments.
Mais le fait de noter exclusivement les consonnes entraîne beaucoup trop d'homonymies. Pour y remédier, on utilise certains hiéroglyphes comme déterminatifs sémantiques destinés à guider l'interprétation sémantique des mots écrits phonétiquement. Par exemple, le signe du « Soleil », associé à la « massue », hd, et au « cobra », dj, qui jouent un rôle phonétique, mène à la lecture hedj, « briller ».C'est dans la catégorie des déterminatifs qu'entre le cartouche, encadrement ovale signalant un nom de souverain. Quelle que soit sa logique, cette écriture est d'un apprentissage et d'une lecture difficiles, et se prête peu à une graphie rapide.

L'écriture hiératique

Sur le plan technique, si la gravure dans la pierre s'accommode de ces formes précises, l'utilisation du roseau ou du pinceau sur du papyrus ou de la peau entraîne une écriture plus souple. Les hiéroglyphes sont simplifiés pour aboutir à deux formes cursives : l'écriture hiératique (usitée par les prêtres) et l'écriture démotique (servant à la rédaction de lettres et de textes courants). Tracée sur papyrus à l'aide d'un roseau à la pointe écrasée, trempée dans l'encre noire ou rouge, l'écriture hiératique est établie par simplification et stylisation des signes hiéroglyphiques. Avec ses ligatures, ses abréviations, elle sert aux besoins de la vie quotidienne : justice, administration, correspondance privée, inventaires mais aussi littérature, textes religieux, scientifiques, etc.

Le démotique
Vers 700 avant J.-C., une nouvelle cursive, plus simplifiée, remplace l'écriture hiératique. Les Grecs lui donnent le nom de « démotique », c'est-à-dire « (écriture) populaire », car elle est d'un usage courant et permet de noter les nouvelles formes de la langue parlée. Utilisée elle aussi sur papyrus ou sur ostraca (tessons de poterie), cette écriture démotique suffit à tous les usages pendant plus de 1000 ans, exception faite des textes gravés sur les monuments, qui demeurent l'affaire de l'hiéroglyphe, et des textes religieux sur papyrus pour lesquels on garde l'emploi de l'écriture hiératique.
Sur le plan fonctionnel, les Égyptiens, tout comme les Sumériens, n'ont pas exploité pleinement leurs acquis et se sont arrêtés sur le chemin qui aurait pu les mener à une écriture alphabétique. Demeuré longtemps indéchiffrable, le système d’écriture égyptien fut décomposé et analysé par Champollion (1822) grâce à la découverte de la pierre de Rosette, qui portait le même texte en hiéroglyphe, en démotique et en grec.

LES ÉCRITURES ANCIENNES DÉCHIFFRÉES
Alliant érudition, passion et intuition, les chercheurs du xixe s. déchiffrent les écritures des civilisations mésopotamiennes et égyptiennes.
Dans leurs travaux, ils durent résoudre deux problèmes : celui de l'écriture proprement dite, d'une part ; celui de la langue pour laquelle un système d'écriture était employé, d'autre part. Le document indispensable fut donc celui qui utilisait au moins deux systèmes d'écriture (ou davantage) dont l'un était déjà connu : la pierre de Rosette, rédigé en 2 langues et trois systèmes d’écritures (hiéroglyphe, démotique et grec) permit de déchiffrer les hiéroglyphes, grâce à la connaissance du grec ancien. Les savants durent ensuite faire l'hypothèse que telle ou telle langue avait été utilisée pour rédiger un texte donné ; Jean-François Champollion postula ainsi que la langue égyptienne antique a survécu dans la langue copte, elle-même conservée dans la liturgie de l'église chrétienne d'Égypte. De même le déchiffreur de l’écriture cunéiforme, sir Henry Creswicke Rawlinson, une fois les textes en élamite et vieux-perse de Béhistoun mis au point, fit l'hypothèse, avec d'autres chercheurs, que le texte restant était du babylonien, et qu'il s'agissait d'une langue sémitique dont les structures pouvaient être retrouvées à partir de l'arabe et de l'hébreu.

LES DÉCHIFFREURS
1754 : l'abbé Barthélemy propose une lecture définitive des textes phéniciens et palmyriens.
1799 (2 août) : mise au jour de la pierre de Rosette, dans le delta du Nil, portant copie d'un décret de Ptolémée V Épiphane (196 avant J.-C.) rédigé en trois écritures, hiéroglyphique, hiératique et grecque.
1822 : Lettre à Monsieur Dacier, de J.-F. Champollion, où ce dernier expose le principe de l'écriture égyptienne.
1824 : parution du Précis du système hiéroglyphique rédigé par Champollion.
À partir de 1835 : l'Anglais H. C. Rawlinson copie, à Béhistoun, en Iran, une inscription célébrant les exploits de Darius Ier (516 avant J.-C.) rédigée selon trois systèmes d'écriture cunéiforme, en vieux-perse, en élamite et en babylonien (akkadien), langues jusqu'alors inconnues.
1845 : le texte en vieux-perse est déchiffré par Rawlinson.
1853 : le texte en élamite est déchiffré par E. Norris.
1857 : un même texte babylonien est confié à quatre savants qui en proposent des traductions identiques.
1858 : Jules Oppert publie son Expédition scientifique en Mésopotamie, qui contribue au déchiffrement du cunéiforme.
1905 : F. Thureau-Dangin établit l'originalité de l'écriture et du système linguistique des Sumériens.
1917 : le Tchèque Hrozny établit que les textes hittites, écrits en caractères cunéiformes, servent à noter une langue indo-européenne, désormais déchiffrée.
1945 : découverte d'une stèle bilingue à Karatépé, en Cilicie ; la version phénicienne du texte permet de déchiffrer un texte louwite (proche du hittite) noté en écriture hiéroglyphique.
1953 : les Anglais M. Ventris et J. Chadwick établissent que les textes rédigés en écriture dite « linéaire B » sont du grec archaïque (mycénien) ; le linéaire B est une écriture syllabique comprenant environ 90 signes.

LA « LANGUE GRAPHIQUE » DES CHINOIS
Après les écritures sumérienne et égyptienne, l'écriture chinoise est la troisième écriture importante à avoir découpé les messages en mots. Mais elle n'a pas évolué comme les deux autres, car, à la différence de tous les systèmes d'écriture, qui sont parvenus, à des degrés divers, à exprimer la pensée par la transcription du langage oral, l'écriture chinoise note une langue conçue en vue de l'expression écrite exclusivement, et appelée pour cette raison « langue graphique ».

L'ÉVOLUTION DES IDÉOGRAMMES CHINOIS
Les premiers témoignages de l’écriture chonoise datent du milieu du IIe millénaire avant J.-C. : ce sont des inscriptions divinatoires, gravées sur des carapaces de tortues ou des omoplates de bœufs. Les devins y gravaient les questions de leurs « clients » puis portaient contre ce support un fer chauffé à blanc et interprétaient les craquelures ainsi produites. Ce type d’écriture a évolué à travers le temps et les différents supports : inscriptions sur des vases de bronze rituels aux alentours du ixe s. ; écriture sigillaire, gravée dans la pierre ou l'ivoire, au milieu du Ier millénaire ; caractères « classiques », peints au pinceau, à partir du iie s. avant J.-C. Ces derniers signes ont traversé deux millénaires ; en 1957, une réforme en a simplifié un certain nombre.

LE FONCTIONNEMENT DE L'ÉCRITURE CHINOISE

Écriture chinoise
Sur le plan fonctionnel, les pictogrammes originels ont évolué vers un système d'écriture où les éléments sont dérivés les uns des autres. Soit le caractère de l'arbre (mu) : on peut en cocher la partie basse pour noter « racine » (ben), ou la partie haute pour « bout, extrémité » (mo) ; on peut aussi lui adjoindre un deuxième arbre pour noter « forêt » (lin), un troisième pour noter « grande forêt », et ultérieurement « nombreux », « sombre » (sen).
Un dérivé peut servir à son tour de base de dérivation. Ainsi, le pictogramme de la « servante », de l'« esclave », figurant une femme et une main droite (symbole du mari et du maître), est associé au signe du cœur, siège des sentiments, pour signifier la « rage », la « fureur », éprouvée par l'esclave.
Cette langue graphique use également d'indicateurs phonétiques. Ainsi, le caractère de la femme, flanqué de l'indicateur « cheval » (mâ), note « la femme qui se prononce comme le cheval » (au ton près), c'est-à-dire la « mère » (m"a) ; si l'on associe « cheval » avec « bouche », on note la particule interrogative (ma) ; avec deux « bouches », le verbe « injurier ».
Inversement, le caractère chinois peut être lu grâce au déterminatif sémantique. Ces déterminatifs, ou clés (au nombre de 540 au iie s. après J.-C., réduits à 214 au xviie s., et portés à 227, avec des modifications diverses, en 1976), sont des concepts destinés à orienter l'esprit du lecteur vers telle ou telle catégorie sémantique. Le même signe signifiera « rivière » s'il est précédé de la clé « eau », et « interroger » s'il est précédé de la clé « parole ».
Le système chinois repose donc sur le découpage de l'énoncé en mots. Il semble que, de l'autre côté du Pacifique, et au xvie s. de notre ère seulement, à la veille de la conquête espagnole, les glyphes précolombiens (que nous déchiffrons très partiellement à ce jour, malgré des progrès dans la lecture des glyphes mayas) présentent des similitudes avec cette écriture. Mais ils ne se sont pas entièrement dégagés de la simple pictographie.

