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MEXIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Mexique : histoire


1. Le Mexique précolombien
Les plus anciens occupants du Mexique sont des chasseurs-collecteurs nomades, représentés par l'homme de Tepexpan, qui remonte à 10000 avant J.-C.
La culture du maïs, qui va bouleverser les conditions de vie, apparaît progressivement. La plus ancienne utilisation connue du maïs est située à Tehuacán dans la phase Coxcatlán (5200-3400 avant J.-C.). Dès lors, la subsistance se fait moins difficile et les chasseurs s'établissent dans de petits villages. En plus du maïs, ils cultivent le piment, le haricot et la courge. Cette forme de vie de petits agriculteurs sédentaires correspond à la première partie de la période préclassique (2000-1000 avant J.-C.). Au préclassique moyen (1500-300 avant J.-C.) apparaît la première civilisation mésoaméricaine, celle des Olmèques, sur la côte du golfe du Mexique. On attribue aux Olmèques l'invention du calendrier, de l'écriture hiéroglyphique, du jeu de balle, des marchés et la construction des premiers temples en dur.

C'est au classique (250-950 après J.-C.) que s'épanouissent les civilisations les plus spectaculaires. Au Mexique central apparaît celle de Teotihuacán. Véritable métropole qui atteint 11 km2 de superficie, la ville de Teotihuacán réussit l'unification de toute la vallée de Mexico, et son influence s'exerce jusqu'au Guatemala.
Sur la côte du golfe du Mexique, dans l'État actuel de Veracruz, se trouve le centre cérémoniel d'El Tajin, dont la construction la plus notable est la pyramide des niches.
Dans le territoire de l'État actuel d'Oaxaca, les Zapotèques avaient pour capitale Monte Albán. Au cours du classique, les Zapotèques ont construit plus de 200 centres urbains. À Monte Albán, la civilisation zapotèque a été marquée, durant le préclassique moyen, par des influences olmèques et, ultérieurement, par celles des Mayas et de Teotihuacán. Vers 900 de notre ère, Monte Albán est abandonnée, et les Zapotèques construisent un nouveau centre, Mitla, au sud-ouest d'Oaxaca.

Les débuts de la civilisation maya remontent au préclassique. Au classique, les Mayas vont élaborer une remarquable civilisation. À la différence d'autres peuples mésoaméricains, ils ne construisent pas de grands empires, mais bâtissent des cités-États. Dans le Mexique central, ils fondent Palenque et Toniná. Dans la zone nord (Yucatán), une architecture locale se développe avec les styles de Rio Bec, Chenes et Puuc. Pourtant, on y trouve aussi des cités, comme Cobá, stylistiquement reliées à l'architecture de la région de Péten, au Guatemala.
Au postclassique (950-1500 après J.-C.) commence une époque d'instabilité provoquée surtout par les invasions des tribus nomades chichimèques, venues du Nord.

Dans la vallée de Mexico, l'hégémonie de Teotihuacán, détruite vers 600 après J.-C., passe, pendant la première partie du postclassique, à Tula, capitale des Toltèques. L'Empire toltèque s'étend sur le Mexique central jusqu'au xiie s., quand de nouveaux groupes chichimèques envahissent la région et détruisent, en 1168, la ville de Tula. L'art des Toltèques, comme celui de la plupart des cultures du postclassique mésoaméricain, reflète le caractère guerrier de la société qui l'a sécrété. Au xiiie s., les Mixtèques pénètrent dans le territoire zapotèque. Ils utilisent Monte Albán comme lieu de sépulture de leurs chefs. Le style mixtèque aura une grande diffusion durant le postclassique. On retrouve à Cholula un style mixteca-puebla et à Mitla des peintures polychromes et des mosaïques en pierre de pur style mixtèque.
Sur la côte du Golfe, le plus important centre du postclassique, Cempoala, est construit par les Totonaques. La région des Huaxtèques atteint son plein épanouissement au postclassique. La sculpture en pierre représentant des personnages-rois, des prêtres ou des dieux ainsi que la céramique, en particulier celle qui provient du site de Pánuco, caractérisent cette période. Selon les chroniqueurs mayas, ce sont les Toltèques, dirigés par Topiltzin Quetzalcóatl, qui seraient à l'origine de la renaissance de la civilisation maya au Yucatán, dont témoigne la ville de Chichén Itzá, qui prend l'hégémonie politique et artistique de la région jusqu'à son abandon en 1224 environ. Mayapán devient la capitale du Yucatán pour être à son tour abandonnée vers 1450, alors que la péninsule est le théâtre de luttes intestines entre cités qui rivalisent pour la prise du pouvoir. Tulum, sur la côte est, date de cette époque. La dernière vague de chichimèques est celle des Aztèques. Petite tribu venue d'Aztlán, les Mexicas finissent par dominer tout le plateau du Mexique central et étendent leur influence sur la plupart du territoire mexicain. Excellents administrateurs et habiles guerriers, les Aztèques créent une civilisation originale issue de l'amalgame d'éléments de cultures mésoaméricaines contemporaines ou même antérieures et dont ils se disent les héritiers. Mais la conquête espagnole commence.

2. La conquête

Après l'échec de Francisco Fernández de Córdoba sur la côte maya (1517), Cortés débarque au Tabasco (1519), puis à Veracruz. Il tire parti des haines que les Aztèques ont provoquées par leur récente conquête et il obtient l'alliance des peuples soumis et de la République indépendante de Tlaxcala. Il entre à Mexico sans résistance, car une peur religieuse atteint l'empereur aztèque Moctezuma II (présage sur la fin d'un cycle du monde, retour du dieu Quetzalcóatl). La révolte des Aztèques éloigne un temps les Espagnols de Mexico (juin 1520). Ils y reviennent avec leurs alliés tlaxcaltèques et, après un siège très dur, tandis que des épidémies ravagent la population, Tenochtitlán est prise (août 1521). La résistance du successeur de Moctezuma, Cuauhtémoc, est sans espoir. Cortés, nommé gouverneur et capitaine général par Charles Quint dès 1522, puis ses successeurs conquièrent le reste du Mexique au xvie s., réalisant l'unité territoriale qu'avaient commencée les Aztèques. Les explorateurs atteignent même le Mississippi et l'Arkansas. Mais les Mayas, protégés par la forêt tropicale, ne se soumettent qu'après une longue lutte (1527-1546), et leurs derniers descendants ne seront éliminés qu'en 1697 ; dans le Nord, bien des tribus resteront indépendantes jusqu'au xxe s., car la Nouvelle-Espagne correspond, pour l'essentiel, au xvie s., au Mexique peuplé par les populations sédentaires qui formaient déjà le noyau de l'Empire aztèque.

Cortés ordonne que l'on détruise et brûle les idoles
En 1524, appelés par Cortés, ont débarqué douze franciscains conduits par frère Martin de Valencia, suivis en 1526 par les dominicains et en 1533 par les augustins. Malgré les limites de leur entreprise (refus d'ordonner les Indiens, par exemple), ces missionnaires vont faire du Mexique un pays de foi intense (culte de Notre-Dame de Guadalupe).
Mais le choc entre les peuples amérindiens et l'Europe a provoqué une catastrophe démographique. Les épidémies, les guerres, le travail forcé et l'effondrement des hiérarchies sociales entraînent la presque disparition de la population indienne.
3. La période coloniale

Cortés tombé en disgrâce, la Nouvelle-Espagne est gouvernée dès 1528 par des audiencias (Mexico, 1528 ; Guadalajara, 1548) et, à partir de 1535, par un vice-roi chargé de faire appliquer les décisions du Conseil des Indes de Madrid : le premier est Antonio de Mendoza. Les grands administrateurs venus de la métropole se heurtent à l'esprit d'indépendance des colons, dont le pouvoir diminue dès la fin du xvie s. ; l'administration municipale (ayuntamientos ou cabildos) perd rapidement son autonomie (vente et hérédité des charges). Faute d'or, les premiers conquérants se font attribuer des encomiendas (droit aux services gratuits d'un nombre variable d'Indiens ou de villages indigènes) ; Charles Quint condamne, à la demande de Bartolomé de Las Casas, ce système (promulgation des Leyes Nuevas, 1542), qui durera cependant jusqu'au xviie s. La découverte des mines d'argent du Nord (Guanajuato, Zacatecas en 1546) lance les Espagnols hors des frontières du Mexique des agriculteurs sédentaires et fait de la Nouvelle-Espagne le premier producteur d'argent du monde jusqu'aux années 1570. Puis, au début du xviie s., par usurpation sur les ejidos (terres collectives des villages) ou par occupation sans titre de terres rendues vacantes par la chute démographique se constituent les haciendas, cultivées par les péons, liés par leurs dettes, et consacrées aux cultures tropicales : canne à sucre, indigo, cochenille, cacao, maïs. Dans le Nord, exposé aux attaques des nomades, des Espagnols créent, dès le xvie s. ou le xviie s., d'immenses propriétés, les estancias, où les péons cultivent le blé et surtout surveillent d'importants troupeaux de bovins ; au centre de l'estancia s'élève une véritable forteresse, la résidence du maître, qui possède sa garnison personnelle et parfois même sa propre justice.

Le xviie et la première moitié du xviiie s. apparaissent comme une époque de repliement sur soi et de consolidation. Les mines déclinent, les échanges avec l'Espagne diminuent et la corruption administrative donne aux créoles une relative autonomie de fait. La société mexicaine acquiert certains de ses traits permanents. Au nord domine une société blanche ou métisse, dont le cœur est l'économie minière. C'est le pays du prospecteur et des exploitants des mines, dont certains, fortune faite, s'incorporent à l'aristocratie créole, celui des grands propriétaires d'haciendas d'élevage, avec leurs osts privés, celui des Indiens nomades non soumis et des missionnaires qui évangélisent les tribus sédentaires (le père Kino au Sonora et dans l'Arizona, à la fin du xviie s., et Junipero Serra, plus tard, en Haute-Californie [1769]). Au sud, des communautés indiennes coexistent avec des haciendas et avec des villes, Mexico surtout, où habitent la majorité des Espagnols et des métis (les fonctionnaires royaux, les grands propriétaires fonciers créoles, les mineurs enrichis, les grands marchands des consulats de Mexico et de Veracruz, qui contrôlent le commerce avec l'Espagne, les artisans des corporations et une plèbe urbaine bigarrée et souvent agitée). C'est l'époque aussi où s'affirme l'art mexicain avec ses églises et ses palais – où l'exubérance baroque incorpore des motifs ornementaux indiens –, et où éclôt la perfection classique des écrits de sœur Juana Inès de la Cruz (1651-1695).
La seconde moitié du xviiie s. voit le Mexique devenir de nouveau le premier producteur d'argent du monde, et, par la suite, se développent l'agriculture et le commerce. La population double en 50 ans (6 millions d'habitants en 1800, dont 780 000 Espagnols). Mexico est la plus grande ville de l'Amérique, et ses institutions éducatives (l'Université, fondée en 1551, l'École des mines, fondée en 1782, etc.) sont renommées. À la veille de l'indépendance, la Nouvelle-Espagne vaut à elle seule le reste de l'Empire espagnol.

