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OZONE |
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ozone
(grec odzein, exhaler une odeur)
Consulter aussi dans le dictionnaire : ozone
Cet article fait partie du dossier consacré à l'air et du dossier consacré à l'environnement.
Gaz toxique de couleur bleutée, odorant, au pouvoir très oxydant, formé de trois atomes d'oxygène (O3).
L'ozone est naturellement présent dans la haute atmosphère, où il se forme par une réaction photochimique. Il est également produit par les étincelles électriques et les réactions chimiques libérant de l'oxygène à froid. Dans la basse atmosphère, c’est un polluant toxique pour les animaux et les plantes. Au niveau de la stratosphère, en revanche, il forme une couche protectrice de la vie sur Terre, qui absorbe les rayonnements ultraviolets du Soleil.
1. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES
L'ozone est un gaz de couleur bleue, d'odeur forte et pénétrante, dangereux à respirer et plus oxydant que l'oxygène. De densité 1,66, il se liquéfie à − 112 °C en donnant un liquide bleu indigo, extrêmement instable. Il oxyde à froid l'iode et presque tous les métaux, notamment le mercure et l'argent ; il déplace le chlore, le brome et l'iode de leurs combinaisons avec l'hydrogène ou les métaux ; il oxyde au maximum les acides du soufre, du phosphore et de l'arsenic ; il détruit aussi par oxydation les matières organiques (liège, caoutchouc). En revanche, avec divers composés organiques non saturés, il donne des composés d'addition peu stables, les ozonides.
2. UTILISATIONS
L'ozone est utilisé, pour son pouvoir oxydant et bactéricide, pour la désinfection de l'air dans les atmosphères confinées, la stérilisation des eaux, le blanchiment de textiles, le vieillissement du vin et du bois. Dans le traitement des plaies (ozonothérapie), il est appliqué en jet ou en solution aqueuse, en une ou en plusieurs fois selon le résultat obtenu. Il sert à la préparation d'huiles siccatives et à la synthèse de certaines essences végétales.
3. L'OZONE ATMOSPHÉRIQUE
3.1. L’OZONE STRATOSPHÉRIQUE ET LES BIENFAITS DE LA COUCHE D’OZONE
L'ozone joue un rôle fondamental dans les équilibres de l'environnement terrestre. 90 % de l'ozone atmosphérique se situent à des altitudes comprises entre 20 et 50 km. Cette « couche d'ozone » explique l'existence, à ces mêmes altitudes, d'une région de grande stabilité vis-à-vis des échanges verticaux, la stratosphère. Bien qu'il soit un constituant minoritaire de l'atmosphère (sa concentration relative maximale observée à 25 km d'altitude ne dépasse pas 5 à 6 millionièmes en volume), l'ozone est l'unique absorbant du rayonnement solaire ultraviolet de longueurs d'onde comprises entre 240 et 300 nanomètres. Cette absorption permet le maintien de la vie animale et végétale sur la Terre, en éliminant les radiations de courtes longueurs d'onde susceptibles de détruire les cellules de la matière vivante et d'inhiber la photosynthèse. C'est la raison pour laquelle on se préoccupe fortement depuis les années 1980 des atteintes portées à la couche d'ozone stratosphérique par les activités humaines.
3.2. L’OZONE TROPOSPHÉRIQUE ET SES MÉFAITS SUR LES ÊTRES VIVANTS
Aux altitudes inférieures à 10 km, les teneurs en ozone sont très faibles, de l'ordre de 0,03 millionième. Mais, contrairement à son rôle bénéfique dans la stratosphère, l'ozone agit près du sol comme un oxydant qui perturbe la photosynthèse et peut provoquer des lésions aux végétaux (taches brunes sur les feuilles correspondant à des nécroses). Dans les zones de forte pollution, où les teneurs peuvent être beaucoup plus élevées, l'ozone affecte directement la santé humaine, au niveau notamment du système respiratoire et des muqueuses. L'ozone est irritant pour les poumons, entraînant une toux, une gêne respiratoire, parfois même un œdème pulmonaire. Le traitement après une inhalation importante consiste en un repos strict, surveillé médicalement.
La quantité d'ozone contenue dans l'atmosphère s'exprime par l'« épaisseur réduite », c'est-à-dire l'épaisseur verticale d'une colonne où tout le gaz serait rassemblé, épaisseur ramenée à la température et à la pression normales. En moyenne, cette épaisseur est de 2,5 mm.
4. LE TROU DE LA COUCHE D'OZONE
4.1. LA DÉCOUVERTE DU TROU DE LA COUCHE D’OZONE
En 1985, des scientifiques britanniques signalent pour la première fois l'existence d'un « trou » de la couche d'ozone, ou plus exactement d'une réduction importante de l'épaisseur de la couche d'ozone au-dessus du pôle Sud. La haute atmosphère de cette région se révèle être en effet le théâtre d'un cycle effréné de destruction de l'ozone. Pendant l'hiver polaire, la formation d'un tourbillon d'air stratosphérique isole l'atmosphère antarctique du reste de l'hémisphère Sud. La température de la stratosphère peut alors descendre jusqu'à − 85 °C, conduisant à la formation de nuages de glace. Ces nuages polaires fixent le chlore présent dans la stratosphère sous forme d'acide chlorhydrique (HCl) et de nitrate de chlore (ClONO2). Au printemps austral, lorsque le Soleil réapparaît, en septembre et en octobre, son rayonnement provoque la dissociation du chlore par réaction photochimique. Une véritable réaction en chaîne s'enclenche alors : chaque atome de chlore libéré peut détruire jusqu'à 100 000 molécules d'ozone. Ce processus se poursuit jusqu'en novembre et réduit l'épaisseur de la couche de près de la moitié. Le Soleil a alors suffisamment réchauffé l'atmosphère pour dissiper les nuages stratosphériques. Le tourbillon polaire qui confinait le trou d'ozone disparaît, et l'air riche en ozone des latitudes moyennes s'infiltre de nouveau dans la stratosphère antarctique. Au pôle Nord, on n'assiste pas véritablement à la formation d'un tel « trou » dans la couche, mais plutôt à des déficits d'ozone localisés qui se manifestent depuis 1991. Ceci s'explique par la circulation de l'air, très différente de celle de l'Antarctique, et par des températures hivernales plus douces.
4.2. ORIGINE ET CONSÉQUENCES
Si certains facteurs naturels, comme l'émission de gaz soufrés lors d'éruptions volcaniques, ont toujours favorisé une destruction partielle et passagère de l'ozone, les scientifiques ont dénoncé dès 1980 le danger représenté par l'émission industrielle de chlore. Les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés comme gaz propulseurs d'aérosols, agents de réfrigération ou agents gonflants de certaines mousses rigides, constituent la cause principale de destruction de la couche d'ozone. De nombreux autres produits chimiques, notamment les halons (dérivés halogénés d'hydrocarbures), utilisés dans les extincteurs d'incendie, ainsi que certains solvants comme le tétrachlorure de carbone ou le bromure de méthyle, participent aussi à la formation du trou d'ozone. Tous ces composés, extrêmement stables, peuvent subsister entre 50 et 100 ans dans l'atmosphère. Ils diffusent ainsi jusqu'aux pôles et libèrent leurs atomes de chlore (ou de brome), qui détruisent l'ozone.
En dégradant la couche d'ozone, les activités humaines ont mis en danger notre protection solaire naturelle. La diminution de l'ozone stratosphérique entraîne l'augmentation du nombre des rayons UVB qui atteignent le sol. Ces rayons peuvent endommager l'ADN humain et provoquer notamment des cancers de la peau et des cataractes. Ils ont également un effet nocif sur les végétaux et le phytoplancton.
4.3. LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE
Depuis 1985 (convention de Vienne), plusieurs conférences internationales ont marqué la prise de conscience mondiale de la nécessité de protéger la couche d'ozone stratosphérique et de veiller à limiter les effets des activités humaines sur le climat. Les principaux pays producteurs de CFC ont abandonné la fabrication et l'utilisation de ces gaz destructeurs de l'ozone. Aujourd'hui, les hydrofluorocarbures (HFC) et les hydrocarbures perfluorés (PFC), substituts de deuxième génération des CFC, sont sans danger pour la couche d'ozone (il faudra cependant des années pour qu'elle se reconstitue) ; en revanche, ce sont de puissants gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète.