L'AVENTURE DURABLE DE L'ALPHABET
LA NAISSANCE DE L'ALPHABET
L'invention de l'alphabet (dont le nom est forgé par les Grecs sur leurs deux premières lettres alpha et bêta) se situe au IIe millénaire avant notre ère en Phénicie. Deux peuples y jouent un rôle important, les Cananéens et, à partir du xiie s. avant J.-C., les Araméens ; ils parlent chacun une langue sémitique propre et utilisent l'akkadien, écrit en cunéiformes, comme langue véhiculaire. Dans les langues sémitiques, chacun des « mots » est formé d'une racine consonantique qui « porte » le sens, tandis que les voyelles et certaines modifications consonantiques précisent le sens et indiquent la fonction grammaticale. Cette structure n'est sans doute pas étrangère à l'évolution de ces langues vers le principe alphabétique, et plus précisément vers l'alphabet consonantique, à partir du système cunéiforme.

L'ALPHABET OUGARITIQUE
Le premier alphabet dont on ait pu donner une interprétation précise est l'alphabet ougaritique, apparu au moins quatorze siècles avant notre ère. Différent du cunéiforme mésopotamien, qui notait des idées (cunéiformes idéographiques), puis des syllabes (cunéiformes syllabiques), il note des sons isolés, en l'occurrence des consonnes, au nombre de vingt-huit. Il a probablement emprunté la technique des cunéiformes aux Akkadiens, en pratiquant l'acrophonie (phénomène par lequel les idéogrammes d'une écriture ancienne deviennent des signes phonétiques correspondant à l'initiale du nom de l'objet qu'ils désignaient. Ainsi, en sumérien, le caractère cunéiforme signifiant étoile, et qui se lisait ana, finit par devenir le signe de la syllabe an) et en simplifiant certains caractères. La véritable innovation est celle des scribes d'Ougarit : gravés dans l'argile, comme les signes mésopotamiens, les caractères d'apparence cunéiforme sont en fait des lettres, déjà rangées dans l'ordre des futurs alphabets. C'est en cette écriture que les trésors de la littérature religieuse d'Ougarit, c'est-à-dire la littérature religieuse du monde cananéen lui-même, nous sont parvenus.

L'ALPHABET DE BYBLOS
Alors que l'« alphabet » ougaritique demeure réservé à cette cité, l'alphabet sémitique dit « ancien » est l'ancêtre direct de notre alphabet. Sa première manifestation en est, au xie s., le texte gravé sur le sarcophage d'Ahiram, roi de Byblos : 22 signes à valeur uniquement de consonnes. Cet alphabet apparaît donc à Byblos (aujourd'hui Djebaïl, au Liban), lieu d'échanges entre l'Égypte et le monde cananéen. Ce système est utilisé successivement par les Araméens, les Hébreux et les Phéniciens. Commerçants et navigateurs, ces derniers le diffusent au cours de leurs voyages, notamment vers l'Occident, vers Chypre et l'Égée, où les Grecs s'en inspirent pour la création de leur propre alphabet. Car ce sont les Grecs qui, au xie s. avant J.-C., emploient, pour la première fois au monde, un système qui note aussi bien les voyelles que les consonnes, constituant ainsi le premier véritable alphabet.
Pour les deux alphabets d'Ougarit et de Byblos, entre lesquels il ne devrait pas y avoir de continuité globale, il est frappant que l'ordre des lettres soit le même et corresponde à peu près à celui des alphabets ultérieurs. Cet ordre, dont l'origine reste mystérieuse, serait très ancien.

LA FORME ET LE NOM DES LETTRES
Mais quel critère a déterminé le choix de tel graphisme pour noter tel son ? D'où viennent les noms des lettres ? L'hypothèse retenue répond à ces deux questions à la fois : une lettre devait fonctionner à l'origine comme un pictogramme (A figurait une tête de bœuf) ; on a utilisé ce pictogramme pour noter le son initial du nom qui désignait telle chose ou tel être dans la langue (A utilisé pour noter « a », issu par acrophonie d'aleph, nom du bœuf en sémitique) ; enfin, on a donné à la lettre alphabétique nouvelle le nom de la chose que figurait le pictogramme originel (aleph est le nom de la lettre A). C'est sur cette hypothèse que s'est fondé l'égyptologue Alan Henderson Gardiner dans ses travaux sur les inscriptions dites « protosinaïtiques » découvertes dans le Sinaï. Elles sont antérieures au xve s. avant J.-C., présentent quelque signes pictographiques et notent une langue apparentée au cananéen. Les conclusions de Gardiner ne portent que sur quelques « lettres » de ce protoalphabet, mais elles semblent convaincantes et devraient permettre de repousser de cinq à sept siècles la naissance du système alphabétique.

LA CHAÎNE DES PREMIERS ALPHABETS
Des convergences dans la forme, le nom et la valeur phonétique des lettres établissent, entre les alphabets, une parenté incontestable. Pour l'araméen et le grec, celle-ci est collatérale : ils ont pour ancêtre commun le phénicien. De l'alphabet araméen dérivent l'hébraïque (iiie ou iie s. avant J.-C.) et probablement l'arabe (avant le vie s. après J.-C.), avec ses diverses adaptations, qui notent le persan ou l'ourdou, par exemple ; à moins qu'il ne faille distinguer une filière arabique qui aurait une parenté collatérale avec le phénicien. Du grec découle la grande majorité des alphabets actuels : étrusque (ve s. avant J.-C.), italiques puis latin (à partir du ve s. avant J.-C.), copte (iie-iiie s. après J.-C.), gotique (ive s.), arménien (ve s.), glagolitique et cyrillique (ixe s.). La propagation du christianisme joua un rôle majeur dans cette filiation : c'est pour les besoins de leur apostolat que des évangélisateurs, s'inspirant des alphabets grec ou latin dans lesquels ils lisaient les Écritures, constituèrent des alphabets adaptés aux langues des païens.

Quant aux alphabets asiatiques, au nombre d'au moins deux cents, on pense qu'ils remontent tous à l'écriture brahmi. La devanagari, par exemple, a servi à noter le sanskrit et note aujourd'hui le hindi. D’aucuns supposent que l'écriture brahmi aurait été elle-même créée d'après un modèle araméen. Selon cette hypothèse, tous les alphabets du monde proviendraient donc de la même source proche-orientale.

L'ALPHABET AUJOURD’HUI
Avec la grande extension de l'alphabet, la fonction de l'écrit a évolué. À la conservation de la parole, ou, sur une autre échelle, de la mémoire des hommes, s'est ajoutée l'éducation, l'œuvre de culture, souvent synonyme d'« alphabétisation ». Il existe bel et bien une civilisation de l'alphabet, accomplissement de celle de l'écriture, où un autodafé de documents écrits est considéré comme un acte de barbarie. Depuis le siècle dernier, une étape importante s'est amorcée avec la diffusion de l'alphabet latin hors de l'Europe occidentale, surtout pour noter des parlers encore non écrits, en Afrique ou dans l'ex-Union soviétique. En Turquie, par exemple, la réforme de 1928 (utilisation de l’alphabet latin, légèrement enrichi de diacritiques et d’une lettre supplémentaire) a permis de rapprocher le pays de la civilisation occidentale.

LINGUISTIQUE
L'écriture est un code de communication secondaire par rapport au langage articulé. Mais, contrairement à celui-ci, qui se déroule dans le temps, l'écriture possède un support spatial qui lui permet d'être conservée. La forme de l'écriture dépend d'ailleurs de la nature de ce support : elle peut être gravée sur la pierre, les tablettes d'argile ou de cire, peinte ou tracée sur le papyrus, le parchemin ou le papier, imprimée ou enfin affichée.
Selon la nature de ce qui est fixé sur le support, on distingue trois grands types d'écriture, dont l'apparition se succède en gros sur le plan historique, et qui peuvent être considérés comme des progrès successifs dans la mesure où le code utilisé est de plus en plus performant : les écritures synthétiques (dites aussi mythographiques), où le signe est la traduction d'une phrase ou d'un énoncé complet ; les écritures analytiques, où le signe dénote un morphème ; les écritures phonétiques (ou phonématiques), où le signe dénote un phonème ou une suite de phonèmes (syllabe).

LES ÉCRITURES SYNTHÉTIQUES
On peut classer dans les écritures synthétiques toutes sortes de manifestations d'une volonté de communication spatiale. Certains, d'ailleurs, préfèrent parler en ce cas de « pré-écriture », dans la mesure où ces procédés sont une transcription de la pensée et non du langage articulé. Quoi qu'il en soit, le spécialiste de la préhistoire André Leroi-Gourhan note des exemples de telles manifestations dès le moustérien évolué (50 000 ans avant notre ère) sous la forme d'incisions régulièrement espacées sur des os ou des pierres. À ce type de communication appartiennent les représentations symboliques grâce à des objets, dont un exemple classique, rapporté par Hérodote, est le message des Scythes à Darios ; il consistait en cinq flèches d'une part, une souris, une grenouille et un oiseau d'autre part, formes suggérées à l'ennemi pour échapper aux flèches. Ce genre de communication se retrouve un peu partout dans le monde dans les sociétés dites primitives. On peut ainsi signaler les systèmes de notation par nœuds sur des cordelettes (quipus des archives royales des Incas), mais la forme la plus courante d'écriture synthétique est la pictographie, c'est-à-dire l'utilisation de dessins figuratifs (pictogrammes), dont chacun équivaut à une phrase (« je pars en canot », « j'ai tué un animal », « je rentre chez moi », etc.) : c'est le système utilisé par les Inuits d'Alaska, les Iroquois et les Algonquins (wampums) ou encore par les Dakotas. Les limites de ces modes d'expression apparaissent évidentes : ils ne couvrent que des secteurs limités de l'expérience, ils ne constituent pas, comme le langage, une combinatoire.