4. L'indépendance

Les tensions sociales provoquées par la croissance économique et démographique du Mexique central, et surtout de sa frange minière, deviennent insupportables lors de la crise minière du début du xixe s. Le mécontentement des classes moyennes s'est accru depuis les réformes administratives de 1786 (création de 12 intendances), qui ont diminué, avec l'accroissement du rôle de l'administration royale renouvelée par des fonctionnaires péninsulaires, l'autonomie de fait des élites créoles. L'invasion de l'Espagne par Napoléon en 1808 et la destitution de Ferdinand VII provoquent en Espagne et dans tout l'Empire espagnol une réaction de loyalisme, l'éclosion de juntes qui tentent de remplir le vide du pouvoir et un affrontement entre les différents groupes dirigeants de la société coloniale. Au Mexique, la lutte entre les Créoles, qui dominent le cabildo, et les péninsulaires, qui déposent le vice-roi Iturrigaray (septembre 1808) et se réclament de la Junte centrale d'Espagne, est bientôt dépassée par le soulèvement du curé de Dolores, Miguel Hidalgo y Costilla (le 16 septembre 1810). Le cri des insurgés « Vive la Vierge de Guadalupe ! Mort aux Espagnols ! » déclenche une insurrection métisse et indienne qui menace d'emporter tout l'ordre établi (massacre d'Espagnols et de Créoles à Guanajuato et à Valladolid). L'union des élites créoles et péninsulaires se fait contre la révolte. L'armée loyaliste, formée et commandée en sa majorité par des Créoles, écrase les révoltés et fait exécuter Hidalgo (juillet 1811). Mais le soulèvement continue avec Morelos, un curé métis, qui proclame l'indépendance (1813) et n'est pris qu'en 1815. La révolte semble succomber, victime des querelles des chefs encore en lutte, mais l'aristocratie créole et les officiers préfèrent l'indépendance à la révolution libérale qui triomphe en Espagne à partir de 1820. Leur agent, Agustín de Iturbide, placé à la tête de l'armée par le vice-roi, s'entend avec les derniers chefs rebelles, dont Guerrero (plan d'Iguala, ou des Trois Garanties, février 1821) : le catholicisme restera religion d'État ; indépendance ; les Mexicains seront égaux sans distinction de races. Le dernier vice-roi, O'Donojú, qui sera désavoué, reconnaît l'indépendance du Mexique (traité de Córdoba, août 1821).

5. Le Mexique indépendant
5.1. L'instabilité politique
L'indépendance n'ouvre cependant pas une ère de paix et de prospérité. L'industrie minière a été ruinée par la guerre civile, et l'expulsion des Espagnols, en 1829, prive l'Administration et l'économie d'une grande partie de ses cadres. L'égalité civile reste un mythe, et le système foncier ne se modifie pas. Les difficultés financières forcent les gouvernements à recourir à des emprunts auprès des Anglais et des Français. Pendant les trente premières années de son indépendance, le pays connaît l'instabilité politique et le déchaînement des factions. Ainsi Iturbide, sacré empereur en 1822, doit abdiquer une année plus tard devant le soulèvement d'un officier, Antonio López de Santa Anna, qui proclame la république. Ce dernier, qui domine la vie politique jusqu'au milieu du siècle, se maintient au pouvoir par une série de coups d'État. Il joue de la lutte entre conservateurs centralistes et libéraux fédéralistes, qui, majoritaires en 1823, votent la Constitution fédéraliste en 1824. Mais il ne réussit toutefois pas à empêcher la sécession du Texas (1836) ni la désastreuse guerre contre les États-Unis (1846-1848). Au terme de celle-ci, par le traité de Guadalupe Hidalgo (1848), le territoire mexicain se trouve amputé non seulement du Texas mais de la Californie, de l'Arizona et du Nouveau-Mexique.

Ce n'est pourtant qu'en 1855 que les libéraux, sous la direction de Benito Juárez, chassent définitivement Antonio López de Santa Anna et entreprennent la Réforme. La propriété collective est supprimée en 1856, tandis que la Constitution libérale de 1857 et d'autres textes juridiques abolissent les privilèges de l'Église et de l'Armée. Les conservateurs se soulèvent, et le pays connaît une nouvelle guerre civile, la « guerre de trois ans » (1858-1861), dont les libéraux, avec l'aide financière et militaire des États-Unis, sortent victorieux. Mais, lorsque Benito Juárez décide de suspendre pour deux ans le paiement des intérêts de la dette extérieure, l'Angleterre, l'Espagne et la France interviennent militairement.

Napoléon III, qui souhaite établir en Amérique latine un empire latin et catholique pour barrer l'expansion des États-Unis anglo-saxons et protestants, entreprend la conquête du Mexique (guerre du Mexique) et offre à l'archiduc Maximilien d'Autriche le titre d'empereur (1864). N'étant reconnu que par les conservateurs, Maximilien applique pourtant une politique libérale, s'appuyant pour l'essentiel sur la présence des troupes françaises. Il bénéficie également de la non-intervention des États-Unis, accaparés par la guerre de Sécession. Mais, dès la fin de celle-ci, les pressions de Washington entraînent le retrait des troupes françaises, tandis que celles de Juárez, jusqu'alors repliées en territoire américain, reconquièrent rapidement le pays et restaurent la république. Maximilien est fusillé en 1867 à Querétaro.
Le régime républicain est bientôt menacé par l'agitation des généraux vainqueurs et par les dissensions internes qui opposent les libéraux. À la mort de Benito Juárez, en 1872, le Mexique est de nouveau au bord de la guerre civile. Son successeur, Lerdo de Tejada, relance une politique anticléricale, qui provoque le soulèvement des paysans. Il est renversé en 1876 par le général Porfirio Díaz.
5.2. Le porfiriat

Tout en respectant les formes constitutionnelles, Porfirio Díaz instaure un pouvoir personnel et gouverne le pays pratiquement sans interruption jusqu'à la révolution de 1910. Il rétablit l'ordre et, à partir des années 1890, place dans les ministères un groupe de technocrates positivistes, les científicos, mené par le ministre des Finances, José Yves Limantour. L'économie reprend une progression interrompue depuis soixante ans, une administration publique efficace se met en place et les finances sont assainies. Durant cette période, dite « du porfiriat », la population passe de 9 à 15 millions d'habitants, l'instruction publique se développe, les investissements étrangers affluent. On construit 19 000 km de voies ferrées, ce qui rend possible la création d'un marché interne. L'exploitation minière connaît un essor sans précédent et les industries se développent. Les modernisations économiques et administratives ne modifient cependant pas les structures politiques et sociales. Si le général Díaz brise le pouvoir des grands chefs régionaux, les remplaçant par ses fidèles, il laisse en place celui des chefs locaux. Ces caciques continuent à régner sur la population, la production et le commerce d'un pays encore essentiellement rural et n'obéissent au pouvoir central que contre des avantages négociés. Par ailleurs, pour permettre l'expansion de l'agriculture commerciale, on applique des lois libérales, qui, abolissant la propriété communautaire, déstructurent le système agraire indigène. En 1910, 80 % des paysans, dépossédés de leur terre, constituent la main-d'œuvre bon marché des grandes propriétés foncières.

5.3. La révolution mexicaine : une longue guerre civile

Le général Díaz, qui prépare, pour la septième fois, sa propre réélection, rencontre l'opposition du mouvement démocratique dirigé par Francisco Madero. Ce riche propriétaire du Nord, qui a réussi à rassembler une petite classe moyenne, née du développement urbain et industriel et désireuse de participer au jeu politique, lance, en novembre 1910, un appel à l'insurrection armée. Au nord, se soulèvent Doroteo Arango, dit Pancho Villa, et Pascual Orozco, tandis qu'au sud, le métis Emiliano Zapata prend la tête de la révolte des communautés indiennes dépossédées. L'insurrection est victorieuse en mars 1911, pratiquement sans combats, et P. Díaz doit s'exiler. Devenu président, F. Madero essaie de changer la structure politique sans pour autant résoudre le principal problème, celui de la terre. E. Zapata, qui rejette l'autorité de F. Madero, continue la lutte et fixe les objectifs agraires de son mouvement, tandis que P. Orozco reprend le combat dans le Nord en 1912. Débordé par ces rébellions paysannes, le gouvernement suscite par ailleurs l'inquiétude des grands propriétaires fonciers. En février 1913, F. Madero est assassiné lors d'un coup d'État, tandis que le général Victoriano de la Huerta s'empare de la présidence.
Toutefois, un gouverneur porfiriste, l'ancien sénateur Venustiano Carranza, refuse de reconnaître le nouveau pouvoir. Se désignant comme gardien de la légalité, il prend la tête de la faction « constitutionnaliste » (à laquelle se joignent E. Zapata et P Villa), qui bénéficie du soutien militaire des États-Unis. En 1914, V. de la Huerta, face à la défaite de ses troupes, s'exile.
Dès le lendemain de leur victoire, les constitutionnalistes sont la proie de divisions internes : P. Villa et E. Zapata, ayant rompu avec V. Carranza, occupent la capitale en 1914. La faction carranziste, qui connaît des moments difficiles, sort néanmoins victorieuse du conflit : les troupes villistes sont battues par celles d'Álvaro Obregón en 1915, tandis que P. Orozco est abattu. Bien que Zapata poursuive la lutte armée, V. Carranza commence à gouverner le pays. Pour calmer les esprits, il rend à quelques communautés indiennes leurs ejidos accaparés par la Réforme. Il s'assure le soutien des ouvriers par la Constitution de 1917, qui comporte une législation sociale avancée. Mais cette Constitution à tendance socialisante (propriété éminente de la nation sur le sous-sol, laïcité de l'État, inaliénabilité des ejidos) n'est pas appliquée. En 1919, E. Zapata est attiré dans un guet-apens et assassiné, et la réforme agraire est paralysée. Les militaires issus de la révolution, qui détiennent véritablement le pouvoir, entament la « pacification » des campagnes. V. Carranza est renversé et assassiné en 1920.