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LA CATALYSE |
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LA CATALYSE
La plupart des réactions biologiques qui forment le corps humain sont des réactions catalytiques. La catalyse joue un rôle également déterminant dans des processus industriels majeurs comme la synthèse de l'ammoniac, le raffinage du pétrole ou la réduction des oxydes d'azote dans les pots catalytiques. Un catalyseur est un composé qui rend possible une réaction chimique mais qui sort indemne de la transformation. Un catalyseur peut agir sur un acte élémentaire ou sur le bilan d'une réaction complexe ; enfin il peut orienter vers une réaction plutôt qu'une autre. La catalyse concerne tous les domaines de la chimie. La catalyse acido-basique concerne le domaine de la chimie organique. Les catalyseurs dans le domaine de la biochimie sont les enzymes qui doivent épouser une forme complémentaire du substrat pour s'adapter à lui, puis présenter un site actif où la réactivité est modifiée. La catalyse homogène est le domaine de la chimie organométallique ; elle concerne un centre métallique dont l'environnement électronique et géométrique est bien défini, ce qui permet de bien contrôler la réaction. La catalyse hétérogène concerne la science des surfaces et des interfaces. Du point de vue industriel, ces catalyseurs sont les plus employés car ils présentent de nombreux sites actifs qui sont utilisés de nombreuses fois de façon consécutive. Comprendre un processus catalytique, c'est aller au delà d'un simple bilan, cela nécessite de décrire les étapes du voyage partant des réactifs et allant vers les produits. Comprendre la catalyse, c'est décrire la réaction dans son environnement. Cela devrait être de plus en plus le cas durant le prochain siècle et cela devrait permettre d'améliorer les performances des catalyseurs déjà connus.
Texte de la 236e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 23 août 2000.
La catalyse
par Christian Minot
La définition
Pourquoi avoir sélectionné la catalyse parmi les thèmes des conférences de l'an 2000 ? C'est parce que les réactions catalytiques jouent un rôle important dans notre vie. Les processus catalytiques interviennent à tous les niveaux usuels de notre vie, dans notre corps et dans les produits quotidiens. La plupart des réactions biologiques du corps humain sont des réactions catalytiques : celles qui nous permettent de respirer, qui régissent le transport et l'assimilation des aliments, la photosynthèse des plantes... La catalyse joue un rôle également déterminant dans des processus industriels majeurs, pour fabriquer tous les produits chimiques de notre environnement : les engrais se font à partir de l'ammoniac dont la synthèse est un processus catalytique. Le pétrole extrait sous sa forme brute n'est pas utilisable; sa transformation en un produit utilisable ne peut être faite que par un procédé catalytique; c'est le raffinage. Les voitures et les usines produisent des composés nocifs (monoxyde de carbone ou oxydes d'azote) et leur élimination ne peut se faire qu'en les transformant en produits inoffensifs à l'aide de processus catalytiques. Pour les voitures, les catalyseurs sont des métaux précieux présents sous forme dispersée dans les pots catalytiques.
Je vais essayer d'expliquer ce qu'est la catalyse. Il faut tout d'abord souligner qu'il y a un grand enjeu industriel protégé par des brevets et que, d'un point de vue pragmatique, la compréhension du phénomène n'est pas le but premier ; la priorité est l'amélioration des performances ; si l'on dispose d'un catalyseur efficace, on peut améliorer son efficacité par tâtonnements. Il y a une recherche des catalyseurs nouveaux par chimie combinatoire en effectuant un large échantillonnage de réactifs pour sélectionner les systèmes prometteurs.
Parallèlement, expérimentateurs et théoriciens essaient d'expliquer les processus catalytiques. Comprendre un processus catalytique, c'est aller au delà d'un simple bilan, cela nécessite de décrire le parcours des réactifs dans leur environnement. C'est en cela que des progrès devraient voir le jour durant le prochain siècle.
Commençons par une histoire bien connue que mon grand-père m'avait racontée lorsque j'étais enfant. « Un homme avait 3 enfants et 17 chameaux ; à sa mort, son testament attribuait la moitié des chameaux à son fils aîné, le tiers au puîné et le neuvième au plus jeune mais interdisait bien entendu que l'on découpa un chameau. Les frères alors consultèrent un sage qui leur conseilla d'emprunter un chameau et de faire le partage sur le tout, 18 chameaux : 9 pour l'aîné, 6 pour le puîné, 2 pour le cadet. Au terme du partage, il était resté alors un chameau indemne pour rembourser l'emprunt. » Je ne connaissais pas assez les fractions à cet âge, mais le chameau emprunté et rendu me semblait mystérieux et me semble donner une bonne image de ce qu'est un catalyseur : un composé qui rend possible une réaction chimique mais qui n'est pas lui même modifié lors de cette réaction; comme le chameau, il rend possible le partage et en ressort indemne.
Le mot de catalyse a été créé en 1836 par Berzélius, un baron suédois à l'origine de la chimie moderne, à partir du grec katalusis, action de dissoudre. Ce n'est pas un bon exemple du phénomène catalytique qui doit impliquer l'intervention d'un composé
extérieur. Actuellement, excepté si le solvant joue un rôle très spécifique, on ne le considère plus comme un corps étranger mais comme un paramètre physique.
Une notion liée à la cinétique
La notion de catalyse est liée à la cinétique par opposition à la thermodynamique. D'une manière simplifiée, c'est la thermodynamique qui nous dit si une réaction est possible ou non. La thermodynamique nous apprend qu'il existe des fonctions locales (ou fonctions d'état) qui sont associées aux quantités de matière. Pour simplifier, j'emploierai sans le préciser le terme d'énergie. Une transformation chimique se traduit par un gain ou une perte d'énergie; ces variations ne dépendent que des réactifs et des produits et sont indépendantes du chemin pour passer des premiers aux derniers. En allant de Grenoble à Gènes vous finirez toujours par avoir descendu 214 mètres, la différence d'altitude entre les deux villes. L'altitude est une fonction locale qui est définie pour les deux villes, celle de départ et celle d'arrivée : la thermodynamique vous apprend qu'on doit pouvoir aller de Grenoble à Gênes sans trop se fatiguer puisqu'on arrive 214 mètres plus bas qu'on est parti. L'inverse est plus fatigant puisque l'on remonte. Il est évident que ce renseignement est insuffisant à décrire votre voyage. Vous pouvez passer par les Alpes et donc monter avant de descendre; vous pouvez prendre l'avion et monter encore plus haut avant de redescendre ; vous pouvez contourner la montagne en passant par Marseille et la mer. Une voie est plus facile que l'autre. La cinétique étudie les vitesses des réactions. Dans la catalyse, pour poursuivre mon image, on va s'intéresser au moyen de transport et, comme dans la vie, il y a plusieurs choix : on peut choisir le voyage le plus rapide, le moins coûteux ou le plus touristique.
L'expérience montre que les processus contraires à la thermodynamique n'ont jamais lieu. On peut descendre sans effort ; on ne peut monter qu'en fournissant un effort. En revanche, les processus théoriquement permis peuvent aussi ne pas être observés. Il faut posséder le prix du billet pour le voyage mais cela ne garantit pas totalement l'arrivée. S'il y a un puits, personne n'est obligé de tomber au fond. Ainsi les réactions qui s'accompagnent d'un gain d'énergie ne sont pas spontanées :
H2+ 12 O2 ∅ H2O -56 kcal/mole gaz tonnant
Cette réaction, qui s'accompagne d'un gain d'énergie1, devrait se faire facilement ; cependant, elle n'a pas lieu dans les conditions naturelles. C'est en ajoutant du platine que la réaction devient instantanée et explosive. Vers 1817, Davy, et 1823 Döbereiner, avaient déjà observé que cette réaction s'accompagnait alors d'une petite flamme; c'est le principe de la boîte à amadou utilisée pour produire du feu avant l'existence des allumettes. D'une certaine manière on peut être satisfait que les réactions qui peuvent se faire, ne se fassent pas toujours spontanément. Si cette réaction était spontanée, l'oxygène de l'air serait très vite consommé et la vie ne serait plus possible, l'air devenant irrespirable.
1Le signe moins traduit un gain d'énergie pour le milieu extérieur : les produits (l'eau) sont plus stables que les réactifs de départ (H2 et O2); l'excès d'énergie est rendu au milieu extérieur sous forme de chaleur.
On modifie la vitesse d'une réaction de différentes manières en agissant sur l'environnement (en modifiant la température, en exposant à la lumière). La catalyse consiste à ajouter un produit dans l'environnement pour modifier cette vitesse.
Un catalyseur peut agir sur un acte élémentaire ou sur le bilan d'une réaction complexe ; enfin il peut orienter vers une réaction plutôt qu'une autre.
Agir sur un acte élémentaire
En général une réaction chimique consiste à casser des liaisons et à en reformer. Au cours du processus, on est souvent amené à casser avant de reconstruire et on passe d'abord par un intermédiaire qui est moins stable en énergie ; c'est ce que l'on appelle un état de transition. Le prix à payer est la montée, c'est-à-dire la différence d'énergie entre l'état de transition et les réactifs (énergie d'activation). Une fois passé le col, on redescend vers les produits sans effort. Un partenaire extérieur modifie les stabilités de l'état de transition et des réactifs. Il se peut que l'état de transition soit davantage stabilisé que les réactifs ; dans ce cas le prix à payer au départ diminue et la réaction est facilitée. On a alors à faire à un catalyseur.
Agir sur le bilan d'une réaction complexe
Le bilan total d'une réaction peut être trompeur.
1) le catalyseur n'apparaît pas dans le bilan global, ce qui est normal : il est présent au début et à la fin et n'est pas modifié.
2) Un bilan ne nous renseigne pas sur la trajet parcouru; pour reprendre l'image du trajet de Grenoble à Gênes, la lecture d'un billet de train nous donne plus de renseignements en indiquant les stations intermédiaires.