LES ÉCRITURES ANALYTIQUES
Dans les écritures analytiques (dites aussi, paradoxalement, « idéographiques »), le signe ne représente pas une idée mais un élément linguistique (mot ou morphème), ce n'est plus une simple suggestion, c'est une notation. En réalité, le manque d'économie de ce système (il y aurait un signe pour chaque signifié) fait qu'il n'existe pas à l'état pur : toutes les écritures dites idéographiques comportent, à côté des signes-choses (idéogrammes), une quantité importante de signes à valeur phonétique, qu'il s'agisse des cunéiformes suméro-akkadiens, des hiéroglyphes égyptiens ou de l'écriture chinoise. Par exemple, en chinois, on peut distinguer, en gros, cinq types d'idéogrammes : les caractères représentant des objets, et qui sont, à l'origine, d'anciens pictogrammes (le soleil, la lune, un cheval, un arbre, etc.) ; les caractères évoquant des notions abstraites (monter, descendre, haut, bas) ; les caractères qui sont des agrégats logiques, formés par le procédé du rébus, en associant deux signes déjà signifiants (une femme sous un toit pourra dénoter la paix) ; les caractères utilisés pour noter des homophones : tel caractère désignant à l'origine un objet donné sera utilisé pour noter un mot de même prononciation mais de sens complètement différent ; les caractères qui sont des composés phonétiques, constitués, à gauche, d'un élément qui indique la catégorie sémantique (clef) et, à droite, d'un élément indiquant la prononciation (ce dernier type de caractère constitue jusqu'à 90 % des entrées d'un dictionnaire chinois). Cependant, l'écriture chinoise, malgré ses recours au phonétisme, n'est pas liée à la prononciation : elle peut être lue par les locuteurs des différents dialectes chinois, entre lesquels il n'y a pas d'intercompréhension orale ; elle sert, d'autre part, à noter des langues complètement différentes comme le lolo, l’ancien coréen (qui a depuis créé son propre alphabet, le hangul) ou le japonais, où les idéogrammes chinois coexistent avec une notation syllabique.

LES ÉCRITURES PHONÉTIQUES
Les écritures dites « phonétiques » témoignent d'une prise de conscience plus poussée de la nature de la langue parlée : les signes y ont perdu tout contenu sémantique (même si, à l'origine, les lettres sont d'anciens idéogrammes), ils ne sont plus que la représentation d'un son ou d'un groupe de sons. Trois cas peuvent se présenter, selon que le système note les syllabes, les consonnes seules ou les voyelles et les consonnes. Les syllabaires ne constituent pas toujours historiquement un stade antérieur à celui des alphabets. S'il est vrai que les plus anciens syllabaires connus (en particulier le cypriote) précèdent l'invention de l'alphabet (consonantique) par les Phéniciens, d'autres sont, au contraire, des adaptations d'alphabets : c'est le cas de la brahmi, ancêtre de toutes les écritures indiennes actuelles, qui procède de l'alphabet araméen, ou du syllabaire éthiopien, qui a subi des influences sémitiques et grecques.
Quant à la naissance de l'alphabet grec, elle a été marquée, semble-t-il, aussi bien par le modèle phénicien que par celui des syllabaires cypriote et crétois (linéaires A et B). Les systèmes syllabiques se caractérisent par leur côté relativement peu économique, puisqu'il faut, en principe, autant de signes qu'il y a de possibilités de combinaison voyelle-consonne. D'autre part, ils présentent l'inconvénient de ne pouvoir noter simplement que les syllabes ouvertes (C+V) ; en cas de syllabe fermée (C+V+C) ou de groupement consonantique (C+C+V), l'un des signes contiendra un élément vocalique absent de la prononciation.

       
Les alphabets consonantiques, dont le phénicien est historiquement le premier exemple, ne conviennent bien qu'à des langues ayant la structure particulière des langues sémitiques : la racine des mots y possède une structure consonantique qui est porteuse de leur sens, la vocalisation pouvant être devinée par l'ordre très rigoureux des mots dans la phrase, qui indique leur catégorie grammaticale et, par là même, leur fonction. L'alphabet araméen a servi de modèle à toute une série d'alphabets (arabe, hébreu, syriaque, etc.), ainsi qu'à des syllabaires (brahmi) ; l'alphabet arabe a servi et sert à noter des langues non sémitiques, non sans quelques difficultés (il a ainsi été abandonné pour le turc).

Alphabet grec
       
L'alphabet grec est historiquement le premier exemple d'une écriture notant à la fois et séparément les consonnes et les voyelles. Il a servi de modèle à toutes les écritures du même type qui existent actuellement : alphabets latin, cyrillique, arménien, géorgien, etc.

PÉDAGOGIE
L'apprentissage de l'écriture fait appel à une maîtrise de la fonction symbolique ainsi qu'à une maîtrise motrice de l'espace et du temps. Il s'effectue soit par l'étude progressive et linéaire des lettres, servant à former les mots (méthode analytique), soit par la compréhension directe des mots dans le contexte de la phrase, dont on décomposera seulement après les lettres (méthode globale d’Ovide Decroly). Mais ce sont de plus en plus des méthodes mixtes qui sont utilisées, intégrant parfois expression corporelle et exercices de motricité.

 

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Mésopotamie : histoire
(littéralement « le pays entre les deux fleuves »)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.
Bassin alluvial d'Asie, en contrebas du Taurus et du Zagros, à l'est du désert syrien, où coulent les cours inférieurs du Tigre et de l'Euphrate (réunis en aval dans le Chatt al-Arab) et celui du Karun.
Vaste région de 375 000 km2, qui comprend toutes les terres basses des bassins de l'Euphrate et du Tigre, et correspond en gros aux pays actuels de l'Iraq et du nord-est de la république de Syrie, la Mésopotamie est le plus ancien et, du VIe au Ier millénaire avant J.-C., le plus important des foyers de la civilisation.
Employé pour la première fois, semble-t-il, par l'historien grec Polybe au iie siècle avant J.-C., le terme de Mésopotamie, loin de désigner la totalité du bassin, ne dénommait alors que le territoire compris entre l'Euphrate et le Tigre au nord de la Babylonie centrale ; ce n'est que très progressivement, et essentiellement à une époque très récente, qu'il a été employé pour désigner la totalité de la région.

HISTOIRE

1. AVANT L'HISTOIRE (JUSQUE VERS 3500 AVANT J.-C.)

1.1. DU PALÉOLITHIQUE AU MÉSOLITHIQUE (XIIe-IXe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)

Cet ensemble de plaines et de collines, limité à l'est et au nord par les montagnes de l'Iran occidental et de l'Anatolie orientale, au sud-ouest par le désert syro-arabe, au sud-est par le golfe Persique, connaît jusqu'à la fin de la dernière période glaciaire (il y a 12 000 ans) des climats et une végétation naturelle très différents de ceux de l'époque historique. Les hommes du paléolithique y ont sans doute vécu, mais, dans ce pays où les fleuves arrachent, puis déposent d'énormes masses de sédiments, il n'y a guère de chances que l'on retrouve un de leurs habitats minuscules.
Vers le IXe millénaire avant notre ère, le climat commence à se rapprocher des conditions actuelles, et les groupes du mésolithique (stade intermédiaire entre le paléolithique des chasseurs et le néolithique des agriculteurs) abordent la Mésopotamie à partir des hautes vallées du pourtour montagneux, qui sont fréquentées par les humains depuis 60 000 ans au moins et qui possèdent à l'état sauvage des animaux précieux (ovins, caprins, bovins, porcins) et des céréales (blé, orge).
1.2. NAISSANCE DE L’AGRICULTURE (VIIIe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)
EN HAUTE MÉSOPOTAMIE
Au VIIIe millénaire avant notre ère, le genre de vie agricole apparaît dans les vallées proches du pays des Deux Fleuves et sur le piémont, avant de s'étendre en haute Mésopotamie ; cette région, qui comprend le nord du pays des Deux Fleuves jusqu'au point où l'Euphrate et le Tigre se rapprochent pour la première fois en plaine, peut porter des cultures sèches dans la bande proche de la montagne ; au-delà, les pluies sont insuffisantes pour ce type de culture et les fleuves trop encaissés pour permettre l'irrigation en grand, et l'on doit s'y contenter de la vie pastorale. Au pied des montagnes, au contraire, des communautés ont bientôt l'idée d'utiliser les eaux de ruissellement, puis de creuser des canaux.

EN BASSE MÉSOPOTAMIE
Cette technique nouvelle trouve son plein emploi quand l'homme colonise la Susiane – pays plat aux nombreuses rivières, qui fait partie de l'Élam (sud-ouest de l'Iran) – et la basse Mésopotamie. Celle-ci est d'abord une plaine basse, puis, plus au sud-est, un delta intérieur, où les sédiments s'enfoncent lentement ; là, avant d'atteindre la mer, les fleuves abandonnent la majeure partie de leurs alluvions et de leurs eaux – ces dernières s'évaporant ou s'accumulant dans des lacs ou des marais. Les vents de sable ou de poussière, l'aridité et les inondations brutales font un enfer de ce pays, qui attira peut-être ses premiers habitants par la richesse de ses eaux en poissons et de sa forêt-galerie en fruits. On ne risque guère, là non plus, de retrouver les tout premiers habitats, et les archéologues n'y ont rencontré que de gros établissements agricoles.

1.3. LES PREMIÈRES SOCIÉTÉS (VIIe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)

LES CONTRAINTES DE L’IRRIGATION
En effet, l'irrigation pose ici des problèmes plus complexes qu'en Égypte : la crue des fleuves intervient au printemps ; il faut retenir alors les eaux et les redistribuer ensuite sur le reste de l'année pour que les cultures ne soient pas noyées au printemps, quand elles sortent de terre, ni brûlées par l'aridité de l'été et de l'automne.
Seule une communauté de fort effectif peut construire un système d'irrigation avec digues, bassins de retenue, canaux d'amenée et d'évacuation des eaux. Moyennant un énorme travail, l'argile fertile des alluvions donne des récoltes de dattes, d'orge, de blé et de sésame abondantes et relativement régulières, qui, à leur tour, contribuent à l'entretien d'un cheptel important. Malgré son étendue limitée (40 000 km2, dont plus de la moitié sont couverts par les eaux), le Bas Pays nourrit une population plus nombreuse qu'en haute Mésopotamie.