5.4. Vers la stabilisation du régime
Á. Obregón réussit à rallier toutes les factions révolutionnaires en lutte et, avec l'appui de la Confédération régionale des ouvriers mexicains (CROM), des agraristes et de l'armée, accède à la présidence (1920-1924). Sous son gouvernement, la paix est rétablie, des terres sont distribuées aux paysans et l'instruction rurale est développée, mais la vie politique se limite à une lutte de factions. À la fin de son mandat, l'élection de Plutarco Elías Calles provoque la rébellion de la moitié de l'armée et ouvre une période de nouveaux troubles. Devant la politique anticléricale de P. E. Calles, la hiérarchie catholique répond, en 1926, par la suspension des cultes publiques, et le peuple des campagnes, par l'insurrection. La guerre des cristeros, ainsi nommée à cause du cri de guerre de ceux-ci « Vive le Christ-Roi et la Vierge de Guadalupe », dure trois ans et divise les révolutionnaires. Réélu à la présidence, Á. Obregón est assassiné peu après et ses partisans, frustrés de leur victoire, se soulèvent dans un dernier coup d'État militaire. Après les avoir écrasés, P. Calles crée les bases d'une stabilité politique durable. En fondant en 1929 le parti national révolutionnaire (rebaptisé parti de la Révolution mexicaine en 1938), il pérennise au pouvoir la faction dominante et fournit une machine électorale qui assure son monopole politique. Ainsi, P. Calles détient la réalité du pouvoir (les présidents successifs ne sont que des hommes de paille) jusqu'à l'élection de Lázaro Cárdenas (1934-1940). Ce dernier, qui est pourtant le candidat de P. Calles, le force à l'exil en 1936. Sous le gouvernement de L. Cárdenas, la querelle avec l'Église s'apaise, les compagnies pétrolières étrangères sont expropriées contre indemnisation (1938) et les terres sont distribuées entre les paysans regroupés en coopératives.

6. La révolution institutionnalisée
6.1. L'hégémonie politique du PRI
À l'arrivée d'Avilá Camacho (1940-1946), les bases du régime sont définitivement établies : le parti de la Révolution mexicaine, qui deviendra en 1946 le parti révolutionnaire institutionnel (PRI), désigne les candidats remportant les élections à la présidence, aux gouvernements des États et aux mairies. Il contrôle également la Chambre des députés et le Sénat. La Constitution de 1917 avait institué un système présidentiel puissant : le pouvoir absolu du président, dont la durée du mandat est passée à six ans, n'est compensé que par sa non-rééligibilité. Pratiquant une politique populiste, le gouvernement assure son pouvoir en prêtant assistance à une large partie de la population et en respectant les caciques locaux. Il s'appuie sur un clientélisme au sein duquel la corruption recrée sans cesse des réseaux de dépendance.
Dès lors, les changements politiques ne sont que des adaptations du système au contexte international et aux rapports de force au sein du parti. Ainsi le seul débat qui compte est celui qui a lieu au sein de la « famille révolutionnaire ». L'influence des milieux d'affaires l'emporte sous les présidents Miguel Alemán (1946-1952) et Gustavo Díaz Ordaz (1964-1970). Celle des classes moyennes domine sous les présidents Adolfo López Mateos (1958-1964) et Luis Echeverría Álvarez (1970-1976). Mais la stabilité politique s'explique également par la croissance économique soutenue entre 1940 et 1982. Certes, à la fin des années 1960, l'impact de la révolution cubaine et des mouvements de gauche latino-américains sur les intellectuels et les étudiants mexicains donne lieu à d'importantes manifestations auxquelles se joignent les classes moyennes et les ouvriers. Celles-ci seront durement réprimées : en 1968, l'intervention de l'armée fait des centaines de morts. Mais ce n'est qu'au début des années 1980 que le monopole du PRI commence à être sérieusement contesté.

6.2. Crise économique et crise politique
Durant la présidence de José López Portillo (1976-1982), le Mexique connaît une période de prospérité sans précédent, due à la découverte d'immenses réserves pétrolières. Ce boom pétrolier s'accompagne d'une croissance économique accélérée, fondée sur des emprunts massifs à l'étranger, et de l'amorce d'une ouverture politique. La réforme constitutionnelle de 1977 permet la légalisation, après les élections de juillet 1979, de trois partis (le parti communiste, le parti socialiste des Travailleurs et le parti démocrate mexicain). À fin du mandat de J.L. Portillo, le retournement du marché pétrolier, l'endettement croissant, l'inflation et la fuite des capitaux conduisent le Mexique au bord de la banqueroute. En août 1982, le pays se déclare en cessation de paiement, et un plan de sauvegarde est mis sur pied par les banques créancières et les grands pays industrialisés avec la renégociation de la dette extérieure, estimée à 85 milliards de dollars. Le nouveau président, Miguel de la Madrid (1982-1988) redresse partiellement la situation, mais au prix d'une politique économique rigoureuse qui accroît les tensions sociales et les dissensions à l'intérieur du P.R.I. En 1985, un tremblement de terre fait 30 000 morts à Mexico et laisse environ un demi-million de personnes sans logement.
En 1986, Cuauhtémoc Cárdenas Solórzano (fils de l'ancien président L. Cárdenas) et Porfirio Muñoz Ledo créent au sein du P.R.I. un courant dissident, le courant démocratique, qui réclame un mode de choix plus ouvert des candidats, en particulier des candidats à l'élection présidentielle, qui tendent à être choisis par le président sortant. Quand M. de la Madrid impose son ministre des Finances et du Budget, Carlos Salinas de Gortari, comme candidat aux élections de 1988, le courant démocratique quitte le PRI. Les élections générales du 6 juillet 1988 constituent un tournant dans l'histoire politique mexicaine. Le PRI enregistre un net recul, même s'il conserve la majorité, tandis que l'alliance du Front démocratique national (FDN) de C. Cárdenas, qui rassemble une partie de la gauche, arrive en deuxième position et obtient quatre sièges au Sénat : pour la première fois, les membres de l'opposition y sont officiellement représentés et les commentateurs s'interrogent sur la fin de l'hégémonie du PRI.

6.3. L'évolution vers une démocratie effective
C. Salinas, qui entre en fonctions en décembre 1988, annonce sa volonté de pluralisme et de transparence. Sur le plan économique, il poursuit la politique de privatisation et obtient, en 1990, la réduction d'une partie de la dette extérieure (plan Brady). Cette orientation néolibérale conduit le Mexique à infléchir sa politique extérieure, traditionnellement favorable au régime castriste de Cuba, aux sandinistes du Nicaragua (au pouvoir jusqu'en 1990) ainsi qu'au Front démocratique révolutionnaire du Salvador, et à se rapprocher, en particulier, des États-Unis.
Le 1er janvier 1994, jour de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, ou NAFTA) signé en 1992 entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, une révolte indienne éclate dans l'État méridional du Chiapas. Les paysans insurgés entendent, par cette coïncidence, souligner avec force les contrastes existant entre un Mexique urbain et développé, se modernisant rapidement et s'intégrant au grand marché nord-américain, et un Mexique rural et sous-développé, peuplé de communautés indiennes. Les rebelles, rassemblés sous le slogan « Démocratie, terre, nourriture, toit et justice », déclarent appartenir à l'Armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, ou EZLN) et occupent une partie du Chiapas. Après une première vague de répression, le gouvernement opte pour la négociation. Il procède au rachat, puis à la distribution de plus de 200 000 hectares de terres et à certaines réformes électorales : le contrôle de l'Institut fédéral électoral revient à des citoyens indépendants, l'opposition dispose d'un plus grand accès aux médias et des observateurs, nationaux ou étrangers, sont admis lors des élections.

La campagne électorale est néanmoins marquée par la violence : le candidat officiel du PRI, Luis Donaldo Colosio est assassiné. Ernesto Zedillo Ponce de León, le nouveau candidat du gouvernement, remporte les élections générales d'août 1994, face à l'opposition de droite représentée par le parti Action nationale (PAN). Créé en 1939 et cultivant une idéologie populiste libérale, celui-ci devient la deuxième force politique du pays, devant le parti de la Révolution démocratique (PRD), parti de gauche fondé en 1989 et représenté par Cuauhtémoc Cárdenas. Les zapatistes du Chiapas, qui, acceptant le jeu politique, avaient fait campagne pour le PRD, appellent, au lendemain de ce scrutin, à la reprise de l'insurrection civile.
Le président E. Zedillo entend continuer le processus de changement politique. Il affiche sa volonté de séparation entre les pouvoirs judiciaire et législatif, nomme un représentant du PAN comme procureur général et renouvelle la Cour suprême de justice. Les progrès politiques, néanmoins, se font avec lenteur. Ce n'est qu'en 1996 que de nouvelles règles politiques voient le jour : limitation des dépenses des campagnes électorales, augmentation du financement public aux partis politiques, mise en place d'un tribunal pour résoudre les querelles électorales. Ces nouvelles règles sont appliquées lors des élections législatives partielles de 1997. Pour la première fois depuis sa création en 1929 sous le nom de parti national révolutionnaire, le PRI perd la majorité absolue au Congrès, bien qu'il détienne un nombre important de sièges (239 sur 500). Le PRD en est le principal vainqueur, et C. Cárdenas est élu gouverneur du district fédéral de Mexico (réélu en 2000).
Au Chiapas, la situation est au point mort depuis août 1996, après la décision de l'EZLN de suspendre les négociations. Pourtant, les accords dits de San Andrés Larrainzar, qui reconnaissent un début d'autonomie en faveur des populations indiennes, ont suscité des espoirs légitimes (février 1996). Mais les divergences entre la guérilla zapatiste et les autorités mexicaines quant à la suite à donner à ces accords font capoter le processus en cours.