La réaction de synthèse de l'ammoniac sur des catalyseurs à base de fer
3 H 2 + N 2 ∅♦ 2 N H 3 implique la rencontre de quatre molécules ce qui est improbable :
3 fois 1 fois 1 fois 2fois 2fois 2fois 1 fois
bilan
H2 ∅♦ 2Hads
N2∅♦N2ads
N2ads∅♦2Nads
Nads+Hads ∅♦ NH ads
NHads+Hads ∅♦ NH2ads
NH2ads+Hads ∅♦ NH3ads
NH3ads ∅♦ NH3 _________________________
3H2+N2∅♦2NH3
La réaction est une succession d'étapes avec adsorption2 dissociative de l'hydrogène sur le catalyseur, adsorption moléculaire de l'azote qui se dissocie ensuite sur la surface du catalyseur. Il y a ensuite migration des espèces adsorbées et recombinaison jusqu'à désorption de l'ammoniac formé.
La réaction qui permet d'éliminer les oxydes d'azote nocifs qui sont produits dans les usines est aussi une réaction complexe : elle s'écrit
4 NO + 4NH3 + O2 ∅ 4 N2 + 6H2O -331.0 kcal/mol.
Une équation faisant appel à neuf molécules ne peut pas être élémentaire : il est impensable de supposer la rencontre simultanée de neuf molécules, la rupture d'un grand nombre de liaisons et la formation d'autres. Quatre électrons doivent changer de place. La réaction globale n'est que le bilan d'une succession d'étapes élémentaires auquel le catalyseur doit participer. Le catalyseur est un oxyde de vanadium; son écriture n'apparaît pas dans le bilan global car il n'est pas consommé lors de la réaction.
Orienter vers une réaction plutôt qu'une autre
Si vous partez en voyage depuis Grenoble, il n'est pas évident que vous souhaitiez aller finalement à Gènes, vous pouvez changer d'humeur. Les routes conduisent vers beaucoup de destinations plus tentantes ; il en est de même en chimie et des réactifs peuvent se combiner de multiples façons pour conduire à des produits différents en passant par des réactions concurrentes. Le catalyseur modifie les données du jeu et donc oriente vers un résultat plutôt qu'un autre; on parle alors de sélectivité. Dans la réaction d'oxydation du propène, chaque catalyseur peut orienter vers un produit plutôt qu'un autre.
Oxydation du propène
H2C=CHCH3
+ O2 ∅ CATALYSEUR
BiPO4 Th2O3
Bi2(MoO4)3
PRODUIT
C6H6 (benzène)
H2C CHCH3 O
H2C=CHC=O (acroléine)
2Le mot adsorption est à distinguer du mot absorption qui concerne les rayonnements ; la lumière est absorbée par un composé tandis qu'une molécule (l'adsorbat) se dépose (est adsorbée) sur un substrat.
H2C=CHC2H5
Le turnover
NiMoO4 + MoO3 CoTiO3
SnO2 + MoO3 Mo(CO)6
Bi2O3 CuCO2O4
H2C=CHCO2H HCHO + CH3CHO CH3COCH3
C2H4 +
H2C=CHHC=CH2 CO2+H2O
Pour compléter la définition d'un catalyseur, il faut aussi introduire la notion de turnover. Une caractéristique du catalyseur est de ne pas être consommé par la réaction ; on dit qu'il est régénéré. Une conséquence immédiate de ce fait est que le catalyseur peut resservir après emploi. Les réactions se répètent en principe indéfiniment. Bien entendu, je décris là une situation idéale ; en réalité le catalyseur vieillit. Les catalyseurs métalliques sont recouverts d'espèces qui bloquent leur activité : il s'agit principalement de dépôt de carbone (cokage, dépôt de polymères) et d'empoisonnement par le soufre. L'efficacité du catalyseur dépend du nombre de réactions successives. Cela est traduit par le terme anglais de turnover. Si le bilan financier est favorable, les catalyseurs sont retraités. Le coût de récupération d'un métal précieux sur alumine se situe aux alentours de 30F par kg. Dans le cas des pots catalytiques, les quantités de métaux précieux sont en général trop faibles pour être récupérées. Enfin, comme « à toute chose malheur est bon », on peut profiter du phénomène d'empoisonnement. On peut utiliser une petite quantité de poison sous forme de prétraitement pour bloquer des réactions parasites et augmenter la sélectivité d'un catalyseur.
Les quatre principaux domaines de la catalyse
Maintenant que nous avons défini ce qu'est un catalyseur, je vais présenter les principaux domaines de la catalyse qui concerne en fait presque toute la chimie. On peut les classer en 4 domaines principaux : la chimie organique (c'est la catalyse acido-basique), la biochimie (ce sont les enzymes), la chimie organométallique (c'est la catalyse homogène) et la chimie des surfaces (la catalyse hétérogène).
La catalyse acido-basique
Gould, un chimiste organicien, a fait remarquer que la moitié des réactions décrites dans une encyclopédie (les 76 chapitres des 8 tomes de Organic Reactions) sont catalysées par des acides, des bases ou les deux. Plus l'acide ou la base sont forts, plus le catalyseur est
puissant. La vitesse de la déshydratation des diols, des composés qui ont deux fonctions OH, corrèle avec l'acidité des acides carboxyliques qui sont utilisés comme catalyseurs.
La catalyse acido-basique évite la rupture d'une liaison sans compensation initiale. Prenons comme exemple la transformation d'énol en cétone, deux composés qui ont
CHOH O
transforme en une cétone H3C
stable, en milieu basique ou acide. L'isomérisation d'énol en cétone implique la migration d'un hydrogène de l'oxygène au carbone. Sans catalyseur, il faudrait qu'une liaison OH se rompe, ce qui coûte de l'énergie, avant que le proton puisse se déplacer et se lier au carbone. La dépense d'énergie précède le gain ce qui pose des problèmes de trésorerie ; il faut payer d'avance et se faire rembourser à la fin. Il est en général préférable que les formations et ruptures de liaisons soient concertées.
Dans la catalyse basique, la rupture de O-H s'accompagne de la formation d'une liaison B-H. On obtient alors un énolate que l'on peut écrire de deux manières et de là la cétone.
la même formule brute. L'énol
H2C
, le produit le moins stable, se
CH , l'acétaldéhyde, qui est produit le plus
H2C
énol
CH
+ B H2C CH + BH H2 C CH + BH
énol- cétone catalyse basique - O OH- O -
base
O- CH + B
base
H3C
cétone
Dans la catalyse acide, la formation de liaison C-H précède la rupture de O-H. L'hydrogène qui se retrouve dans la liaison C-H n'est pas celui de la liaison O-H de l'énol.
énol- cétone OH
H2C CH + H+ énol acide
catalyse acide
H3C
OH
C+H H3C CH + H+
cétone acide
O
→
La dissociation de l'eau est difficile car les liaisons O-H sont fortes. Elle se fait néanmoins assez facilement sur une surface d'alumine en présence d'une seconde molécule d'eau. Il s'agit d'une catalyse à la fois acide et basique.
H
H
Les enzymes sont des catalyseurs très sélectifs et très performants qui catalysent des réactions biochimiques. Ce sont des protéines qui peuvent aussi comporter une partie non protéique appelée coenzyme laquelle contient souvent un ion métallique. Les vitamines en se fixant dans le corps se transforment en coenzymes et participent au phénomène catalytique nécessaire à la vie. Les enzymes sont très spécifiques, n'agissant que sur un seul substrat ou sur une famille de composés ayant des analogies structurales.
La spécificité vient de 2 facteurs : l'appariement pour que le catalyseur soit présent et l'acte catalytique lui même qui est localisé sur un site particulier en général distinct du site de fixation. L'enzyme doit épouser une forme complémentaire du substrat pour s'adapter. Elle doit se déformer et pouvoir adopter la forme correcte (conformation). L'appariement est maintenu par des liaisons (ponts disulfure, liaisons hydrogène...). Ce rapprochement permet le contact en un site particulier différent des sites de fixation, le site actif où se produit la réaction catalysée.
L'adaptation géométrique est un préalable à l'acte catalytique. Le processus de
repliement s'opère très rapidement 10-2 secondes. Cette rapidité est surprenante (paradoxe de Levinthal, 1968) : S'il fallait échantillonner toutes les possibilités de formes d'une
protéine (2100 conformations à une vitesse de l'ordre de celle des fréquences de vibrations
1013 Hz), l'âge de l'univers n'y suffirait pas. C'est une des difficultés de la simulation. L'acte catalytique lui-même est semblable à ceux des autres domaines de la catalyse qui peuvent servir de modèle à la catalyse enzymatique.
Les inhibiteurs empêchent la catalyse. Soit ils ressemblent au substrat et trompent l'enzyme qui se fixe sur eux et n'est plus disponible (concurrence- inhibiteurs compétitifs), soit ils modifient l'enzyme en se fixant sur le site actif sans empêcher la fixation.