UNE NÉCESSAIRE ORGANISATION
L'absence de matières premières, en dehors de l'argile et du roseau, en basse Mésopotamie, contraint les agglomérations à développer leurs échanges de denrées alimentaires, de laine et de produits de l'artisanat contre le bois, les pierres dures ou rares et le cuivre, qui viennent des montagnes de la périphérie ou même des régions plus lointaines. Très tôt, l'artisanat et le commerce occupent une part importante de la population, la spécialisation professionnelle et la hiérarchie sociale se précisent, et le Bas Pays devient le foyer culturel de l'ensemble mésopotamien.

1.4. LES PREMIÈRES CIVILISATIONS (VIIe-IVe MILLÉNAIRE AVANT NOTRE ÈRE)
Le terme de « civilisations » est employé ici, faute de mieux, s'applique à une région étendue dont les agglomérations ont en commun une céramique caractéristique pendant une longue période. De plus, toutes ces civilisations débordent sur les pays voisins (Iran, Anatolie, couloir syrien, Arabie), et l'on ignore encore quel est leur point de départ.
Si on laisse de côté les groupes pionniers, d'étendue limitée, comme ceux de l'Euphrate moyen (fin du VIIe millénaire avant notre ère), dont la céramique foncée polie (dark burnished) vient d'Anatolie, et ceux du piémont (comme celle du site de Jarmo), la série des civilisations commence avec les poteries peintes.

HASSOUNA ET SAMARRA (VERS 7000-5500 AVANT J.-C.)
La civilisation de Hassouna (au sud de Ninive, à l'ouest du Tigre) est limitée aux pays d'agriculture sèche du bassin du Tigre en haute Mésopotamie (VIe millénaire avant notre ère). Celle de Samarra (sur le Tigre moyen, au nord-ouest de Bagdad), qui se situe dans la seconde moitié du VIe millénaire avant notre ère, est le propre d'agriculteurs qui colonisent toute la haute Mésopotamie utile et affrontent à l'est, dans la vallée du Tigre moyen et sur le piémont, les sols humides, où ils creusent les premiers canaux ; des outils de cuivre martelé, des perles de turquoise et de cornaline témoignent d'un commerce avec l'intérieur de l'Iran ; et, au tell es-Sawwan (ou al-Suwan ; 10 km au sud de Samarra), un établissement protégé par un fossé possède déjà un temple.
Avant la fin du VIe millénaire avant notre ère, les premiers établissements connus de la basse Mésopotamie fabriquent des céramiques (celles d'Éridou, de Hadjdji Muhammad, d'Obeïd, dans la basse vallée de l'Euphrate) qui auraient une parenté avec celle de Samarra.

TELL HALAF ET EL-OBEÏD (VERS 5500-3500 AVANT J.-C.)
Après 5500 avant J.-C., la partie de la haute Mésopotamie consacrée à la culture sèche connaît la diffusion de la céramique de tell Halaf (un tell – « colline » de la partie nord-ouest du bassin du Khabur), qui dure en certains sites jusque vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère, mais qui, la plupart du temps, est remplacée par celle d'Obeïd (6 km à l'ouest d'Our), venue du sud (vers 4300 avant J.-C.) et destinée à durer en quelques agglomérations du nord jusque vers 3500 avant J.-C.

OUROUK ET DJEMDET-NASR (À PARTIR DE 3750 AVANT J.-C.)
La poterie d'Obeïd est finalement remplacée par celle d'Ourouk (sur l'Euphrate inférieur), qui est diffusée à partir du sud de la basse Mésopotamie (vers 3750-3150 avant J.-C.) et qui, produite en masse, n'a pas de décor peint. La poterie peinte de Djemdet-Nasr (15 km au nord-est de Babylone) apparaît dès 3150 avant J.-C. et dure jusqu'au début du IIIe millénaire.

LES PRINCIPALES AVANCÉES
Durant cette longue période, l'organisation économique et les techniques progressent dans l'ensemble de la Mésopotamie : après le milieu du Ve millénaire avant notre ère, le sceau se répand, mais nous ne savons pas quel type de propriété il sert alors à marquer. Le commerce s'amplifie avec l'Iran, riche en minerais, et, à la fin du Ve millénaire avant notre ère, avec le cuivre martelé pour l'outillage au pays des Deux Fleuves. La concentration de la population en grosses agglomérations et l'enrichissement, qui vont de pair, se traduisent par l'édification de temples en briques crues, rebâtis et agrandis de siècle en siècle. On connaît deux séries de temples : celle d'Éridou (depuis 5300 avant J.-C. environ), au Bas Pays, et celle de tepe Gaura (depuis 4300 avant J.-C. environ), au nord-est de Ninive ; et la construction du temple sur une plate-forme à laquelle on accède par une rampe (à Éridou, vers 4300 avant J.-C.) est peut-être la première étape vers la réalisation de la ziggourat.

2. L'ENTRÉE DANS L'HISTOIRE (VERS 3450-3000 AVANT J.-C.)
Le changement essentiel se fait lors de la période (vers 3450-3300 avant J.-C.) que l'on nomme « Ourouk 4-3 » (deux niveaux du grand sondage de l'Eanna, temple de la déesse d'Inanna à Ourouk), « Protoliterate » (débuts de l'écriture) ou « Prédynastique final » (l'époque suivante étant le « Dynastique archaïque »), dénominations qui n'ont pas fait disparaître la division en périodes d'Ourouk (vers 3750-3150 avant J.-C.) et de Djemdet-Nasr (vers 3150-2900 avant J.-C.).

2.1. UN BOND DÉCISIF
C'est dans la partie méridionale de la basse Mésopotamie (le pays historique de Sumer), le delta intérieur, où les crues sont moins dangereuses et les travaux d'irrigation moins difficiles, que se trouve le foyer de la civilisation nouvelle qui différencie ce pays du reste de l'Orient. Celle-ci naît de l'interaction de l'augmentation de la population, de sa concentration en agglomérations plus importantes (peut-être déjà de véritables villes), des découvertes qui se situent à la fin d'Obeïd et au début d'Ourouk (cuivre moulé, tournette, puis tour à potier, chariot), de l'accroissement des échanges avec le reste de l'Orient (l'or et le lapis se répandent au pays des Deux Fleuves).

2.2. LES PREMIÈRES CITÉS-ÉTATS
Cette nouvelle civilisation se traduit par un essor rapide des arts. Chaque centre élève des temples, qui sont rapidement remplacés et que l'on décore de peintures murales et de mosaïques faites des têtes peintes de cônes de terre cuite enfoncés dans la muraille ; ces édifices atteignent parfois de vastes dimensions (le temple C d'Ourouk mesure 54 m sur 22 m). Cette époque voit aussi les débuts de la sculpture (reliefs de vases, stèles, figurines), qui donnent parfois des chefs-d'œuvre, comme la Dame d'Ourouk. Les artisans de la glyptique (art de tailler les pierres précieuses), également habiles, gravent sur les cylindres-sceaux une extraordinaire variété de sujets.

Toute cette activité est destinée à la divinité ou aux plus importants de ses serviteurs. La population est déjà organisée en cités-États, possédant leur conseil des Anciens et leur assemblée, et, si l'on en juge par certaines œuvres d'art, un roi guerrier est plus influent que les prêtres et que ceux qui gèrent le domaine du dieu.

2.3. L'INVENTION DE L’ÉCRITURE (VERS 3300 AVANT J.-C.)

Cette grande unité économique, qui comporte champs, troupeaux, ateliers, greniers et magasins, n'englobe ni toute la terre de la cité ni toute sa main-d'œuvre, mais elle est la seule à avoir laissé des traces : c'est pour ses comptes et ses contrôles que l'on invente la première de toutes les écritures et le sceau de forme cylindrique qui, mieux que le cachet plat, couvre le tampon d'argile des portes et des récipients d'une empreinte continue qui en garantit l'intégrité. Attesté à Ourouk dès 3400 avant J.-C. environ, ce système graphique, qui est l'ancêtre de l'écriture cunéiforme, emploie dès avant 3000 avant J.-C. les signes phonétiques qui permettent d'y lire du sumérien.

2.4. LE PROBLÈME SUMÉRIEN
Pour cette raison, bien que Sémites et Sumériens soient déjà mêlés dans toute la basse Mésopotamie, on est porté à attribuer aux Sumériens l'invention de l'écriture. Mais les spécialistes ne sont pas d'accord sur la date d'arrivée de ce peuple au Bas Pays : les uns pensent que c'est lui qui a colonisé la région dès le VIe millénaire avant notre ère, puisque, à partir de cette période, il n'y a là aucune rupture culturelle liée à des destructions qui indiqueraient une invasion ; d'autres, remarquant qu'il y a dans le vocabulaire sumérien des termes techniques qui sont étrangers aux langues sumérienne et sémitique, estiment que les Sumériens sont venus tardivement submerger sous leurs infiltrations un peuple plus évolué et plus anciennement installé au Bas Pays.

2.5. L'EXTENSION DE LA CIVILISATION MÉSOPOTAMIENNE
Sumérienne ou non, la civilisation qui apparaît vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère dans le sud de la basse Mésopotamie manifeste après 3300 avant J.-C. davantage de dynamisme. Dans son pays d'origine, s'il n'y a plus d'inventions, les techniques découvertes précédemment sont mises plus largement au service de la production ; les objets d'art sont moins soignés, mais plus nombreux. La civilisation de la haute Mésopotamie, elle, qui prolongeait celle d'Obeïd, recule après la destruction (vers 3400 avant J.-C.) de tepe Gaura, la ville aux trois temples, qui était la principale bénéficiaire du commerce entre l'Iran et le pays des Deux Fleuves.
Au contraire, le foyer culturel du Sud englobe rapidement le nord de la basse Mésopotamie, la plaine fluviale, plus tardivement colonisée parce que plus difficile à irriguer. Et des traces de l'influence du Sud, plus ou moins importantes suivant la distance, se retrouvent en Susiane, en haute Mésopotamie, en Iran, en Syrie septentrionale et jusqu'en Anatolie et en haute Égypte.