7. Le temps de l'alternance ou la fin de l'« État-parti »
Dans la perspective des élections générales de 2000, le PAN et le PRD tentent de s'entendre sur une candidature unique en 1999, mais sans succès. Malgré le maintien du candidat du PRD, le conservateur Vicente Fox Quesada (PAN), ex-directeur de la firme américaine Coca Cola au Mexique, remporte la présidentielle de juillet 2000 avec 42,5 % des voix, devançant Francisco Labastida (36,6 %), le candidat du PRI, et C. Cárdenas (PRD). Au lendemain de sa victoire, V. Fox lance un appel à ses adversaires pour la formation d'une coalition gouvernementale ; le PRD fait aussitôt savoir qu'il n'y participera pas. Si l’Alliance pour le changement formée par le PAN et le parti écologiste – 221 sièges sur 500 à la Chambre des députés – se rompt rapidement, le président peut compter sur la bienveillance du PRI – qui conserve sa première place avec 211 députés et 58 sénateurs sur 128 – favorable à une alternance en douceur.

7.1. La présidence de Vicente Fox
V. Fox prend ses fonctions le 1er décembre 2000 et forme un gouvernement de « professionnels », expérimentés dans leur domaine de compétence, et d'intellectuels. La place réservée à son propre parti, le PAN, est réduite au maximum. Hormis la lutte contre la corruption et le trafic de drogue, le nouveau président se fixe deux priorités : la réduction de la pauvreté et la reprise des négociations avec l'EZLN au Chiapas. Dans le domaine économique, V. Fox s'est engagé, au cours de la campagne électorale, sur des objectifs très ambitieux (hausse importante du revenu annuel par habitant, croissance portée à 7 %, création d'un million d'emplois, etc.), qu'il doit s'efforcer d'atteindre s'il ne veut pas décevoir les attentes considérables du peuple mexicain. Dès le mois d'octobre, avant son investiture, il entreprend une tournée dans les principales capitales européennes pour convaincre les investisseurs du changement en cours au Mexique.
Aussitôt en fonctions, le nouveau président multiplie les signes d'apaisement en direction de la guérilla zapatiste : dépôt au Parlement d'une loi qui prévoit d'accorder une relative autonomie aux communautés indiennes du Chiapas, tandis que l'ordre est donné à l'armée de se retirer des zones d'influence de la guérilla ; libération de prisonniers zapatistes ; fermeture de camps militaires dans le Chiapas. En réponse à ces gestes de bonne volonté, le sous-commandant Marcos et ses hommes entament en février 2001 une longue marche à travers le pays jusqu'à la Chambre des députés à Mexico, afin d'y défendre la loi d'autonomie. Celle-ci, issue des accords de 1996, dits de San Andrés Larraínzar, nécessite une modification de la Constitution et doit notamment être ratifiée à la majorité des deux tiers par le Congrès. Lors de leur intervention en mars devant les députés, les chefs zapatistes proposent au gouvernement de reprendre les négociations de paix. Mais, à peine relancé, le dialogue est déjà suspendu par le sous-commandant Marcos, qui dénonce les modifications substantielles apportées à la loi d'autonomie avant son adoption par le Parlement (avril 2001). L'EZLN décide alors de se maintenir en résistance et de poursuivre son œuvre de construction de l'autonomie, non sans devoir faire face à des escalades de violence qui frappent régulièrement ses partisans, ses contingents et ses responsables. La zone demeure le théâtre d'incidents violents.
Le gouvernement Fox consolide néanmoins le processus de transition démocratique : le Parlement voit de fait ses pouvoirs accrus tandis que les élections acquièrent en crédibilité. Tout en entretenant le lien avec les États-Unis, le président se prononce en faveur de l'intégration avec les États voisins d'Amérique centrale. Mais ne disposant pas de majorité stable, il peine à mener à bien ses projets économiques, fiscaux et sociaux.
De fait, lors des élections législatives de juillet 2003, les Mexicains, déçus par les promesses non tenues et par la dégradation de la situation économique, désavouent le président V. Fox et son parti Action nationale (PAN). Celui-ci stagne en deuxième position derrière le PRI, qui consolide sa prééminence à la Chambre des députés avec plus de 220 élus sur un total de 500 sièges. Le PRD, second vainqueur du scrutin, connaît une progression spectaculaire grâce à l'aura du maire de Mexico, Andrés Manuel López Obrador, surnommé le « Lula mexicain ». Le taux élevé d'abstention (près de 60 %) est un avertissement tant à l'adresse du président que des grands partis. La fin du mandat de V. Fox est ternie par les événements qui agitent la région d'Oaxaca, dans le sud du pays. Un différend entre le gouvernement local et les enseignants se mue, à partir de mai 2006, en une protestation populaire qui dégénère au cours de l'été, sans que les autorités de Mexico éprouvent le besoin d'intervenir. Malgré un retour au calme en octobre, la tension sur place reste prégnante. Par ailleurs, la proximité cultivée avec les États-Unis, en dépit d'un désaccord à propos de l'immigration, entraîne des tensions ponctuelles avec Cuba (2004) et plus constantes avec le Venezuela d'Hugo Chávez (à partir de la fin 2005).

7.2. La présidence de Felipe Calderón (2006-2012)
Bien qu'une procédure soit engagée contre lui pour le décrédibiliser, A. Obrador, du PRD, apparaît longtemps comme le probable successeur de V. Fox à la tête de l'État, face à Felipe Calderón, candidat du PAN, son principal challenger. Mais le 2 juillet 2006, à l'issue d'une rude bataille, ce dernier arrive en tête des élections présidentielles, avec 35,88 % des suffrages, contre 35,31 % à son adversaire de gauche. Tandis que le PAN vient en tête des élections législatives avec 206 sièges à la Chambre des députés et 52 au Sénat, le PRI, relégué à la troisième position derrière le PRD (allié au parti du Travail et au parti Convergence) confirme son déclin : Roberto Madrazo, qui le représente, n'obtient que 22,26 % des voix.
En outre se dessine un clivage régional profond, entre les États du Nord, industrialisés, favorables au PAN, et les États du Sud, auxquels il faut ajouter l'important district fédéral de Mexico, qui plébiscitent le PRD. La très faible marge qui sépare les deux principaux candidats est source de contestation. Un mouvement de « résistance civile pacifiste », qui rassemble des centaines de milliers de personnes à Mexico, s'organise pour soutenir A. Obrador. Mais, malgré le contentieux pour fraudes et irrégularités soulevé par le PRD, le tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la fédération proclame F. Calderón vainqueur en septembre, de sorte que, en dépit de la poursuite de la contestation, celui-ci entre en fonction en décembre 2006.
Ne disposant que d'une majorité relative à la Chambre et au Sénat, et malgré la ligne économique libérale orthodoxe défendue, le nouveau président cherche à étendre son assise politique en reprenant à son compte certaines des propositions électorales de son rival. Il réduit immédiatement les salaires des plus hauts fonctionnaires de l'État – dont le sien – et impose un plafond de prix à l'élément de base de l'alimentation des Mexicains les plus pauvres, la tortilla, victime de la flambée des cours du maïs. En mai, il lance un programme destiné à lutter contre le réchauffement climatique.
Recevant successivement en 2007 les présidents du Chili, du Nicaragua, d'Argentine et du Brésil, il relance la coopération avec les pays d'Amérique centrale et latine, pour faire pièce à l'axe anti-Washington organisé par H. Chávez mais s'emploie également à normaliser les relations très tendues avec ce dernier ainsi qu'avec Cuba (mars 2008) à la suite de l'investiture de Raúl Castro et n'en proteste pas moins contre la politique d'immigration adoptée par les États-Unis (construction d'un mur et rejet d'un projet de loi de régularisation des clandestins au Congrès).
Au cours de l'été 2007, trois attentats dirigés contre la compagnie pétrolière nationale replacent sur le devant de la scène nationale la menace terroriste de l'EPR, l'Armée populaire révolutionnaire, et par contrecoup l'EZLN, qui affiche sa solidarité avec le groupe d'extrême gauche.
Les effets de la crise économique internationale et l'insécurité permanente pourraient expliquer la défiance croissante des Mexicains convoqués aux urnes en juillet 2009.

7.3. La renaissance du PRI
Marquées par une campagne médiatisée en faveur du vote blanc, les élections législatives ne mobilisent qu'environ 45 % des électeurs (contre près de 59 % en 2006) et se soldent par la défaite du PAN qui, ne rassemblant que 27,9 % des voix et 143 sièges, perd la majorité relative qu'il détenait à la Chambre. Toujours bien implanté dans le pays, le PRI, présidé depuis 2007 par Beatriz Paredes Rangel, obtient 36,6 % des suffrages et 237 sièges. Retrouvant son rang de première force politique du pays, il peut ainsi former une nouvelle majorité en s'alliant avec le parti Vert écologiste du Mexique (PVEM, 21 sièges). Car ce scrutin est aussi une défaite pour le PRD (12,2 % des suffrages et 71 députés contre 126 dans la précédente assemblée) et ses alliés, également en recul, le parti du Travail (PT, 3,6 %, 13 députés) et le parti Convergence (2,4 %, 6 députés), « Nouvelle alliance » conservant ses 9 sièges. Alors que le PRI prône une « opposition constructive » et offre son appui négocié (tout comme les Verts) au gouvernement de F. Calderón, le Congrès inaugure la nouvelle législature le 1er septembre.
Malgré la démission en décembre 2011 de son nouveau chef, choisi en mars, Humberto Moreira, mis en cause pour sa gestion lors de son mandat comme gouverneur de Coahuila, le PRI est donné favori pour succéder à F. Calderón et son parti. Après avoir obtenu largement l’avantage en voix à l’issue de l’ensemble des élections organisées en 2010, et en dépit de la perte des États d’Oaxaca, de Puebla et de Sinaloa, il conserve le contrôle de 20 États sur 32 après les scrutins régionaux de 2011 dont celui de Mexico, le plus peuplé du pays, avec 62 % des voix.