La catalyse homogène
H OHO
H
OH OH H
OAl OAl
Les enzymes
L'appellation homogène s'oppose à celle d'hétérogène. Dans la catalyse homogène, le catalyseur est un complexe organométallique dans une solution qui constitue un milieu homogène. C'est un composé bien connu tant du point de vue géométrique qu'électronique. Dans la catalyse hétérogène, la catalyse se produit à l'interface d'un solide et d'une phase liquide ou gazeuse. Le catalyseur est un site de la surface du solide qui varie selon l'emplacement. L'intérêt de la catalyse homogène est qu'elle peut être davantage contrôlée ; elle concerne un site unique dont l'environnement est bien défini.
La réaction se produit au cours d'un "cycle catalytique" au cours duquel le complexe de métal de transition passe d'une forme moins stable à une forme plus stable puis est régénéré. On relie la stabilité des complexes métalliques à un décompte des électrons de valence : 16 ou 18, 18 pour les composés les plus stables, 16 dans les cas des catalyseurs que l'on utilise.
Le catalyseur dont je vais parler, [Rh(CO)2I2]- , a quatre ligands (quatre groupes d'atomes liés au métal) et 16 électrons :
Rh+ a 8 électrons de valence. Les 4 ligands I- et CO apportent 2 électrons chacun
IRh CO soituntotalde16pour I CO .
La forme intermédiaire que l'on va retrouver est [Rh(CO)2I3Me]- a 6 ligands, les
Me
I Rh COCO I
I .
trois I-, les deux CO et Me- apportent 12 électrons pour
Le rhodium est sous la forme de Rh3+ avec 6 électrons de valence. Cela conduit à un total de 18 électrons.
Ces complexes vont se retrouver dans le procédé Monsanto de formation de l'acide acétique. La production d'acide acétique est de 4 mégatonnes par an dont la moitié est réalisée par ce procédé Monsanto. Ce procédé est extrêmement efficace. Le turnover est de 10 à 100 réactions par seconde et la durée de vie du catalyseur correspond environ à dix millions de réactions consécutives (quelques heures à une journée).
La réaction consiste en l'insertion d'un CO entre le carbone et l'oxygène du méthanol en présence du complexe métallique que je viens de décrire.
[Rh(CO)2I2]- MeOH + CO ∅ MeCOOH
Le méthanol est formé par un mélange CO/H2 et le catalyseur, [Rh(CO)2I2]-, est formé à partir de n'importe qu'elle source de rhodium et d'iodure.
MeCOOH
HI
H2O
+ IRh CO
I CO 16 électrons
MeOH
MeCOI
MeI
CO Me
IRh COMe
ICO I II
18 électrons + CO 18 électrons
Le cycle inférieur est le cycle catalytique ; il effectue la transformation
MeI + CO ∅ MeCOI
et implique un complexe à 16 électrons qui permet l'addition du groupe méthyle en formant un complexe à 18 électrons. Celui-ci se réarrange pour insérer CO puis libérer MeCOI en reformant le complexe à 16 électrons. Le cycle supérieur correspond juste à un échange entre les groupes OH et I, catalysé par l'eau et HI.
MeCOI + MeOH ∅ MeCOOH + MeI
L'inconvénient majeur du procédé est le prix du catalyseur. Le complexe de rhodium est onéreux : 1 mole de complexe de rhodium coûte 210 000 FF environ. Par contre, les iodures sont bon marché; leurs inconvénients sont d'être corrosifs.
Les processus homogènes à grand turnover sont hélas rares.
IRhCOCO
La catalyse hétérogène
La supériorité de la catalyse hétérogène sur la catalyse homogène vient précisement du turnover. Les réactions se reproduisent beaucoup plus vite sur un même site actif; ces sites actifs sont beaucoup plus nombreux.
Les catalyseurs principaux sont les métaux, les oxydes de métaux et les zéolithes. Les métaux utilisés en catalyse sont ceux de la droite du tableau périodique ; ils comportent les métaux précieux, rhodium et platine. Les métaux servent principalement aux pots catalytiques (dans une proportion qui fait penser à un gaspillage), au raffinage pétrolier (il s'agit de transformer un hydrocarbure à faible indice d'octane en un autre à plus fort indice d'octane) et à la production de produits à valeur ajoutée par exemple, la formation d'aromatiques utilisables ensuite pour la fabrication de nylon ou de polyesters, plus généralement pour les produits de base où intervient la chimie (les parfums, les colorants, l'habillement, les matériaux nouveaux et les médicaments ; c'est notre environnement quotidien et il vaut mieux utiliser le pétrole en le valorisant qu'en le brûlant). Les métaux sont aussi une denrée précieuse et limitée. Le coût du platine est de l'ordre de 160 000 FF le kilo. En 1999, la joaillerie est restée l'usage majoritaire pour le platine (48 %), mais les pots catalytiques en ont consommé 27 %. L'industrie (en globalisant les usages pour la chimie, l'électricité, le pétrole et les verres) a seulement représenté 17 %.
L'inconvénient de la catalyse hétérogène est que le catalyseur est très difficile à caractériser. Il comporte de nombreux sites qui ne sont pas tous semblables et qui peuvent avoir des activités différentes.
Les différents substrats métalliques
Les métaux se présentent sous forme d'agrégats, de monocristaux ou de métal déposés sur un support, de la silice ou un oxyde de métal.
Les agrégats sont probablement les plus intéressants du point de vue industriel : la réaction se produisant en surface, il y a une forte proportion d'atomes en surface par rapport aux atomes enfouis à l'intérieur. Ces atomes ont peu de voisins et se lient donc plus facilement. Ils ont le défaut pour l'analyse d'être assez mal définis. Il y a beaucoup de structures proches et il est difficile de caractériser un site actif. Parallèlement, il est difficile de les modéliser par une approche théorique. C'est pourquoi il est utile de comprendre la catalyse à partir de monocristaux moins performants mais mieux caractérisés. Il est important de bien caractériser le système étudié dans des conditions bien reproductibles, la nature du site actif étant bien déterminée. Les faces cristallines des métaux purs se prêtent bien à la caractérisation. On peut tailler les cristaux ou les faire croître de façon à avoir une face bien définie où tous les sites sont semblables. La périodicité est utilisée pour les mesures spectroscopiques. Elle sert aussi au théoricien pour la modélisation. Toutefois, l'étude sur des surfaces bien propres a révélé des surprises.
À l'origine de la catalyse par les métaux, Sabatier (chimiste français du début du siècle dernier, prix Nobel en 1912) avait étudié des réactions d'hydrogénation et utilisait le fait que l'hydrogène se dissociait très facilement en présence de platine.
2Pt + H2 ∅ 2 Pt-H
Récemment, Somorjai, professeur à Berkeley, a montré que la probabilité de rompre une liaison H-H sur la face la plus stable du platine était en dessous de la limite de
détection, 10-3. Cette probabilité croît sur des faces moins denses et donc plus réactives ; elle est proche de l'unité sur des surfaces à marches et près des défauts.
Le plus souvent, la surface d'un catalyseur n'est pas une surface parfaite engendrée par une coupure franche du cristal ; il y a des défauts, des marches, des terrasses. Les adsorptions se font différemment sur ces irrégularités de la surface. L'adsorption peut être plus forte au sommet d'une marche par ce que les atomes sont moins coordonnés ou au pied des marches car il y est plus facile de former plusieurs liaisons à la fois. Les espèces adsorbées qui vont intervenir dans la catalyse peuvent se retrouver majoritairement près des défauts.
Enfin, la présence d'un support peut modifier la chimisorption des réactifs et des produits. L'effet est très grand par exemple sur l'hydrogénation de CO. Cette réaction a lieu bien plus facilement quand le nickel est déposé sur de l'oxyde de titane que lorsque le nickel est massif.
Facteurs contrôlant l'adsorption
Le contrôle électronique
Dans les cristaux, le rhodium, le platine et le cuivre ont la même topologie (cubique à faces centrées) ; le mode d'adsorption, la force d'adsorption et la hauteur de la barrière d'adsorption varient avec la nature du métal. Ces variations reflètent bien l'importance du décompte électronique (ces métaux n'ont pas le même nombre d'électrons de valence, 9, 10 ou 11). Notons qu'à la différence des complexes de métaux de transition, on ne peut plus attribuer 2 électrons aux liaisons. Le nombre d'électrons par liaison varie et reste inférieur à 2. Il s'agit là d'une différence fondamentale avec les petits systèmes moléculaires où les électrons sont affectés par paires aux liaisons. Contrairement au complexe de métal de transition, aucun décompte des électrons n'obéit à des règles simples (comme le décompte de 16 ou 18 électrons).
En revanche, comme il y a un grand nombre d'atomes de métal, il y a un nombre encore plus grand d'électrons d'énergies très voisines. On peut facilement ajouter ou prendre un électron à ce total. Le niveau d'énergie le plus élevé des électrons du métal, le niveau de Fermi, va jouer un rôle déterminant. L'adsorbat va prendre ou donner des électrons suivant qu'il a la possibilité de loger ces électrons mieux ou moins bien en terme d'énergie. On dit que le métal sert de réservoir d'électrons.
EFermi EFermi
métal
transfert vers l'adsorbat
transfert vers le
Les électrons transférés modifient la structure de l'adsorbat et forcent également le métal à se déformer. On dit qu'il y a reconstruction de la surface, induite par l'adsorption. On pense maintenant que cette reconstruction des atomes de surface peut avoir une influence importante sur la catalyse.