2.6. LE PROBLÈME DE LA CHRONOLOGIE
L'entrée dans l'histoire s'accompagne de celle dans le temps mesuré. Or, la reconstitution de la chronologie de l’Asie occidentale ancienne par les modernes comporte de terribles difficultés, dues avant tout au fait que la notion d'ère est inconnue dans cette région culturelle avant l'installation de la dynastie gréco-macédonienne des Séleucides à Babylone, dont la date initiale (312 / 311 avant J.-C.) est le point de départ d'une ère – innovation probablement due à des Grecs.

TROIS SYSTÈMES DE DATATION
Auparavant, les scribes des États les plus évolués (d'abord ceux de la Mésopotamie) ont employé trois systèmes élémentaires :
1. Depuis le xxve siècle avant J.-C. au moins, dans certaines cités-États, chaque année reçoit officiellement le nom d'un événement important (en fait qui se situe l'année précédente), par exemple : « année (où) le pays de Simourrou fut détruit », ou bien un numéro la situant par rapport à une année du type précédent, ainsi : « année II suivant (celle où) il construisit la grande muraille de Nippour et d'Our » ; et chaque début de règne donne une « année (où) X devient roi ».
2. Depuis le xxvie siècle avant J.-C. au moins, certaines cités-États, comme Shourouppak, en Sumer, ou Assour, donnent à chaque année le nom d'un magistrat éponyme.
3. À partir du xive siècle avant J.-C. au moins, en Babylonie, on attribue à chaque année le nombre ordinal qui la situe dans un règne : « année 8e » (de tel roi), par exemple.

DES LISTES ROYALES INSATISFAISANTES
Très tôt, on a dressé des listes d'années, dont on a tiré des listes royales, qui ne comportent que la suite des souverains avec le nombre d'années de chaque règne. Mais rien n'est plus décevant que ce genre de textes. Ou bien les listes sont incomplètes, par suite d'une cassure de la tablette, ou bien, à cause d'erreurs des scribes, elles sont contradictoires dans le cadre d'un même État. À cela s'ajoute le fait que les dynasties parallèles abondent dans ce monde toujours politiquement morcelé et que la confrontation des listes correspondantes nous vaut de nouvelles divergences. Les découvertes de textes chronologiques, encore fréquentes en Mésopotamie et dans les pays voisins employant les cunéiformes, permettent cependant de rétrécir la marge d'incertitude.

UN Ier MILLÉNAIRE AVANT J.-C. MIEUX CONNU
Mais seule la conservation d'une liste de 263 magistrats éponymes assyriens consécutifs fournit une base solide (pour la chronologie du Ier millénaire avant J.-C.), car l'indication d'une éclipse de soleil sous l'un d'eux permet de situer son année en 763 avant J.-C. et l'ensemble de la liste de 911 à 648 avant J.-C.
Les scribes égyptiens nous ont laissé également des listes royales avec des noms d'année et des durées de règne, remontant jusqu'à la Ire dynastie (fin du IVe millénaire avant notre ère). Quelques textes donnant pour l'année x de tel règne la valeur du décalage de l'année usuelle de 365 jours par rapport à celle, plus exacte, qui comprend 365 jours 1/4, permettent de situer à trois ans près, des dynasties, dont la plus ancienne est la XIIe (xxe-xixe s. avant J.-C.). Mais les lacunes et les contradictions se rencontrent également dans les listes égyptiennes, et les divergences chronologiques sont donc accrues pour les périodes où Égyptiens et Asiatiques sont en contact et citent des événements qui leur sont communs.

RÉFÉRENCES CHRONOLOGIQUES
Donc, si chaque spécialiste construit sa chronologie personnelle, les ouvrages de grande diffusion ont intérêt à employer la chronologie donnée pour chaque grande aire culturelle par les œuvres savantes les plus répandues (par exemple la nouvelle édition de la Cambridge Ancient History, ou le Proche-Orient asiatique de Paul Garelli). On pourra particulièrement consulter les articles « Datenlisten » (1934) et « Eponymen » (1938) par A. Ungnad dans le Reallexikon der Assyriologie (Berlin-Leipzig, volume II, p. 131-194 et 412-457) et le fascicule « Chronology » (1964) par William C. Hayes et M. B. Rowton de la Cambridge Ancient History.

3. LE « DYNASTIQUE ARCHAÏQUE » (VERS 2750-2350 AVANT J.-C.)
3.1. DES CITÉS PROSPÈRES
Dans cette période dite « Dynastique archaïque », la basse Mésopotamie continue à progresser rapidement, surtout au « Dynastique archaïque III » (vers 2600-2350 avant J.-C.), en dépit de son morcellement politique en cités rivales.
Dès le début, il y a eu une diminution du nombre des agglomérations et une augmentation de la taille de celles qui survivent. Il n'y a plus maintenant de doute : ce sont de véritables villes, ceintes d'une muraille. Leurs relations, qui s'étendent alors au sud-est de l'Iran (tepe Yahya) et à la vallée de l'Indus, leur valent toujours plus de matières premières et de recettes techniques. La métallurgie du cuivre accroît sa production et améliore ses procédés : dès 2500 avant J.-C., on réalise pour des objets d'art un véritable bronze d'étain. Les offrandes des temples et de certaines tombes montrent la richesse du pays et l'habileté de ses artisans : si la sculpture est en déclin, sauf pour la représentation des animaux, la métallurgie et l'orfèvrerie témoignent d'un goût raffiné.

3.2. LES DIVINITÉS CIVIQUES

Les villes continuent à élever des temples, où les notables déposent des offrandes et des orants (figurines qui les représentent en prière). Chaque cité a plusieurs temples (chacun d'eux pouvant héberger les idoles d'une divinité seule, d'un couple divin ou d'une famille de dieux) ainsi qu'un panthéon hiérarchisé et dominé par la divinité protectrice de la ville. Les représentations conventionnelles des dieux, les symboles qui les désignent et les premières inscriptions permettent d'identifier des divinités qui étaient sans doute en place aux âges précédents et se maintiennent jusqu'à la fin de la civilisation mésopotamienne : ainsi, chez les Sumériens, Inanna (déesse de la Fécondité), Enlil (le Vent), Enki (l'Eau bienfaisante), An (le Ciel).

3.3. DES ROIS-PRÊTRES À LA SÉPARATION TEMPLE-PALAIS

Les inscriptions historiques qui apparaissent au xxviie siècle avant J.-C. et les archives de Tello (un site du royaume de Lagash, sur le Tigre inférieur), du xxvie au xxive siècle avant J.-C., révèlent les institutions que l'on entrevoyait seulement pour le IVe millénaire avant notre ère. Chaque cité-État est gouvernée par un roi héréditaire (en « seigneur » ou lougal, « grand homme »), qui est vicaire (ou bien ensi « délégué », « gouverneur ») du grand dieu local et le chef des guerriers. À la même époque, semble-t-il, ce souverain cesse d'habiter le temple, et l'on construit les premiers palais, tandis que l'on se met à distinguer l'unité économique dépendant du dieu de celle qui appartient au roi (les historiens les nomment temple et palais). Parfois, le pouvoir sacerdotal (représenté par un « comptable », ou prêtre), séparé du pouvoir royal, se heurte à ce dernier.

3.4. LES GUERRES ENTRE CITÉS

En dehors de l'édification des temples et du creusement des canaux, le roi de la cité s'occupe de faire la guerre à ses voisins et essaie d'imposer à quelques-uns d'entre eux sa prédominance. Ces dominations éphémères et géographiquement limitées sont exercées à partir de villes de basse Mésopotamie (→ Kish, Our, Ourouk, Lagash, Oumma, etc.) par des rois à noms sumérien ou sémitique (comme Mesanepada, fondateur de la Ire dynastie d’Our, ou Eannatoum de Lagash, dont la victoire sur Oumma est commémorée par la magnifique stèle des Vautours du musée du Louvre, ou encore ce Gilgamesh d'Ourouk, source de la plus fameuse épopée mésopotamienne, couchée par écrit dans la première moitié du IIe millénaire avant J.-C.), de l'Euphrate moyen (la sémitique Mari) ou d'Élam (Suse). En effet, si les Élamites ont leur civilisation et leur organisation politique propres, ils ne cessent, durant toute leur histoire, d'avoir des rapports culturels et économiques avec le Bas Pays et d'être en conflit avec ses cités.

3.5. RETARD PERSISTANT DU NORD
Durant cette période, la haute Mésopotamie reste en retard par rapport au Sud. Le meilleur critère en est l'usage de l'écriture, dont les signes prennent peu à peu l'allure de paquets de clous ou de coins (d'où le terme de « cunéiforme ») ; elle n'est adoptée au Dynastique archaïque que dans les agglomérations de la basse vallée de la Diyala et à Mari, sur l'Euphrate moyen. D'autres centres (Assour sur le Tigre moyen, tell Brak dans le bassin du Khabur), s'ils n'emploient pas l'écriture, ont pourtant reçu un tel apport technique et artistique du Bas Pays que l'on a cru y voir des comptoirs ou des dépendances de centres du Sud.
3.6. GRANDEUR ET DÉCLIN DU DYNASTIQUE ARCHAÏQUE

Pendant un certain temps, les guerres n'empêchent pas le progrès de la civilisation. C'est ce que montrent les trésors artistiques (vers 2500 avant J.-C.) trouvés à Our dans des tombes mystérieuses (pour des rois terrestres, comme le lougal Meskalamdoug, des substituts de dieux ou de vicaires ?), véritables monuments (fait rare dans le monde mésopotamien, où l'on n'attend rien d'un au-delà désolant) qui renferment des foules de serviteurs et surtout de servantes exécutés pour accompagner leur maître dans la mort.
Puis au xxive siècle avant J.-C. vient le temps des destructions sauvages et du premier Empire mésopotamien.