7.4. Le développement de la violence
Alors que le crime organisé fait plus de 3 000 victimes par an, le président Calderón poursuit activement la lutte engagée par son prédécesseur contre les narcotrafiquants en mobilisant l'armée et en faisant adopter un Accord national pour la sécurité, la justice et la légalité (août 2008). Mais les forces armées peinent à contrôler une situation toujours plus dégradée, notamment dans la région de Ciudad Juarez, dans le nord du pays, à quelques kilomètres de la frontière avec les États-Unis.
En mars 2010, la secrétaire d'État Hillary Clinton, accompagnée des secrétaires à la Défense et à la Sécurité intérieure, rencontre son homologue mexicaine ainsi que le président Calderón afin de resserrer la coopération entre les deux pays dans le cadre du plan Mérida, en vigueur depuis juin 2008 pour lutter contre les cartels de la drogue et l'afflux illégal d'armes en provenance des États-Unis qui sont aussi le principal débouché pour le trafic de stupéfiants. Cette politique reste cependant impuissante face à des cartels (dont celui des Zetas, le plus violent) disposant désormais de véritables forces paramilitaires.
L’intensification de la violence va de pair avec une extension de la corruption dans les milieux politiques et au sein de la police ainsi qu’avec une immixtion du crime organisé dans les élections comme lors du scrutin de novembre 2011, remporté par le PRI, dans l’État de Michoacán, une évolution « à la colombienne », à quelques mois de l’élection présidentielle.

7.5. Le retour au pouvoir du PRI et la présidence d’Enrique Peña Nieto (2012-)
Conformément aux pronostics, le PRI confirme son retour en force amorcé trois ans plus tôt. En juillet 2012, son candidat, Enrique Peña Nieto, gouverneur de l’État de Mexico en 2005-2011, vient en tête du scrutin présidentiel avec 38,2 % des voix devant A. M. Lopez-Obrador qui, à la tête de la coalition de gauche menée par le PRD, obtient 31,6 % des suffrages.
Desservie par l’usure du pouvoir subie par son parti, la candidate du PAN, Josefina Vazquez Mota, est reléguée à la troisième place avec 25,4 % des voix. Dénonçant un achat massif de voix, le PRD et ses alliés (parti du Travail et Mouvement citoyen) contestent le résultat et demandent l’annulation du scrutin, un recours rejeté par le Tribunal fédéral électoral le 31 août. Acceptant finalement le fait accompli, il évite cependant d’entrer comme en 2006 dans un rapport de force qui risquerait de l’affaiblir.
Allié aux Verts (environ 6 % des voix au niveau national), le PRI vient également en tête aux élections législatives avec près de 32 % des suffrages au total. Il devance ainsi ses concurrents dans de nombreux États (Mexico, Jalisco, Veracruz, Durango, Chihuahua, Basse-Californie du Nord, Guerrero, Hidalgo… ainsi que le Chiapas) mais le PAN résiste globalement assez bien, même si le parti obtient au total moins de voix que la coalition de gauche, qui réalise son meilleur score (plus de 50 % des suffrages) dans le District fédéral. Le nouveau président entre en fonctions le 1er décembre et le lendemain, un programme général de réformes, intitulé « pacte pour le Mexique », est signé par les dirigeants des trois grands partis.

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LE ROYAUME DE FRANCE SOUS LOUIS XIV

 


 

 

 

 

 

PLAN
*         LE ROYAUME DE FRANCE SOUS LOUIS XIV
*
    *         1. La population
    *         2. L'économie
        *         2.1. Une économie de subsistance
        *         2.2. Le monde de la paysannerie
        *         2.3. Prospérité des grands propriétaires terriens
        *         2.4. Artisanat rural
    *         3. L'administration du royaume
        *         3.1. Le gouvernement et l'administration centrale
        *         3.2. L'administration des provinces
            *         L'enjeu
            *         Les intendants
            *         La mise au pas des cours souveraines et du parlement
            *         Paris
        *         3.3. La bourgeoisie au détriment de la noblesse
    *         4. La situation religieuse
        *         4.1. L'Église de France
        *         4.2. Les questions conflictuelles
            *         Le roi contre le pape
            *         L'affaire de la régale (1678-1682)
            *         Au bord de la rupture
            *         Vers la fin de la crise (1689-1692)
        *         4.3. La révocation de l'édit de Nantes
            *         Le protestantisme après la paix d'Alès (1629)
            *         L'ère des « dragonnades » (1681-1685)
            *         Conséquences politiques et économiques

le royaume de France sous Louis XIV

Cet article fait partie du dossier consacré à Louis XIV.

Le désir de grandeur de l'État, Louis XIV essaiera de l'accomplir par une politique de prestige et une suite de guerres de conquête. Le roi avait-il les moyens de mener à bien cette politique ? Pour répondre à cette question, il faut se demander quel était alors l'état de la France et quels étaient les instruments de gouvernement à la disposition du pouvoir.

Malgré les ravages occasionnés par la Fronde, la France en 1661 est un pays riche. L’historien Pierre Goubert écrit : « Le fait le plus caractéristique est l'augmentation des impôts dus aux guerres de Louis XIII et de Mazarin. Le montant des tailles des seuls pays d'élection passe de 20 millions en 1624 à 45 en 1635 et les impopulaires gabelles de 7 à 14 millions dans le même temps. Ce qui frappe le plus c'est l'extraordinaire richesse du royaume qui fut capable de supporter cela. Un tel effort n'affecta sérieusement ni l'équilibre financier, ni la balance des comptes, ni la solidité de la monnaie, la preuve en est qu'il ne fallut pas trois ans à Colbert pour mettre clarté et ordre dans les finances. »

1. La population
À une époque où le travail musculaire est l'énergie essentielle, la grande force du pays, c'est le nombre de ses travailleurs. Démographiquement, la France est le premier pays d'Europe avec 18 millions d'habitants environ, plus que tout l'Empire germanique, trois fois plus que l'Angleterre. Démographie stagnante, d'ailleurs, où les familles nombreuses, contrairement à la légende, sont rares. Les familles ont quatre ou cinq enfants en moyenne. Sur 100 enfants qui naissent, 50 n'atteignent pas l'âge adulte, 25 disparaissent entre vingt-cinq et quarante ans, 10 seulement deviennent sexagénaires.


Ainsi, à cause de la mortalité précoce, l'espérance de vie moyenne est seulement de vingt-cinq ans environ. Ce taux de remplacement voisin de l'unité est donc très fragile et à la merci d'une crise. Or, les crises démographiques sont alors fréquentes. Elles sont provoquées essentiellement par des famines dues à la cherté des blés, à la suite de mauvaises récoltes consécutives à des conditions climatériques défavorables.

Les épidémies diverses, appelées uniformément « pestes », ne sont que les conséquences des pénuries alimentaires. Au cours de ces crises (les plus importantes se situant en 1661-1664, 1693-1694 et 1709-1710), qui touchent principalement les catégories les plus pauvres, on voit le prix du pain tripler, les taux de décès quadrupler et les conceptions baisser d'autant. Puis, après l'élimination des faibles (vieillards, enfants malades), la récupération est aussi rapide que la récession, et les vides sont rapidement comblés, jusqu'à la prochaine crise qui rétablira de nouveau l'équilibre entre la population et les subsistances.
2. L'économie
2.1. Une économie de subsistance

L'immense majorité des sujets du Grand Roi travaille à la terre ou en vit (85 % de paysans et 8 % de rentiers du sol). L'économie fondée sur les produits agricoles est une économie de subsistance caractérisée par la prédominance absolue de l'agriculture vivrière et des céréales, à cause des faiblesses de la production et des rendements. C'est le manque d'engrais qui en est responsable (inexistence des engrais chimiques et insuffisance du bétail).
Cette économie est paralysée par la médiocrité des échanges, causée par le mauvais état des routes, la forme de la monnaie et les douanes intérieures.

2.2. Le monde de la paysannerie
La société tout entière repose donc sur la paysannerie. Celle-ci, d'ailleurs, est loin de constituer un groupe homogène ; depuis les gros « fermiers de seigneurie » jusqu'aux simples « manouvriers », on trouve toute la gamme des situations allant de l'aisance à la plus grande indigence.

Cependant, sous Louis XIV, le sort de toutes ces catégories va plutôt en s'aggravant. Impôts et prélèvements de toutes sortes s'abattent sur tous les paysans : tailles et gabelles royales, droits seigneuriaux, dîmes ecclésiastiques, rentes à payer aux bourgeois propriétaires.

2.3. Prospérité des grands propriétaires terriens
En revanche, ceux qu'on peut appeler les rentiers du sol, eux, semblent prospérer. Au cours du règne, la rente foncière, surtout jusque vers 1680, ne cesse de monter. Les grosses propriétés terriennes sont en effet entre les mains de la noblesse, de l'Église, de la bourgeoisie des villes, qui, tous, depuis le xvie siècle, rassemblent les terres et constituent de grands domaines au détriment des paysans, de plus en plus endettés à cause des charges qui pèsent sur eux. Par exemple, dans la Brie, la noblesse possède deux cinquièmes des terres, le clergé un cinquième, la bourgeoisie urbaine un cinquième. Le cinquième restant est la propriété des paysans, divisée généralement en nombreuses parcelles, trop minces pour assurer la subsistance d'une famille.
2.4. Artisanat rural

La place de l'industrie et du commerce doivent – sans être minimisées – être comprises dans cette perspective et ces proportions, de même que l'action du ministre Colbert. L'artisanat urbain ne groupe en effet que quelques dizaines de milliers d'ouvriers. La masse la plus importante est rurale et constituée par de petits artisans-paysans qui y trouvent un salaire complémentaire indispensable. Ainsi, dans l'Amiénois, l'industrie rurale de tissage n'a cessé d'augmenter sous Louis XIV et, à la fin du règne, elle égale en importance l'industrie urbaine.
Cet essor de l'industrie rurale est particulièrement important à partir de 1680, époque précisément où la rentabilité de la terre diminue. Il démontre cependant que si l'industrie et le commerce sont quantitativement inférieurs à l'activité agricole, à laquelle ils sont d'ailleurs liés, leur rôle au point de vue de l'expansion économique est considérable. À côté d'une agriculture qui stagne, la croissance industrielle et commerciale du xviie siècle continue celle du xvie siècle et annonce le « décollage » du siècle suivant.