Le contrôle géométrique. Les symétries du site actif. L'analogie avec les structures familières
Il est difficile de séparer ce qui est géométrie de ce qui est interaction d'électron. Les interactions concernent les électrons mais pour qu'une interaction se fasse, il faut une parenté géométrique (une symétrie commune). Les premiers modèles d'adsorption ont recherché une analogie entre les structures des sites actifs et des adsorbats : le benzène est hexagonal et s'adsorbera bien sur la face "hexagonale" des métaux. S'il y a du vrai dans cette idée qui guide toujours lorsque l'on recherche un modèle plausible, son application est loin d'être automatique. L'adsorption se fait également sur la face "carrée". Cette face est même assez réactive car elle est moins dense et que les atomes les moins coordonnés sont plus réactifs. Revenons à la face hexagonale qui possède trois sites principaux : au dessus d'un atome, en pont entre deux atomes, au milieu de trois atomes. La meilleure façon de placer le benzène pour garder la symétrie hexagonale serait de centrer le benzène à la verticale d'un atome. Les deux autres sites conduisent à une perte de symétrie. Ce sont pourtant eux qui sont occupés : sur le rhodium, le benzène est centré au dessus d'un site ternaire et sur le platine au dessus d'un site en pont.
L'analogie avec les structures familières nous suggère des modes d'adsorption qui nous paraissent logiques. Si l'on prend pour modèle la structure du méthane, on a
l'impression de retrouver cette structure lorsque les fragments d'hydrocarbures sont adsorbés de façon à ce que le carbone ait toujours quatre voisins. On prédit alors des modes d'adsorption différents pour CH, CH2 et CH3 sur la face hexagonale des métaux.
trois orientations du méthane
Le site d'adsorption est en général bien celui-là, mais pas toujours ; dans le cas du nickel, le site ternaire est toujours plus favorable que les autres.
Adsorption et Catalyse
L'adsorption est nécessaire à la catalyse mais cette dernière ne se résume pas à l'adsorption. Sans adsorption il n'y a pas de catalyse possible, mais il ne faut pas qu'une adsorption soit trop forte. Sabatier avait déjà énoncé que la stabilisation de l'intermédiaire commun avec le catalyseur devait être assez stable mais sans excès. Un bon catalyseur doit former des liaisons de force intermédiaire. S'il forme des liaisons trop faibles, il est inefficace et s'il forme des liaisons trop fortes, les espèces adsorbées sont figées sur la surface et ne se recombinent plus. Il y a donc une situation optimale et l'efficacité des métaux représentée en fonction de la force d'adsorption a une allure de volcan. En terme d'efficacité, il faut "remonter la pente". Cela signifie adsorber plus fort pour les aromatiques et moins fort pour les alcynes. Pour la compréhension de la catalyse, c'est une difficulté car il ne faut pas forcément tirer des modes d'adsorption des conclusions immédiates sur la réactivité.
VITESSE DE REACTION
OLEFINES DIOLEFINES
AROMATIQUES ALCYNES
FORCE D'ADSORPTION
Un autre exemple sur la distinction entre science des surfaces qui étudie l'adsorption et catalyse, concerne l'abondance des produits adsorbés. La première s'applique à observer les espèces adsorbées les plus nombreuses. Ce renseignement là n'est pas forcément le bon pour la catalyse. L'adsorption de l'éthylène sur le rhodium conduit à plusieurs sortes de composés d'adsorption: majoritairement, on obtient un fragment fortement adsorbé, l'ethylidyne, CCH3. C'est lui que l'on voit et que l'on calcule comme étant le plus stable. Pourtant, l'hydrogénation de l'éthylène concerne l'espèce moléculaire faiblement liée (complexe-) qui est très minoritaire sur la surface. La réaction est un million de fois plus rapide que sur le produit majoritaire !
Les mécanismes de réaction
J'ai parlé jusqu'à présent surtout d'adsorption pour les métaux; je vais dire quelques mots des mécanismes de réaction (mécanisme de type Ealey-Rideal). On a longtemps interprété l'hydrogénation catalytique de double liaisons en supposant qu'un seul des réactifs était adsorbé. L'hydrogénation se fait d'un même côté de la double liaison au contraire des additions en phase gazeuse. Dans ce modèle, l'adsorption ne concerne qu'un des deux réactifs, l'autre réagit sous forme de gaz (la molécule gazeuse attrape au vol son partenaire adsorbé sur la surface). Le nickel dissocie l'hydrogène qui est adsorbé et réagit sur la face de l'éthylène qui se placerait au dessus de lui. L'inverse conduirait à la même orientation pour les hydrogènes. Ce type de réaction implique des mécanismes peu sensibles à la surface puisque l'un des réactifs détache l'autre sans vraiment interagir avec la surface est en fait rare. Le mécanisme le plus courant n'est pas celui-là. Les réactifs sont adsorbés tous les deux ; c'est le mécanisme de Langmuir-Hinshelwood. L'hydrogénation
procède par un tel mécanisme. Les molécules adsorbées (ou les fragments adsorbés si l'adsorption est dissociative) doivent alors migrer sur la surface pour se rencontrer. Les espèces adsorbées sont en effet souvent mobiles sur la surface. Les images un peu guerrières de ces deux mécanismes sont pour la première un oiseau de proie saissisant sa victime à partir du ciel et pour la seconde un combat de fantassins.
Les autres substrats
Les oxydes de métaux (également les chlorures) offrent davantage de possibilités
que les métaux. Ils présentent 2 types d'atomes en surface : un cation métallique et l'ion O=;
le site métallique est acide et le site O= est basique. Sur les surfaces anhydres, tous les composés organiques, lorsqu'ils ne se dissocient pas se lient aux cations métalliques qui sont des sites acides. Quand l'interaction est forte, ils se dissocient en une paire d'ions qui s'accouplent avec les sites de surface de charge opposée.
Les zéolithes. Les solides microporeux sont des structures dans lesquelles on peut incorporer des composés d'intercalation qui peuvent être confinés et réagir. Ils sont constitués de feuillets. Les silicates d'aluminium (zéolithes ou tamis moléculaires) sont constitués de réseaux de cages avec des sites acides et basiques. Ce sont d'excellents catalyseurs pour le craquage catalytique du pétrole. Encore une fois la structure poreuse imite la nature. Les os sont faits d'apatite dont la structure est très proche.
PERSPECTIVES
J'ai insisté sur le fait que la catalyse concernait presque toute la chimie ; les réactions élémentaires engendrées par la rencontre de deux réactifs sont rares. Le développement de la catalyse me semble lié à celui de la chimie et correspondre à une prise en compte plus complète de ce qu'est une réaction; j'ai insisté sur le fait qu'on doive aller au delà d'un simple bilan. C'est peut-être un peu décevant de ne pas annoncer de révolution pour le prochain siècle mais la science est aussi faite d'évolutions et d'approfondissement. Nous avons les concepts pour comprendre la matière; mais il reste un énorme travail de connaissance et il s'agit de dominer les transformations de matière pour en accepter certaines et en écarter d'autres.
La science moderne s'applique en ce moment à explorer l'action des catalyseurs à l'échelle moléculaire. La science des surfaces fournit des moyens de concevoir rationnellement la modification de l'activité catalytique et de la sélectivité. Le but est d'aller vers 100 % de sélectivité. Pour cela il faut utiliser différents ingrédients qui demandent de bien comprendre ce qui se passe :
- bloquer des sites trop réactifs de manière à choisir le site actif ;
- utiliser des catalyseurs bifonctionnels : des alliages. C'est déjà exploré pour les pots catalytiques ;
- modifier les propriétés par des interactions métal-support.
La catalyse est par excellence un domaine frontière. C'est vrai de la catalyse enzymatique; c'est vrai au premier degré pour la catalyse hétérogène; on est à l'interface solide-liquide, solide-gaz solide-liquide ou solide-solide. C'est l'interface entre l'air, la mer et la terre; celle des côtes qui a été très importante pour l'origine de la vie et l'évolution des espèces.
On fait à la catalyse, comme à la chimie, un mauvais procès l'associant à un développement industriel effrayant parce que polluant. C'est une sorte d'injustice que de rejeter sur cet outil, la crainte que nous avons sur l'usage qu'en font les hommes. La catalyse est nécessaire à la vie et, dans l'usage que nous en faisons, les préoccupations de dépollution sont maintenant très importantes.
Au début du XXe siècle (1902), Ostwald développa le processus d'oxydation de l'ammoniac en monoxyde d'azote comme précurseur de la fabrication d'acide nitrique. Nous nous intéressons aujourd'hui à la réaction inverse, celle de la réduction du monoxyde d'azote pour protéger notre environnement. Comprendre la chimie c'est maîtriser les transformations. Comme tous les autres outils, et comme d'une façon plus générale toute connaissance, elle peut conduire à un bon ou un mauvais usage et les développements suivent les choix politiques et les financements qui en découlent.