4. LES PREMIERS EMPIRES MÉSOPOTAMIENS (VERS 2350-2004 AVANT J.-C.)

4.1. L'EMPIRE DE LOUGAL-ZAGESI (VERS 2350-2325 AVANT J.-C.)

Parti d'Oumma (cité voisine de Lagash), le Sumérien Lougal-zagesi impose sa domination brutale (vers 2350 avant J.-C.) du golfe Persique à la Méditerranée. C’est le premier « empire » constitué en Mésopotamie. Il ne dure pas vingt-cinq ans.

4.2. L’EMPIRE AKKADIEN (VERS 2325-VERS 2190 AVANT J.-C.)
Vers 2325 avant J.-C., Lougal-zagesi est renversé par le Sémite Sargon, qui a fondé dans le nord de la basse Mésopotamie une cité-État, Akkad (ou Agadé), dont l'emplacement n'a pas encore été retrouvé. Son triomphe est aussi celui de son peuple, le dernier groupe sémitique sorti du désert. Sous la dynastie d'Akkad, on constate d'ailleurs un antagonisme entre ces Sémites d'Akkad et les citadins de Sumer (Sémites et Sumériens mêlés depuis longtemps), fiers de l'ancienneté de leur civilisation.

UNE POLITIQUE IMPÉRIALE

Sargon (début du xxiiie siècle avant J.-C., qui se dit « roi de Sumer et d’Akkad », se constitue un domaine encore plus vaste que celui de son prédécesseur, guerroyant dans les régions périphériques et étendant son contrôle sur une bonne partie des étapes et des voies du commerce de l'Asie occidentale. Et, si son empire fournit l'exemple à suivre pour tous ceux qui par la suite essaieront d'unifier le pays des Deux Fleuves, c'est qu'à la différence des rois du « Dynastique archaïque », vainqueurs de leurs voisins, et sans doute aussi de Lougal-zagesi, il a pratiqué une véritable politique impériale. Les rois d'Akkad, qui ont laissé souvent les vicaires vaincus à la tête de leurs villes, les font surveiller par des officiers de la cour akkadienne et colonisent les terres des vieilles villes en y constituant soit des établissements pour des groupes de leurs soldats, soit de grands domaines pour leurs principaux serviteurs. Et, pour mieux asseoir l'idée d'une domination supérieure à celle des rois de l'époque précédente, ils donnent un caractère divin à leur pouvoir : on les appelle « dieux » et on les représente avec la tiare à cornes (symbole de puissance jusque-là réservé à la divinité).

L’ENRICHISSEMENT MATÉRIEL

Le bouleversement politique s'accompagne d'une multiplication des grands domaines privés au détriment des communautés et des familles vivant dans l'indivision. Le commerce et l'artisanat profitent des facilités que l'unification politique apporte à la circulation. Disposant de ressources plus étendues que les chefs des cités-États, les rois d'Akkad peuvent susciter le progrès artistique : sans rompre avec la tradition, la sculpture et la glyptique produisent des chefs-d'œuvre (stèle de Naram-Sin, petit-fils de Sargon, commémorant sa victoire sur les montagnes du Zagros, tête de Ninive, sceau de Sharkali-sharri, fils de Naram-Sin).

LES MUTATIONS CULTURELLES
La substitution partielle de l'akkadien (parler sémitique employé au pays d'Akkad) au sumérien comme langue écrite est à l'origine d'importants progrès culturels. Les scribes ne se contentent pas de lire en akkadien les idéogrammes d'origine sumérienne, comme on avait pu le faire jusque-là ; transcrivant leur langue sémitique où les mots sont généralement polysyllabiques (à la différence du sumérien, où prédominent les monosyllabes), ils sont amenés à étendre l'usage des signes phonétiques, qui rend l'écriture moins difficile. Les cunéiformes se répandent alors dans les pays soumis par Sargon ou chez ses adversaires : ils transcrivent de l'élamite, du hourrite (en haute Mésopotamie) et surtout de l'akkadien.
Pour en savoir plus, voir l'article cunéiforme.

LE NORD SORT DE L’OMBRE
En haute Mésopotamie, l'écriture, rare jusque-là, apparaît à Gasour (→ Nouzi au IIe millénaire avant notre ère, près de Kirkuk), à l'est du Tigre moyen, à Ninive, à Assour, au tell Brak, à Chagar Bazar (dans le bassin supérieur du Khabur) et dans les cités saintes du peuple hourrite, et elle contribue à restaurer l'unité culturelle de la Mésopotamie, qui avait disparu au Prédynastique final. Le nord de la Mésopotamie, qui porte alors le nom de Soubarou, commence à sortir de l'obscurité. Il est peuplé, pour une bonne part, de Sémites apparentés à ceux du pays d'Akkad et qui reconnaissent assez facilement la prédominance de la dynastie de Sargon : c'est le cas de ceux d'Assour (qui donnera son nom à l’Assyrie), fondée au xxvie siècle avant J.-C. comme cité sainte des tribus pastorales de la steppe qui s'étend à l'ouest du Tigre.
Quant aux Hourrites, généralement en guerre avec Akkad, descendus des montagnes, ils sont nombreux dans tout le piémont, et certains de leurs rois revendiquent la domination sur toute cette zone.

4.3. CHUTE D’AKKAD ET RETOUR AUX CITÉS-ÉTATS (VERS 2190-2120 AVANT J.-C.)

L’ARRIVÉE DES GOUTIS
Parvenue à un haut degré de richesse, la Mésopotamie ne cesse alors plus de susciter la convoitise des populations moins évoluées qui vivent dans les montagnes et les steppes désertiques de sa périphérie. Certains de ces voisins pratiquent surtout l'infiltration, venant par petits groupes se proposer comme soldats ou hommes de peine ; ils ont le temps d'assimiler la culture mésopotamienne avant de constituer une majorité dans la région où ils se fixent. D'autres peuples procèdent par des attaques brutales et viennent saccager les villes. Les rois d'Akkad ne peuvent cependant pas indéfiniment conjurer cette menace, car ils sont bien souvent occupés à réprimer les soulèvements des cités-États de Mésopotamie, qui renoncent difficilement à leur indépendance. S'ils endiguent la poussée des Sémites occidentaux, ou Amorrites, qui sortent du désert de Syrie, ils finissent par succomber devant les expéditions des peuples du Zagros, Loulloubi et Goutis, qui ruinent l'Empire akkadien (vers 2190 avant J.-C.).

LE RETOUR AUX CITÉS-ÉTATS
Tandis que les rois goutis imposent leur domination à une partie des centres mésopotamiens, le reste du pays des Deux Fleuves retourne au régime des cités-États indépendantes, parmi lesquelles Akkad, qui garde sa dynastie jusque vers 2154 avant J.-C. (voire 2140, selon Jean-Jacques Glassner, La Mésopotamie, Les Belles lettres, 2002).
C'est peut-être au temps des Goutis que se situe le règne de Goudea (2141-2122 avant J.-C.) à la tête de l'État de Lagash ; ce vicaire (ishshakou), qui ne paraît dépendre d'aucun souverain, a des relations commerciales avec une bonne partie de l'Asie occidentale, et sa richesse lui permet de multiplier les sanctuaires, d'où proviennent les dix-neuf statues en diorite noire que l'on a conservées de lui et qui inaugurent cet art habile et froid qui dure la majeure partie du IIe millénaire avant notre ère.
Vers 2120 avant J.-C., le roi d'Ourouk, Outou-hegal, bat et expulse le peuple détesté des Goutis, et le prestige de cette victoire lui vaut la prédominance sur tout le pays de Sumer.

4.4. LA IIIe DYNASTIE D’OUR (VERS 2110-2004 AVANT J.-C.)
LA « RENAISSANCE NÉO-SUMÉRIENNE »
À la mort d'Outou-hegal, c'est le roi Our-Nammou, fondateur de la IIIe dynastie d'Our, qui impose sa domination aux cités de basse Mésopotamie. C'est le point de départ d'un empire dont les limites sont mal connues : il doit comprendre toute la Mésopotamie et s'étend, sous le règne de Shoulgi, successeur d'Our-Nammou, à la Susiane et à une partie de l'Élam montagneux. On a qualifié cette période de néo-sumérienne. En fait, si la langue de Sumer est de nouveau employée dans les textes administratifs, le peuple de Sumer a disparu sous l'afflux massif des Sémites ; les populations de l'empire emploient des parlers sémitiques ou le hourrite, et le sumérien n'est plus que la langue de culture d'une élite sociale. Les rois d'Our reprennent et perfectionnent la politique impériale des maîtres d'Akkad. Dieux, ils reçoivent un culte de leur vivant et un hypogée monumental pour leur au-delà. C'est également à ce titre qu'Our-Nammou donne à son peuple un code qui est le plus ancien recueil de lois connu à ce jour.

L’EMPIRE D’OUR

Les souverains d'Our multiplient les constructions sacrées, en particulier dans leur capitale, où ils développent l'ensemble consacré à Sin, le dieu-lune, y ajoutant une ziggourat (bâtiment fait de terrasses de taille décroissante superposées et couronné par un temple), la plus ancienne connue. L'empire d'Our se caractérise encore par un énorme appareil administratif qui contrôle les temples et les villes. Il y a encore dans chaque cité un vicaire, mais ce n'est plus qu'un fonctionnaire nommé par le roi, qui peut le muter. En revanche, sur le plan économique, les agents commerciaux des temples et du palais commencent à réaliser des affaires pour leur compte.