3. L'administration du royaume
C'est entre 1661 et 1672 que Louis XIV, aidé essentiellement de Michel Le Tellier et de Colbert, va rétablir l'ordre dans l'administration en s'efforçant de l'unifier et de la centraliser.

La monarchie absolue prend alors la forme qu'elle conservera jusqu'en 1789. Au moment de sa prise de pouvoir personnel, Louis XIV peut écrire : « Le désordre régnait partout. » Jugement sévère pour ses prédécesseurs, Richelieu et Mazarin. Le premier, il est vrai, a été handicapé par sa lutte contre la maison d'Autriche. La conduite de la guerre a désorganisé ses finances et ne lui a pas laissé le temps de mener à bien la remise en ordre de l'administration intérieure. À cause de la Fronde, il en a été de même pour Mazarin, qui a dû lui aussi se contenter d'expédients.
En 1661, il y a donc beaucoup à faire. Jusqu'en 1672, à part la « promenade » militaire que sera la guerre de Dévolution (1667-1668), le royaume bénéficiera de onze années de paix. C'est dans ce court laps de temps que les différents rouages de la machine gouvernementale seront réformés et perfectionnés.

3.1. Le gouvernement et l'administration centrale
L'organe essentiel en est le Conseil d'État (ou Conseil d'en haut), composé du roi et des ministres d'État.
La nouveauté essentielle, c'est la réforme des finances. Celles-ci sont dirigées par un Conseil royal des finances composé du roi, du chancelier, du contrôleur général (ce sera Colbert jusqu'à sa mort en 1683) et de deux ou trois conseillers d'État.

La justice a pour chef le chancelier, qui est aussi garde des Sceaux. Cette dernière fonction lui permet d'être le lien entre le gouvernement et l'administration puisque tous les actes du roi doivent être scellés, publiés et expédiés par lui.
Les autres services publics sont répartis entre les différents secrétaires d'État : Guerre, Affaires étrangères, Maison du roi et le Conseil de la religion prétendue réformée, qui s'occupe de la question protestante jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes.
Il faut noter que l'Agriculture, l'Industrie, le Commerce, les Colonies, les « Affaires culturelles » sont rattachés au contrôleur général des finances, ce qui donne une idée de l'importance de Colbert.

3.2. L'administration des provinces
Les intendants sont choisis parmi les maîtres des requêtes du Conseil d'État. Ils reçoivent leurs ordres par le moyen du Conseil des dépêches, qui transmet arrêts et décisions.
Ce Conseil est composé du roi, du chancelier, des ministres et des secrétaires d'État. L'importance grandissante des intendants permet de comprendre l'aspect véritablement révolutionnaire du gouvernement de Louis XIV.

L'enjeu
Il s'agit en effet de savoir qui va administrer le royaume : des fonctionnaires royaux nommés et révoqués à volonté, agissant dans l'intérêt du roi, qui se confond avec les intérêts généraux du royaume, ou des corps d'officiers propriétaires de leur charge, irrévocables et héréditaires depuis le début du siècle (édit de la Paulette de 1604) et donc peu maniables, devenus des puissances provinciales ou locales très particularistes et représentant davantage les provinces et les intérêts particuliers en face du roi que le roi devant les intérêts particuliers et les provinces.

Les intendants
À cause de la vénalité et de l'hérédité des offices, le roi a perdu toute prise sur l'administration locale. C'est pourquoi, incapable de supprimer la vénalité en remboursant les officiers (titulaires d'un office), Richelieu avait tâché d'y substituer une administration nouvelle, celle des commissaires ou intendants (règlement d'août 1642).
À partir de 1666, l'intendant réside longtemps dans la même province et en administre une seule à la fois. Ses pouvoirs en matière de finances, de justice et de police sont très étendus et prépondérants : par exemple, il s'empare de l'administration financière (tout ce qui concerne la répartition de la taille) aux dépens des intérêts et des profits du puissant corps d'officiers qu'étaient les trésoriers de France, dont le rôle et l'importance diminuent considérablement. Les intendants iront même jusqu'à régenter et surveiller l'administration des villes.

La mise au pas des cours souveraines et du parlement
Grâce aux intendants, le roi essaie de faire exécuter sa volonté jusqu'au fond des provinces. L'institution des intendants est un instrument très souple qui, en temps de guerre ou de crise, s'empare de tous les pouvoirs appartenant encore aux officiers.
Des cours souveraines ou du parlement, Louis XIV – qui n'oubliera jamais leur attitude durant la Fronde – ne tolère aucune incartade ; elles doivent enregistrer les édits, tels quels et immédiatement, le droit de remontrances n'est toléré qu'ensuite. C’est par lettres patentes du 24 février 1673 que Louis XIV a enlevé au parlement de Paris le droit de remontrances préalables à l'enregistrement, qui permettait jusque-là aux parlementaires d'exprimer leurs doutes sur la légalité ou l'opportunité d'une ordonnance royale. En fait, cours souveraines et parlement sont exclus de la politique générale.

Paris
Le roi, pour la même raison, surveille particulièrement Paris ; il crée la charge de lieutenant général de police, qu'il confie en 1667 à Nicolas de La Reynie.

Paris, avec 400 000 habitants environ, est une ville turbulente qui compte 40 000 mendiants et autant de domestiques. L'Hôpital général est créé en 1657, et on y enferme pêle-mêle indigents, vagabonds ou malfaiteurs. Les rues de la capitale sont éclairées et, pour la première fois, on peut y circuler de nuit sans craindre de s'y faire détrousser.

3.3. La bourgeoisie au détriment de la noblesse
Il faut remarquer que ministres, secrétaires d'État, fonctionnaires royaux sont presque toujours choisis dans la bourgeoisie, et dans ce qu'on appelle la noblesse de robe ou d'offices (acquise par l'achat de certaines charges), au détriment de la noblesse d'épée, dont ils encourent la haine ; il n'est que de lire Saint-Simon pour s'en convaincre : « Ce fut un règne de vile bourgeoisie », écrit-il du règne de Louis XIV.
Le roi donne lui-même la raison de cette politique dans ses Mémoires : « Il était important que le public connût, par le rang de ceux dont je me servais, que je n'étais pas en dessein de partager avec eux mon autorité. »
À la noblesse, frustrée de ses ambitions politiques, l'absolutisme aura l'habileté d'accorder des privilèges fiscaux et de laisser une grande prépondérance dans les décisions prises à l'échelon local, sans parler des pensions de toutes sortes ou des bénéfices ecclésiastiques donnés aux mieux en cour de ses membres.

4. La situation religieuse
Les affaires religieuses occupent une place importante durant le règne de Louis XIV et constituent sans doute l'aspect le plus négatif de sa politique ; en effet, le combat contre le jansémisme et le protestantisme – au nom de l'unité de la foi – est un facteur d'affaiblissement de la cohésion du royaume.
4.1. L'Église de France

Avec l'Église de France, il n'y aura guère de problèmes. L'épiscopat – rangé derrière son « maître à penser », Bossuet – est tout entier soumis à son roi. Louis XIV a le souci, sauf exception, de ne nommer aux sièges épiscopaux que des prélats dignes et conscients de leurs devoirs. Il tient particulièrement à ce que ses évêques résident dans leur diocèse plutôt qu'à la Cour ; de tout le règne, aucun homme d'Église n'entrera dans son gouvernement.
Louis XIV donne en revanche aux évêques une grande autorité sur leurs prêtres. Par ses édits de 1695 et de 1698, il livre en fait ceux-ci à l'arbitraire épiscopal, situation qui accentuera au xviiie siècle le clivage entre les deux clergés.

4.2. Les questions conflictuelles
Envers les deux grands problèmes religieux du règne – le gallicanisme et les conflits avec Rome, ainsi que les rapports avec les protestants –, la politique suivie par Louis XIV aboutit à un échec total.
Il faut y ajouter l'inefficacité de sa politique antijanséniste, entamée dès 1661. Loin de réussir, la lutte de Louis XIV contre le jansénisme va faire de la secte persécutée le lieu de rencontre, à la fin du règne, de toutes les oppositions, jusqu'à ce que la bulle Unigenitus (1713) – qui aura de nombreux adversaires – scelle son union avec le gallicanisme parlementaire et antiabsolutiste pour toute la durée du xviiie siècle.

Le roi contre le pape
La crise du gallicanisme sous Louis XIV est le choc de deux absolutismes aussi intransigeants l'un que l'autre. Cette doctrine solidement implantée en France depuis la pragmatique sanction de Bourges de 1438, confirmée par le concordat de Bologne en 1516, était très favorable à l'autorité des rois de France. En gros, l'Église de France se considérait, pour l'administration de ses affaires intérieures, assez indépendante du pape.
Au xviie siècle, le renforcement de l'autorité de l'État va provoquer le conflit. Durant les trente premières années du règne personnel de Louis XIV, il y aura une tension constante entre Rome et Paris.
Dès 1662, l'affaire de la « garde corse » pontificale, qui attaque la suite de l'ambassadeur de France, met le feu aux poudres. Louis XIV s'empare un moment du comtat Venaissin et impose au pape Alexandre VII d'humiliantes réparations.

L'affaire de la régale (1678-1682)
La régale était un droit royal de percevoir les revenus de certains sièges épiscopaux vacants. En 1673, le roi déclare tous les évêchés assujettis à celle-ci. Sur cent trente évêques, deux seulement protestent, deux jansénistes – Nicolas Pavillon, d'Alet et Étienne François de Caulet, de Pamiers –, et font appel au pape. Innocent XI les soutient et, en 1680, parle d'excommunier le roi.

Au bord de la rupture
En 1681-1682, celui-ci convoque une assemblée générale du clergé, qui, sous l'impulsion de Bossuet, édicte quatre articles proclamant l'indépendance absolue des rois envers le pape pour les affaires temporelles et la suprématie du concile sur le pape. En représailles, Innocent XI déclare nulles ces décisions et refuse d'accorder l'investiture canonique pour pourvoir aux évêchés vacants.