Peut-on se diriger dans le monde des transformations de la matière dans un sens toujours favorable en évitant des contreparties négatives ? La catalyse nous aide à faire les meilleurs choix. Je ne suis pas sûr que l'existence de contreparties soit tout à fait mauvaise. Quand j'ai parlé d'empoisonnement, j'ai dit qu'on pouvait détourner ce phénomène à notre profit. On a en ce moment tendance à faire du progrès une valeur négative ; il est vrai que chaque progrès s'accompagne d'inconvénients. Il en serait autrement, ce serait un facteur de déséquilibre pour le monde, l'évolution n'étant plus contrôlée. Ce que nous appelons inconvénient joue à mon sens également un rôle modérateur en freinant l'évolution et en permettant au monde de conserver son équilibre. La meilleure connaissance des évolutions possibles devrait nous aider à faire les meilleurs choix et réduire les inconvénients.
Il me semble paradoxal d'opposer chimie et nature. La maxime de Lavoisier "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme" montre bien que la chimie ne fait que redistribuer les cartes qui sont dans la nature. J'ai voulu montrer que la catalyse aidait à contrôler ces redistributions. L'importance de la catalyse est primordiale dans le corps humain. Les réalisations que nous faisons dans le monde technologique et industriel ne sont encore que des imitations de processus naturels, souvent encore des imitations grossières, mais la catalyse devrait permettre de se rapprocher des transformations fines et maîtrisées que la nature sait opérer.
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liaison chimique |
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liaison chimique
Consulter aussi dans le dictionnaire : liaison
Cet article fait partie du dossier consacré à la matière.
Interaction entre atomes différents ou identiques qui conduit à la formation d'agrégats permanents (composés chimiques, corps simples polyatomiques, etc.).
CHIMIE
INTRODUCTION
La plupart des atomes s'associent pour acquérir une situation stable dans leur environnement. En mécanique, un solide ne peut être placé n'importe où ; sous l'influence de champs de forces, il se déplace, s'il est libre de ses mouvements, jusqu'à trouver une position stable.
De façon analogue, un atome A, parce qu'il est fait de particules chargées, crée autour de lui des champs de forces électriques que subira tout autre atome, identique (A) ou différent (B), qui approchera. On peut concevoir que deux atomes puissent s'attacher l'un à l'autre pour acquérir ensemble une structure plus stable que s'ils restaient séparés: on parle alors d'une liaison entre deux atomes.
On distingue schématiquement trois types de liaisons fortes – énergie de liaison supérieure à 100 kJ.mol−1 – (liaisons ionique, covalente, métallique), et deux types de liaisons faibles (liaison de Van der Waals et liaison hydrogène). Cependant, la liaison réelle fait souvent intervenir plusieurs types de liaisons à la fois, selon la nature des espèces chimiques mises en jeu.
LES LIAISONS FORTES
LA LIAISON IONIQUE
La liaison ionique unit par attraction électrostatique des ions de signes contraires. Dans le cas du chlorure de sodium Na+Cl− par exemple, la formation simultanée des ions est due au transfert d'un électron de l'atome de sodium vers l'atome de chlore ; le sodium prend la structure électronique stable du gaz rare de plus proche (le néon) et le chlore prend celle de l'argon (→ élément). Les cristaux ioniques fondus ou en solution dans l'eau sont ainsi des liquides conducteurs et électrolysables.
LA LIAISON COVALENTE OU ATOMIQUE
La majorité des solides et des gaz n'étant pas électrolysables, ils sont constitués d'atomes ou de molécules neutres, unis par liaison de covalence ou liaison atomique (Lewis, 1916). Cette liaison résulte de la mise en commun de deux électrons (doublet) par chacun des deux atomes, qui acquièrent ainsi la structure électronique plus stable du gaz rare le plus proche. Par exemple deux atomes de chlore Cl établissant une liaison de covalence (notée : ―) prennent tous deux la structure électronique de l'argon : Cl―Cl. La liaison covalente peut aussi être formée avec deux ou trois doublets (liaison double : C=C ; liaison triple : C≡C).
La liaison « semi-polaire » est une liaison covalente dans laquelle le doublet est fourni par un atome, dit « donneur » à un « accepteur » disposant d'une place libre pour le doublet.
Dans certains composés, les liaisons covalentes ne sont pas toutes localisées ; dans le benzène, par exemple, chacun des 6 atomes de carbone donne un électron pour former une liaison délocalisée (liaison π), répartie sur l'ensemble du cycle.
LA LIAISON MÉTALLIQUE
La liaison métallique est l'exemple d'une délocalisation – non plus à l'échelle d'une molécule – mais d'un cristal tout entier. Les électrons de valence se déplacent librement parmi les cations qui forment les nœuds du réseau cristallin et assurent, par leur interaction avec ces derniers, la forte cohésion du cristal.
LES LIAISONS FAIBLES
D'autres types de liaison existent, qui sont nettement moins fortes que les précédentes. Dans une molécule d'eau, deux atomes d'hydrogène sont liés par deux liaisons covalentes à un atome d'oxygène. Les molécules d'eau sont liées les unes aux autres dans l'eau liquide : si elles ne l'étaient pas, les molécules seraient séparées et l'on aurait un gaz. Le fait qu'à 25 °C l'eau soit liquide prouve qu'il existe des liaisons entre elles. À la même température, l'octane (C8H18) est également un liquide: les molécules sont attirées les unes par les autres.
LA LIAISON PAR FORCES DE VAN DER WALLS
Les forces responsables de ce type de liaison intermoléculaire, appelées forces de Van der Waals, sont bien plus faibles que celles qui assurent la cohésion d'une molécule, d'un solide ionique ou d'un métal. Elles s'exercent sur des distances faibles et dérivent d'un potentiel proportionnel à 1/r6 (r étant la distance entre deux molécules). Il est ainsi facile de vaporiser de tels liquides aux pressions ordinaires : l'octane bout à une température relativement basse, ce qui indique que l'énergie (thermique) mise en jeu est faible.
LA LIAISON HYDROGÈNE
La liaison hydrogène est un autre type de liaison intermoléculaire. Elle est notamment responsable de la cohésion de la glace et de l'association entre les diverses molécules des protéines. La liaison hydrogène est due au déplacement du doublet liant vers un élément fortement électronégatif (O, F, N), créant ainsi un dipôle dont l'hydrogène est le côté positif ; il peut donc attirer, par liaison électrostatique, le côté négatif d'un autre dipôle.
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MACHINES ET MOTEURS MOLÉCULAIRES : DE LA BIOLOGIE AU MOLÉCULES DE SYNTHÈSE |
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MACHINES ET MOTEURS MOLÉCULAIRES : DE LA BIOLOGIE AU MOLÉCULES DE SYNTHÈSE
De nombreux processus biologiques essentiels font intervenir des moteurs moléculaires (naturels). Ces moteurs sont constitués de protéines dont la mise en mouvement, le plus souvent déclenchée par l'hydrolyse d'ATP (le "fioul" biologique), correspond à une fonction précise et importante. Parmi les exemples les plus spectaculaires, nous pouvons citer l'ATPsynthase, véritable moteur rotatif responsable de la fabrication de l'ATP. Pour le chimiste de synthèse, l'élaboration de molécules totalement artificielles, dont le comportement rappelle celui des systèmes biologiques, est un défi formidable. L'élaboration de "machines" et "moteurs" moléculaires de synthèse représente un domaine particulièrement actif, qui a vu le jour il y a environ une douzaine d'années. Ces machines sont des objets nanométriques pour lesquels il est possible de mettre en mouvement une partie du composé ou de l'assemblée moléculaire considérée, par l'intervention d'un signal envoyé de l'extérieur, alors que d'autres parties sont immobiles. Si une source d'énergie alimente le système de manière continue, et qu'un mouvement périodique en résulte, l'assemblée moléculaire en mouvement pourra être considérée comme un "moteur". D'ores et déjà, certaines équipes de chimiste ont pu fabriquer des moteurs rotatifs minuscules, des moteurs linéaires mis en mouvement par un signal électronique ou des "muscles" moléculaires de synthèse, capables de se contracter ou de s'allonger sous l'action d'un stimulus externe. Quelques exemples représentatifs seront discutés lors de l'exposé. Un certain nombre de questions ayant trait aux applications potentielles du domaine de "nanomécanique moléculaire" seront abordées : - "ordinateurs moléculaires", pour lesquels certains chercheurs fondent de grands espoirs, stockage et traitement de l'information au niveau moléculaire, - robots microscopiques, capables de remplir une grande variété de fonctions allant de la médecine à la vie de tous les jours, - transport sélectif de molécules ou d'ions à travers des membranes.
Transcription de la 613e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 20 juin 2006 revue par l'auteur.
Jean Pierre Sauvage : « Machine et moteurs moléculaires : de la biologie aux molécules de synthèse »
De nombreux processus biologiques essentiels font intervenir des moteurs moléculaires naturels. Ces moteurs sont constitués de protéines dont la mise en mouvement, le plus souvent déclenchée par l'hydrolyse d'ATP (le « fuel » biologique), correspond à une fonction précise et importante. Parmi les exemples les plus spectaculaires, nous pouvons citer l'ATPsynthase, véritable moteur rotatif responsable de la fabrication de l'ATP. Pour le chimiste de synthèse, l'élaboration de molécules totalement artificielles, dont le comportement rappelle celui des systèmes biologiques, est un défi formidable.