LA CHUTE D’OUR
Les rois d'Our n'ont guère cessé de guerroyer dans le Zagros, mais un péril plus aigu s'annonce à l'ouest : à l'infiltration continue des Amorrites s'ajoutent leurs attaques. Et l'empire est déjà plus qu'à moitié perdu lorsque les Élamites prennent Our, qui est saccagée et dont le dernier roi est déporté (2004 avant J.-C.).

5. LES ROYAUMES AMORRITES (VERS 2004-1595 AVANT J.-C.)
Le mouvement des peuples se poursuit pendant deux siècles au moins : tandis que les Hourrites progressent en haute Mésopotamie vers le sud et vers l'ouest, les Amorrites arrivent en bandes successives, qui se fixent un peu partout au pays des Deux Fleuves, et finissent par adopter un dialecte akkadien.

5.1. LA PÉRIODE D'ISIN-LARSA
Ishbi-Erra, qui, comme gouverneur de Mari, avait trahi et dépouillé son maître, le dernier roi d'Our, bien avant la catastrophe finale, fonde à Isin, en Sumer, une dynastie qui prétend continuer la domination impériale des rois d'Our en reprenant le titre de « roi de Sumer et d'Akkad » ; mais cette dynastie se heurte à une dynastie amorrite installée à Larsa dans la même région. D'où le nom de période d'Isin-Larsa que l'on a donné à cette époque, où la Mésopotamie retourne au morcellement politique. Un peu partout, des chefs de guerre, le plus souvent des Amorrites à la tête de leur tribu, se proclament vicaires ou rois d'une cité. Il ne se passe pas de génération sans qu'un ou plusieurs de ces souverains n'entament la construction d'un empire qui s'écroule avant d'avoir achevé la réunification du pays des Deux Fleuves.

5.2. L’ANCIEN ÂGE ASSYRIEN
Mais l'histoire retient surtout les villes qui ont été des centres culturels ou économiques. Assour, redevenue indépendante à la chute de la IIIe dynastie d'Our, est gouvernée par des vicaires du dieu local Assour, portant des noms akkadiens (le dialecte assyrien est une forme dérivée de la langue d'Akkad). Ces princes participent au commerce fructueux que leurs sujets pratiquent en Anatolie centrale et dont témoignent les fameuses tablettes assyriennes de Cappadoce (xixe-xviiie siècle avant J.-C.). Leur dynastie est renversée (vers 1816 avant J.-C.) par un roitelet amorrite du bassin de Khabur, Shamshi-Adad Ier, qui se constitue un empire en haute Mésopotamie en dépouillant ou en soumettant les maîtres de nombreuses cités. En particulier, il met la main sur Mari (vers 1798 avant J.-C.), le grand centre commercial de l'Euphrate. Mais, à la mort du conquérant (vers 1781 avant J.-C.), son héritier, Ishme-Dagan Ier est réduit à la possession d'Assour. Zimri-Lim, le représentant de la dynastie précédente à Mari, se rétablit dans la royauté de ses pères et se rend célèbre par l'achèvement d'un palais qui est le plus beau de son temps.

5.3. L’ANCIEN EMPIRE BABYLONIEN
HAMMOURABI ET LA Iere DYNASTIE DE BABYLONE

La prédominance politique passe alors aux mains de Hammourabi (1793-1750 avant J.-C.), sixième roi de la dynastie amorrite (2004-1595 avant J.-C.), qui s'est établie à Babylone, grand centre économique du Bas Pays. Le Babylonien, qui avait d'abord été un allié subordonné de Shamshi-Adad Ier, finit par détruire, entre 1764 et 1754 avant J.-C., les principaux royaumes du pays des Deux Fleuves – Larsa, Mari, Eshnounna (à l'est de la basse Diyala) – et constitue un empire étendu à la majeure partie de la Mésopotamie ; mais c'est son code (282 articles reproduits sur une colonne de basalte de 2,25 m de haut et 70 cm de rayon à la base) et ses archives administratives qui l'ont rendu célèbre (→ code de Hammourabi).

LE DÉCLIN DE L'EMPIRE
En effet, dès le règne de Samsou-ilouna, le fils de Hammourabi le royaume de Babylone est réduit au pays d'Akkad. L'obscurité tombe sur la haute Mésopotamie, de nouveau morcelée, et sur le pays de Sumer, qui, gouverné par une dynastie du Pays de la Mer (région de Basse Mésopotamie, proche du golfe ; vers 1735-1530 avant J.-C.), souffre du déclin provoqué par la remontée des sels, qui ruine la culture des céréales, et par la fin du commerce avec la civilisation de l'Indus, ruinée au xviiie siècle avant J.-C. Les peuples de la périphérie se remettent en mouvement, et, en 1595 avant J.-C., une expédition du roi hittite Moursili Ier met fin à la Ire dynastie de Babylone.

LE RAYONNEMENT CULTUREL DE BABYLONE
À la fin de la période qui s'achève ainsi, la grande ville du bas Euphrate est devenue le centre culturel de la Mésopotamie. C'est d'elle que rayonne maintenant le mouvement intellectuel né en Sumer, à la fin de la dynastie d'Our, au moment où l'on avait cessé de parler le sumérien. Les scribes avaient alors entrepris de mettre par écrit, pour la conserver, la tradition religieuse, scientifique et littéraire élaborée au cours des âges précédents dans le Bas Pays, et qui était restée presque entièrement orale. À partir du xviiie siècle avant J.-C., ils traduisent ces textes en akkadien, puis ils les adaptent au goût nouveau ou les complètent à l'aide des découvertes récentes. C'est l'époque où se développent les techniques divinatoires et en particulier l'astrologie et les autres sciences (mathématiques, médecine).
Pour en savoir plus, voir l'article Babylone.

6. LE TEMPS DES INVASIONS : HOURRITES, KASSITES ET ASSYRIENS (VERS 1595-934 AVANT J.-C.)
Les envahisseurs venus du Zagros à la fin de la période précédente se fixent en Mésopotamie. Les Aryens et le groupe hourrite qui leur est lié dans le Nord, les Kassites dans le Sud fondent ainsi deux États, le Mitanni et le Kardouniash, tandis qu’un Empire assyrien renaît peu à peu de ses cendres.

6.1. LES HOURRITES ET L’EMPIRE DU MITANNI
Le Mitanni, qui reste très mal connu, est le premier à sortir de l'obscurité. C'est un empire à l'ancienne mode, où le roi d'un État plus puissant, le Mitanni, qui devait se trouver dans le bassin du Khabur, impose sa prédominance aux rois plus faibles dans une vaste étendue, du Zagros à l'Oronte, de l'Araxe au moyen Euphrate. Si elle ne correspond à une unité géographique, cette domination s'appuie sans doute sur l'appartenance de la plupart des rois qui y sont regroupés aux aristocraties aryenne et hourrite.
Le Mitanni s'est développé probablement dès le xvie siècle avant J.-C., à la faveur des migrations et de la disparition ou du recul des États plus anciens, et c'est au début du xve s.siècle avant J.-C. la principale puissance de l'Orient. Trop composite, il s'écroule lorsque ses voisins s'entendent contre lui : les Hittites, qui lui enlèvent son domaine syrien, et les Assyriens, qui annexent ses dépendances du bassin du Tigre moyen, se disputent après 1360 avant J.-C. la protection de ce qui reste de l'Empire mitannien, un État tampon dans l'ouest de la haute Mésopotamie, qui finit, vers 1270 avant J.-C., détruit et annexé par les Assyriens.

6.2. LES KASSITES ET LE KARDOUNIASH
UNIFICATION DE LA BABYLONIE
L'État du Kardouniash (ou Karandouniash) a été fondé à Babylone (peut-être à la disparition de la dynastie amorrite) par des Kassites. Ce peuple du Zagros avait tenté d'envahir le pays des Deux Fleuves en 1741 avant J.-C. et, battu par le fils de Hammourabi, il avait, semble-t-il, fondé un royaume quelque part en Mésopotamie. Après leur installation à Babylone, les Kassites réunifient le Bas Pays – que l’on peut, désormais, appeler la Babylonie – en détruisant la dynastie du Pays de la Mer (vers 1530 avant J.-C.).

UNE PUISSANCE FAIBLE
On ne connaît aucun texte ni monument des rois kassites avant le xive siècle avant J.-C., ce qui indique une économie affaiblie et probablement une monarchie sans grand pouvoir. C'est d'ailleurs avec ce caractère qu'elle se manifeste ensuite : les rois kassites concèdent de grands domaines immunitaires à leurs officiers et accordent le même privilège aux cités ; on comprend alors qu'aucune d'elles ne conteste plus la suprématie de Babylone ni ne tente de sécession. Les Kassites, aristocratie militaire issue d'un peuple peu évolué, abandonnent assez vite leur culture propre, et le monde babylonien, dès le retour à la prospérité économique, reprend son activité intellectuelle. Du xive au xie siècle avant J.-C., les scribes constituent les collections, désormais canoniques, de textes rituels, divinatoires ou se rapportant aux autres sciences du temps et donnent également une forme définitive aux œuvres littéraires, comme le Poème de la Création ou l’Épopée de Gilgamesh.

6.3. LE MOYEN EMPIRE ASSYRIEN
UNIFICATION DE L'ASSYRIE
La cité-État d'Assour était entrée dans l'obscurité dès la mort de Shamshi-Adad Ier (vers 1781 avant J.-C.). Morcelée entre des dynasties rivales, elle avait dû subir des dominations étrangères. Assour venait à peine de se libérer de l'emprise du roi mitannien quand Assour-ouballit Ier (1366-1330 avant J.-C.) entreprend d'exploiter la crise dynastique du Mitanni et, retournant la situation, devient le protecteur du nouveau roi mitannien. Assour-ouballit, qui a pris le titre de roi pour les territoires étrangers au domaine de la cité d'Assour qu'il a conquis, et ses premiers successeurs dépassent le cadre de la cité-État originelle et créent ce que les modernes appellent l'Assyrie, un royaume centralisé comme celui de Hammourabi, bientôt un empire comprenant, outre Assour, les villes du « triangle assyrien » (entre le Tigre et le Zab supérieur), dont la plus importante est Ninive, puis tout le bassin du Tigre moyen et, au xiiie siècle avant J.-C., ce qui reste du Mitanni. Les Hourrites, qui formaient une part importante de la population des pays conquis, se laissent sémitiser.