Vers la fin de la crise (1689-1692)
En 1687, une nouvelle querelle à propos des privilèges de l'ambassade de France à Rome envenime la situation, et Louis XIV se dispose, un temps, à envahir les États du pape, avant de renoncer à imposer ses vues à Rome. La disparition d'Innocent XI, en 1689, facilite les choses, et Louis XIV, aux prises avec les difficultés de la ligue d'Augsbourg (→ guerre de la ligue d'Augsbourg), répudie complètement en 1692 l'édit de 1682 ; Rome triomphe.
Si le schisme n'a pas eu lieu, c'est que le concordat de 1516 donnait déjà au roi tous les avantages qu'il aurait retirés d'une Église nationale. De plus, il n'y a jamais eu simultanément à Rome et à Paris des adversaires résolus à aller jusqu'à l'irrémédiable ; enfin, la coalition européenne contre Louis XIV a dissuadé le roi de s'engager dans d'autres conflits.

4.3. La révocation de l'édit de Nantes
Envers les protestants, la politique suivie au xviie siècle ira de l’attitude pacificatrice et compréhensive d'Henri IV à l'intolérance de Louis XIV ; c'est la démarche inverse de celle de la papauté, qui ira, elle, de l'intolérance à la compréhension, autre cause de friction entre Paris et Rome. Quelles que soient les pressions exercées sur le roi, la révocation de l'édit de Nantes, signée à Fontainebleau en 1685, est une grande erreur politique. La responsabilité du clergé catholique, qui ne cesse de demander la fin du scandale causé par l'édit de Nantes, est prépondérante. Il faut y ajouter le poids d'une opinion publique travaillée par ses prêtres et portée à l'intolérance.

Le protestantisme après la paix d'Alès (1629)
Après la paix d'Alès en 1629, qui dépouille de tout pouvoir politique et militaire le protestantisme français, celui-ci a connu une période d'accalmie qui lui a permis de former un solide corps de pasteurs qui ont donné au peuple une conscience très vive de sa foi. Durant la Fronde (1648-1653), les protestants restent loyalistes, et certains, tel Samuel Bochart (1599-1667), se font même les champions de l'absolutisme royal.

L'ère des « dragonnades » (1681-1685)
Pourtant, il ne leur en sera pas tenu compte : à partir de 1661, les persécutions commencent, sournoises d'abord, puis violentes. De la campagne de propagande aux tentatives de séduction (il y a une caisse spéciale récompensant les conversions) et aux pressions sur l'élite sociale, c'est-à-dire sur la noblesse protestante, on en arrive dès 1681 aux « missions bottées » qui vont entraîner des abjurations massives. L'ère des « dragonnades » (persécutions exercées par les dragons envers les protestants) pourra commencer et, l'édit de Nantes révoqué, on pourra considérer officiellement, dès la fin de 1685, que les trois quarts des réformés ont abjuré.

Conséquences politiques et économiques
Mais cette politique se solde par un échec certain, et les conséquences politiques et économiques en sont désastreuses pour le royaume.
Tout d'abord, la plupart des conversions forcées ne sont pas sincères ; le pape lui-même désapprouve « le motif et le moyen de ces conversions par milliers dont aucune n'était volontaire ». Les protestants des Cévennes se révoltent en 1702 (révolte des camisards), et il ne faut rien moins, en pleine guerre de la Succession d'Espagne, qu'une armée commandée par Villars pour les réduire.
Surtout, l'émigration fait perdre à la France entre 200 000 et 300 000 sujets actifs. Si peu de paysans émigrent, l'élite bourgeoise part, et la France se voit privée de chefs d'industrie (surtout dans le textile), de banquiers, d'armateurs, d'artisans, qui vont renforcer la richesse de l'Angleterre, du Brandebourg, de la Hollande et des royaumes scandinaves. De plus, les armées des futures coalitions compteront dans leurs rangs nombre de valeureux officiers français (et surtout ces derniers soutiendront efficacement Guillaume d'Orange contre les tentatives de restauration des Stuarts).

 

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PIERRE ET MARIE CURIE

 

 

 

 

 

 

 

Pierre et Marie Curie


1. Introduction
Le père de Pierre, Eugène Curie, médecin et fils de médecin, est d'une famille protestante originaire d'Alsace ; il est libre penseur et profondément républicain. Sa mère, Claire Depoully, est la fille d'un industriel de Puteaux. Dans son enfance, Pierre Curie ne fréquente ni école ni lycée ; c'est de ses parents, puis de son frère aîné, Jacques (1855-1941), qu'il reçoit son instruction première. Un professeur ami de la famille poursuit son éducation et lui donne le goût des sciences de la nature. Pierre Curie peut alors suivre des cours à la Sorbonne et passer sa licence à l'âge de dix-huit ans. Remarqué par ses professeurs, il est nommé en 1878 préparateur de Paul Desains (1817-1885) à la Faculté des sciences de Paris.


2. La piézo-électricité
Son premier travail est une étude, en collaboration avec Desains, sur les radiations infrarouges, dont il mesure les longueurs d'onde. Puis il effectue des recherches sur les cristaux avec son frère Jacques, alors préparateur au laboratoire de minéralogie de la Sorbonne. Ce travail conduit les deux jeunes physiciens à une découverte très importante, celle de la piézo-électricité (1880). Ils mettent au point la réalisation du « quartz piézo-électrique », dont les applications seront nombreuses dans les domaines de la radioélectricité et des ultrasons.
Mais ils doivent alors cesser leur collaboration : Jacques devient maître de conférences à Montpellier et Pierre est nommé en 1882 chef de travaux à l'École de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, qui vient d'être fondée. C'est dans les vieux bâtiments de cette école que Pierre va effectuer, pendant vingt-deux ans, la presque totalité de ses travaux.

3. Le principe de symétrie

En 1884, il publie un mémoire sur la symétrie et les répétitions dans les milieux cristallins. Cette étude l'amène à réfléchir sur la symétrie générale dans les phénomènes physiques. Il en déduit un principe très général, dont il ne donnera l'énoncé définitif qu'en 1894 : « Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets produits. Lorsque certains effets révèlent une certaine dissymétrie, cette dissymétrie doit se retrouver dans les causes qui leur ont donné naissance. » Ce principe, applicable à tous les domaines de la physique, permet de prévoir la possibilité ou l'impossibilité de divers phénomènes.

4. La loi et le point de Curie
Cependant, le laboratoire de l'École de physique et de chimie reçoit enfin quelque matériel, et Pierre Curie peut reprendre ses recherches expérimentales. Il crée en 1889 une balance apériodique à lecture directe munie d'amortisseurs à air et réalise un électromètre condensateur à anneau de garde qui suscite l'intérêt de lord Kelvin. Puis il entreprend un très gros travail sur le magnétisme, qu'il présente en 1895 comme sujet de thèse sous le titre Propriétés magnétiques des corps à diverses températures. Il a découvert que le diamagnétisme est indépendant de la température, que la susceptibilité paramagnétique est inversement proportionnelle à la température absolue (loi de Curie), qu'au-dessus d'une certaine température (point de Curie) le ferromagnétisme se transforme en paramagnétisme. Il obtient alors une chaire de physique à l'École de physique et de chimie.
5. Mariage de Pierre et de Marie Curie
La même année, il épouse Marie Skłodowska, qui sera, dès lors, associée à ses recherches. Celle-ci, fille d'un professeur de mathématiques et d'une institutrice de Varsovie, est venue à Paris en 1892 pour y poursuivre ses études scientifiques. Elle passe sa licence et est reçue en 1896 à l'agrégation des sciences physiques. Les deux époux mènent une vie très simple, de laquelle est exclue toute préoccupation mondaine et qu'ils consacrent entièrement au travail. Leur seule détente consiste en longues randonnées à bicyclette à la campagne.

6. Le radium

Marie Curie choisit comme sujet de thèse l'Étude des rayons uraniques, que vient de découvrir Henri Becquerel. Elle observe la radioactivité du thorium et remarque l'intensité anormalement élevée du rayonnement émis par certaines impuretés de la pechblende, minerai d'uranium. C'est alors que Pierre Curie abandonne son travail sur les cristaux pour assister sa femme dans l'étude de ce phénomène. Cette étude aboutit, après un travail acharné, à la découverte successive, en 1898, de deux radioéléments nouveaux, le polonium et le radium.

Mais ceux-ci n'existent dans le minerai qu'à l'état de traces infimes ; on sait, aujourd'hui, qu'une tonne de pechblende n'en renferme qu'un milligramme. Pour cette recherche, Marie Curie avait eu la chance de recevoir du gouvernement austro-hongrois, par l'entremise d'un ancien collaborateur viennois, une tonne de minerai provenant des gisements de Joachimsthal, qui étaient alors les seules mines d'uranium exploitées dans le monde. En Bohême, on extrayait les sels d'uranium de la pechblende et l'on rejetait la majeure partie des roches préalablement broyées ; ce sont ces matériaux de rejet qui furent expédiés gratuitement. Pendant trois ans, nos chercheurs se livrent à un travail de séparation pénible et délicat ; ils l'effectuent dans un hangar abandonné, dépourvu de tout aménagement. Ils découvrent la radioactivité induite, provoquée par le radium, ou plutôt par son émanation, sur les corps qui l'environnent. En 1902, enfin, Marie Curie réussit à préparer un décigramme de chlorure de radium pur et à déterminer la masse atomique de cet élément. Elle présente ce résultat dans sa thèse de doctorat, soutenue en 1903. Plus tard, en 1910, avec l'aide de André Louis Debierne (voir plus bas), elle isolera le radium à l'état métallique.
7. La mort de Pierre Curie
Ces découvertes, qui ouvrent à la physique un domaine entièrement nouveau, valent aux deux époux, en commun avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique en 1903. Pierre Curie obtient en 1904 une chaire de physique à la Sorbonne et est admis en 1905 à l'Académie des sciences ; sa femme est nommée chef de travaux. Alors qu'il pouvait espérer des conditions de travail enfin améliorées, il meurt brusquement en 1906, écrasé par un camion sortant du Pont-Neuf. Il laisse à sa femme deux filles, Irène, qui épousera Frédéric Joliot et s'illustrera plus tard dans le même domaine (→ Irène et Frédéric Joliot-Curie), et Ève.