L'élaboration de « machines » et « moteurs » moléculaires de synthèse représente un domaine particulièrement actif, qui a vu le jour il y a environ une douzaine d'années. Ces machines sont des objets nanométriques pour lesquels il est possible de mettre en mouvement une partie du composé ou de l'assemblée moléculaire considérée, par l'intervention d'un signal envoyé de l'extérieur, alors que d'autres parties sont immobiles. Si une source d'énergie alimente le système de manière continue, et qu'un mouvement périodique en résulte, l'assemblée moléculaire en mouvement pourra être considérée comme un « moteur ». D'ores et déjà, certaines équipes de chimistes ont pu fabriquer des moteurs rotatifs minuscules, des moteurs linéaires mis en mouvement par un signal électronique ou des « muscles » moléculaires de synthèse, capables de se contracter ou de s'allonger sous l'action d'un stimulus externe.
Quelques exemples représentatifs seront discutés et un certain nombre de questions ayant trait aux applications potentielles du domaine de « nanomécanique moléculaire » seront abordées.
Qu'entend-on par machine et moteur moléculaires ? Et quels sont les systèmes naturels étudiés ?
Une machine moléculaire est un système dynamique comportant plusieurs constituants et capable de subir des mouvements réversibles de grande amplitude. Ces mouvements sont contrôlés par un signal extérieur (le signal peut être photonique, électronique ou chimique).
Il existe 3 catégories de machines moléculaires :
-les protéines moteurs (en biologie): ce sont des moteurs rotatifs, comme l'ATPsynthase ou les flagelles des bactéries qui permettent leur locomotion, des moteurs linéaires (les muscles, la kinésine ou la dynéine), ou encore des presses, comme la famille des chaperons (les chaperons sont capables d'encapsuler et de comprimer des protéines dénaturées pour leur redonner la bonne conformation).
-les systèmes hybrides : ce sont des systèmes développés par des biologistes, souvent en association avec des chimistes et des ingénieurs, comportant des fragments naturels et éventuellement des éléments artificiels issus de la chimie de synthèse.
-les molécules ou assemblées moléculaires totalement artificielles : c'est ce à quoi nous nous intéresserons plus particulièrement.
Détaillons un exemple de moteur moléculaire (de la catégorie des protéines moteurs), l'ATPsynthase schématisée figure 1. L'ATPsynthase est une enzyme universelle (nous pouvons la trouver chez les bactéries les plus primitives ainsi que chez les mammifères : elle est présente dans tous les organismes vivants). Elle est responsable de la fabrication de l'ATP (Adénosine TriPhosphate) à partir d'ADP (Adénosine DiPhosphate) et de phosphate inorganique. L'ATP représente un véritable « fuel » biologique qui permet le stockage énergétique dans la cellule (nous fabriquons chaque jour la moitié de notre poids en ATP !).
Figure 1 : l'ATPsynthase est un moteur rotatif merveilleux
Figure 2 : la rotation du rotor g à l'intérieur de la roue
a3b3 a été mise en évidence en attachant un
filament d'actine à une extrémité et en alimentant
le système en ATP
Lorsqu'une solution d'ATP est ajoutée, le groupe japonais a pu remarquer que le filament d'actine (qui a été modifié de telle façon à être rendu luminescent) tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre : l'ATPsynthase a agi comme un moteur rotatif réalisant l'hydrolyse de l'ATP en ADP et en phosphate inorganique, c'est à dire la réaction inverse de celle produisant l'ATP.
Ce groupe a donc mis en évidence que nous avons un « fuel », l'ATP, dont la conversion
engendre un mouvement de rotation pour un moteur moléculaire très complexe issu de la
biologie, mais qui peut être classé comme un moteur hybride.
Il existe d'autres protéines moteurs qui sont des moteurs linéaires :
-la kinésine et la dynéine : elles sont responsables du transport de la matière dans les cellules, dans des organelles (sortes de « sacs » présents sur la kinésine). La kinésine bouge très vite (300-400 km/h si l'on ramène l'échelle à celle d'une personne courant sur une piste de stade).
-les muscles striés : ils se contractent ou s'allongent grâce à des filaments (actine : filament fin / myosine : filament épais) qui coulissent les uns le long des autres.
Les molécules de synthèse
De manière générale, l'élaboration de molécules artificielles a beaucoup évolué. Il reste cependant des défis inaccessibles aujourd'hui.
Certaines substances naturelles très complexes peuvent être synthétisées au laboratoire, comme la brévétoxine A (figure 3). Cette molécule présente un grand nombre de carbones asymétriques (22). Elle a été préparée par un groupe américain et a nécessité le travail de 20 personnes sur une période d'environ 12 ans. Cette synthèse représente un véritable tour de force, salué par la communauté des chimistes des molécules.
Figure 3 : le groupe américain de K.C. Nicolaou a réalisé la synthèse totale
de la brévétoxine A
Mais pour le moment, aucune équipe n'est parvenue à synthétiser la maitotoxine (figure 4), substance naturelle comprenant environ une centaine de carbones asymétriques.
Figure 4 : la maitotoxine, un des poisons marins les plus violents, n'a pas encore pu être synthétisée au laboratoire
Les moteurs et machines moléculaires artificiels : caténanes et rotaxanes
Les caténanes et les rotaxanes (figure 5) sont devenus très populaires dans le domaine de la recherche contemporaine (véritable révolution au cours des 20 dernières années) et sont beaucoup étudiés par les chimistes, les physiciens et les ingénieurs pour leur potentiel dans la fabrication de machines moléculaires.
Figure 5 : schéma d'un [2]caténane et d'un [2]rotaxane
Jusqu'au début des années 1980, ces composés semblaient inaccessibles car il n'existait pas de méthode de synthèse, puis une méthode a été découverte (figure 6) : elle met en Suvre l'effet de matrice d'un métal de transition, le cuivre (I), afin d'entremêler 2 fils moléculaires par exemple pour obtenir un précurseur qui permettra ensuite de fabriquer un [2]caténane.
Figure 6 : stratégie pour entremêler 2 fragments moléculaires afin de préparer un [2]caténane
Sur la figure 6, nous avons 2 fragments moléculaires f-f capables d'interagir avec un centre métallique (cation métallique susceptible de rassembler et d'orienter ces 2 fragments). Nous obtenons alors un intermédiaire, comportant deux fils f-f entremêlés, conduisant au [2]caténane par une réaction chimique classique de formation d'anneau.
Traitons un exemple concret pour illustrer cette stratégie : la formation d'un entrelacs de 2 fils moléculaires dppOH (dihydroxyphénylphénanthroline) grâce au cation métallique Cu (I) (figure 7), entrelacs réalisé par Dietrich-Buchecker et al., en 1984.
Figure 7 : réalisation d'un entrelacs de 2 fragments organiques grâce à
l'effet de matrice du cuivre (I)
Le cuivre existe sous 2 états :
-un état oxydé : c'est le cuivre (II) ou Cu2+
-un état réduit : c'est le cuivre (I) ou Cu+.
C'est le cuivre dans son état réduit qui a été utilisé ici et qui est toujours utilisé pour réaliser un entrelacs de ce type.
Une fois l'entrelacs effectué, une réaction de chimie classique est mise en Suvre afin de synthétiser le [2]caténane (figure 8).
Figure 8 : formation du [2]caténane par une réaction chimique classique
Figure 9 : structure cristallographique du
[2]caténane complexé au cuivre
Les deux anneaux étant entrelacés, la seule manière de les séparer est de couper un lien chimique. Il est possible de retirer le cuivre (I) en réalisant ce qu'on appelle la démétallation (figure 10).
Figure 10 : il est facile de retirer le centre métallique en utilisant du cyanure de potassium
Figure 11 : la molécule se réarrange
pendant la démétallation
La première machine moléculaire à partir d'un caténane :
La première machine moléculaire réalisée à partir d'un [2]caténane est un moteur rotatif dont le mouvement est déclenché par l'oxydation et la réduction du cuivre (figure 12). Il faut cependant noter que ce n'est pas un véritable moteur rotatif, dans la mesure où la direction des deux demi-tours représentés sur la figure 12 n'est pas contrôlée.
Figure 12 : rotation d'un anneau à l'intérieur d'un autre anneau, sans contrôle de la
direction : utilisation du couple Cu(II) / Cu(I)
Le cuivre (I) est stable lorsqu'il est entouré de 4 atomes donneurs (atomes d'azote) : il présente une géométrie pseudo-tétraédrique lors de la coordination à deux phénanthrolines (chacune a 2 atomes d'azote).
Le cuivre (II) n'est lui par contre pas stable en pseudo-tétraèdre, il préfère être entouré de 5
atomes donneurs : une phénanthroline et une terpyridine (respectivement 2 et 3 atomes
d'azote).