UNE ROYAUTÉ FRAGILE
Cette expansion s'accompagne de cruautés ostentatoires et de déportations inspirées par le nationalisme et destinées à détruire toute volonté de résistance. Ces succès ne diminuent guère l'instabilité politique à Assour : la royauté est sacrée, mais non la personne du roi, qui doit déjouer les intrigues de ses parents, des prêtres, qui désignent le nouveau souverain, et de l'aristocratie guerrière, qui monopolise les offices auliques et les gouvernements provinciaux, et dont la guerre accroît la richesse et la puissance.

6.4. LA RIVALITÉ ENTRE ASSYRIENS ET BABYLONIENS (VERS 1320-1120 AVANT J.-C.)
UNE LUTTE INTERMINABLE
Dans la seconde moitié du xive siècle avant J.-C., alors que la Mésopotamie ne compte plus que deux grands États, s'amorce le vain conflit qui va affaiblir ces royaumes. Pour des raisons de prestige, pour imposer chacun sa prédominance à l'autre, les rois de Babylone et d'Assour se lancent dans une série de guerres décousues auxquelles participe bientôt l'Élam, à peine libéré de la tutelle babylonienne et qui, pour des raisons géographiques, réserve ses coups au Bas Pays. Même le triomphe de l'Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208 avant J.-C.), qui a capturé le souverain kassite et s'est proclamé roi de Babylone, n'a pas de lendemain. De même, après que les raids successifs des Assyriens et des Élamites ont mis fin à la dynastie kassite (1153 avant J.-C.), la Babylonie se relève sous une dynastie à noms sémitiques, la 2e dynastie d'Isin, et une victoire de son roi Naboukoudour-outsour Ier (appelé par les modernes Nabuchodonosor Ier) provoque la fin du grand royaume d'Élam (vers 1115-1110 avant J.-C.).

L’ÉMULATION CULTURELLE
Ces conflits n'entravent ni le commerce ni les échanges culturels. La Babylonie exerce une influence puissante sur tout l'Orient, et surtout sur son voisin du Nord. Les Assyriens, qui montrent une certaine originalité dans l'élaboration de leur premier art, sont par contre les admirateurs et les fidèles disciples des scribes babyloniens et les adorateurs fervents des divinités du Sud.

6.5. LE TEMPS DE LA CONFUSION (VERS 1120-934 AVANT J.-C.)
L’ARRIVÉE DES ARAMÉENS
Le mouvement migratoire des Sémites du désert de Syrie à destination des pays agricoles, qui n'avait jamais complètement cessé, reprend toute sa force avec un nouveau groupe linguistique, les Araméens. Affaiblis par leur interminable conflit, mal préparés à combattre ces pillards insaisissables, les royaumes de Babylonie et d'Assyrie déclinent sous l'effet du harcèlement des nomades. L'Assyrie, en particulier, qui portait encore la guerre sous Toukoultiapil-Esharra Ier (→ Téglath-Phalasar Ier) [1116-1077 avant J.-C.] jusqu'au lac de Van et en Phénicie, perd peu après tout l'ouest de la haute Mésopotamie. Bientôt, la situation est la même pour les deux États : les citadins sont bloqués dans les villes, les bandes araméennes courent les campagnes, dont ils massacrent les habitants terrorisés et transforment les riches zones de culture en steppes pastorales.

LES PETITS ROYAUMES ARAMÉENS
Puis, à la fin du xie siècle ou au xe siècle avant J.-C., les groupes araméens se fixent, chacun formant la garnison d'une cité dont son chef devient le roi. En Babylonie, ce phénomène a été facilité par l'attitude des notables des villes livrées à elles-mêmes par une royauté que dégradent des usurpations répétées : ceux-ci cèdent en échange de leur tranquillité une partie de leurs terres aux envahisseurs ; en certains districts de Sumer, l'afflux des Araméens, auxquels des Arabes se joignent au viiie siècle avant J.-C., ne cesse jamais et absorbe les populations plus anciennes ; mais, partout, les petits royaumes tribaux qui se forment reconnaissent pour souverain le roi de Babylone.

7. LES NOUVEAUX EMPIRES ASSYRIEN ET BABYLONIEN (934-539 AVANT J.-C.)

7.1. LE NOUVEL EMPIRE ASSYRIEN (934-605 AVANT J.-C.)

UNE POLITIQUE DE CONQUÊTES SYSTÉMATIQUES

Au xe siècle avant J.-C., les deux États mésopotamiens connaissent un renouveau économique et intellectuel. Mais les Assyriens ne s'en tiennent pas là et se consacrent à la conquête, montrant dès le règne d'Assour-dân II (934-912 avant J.-C.) plus de méthode qu'on ne leur en prête pour cette époque. Outre les opérations de police contre les Araméens qui infestaient les campagnes et la guerre de prestige contre Babylone, traitée avec mansuétude par respect pour ses dieux, l'armée assyrienne attaque les peuples guerriers et arriérés des montagnes ainsi que les riches cités araméennes. Pour ces dernières, elle opère progressivement, ne les annexant qu'après des années d'extorsion du tribut.

Cependant, la conquête assyrienne comporte des pauses et des reculs qui semblent liés à la faiblesse de tel roi, mais qui sont dus plus probablement à une crise interne, qui n'est résolue que provisoirement par l'arrivée au pouvoir d'un prince énergique. Au ixe siècle avant J.-C., Assurnazirpal II (883-859 avant J.-C.) est le premier à franchir l'Euphrate et à aller rançonner les cités du couloir syrien, mais il faut encore plus d'un demi-siècle pour que ses successeurs achèvent l'annexion des États araméens de la haute Mésopotamie occidentale.

LES FAIBLESSES DE L'EMPIRE
Depuis Assurnazirpal II, les rois résident à Nimroud, au sud-est de Ninive, ville neuve peuplée de déportés dont on n'avait pas à craindre qu'ils exigent des immunités. Cette fragilité du pouvoir royal, que la propagande dissimule aux yeux des étrangers, impressionnés par les reliefs des palais montrant la majesté du souverain, est mise en lumière par la guerre civile assyrienne (828-823 avant J.-C.), qui oppose deux groupes sociaux se disputant les profits de la guerre et divise la famille royale. Durablement affaiblie, l'Assyrie a beaucoup de mal à endiguer la poussée du royaume d'Ourartou, qui, par le bassin du Tigre supérieur, menace le cœur de l'Assyrie.

LA SOUMISSION DE LA BABYLONIE
Toukoultiapil-Esharra III (745-727 avant J.-C.), le Téglath-Phalasar III de la Bible, qui restaure le pouvoir royal et réforme l'armée, reprend la conquête avec plus d'acharnement. Mais il est sans doute mal inspiré quand, inquiet de la faiblesse croissante de la monarchie babylonienne, qui pourrait tenter un Élam en plein renouveau, il s'empare de la Babylonie et se proclame roi dans sa capitale (728 avant J.-C.). Au lieu d'un État miné par l'anarchie, ses successeurs doivent affronter les révoltes des citadins et des Araméens, soutenus par les Élamites. Les rois assyriens essaient toutes sortes de solutions : tantôt le titre de roi de Babylone est porté par le souverain d'Assyrie, par un de ses fils ou par un Babylonien dont on escompte la docilité, tantôt on supprime ce titre et avec lui les dernières apparences d'indépendance. Les révoltes exaspèrent les Assyriens et, par deux fois (689 avant J.-C. et 648 avant J.-C.), Babylone est dévastée.

UN COLOSSE AUX PIEDS D’ARGILE
Sous Sargon II (722/721-705 avant J.-C.) et ses descendants les Sargonides, Sennachérib (705-680 avant J.-C.), Assarhaddon (680-669 avant J.-C.) et Assourbanipal (669-v. 627 avant J.-C.), l'Empire assyrien paraît à son apogée avec un domaine de plus d'un million de kilomètres carrés, qui va jusqu'à Suse en Élam et à Thèbes en Égypte, avec ses palais ornés de reliefs et de fresques, où les rois entassent leurs collections d'ivoire et de tablettes. Une civilisation impériale où domine l'apport babylonien se répand dans toute l'Asie occidentale, effaçant les particularismes locaux. Mais le peuple assyrien, décimé par la guerre, ne fournit plus que l'encadrement de ces foules de prisonniers de guerre avec lesquels on remplit les rangs de l'armée ou des chantiers et de ces déportés qui constituent maintenant la majorité de la population dans chacune des régions de l'Empire.

LA FIN DE L’ASSYRIE (626-605 AVANT J.-C.)
En 626 avant J.-C., Nabopolassar, membre de la grande tribu araméenne des Chaldéens, se révolte contre la domination assyrienne et devient roi de Babylone, fondant la dernière dynastie de la grande cité. Cependant, il faut l'intervention du roi mède Cyaxare pour que les capitales de l'Assyrie soient détruites (Assour en 614 avant J.-C., Ninive en 612 avant J.-C.) et que son armée soit dispersée (605 avant J.-C.). Le peuple assyrien anéanti, son héritage va essentiellement à la dynastie chaldéenne de Babylone, qui reconstitue un empire en Asie occidentale, tandis que les Mèdes, dominant l'Iran, se contentent de la moitié nord de la haute Mésopotamie, où ils campent au milieu des ruines.

7.2. LE DERNIER EMPIRE BABYLONIEN (605-539 AVANT J.-C.)

 

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