Lorsque le cuivre (I) est oxydé (-e-) en cuivre (II), nous passons d'une situation stable (en haut à gauche) à une situation instable (en haut à droite). Le système instable va évoluer (se relaxer) et la relaxation implique qu'un des deux anneaux tourne à l'intérieur de l'autre anneau. Ceci s'effectue de manière à venir placer le fragment à 3 azotes (terpyridine) en position d'interaction avec le cuivre : le système retrouve alors une situation stable (en bas à droite). Ce réarrangement a été réalisé en effectuant une rotation d'un demi-tour.
Le système est réversible, ce qui signifie qu'il est possible de réduire (+e-) le cuivre (II) en cuivre (I) pour revenir à la situation de départ (en haut à gauche), en passant par un système instable (en bas à gauche).
Ce moteur rotatif est donc fondé sur un mouvement contrôlé par électrochimie et le système est parfaitement réversible : il est possible de faire autant de cycles CuI à CuII à CuI que l'on veut.
Une navette moléculaire à partir d'un rotaxane :
Nous avons vu qu'un rotaxane pouvait être un moteur rotatif ou un moteur linéaire. Le groupe de Fraser Stoddart, aux Etats-Unis, a préparé une navette moléculaire (figure 13) à partir d'un rotaxane, c'est un moteur linéaire.
Figure 13 : schématisation d'une navette moléculaire
C'est un processus électronique qui permet de faire coulisser l'anneau d'une station vers l'autre (figure 14).
Figure 14 : une « navette » moléculaire :la mise en mouvement se fait en
oxydant la station verte puis en réduisant sa forme oxydée
Ce processus est réversible puisqu'il est possible de revenir à la situation de départ en réduisant la station verte, c'est à dire en revenant à sa forme neutre du point de vue des charges.
Cette navette moléculaire et des molécules dérivées de sa structure originelle ont conduit à des applications qui peuvent être importantes : des chimistes se sont associés à des ingénieurs et à des physiciens pour tenter de fabriquer des systèmes de stockage d'information (mémoires) et des ordinateurs primitifs à base moléculaire.
Peut-on mettre en Suvre un système de stockage de l'information moléculaire en utilisant une navette moléculaire ?
Figure 15 : découverte de l'année 2001, publiée dans le magazine Science, vol. 294, 21
décembre 2001, p. 2442 : nous dirigeons-nous vers des ordinateurs moléculaires ?
Le système qui a été élu « découverte de l'année 2001 » par le magazine Science (figure 15) pourrait donner naissance à un ordinateur moléculaire, permettant le stockage de l'information.
Ce dispositif est composé de barreaux de semi-conducteur ou d'un métal conducteur : 3 barreaux en haut et 3 barreaux en bas, positionnés de manière orthogonale. Entre ces barreaux ont été intercalées des molécules de la navette moléculaire. Lorsqu'un potentiel est appliqué entre deux barreaux perpendiculaires, la position de l'anneau (représenté en blanc sur la figure) peut être contrôlée. Dans le même temps, les propriétés de conduction de l'électricité du filament organique sont modifiées. Ainsi, selon la position de l'anneau sur le filament organique, nous avons un conducteur (qui peut être considéré comme le 1 d'un système informatique) ou un isolant (qui est alors le 0). L'état du fil organique reliant les barreaux peut être « lu ». Il est également possible d' « effacer » afin de revenir à l'état initial.
Nous avons donc un système permettant le stockage de l'information, à base moléculaire. Il faut cependant noter que ce petit dispositif fait encore l'objet de nombreuses discussions et débats.
Vers des muscles moléculaires de synthèse à l'échelle nanométrique :
Il est possible de mimer les moteurs linéaires que sont les muscles. Cela a été réalisé par Maria Consuelo Jiménez et Christiane Dietrich-Buchecker qui ont cherché à imiter le fonctionnement du muscle strié en préparant un dimère de rotaxane (figure 16). Dans ce dimère de rotaxane, les filaments vont pouvoir coulisser l'un sur l'autre pour conduire à une forme contractée ou à une forme étirée.
Figure 16 : un dimère de rotaxane est la topologie idéale pour réaliser l'interconversion d'une structure étirée et d'un système contracté. L'axe d'une sous-unité (bleue, par exemple) traverse l'anneau de l'autre sous-unité (noire)
La synthèse du muscle est un réel défi, proche du point de vue de la difficulté, de celui que peut représenter la synthèse de produits naturels complexes. C'est la coordination au métal qui détermine le fait qu'il soit étiré ou contracté. L'étape clé de la préparation du muscle est la réaction de double « enfilage » (figure 17). La structure doublement entrelacée de ce composé a été mise en évidence par diffraction des rayons X (figure 18).
Figure 17 : formation du dimère de rotaxane par double enfilage au cuivre (I)
Figure 18 : structure cristallographique du
composé doublement entrelacé
La mise en mouvement du muscle est réalisée par une réaction d'échange cuivre (I) / zinc (II) (figure 19).
Comme nous l'avons vu précédemment, le cuivre (I) est stable lorsqu'il est tétracoordiné : sa sphère de coordination est composée de 2 phénanthrolines, c'est la forme étirée (85 Angström). Le mouvement est induit par échange du cuivre (I) par du zinc (II) qui, lui, est stable lorsqu'il est pentacoordiné (géométrie de bipyramide trigonale) : sa sphère de coordination comprend une phénanthroline et une terpyridine, c'est la forme contractée (65 Angström).
L'amplitude est à peu près la même que celle que nous trouvons dans les muscles striés (myosine / actine) : la contraction est d'environ 25 % de la longueur totale de l'objet dans la forme étirée.
Figure 19 : les deux états du muscle
Il est donc possible de contracter ou d'étirer une molécule par une réaction chimique, de manière très substantielle. La mise en mouvement d'objets ou de particules beaucoup plus grands que cette espèce suscite actuellement beaucoup d'intérêt.
Les moteurs et machines moléculaires fondés sur des molécules non entrelacées : un exemple de système mis en mouvement par la lumière
Plusieurs machines moléculaires ont été proposées par différents laboratoires, qui travaillent sur des composés qui ne comportent pas d'anneaux entrelacés. Nous discuterons brièvement un exemple précis, conduisant à un véritable dispositif micrométrique.
Un groupe de chercheurs hollandais (Feringa et al.) a publié en 2006, dans la revue Nature, un article à propos d'un nanomoteur qui engendre la rotation d'objets de l'ordre du micron. Il s'agit en fait d'un moteur moléculaire intégré dans un film de cristal liquide (figure 20) qui utilise la lumière pour faire tourner des objets de grande taille, par comparaison à celle du moteur moléculaire lui-même.
Figure 20
Le groupe de Feringa a déposé un barreau de verre (5x28mm) sur ce film de cristal liquide dopé. Sous irradiation lumineuse, le petit barreau est entraîné et il est possible de visualiser clairement la rotation, ce qui constitue une très jolie preuve de principe.
Finalement, quelles sont les motivations des chercheurs travaillant dans le domaine des machines et moteurs moléculaires de synthèse ?
Tout d'abord, la fabrication de tels objets, molécules ou dispositifs, représente un véritable défi synthétique : les molécules pouvant donner naissance à un moteur ou à une machine moléculaire sont complexes et originales. Leur synthèse nécessite beaucoup de temps et de talent. Leur obtention représente un véritable exploit, que ce soit au niveau conceptuel ou du point de vue expérimental.
Ensuite, c'est la possibilité de reproduire les fonctions les plus simples des moteurs biologiques qui attire les chercheurs. Il faut cependant noter que les machines moléculaires accessibles aujourd'hui sont extrêmement primitives, comparées aux machines naturelles très complexes mises au point par la nature au cours de l'évolution.
Pour finir, ce sont certainement les nombreux domaines d'applications possibles qui captivent également les chercheurs :
-le stockage et le traitement de l'information au niveau moléculaire (écrire / lire / effacer)
-la mise au point de robots microscopiques capables d'assurer des fonctions variées
-en chimie médicinale : le transport d'une molécule jusqu'à un endroit précis ou celle-ci sera utile (médicament), l'ouverture / la fermeture d'une valve ou d'une porte qui contrôle le flux d'une molécule dans un fluide biologique, le pilotage d'une micro-seringue susceptible d'injecter un composé dans une cellule...
Remerciements
Caténanes :
-synthèse et chimie de coordination :
Laboratoire de Chimie Organo-Minérale (Strasbourg) :
Christiane Dietrich-Buchecker, Jean-Claude Chambron, Jean-Marc Kern, et beaucoup
d'autres...
-structures cristallographiques par diffraction des rayons X :
Claudine Pascard, Michèle Césario (Gif-sur-Yvette)
Jean Fischer, André De Cian, Nathalie Gruber, Richard Welter (Strasbourg)
Mouvement de caténanes et rotaxanes complexés au cuivre :
-catenanes in motion :
Aude Livoreil, Diego J. Cardenas
-translation of a ring along an axle:
Jean-Paul Collin, Pablo Gaviña
-pirouetting of a ring along the axle:
Laurence Raehm, Jean-Marc Kern, Ingo Poleschak, Ulla Létinois, Jean-Paul Collin
-towards molecular muscles :
Maria Consuelo Jiménez, Christiane Dietrich-Buchecker
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