8. Marie Curie poursuit l'œuvre commune

Marie Curie remplace Pierre dans sa chaire à la Sorbonne ; c'est la première fois qu'une femme occupe un tel poste. Elle poursuit l'œuvre commune et se voit attribuer, cette fois seule, le prix Nobel de chimie en 1911. Pendant la Première Guerre mondiale, elle organise les services radiologiques aux armées. Et, en 1921, c'est la création de la Fondation Curie, département des applications thérapeutiques et médicales de l'Institut du radium, lui-même fondé dès 1909.
Mais l'émanation du radium, dans l'ambiance de laquelle elle vivait depuis tant d'années, a finalement raison de la santé de Marie Curie, qui, frappée d'anémie pernicieuse, s'éteint dans un sanatorium de Sancellemoz.
C'est en mémoire de ces deux illustres savants que le nom de curie a été adopté pour désigner l'unité de radioactivité et que l'élément chimique numéro 96 a été baptisé curium.
LE COLLABORATEUR DE PIERRE ET MARIE CURIE
André Louis Debierne, chimiste français (Paris 1874-Paris 1949). Ancien élève de l'École de physique et de chimie de Paris, il en deviendra directeur, puis succédera à Marie Curie à la direction de l'Institut du radium. En collaboration avec Marie Curie, il réussit à isoler le radium métallique grâce à l'électrolyse de son chlorure avec emploi d'une cathode de mercure (1910). Auparavant, en 1899, il avait découvert un élément radioactif, l'actinium. Il étudia par la suite les émanations gazeuses des divers radioéléments.

 

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ALBERT EINSTEIN

 

 

 

 

 

 

 

Plan
*         Albert Einstein
    *         1. La jeunesse d'Einstein
    *         2. Des découvertes majeures : le photon, la relativité restreinte
    *         3. Einstein professeur
    *         4. La relativité générale
    *         5. Un scientifique célèbre et engagé
    *         6. Einstein et la bombe atomique
    *         7. Einstein et la paix du monde
    *         8. Citations d'Albert Einstein
Plan
Albert Einstein


Physicien américain d'origine allemande (Ulm 1879-Princeton 1955).


1. La jeunesse d'Einstein


L'année qui suit sa naissance, ses parents s'installent à Munich, qui va être le cadre de son enfance. Son père, un juif qui appartient à la petite bourgeoisie souabe aux idées libérales, y a fondé une modeste usine d'appareils et d'outillage électriques. Albert fait au lycée des études médiocres, sans que rien laisse alors présager une vocation exceptionnelle ; aucun de ses professeurs ne se souviendra plus tard de lui ; il y supporte d'ailleurs fort mal une discipline quasi militaire. Dès cette époque, l'autorité indiscutée et la contrainte lui paraissent intolérables. Après une crise de ferveur religieuse, Albert adopte une attitude de libre penseur qu'il qualifiera lui-même de fanatique.
Lorsqu'il atteint l'âge de quinze ans, ses parents et sa sœur émigrent à Milan dans l'espoir d'une situation plus florissante, et il va poursuivre ses études à Aarau, en Suisse, grâce à l'aide de parents fortunés. Après un premier échec, il passe son baccalauréat, entre en 1896 à l'Institut polytechnique de Zurich et décide de se consacrer à l'enseignement plutôt que d'aborder la carrière d'ingénieur. Il adopte alors la nationalité suisse.
Ayant terminé ses études, il cherche en vain une situation dans l'université ; toute sa vie, il regrettera de n'avoir pas eu à instruire de jeunes enfants. Grâce au père d'un camarade, ému de ses difficultés, il obtient enfin en 1902 un emploi à l'Office fédéral des brevets, à Berne. Cette situation modeste lui permet alors d'épouser une étudiante serbe, Mileva Marec, un peu plus âgée que lui, qui se destine aussi à l'enseignement de la physique. Deux fils naîtront de cette union.

Bien qu'Einstein exerce son humble métier avec une grande conscience, les larges loisirs qui lui sont offerts lui permettent de réfléchir aux graves problèmes qu'en ce début de siècle commence à poser la physique. En effet, les fondements de la mécanique résistent mal à l'analyse critique de l'Autrichien Ernst Mach (1838-1916). H.A. Lorentz a dû introduire une contraction longitudinale des objets en mouvement et une altération locale du temps. Albert Michelson (1852-1931) vient de mettre en évidence la constance de la vitesse de la lumière, en dépit du mouvement de l'observateur par rapport au milieu de sa propagation. Planck, enfin, a suggéré que l'énergie rayonnante doit être émise de façon discontinue.

2. Des découvertes majeures : le photon, la relativité restreinte

L'attention d'Einstein se porte d'abord sur la structure atomique de la matière, sur l'interprétation statistique de la thermodynamique et sur cette hypothèse des quanta de Planck (→ théorie quantique). Il est le premier à comprendre la portée des discontinuités quantiques, qui n'intéressent pas la seule émission ; il en fait l'application à l'énergie rayonnante, ce qui l'amène à l'hypothèse des grains de lumière, ou photons, ressuscitant la vieille théorie corpusculaire de Newton ; il peut ainsi expliquer l'effet photoélectrique et en découvrir les lois.


Appliquant d'autre part le calcul des probabilités au mouvement brownien, il en édifie la théorie et arrive à obtenir une valeur correcte du nombre d'Avogadro. Trois articles de lui, publiés en 1905 par les Annalen der Physik font connaître ces travaux. Et la même année, dans la même publication, il écrit encore deux articles, beaucoup plus originaux : Sur l'électrodynamique des corps en mouvement et L'inertie d'un corps dépend-elle de son contenu en énergie ?, où se trouve un exposé complet d'une théorie entièrement créée par lui, celle de la relativité restreinte ; celle-ci modifie les lois de la mécanique newtonienne et introduit l'équivalence de la masse et de l'énergie avec la célèbre formule E = mc2.

3. Einstein professeur
Alors que ces articles annoncent la force qui va bouleverser le monde, personne ne semble d'abord les avoir remarqués. Ce n'est que trois ou quatre ans plus tard que l'attention du monde savant se porte sur eux. Einstein devient brusquement l'homme dont on parle. Ses idées, qui ne sont d'ailleurs pas souvent comprises, sont âprement discutées ; mais elles ouvrent au jeune homme, non sans difficulté, les portes de la carrière universitaire.


Après un bref passage à l'université de Berne, où il est employé comme maître de conférences, Einstein est appelé, en 1909, comme professeur extraordinaire, c'est-à-dire suppléant, à Zurich. Puis, après un séjour à l'université allemande de Prague (1911-1912), il obtient une chaire à l'École polytechnique fédérale de Zurich, sur les bancs de laquelle il a été élève. Enfin, sur les instances de Planck et de Nernst, il accepte, en 1913, d'aller enseigner à l'institut Kaiser-Wilhelm de Berlin et d'entrer à l'Académie des sciences de Prusse. Bien que son caractère indépendant, ses idées politiques et sociales ne puissent l'attirer vers l'Allemagne de Guillaume II, il part pour Berlin, qui est alors un des centres les plus brillants de la science européenne : il se laisse en effet tenter par l'espoir de travailler aux côtés des grands maîtres qui ont sollicité sa venue.
C'est pendant cette période qu'il s'emploie à élargir la théorie de la relativité en y intégrant la gravitation. Mais sa nomination en Allemagne est aussi marquée pour lui par la dislocation de son ménage, dans lequel la bonne entente s'est progressivement altérée.


Einstein a exigé de conserver sa nationalité helvétique ; c'est ce qui lui permet d'adopter une attitude de neutralité pendant la Première Guerre mondiale. Il peut, en la faisant valoir, refuser de signer le manifeste des quatre-vingt-treize intellectuels, cette capitulation de l'indépendance spirituelle allemande, et il fait entendre une voix discordante dans le concert de haine. « Les siècles futurs, écrit-il à Romain Rolland, dont il admire la prise de position, pourront-ils vraiment glorifier notre Europe, où trois siècles du travail culturel le plus intense n'ont abouti à rien de plus qu'à passer de la folie religieuse à la folie nationale ? ».


À ce moment de sa vie, il retrouve une famille en se remariant avec sa cousine Elsa, déjà mère de deux filles ; celle-ci, jusqu'à sa mort, prendra discrètement soin de lui. C'est dans la quiétude de ce nouveau foyer qu'il approfondit peu à peu ses théories et aboutit en 1916 à la relativité généralisée, théorie de la gravitation concernant un univers à quatre dimensions, courbe et fini, qui va engendrer la cosmologie moderne.


En dépit de la guerre, ce travail est connu en Angleterre. Aussi, en 1919, l'astronome britannique Eddington vérifie-t-il lui-même, dans le golfe de Guinée, la courbure des rayons lumineux rasant le bord de la Lune lors d'une éclipse solaire (→ lumière). Alors que le Suisse Charles Eugène Guye (1866-1942) avait, avec Lavanchy, dès 1913, mesuré l'augmentation de masse d'électrons très rapides, prévue par la relativité restreinte, c'est maintenant la confirmation, beaucoup plus difficile, de la relativité générale. Annonçant ce résultat, le président de la Société royale de Londres qualifie la théorie d'Einstein comme « la plus grande découverte concernant la gravitation qui ait été faite depuis que Newton a énoncé ses principes ».

5. Un scientifique célèbre et engagé
En 1921, enfin, Einstein reçoit le prix Nobel de physique, mais, comme la relativité paraît encore trop aventureuse pour figurer parmi les motifs, ce prix est « décerné à M. Einstein pour ses mérites dans le domaine de la physique théorique, et spécialement pour sa découverte de la loi de l'effet photoélectrique ». Il en partage le montant entre sa première femme et une œuvre charitable.
Devenu célèbre, Einstein effectue de nombreux voyages qui le conduisent d'Amérique en Extrême-Orient. Il profite de sa notoriété pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur ; ennemi de l'injustice, il tente, en toute occasion, de venir en aide aux opprimés. On le consulte à tout propos et il est appelé à faire partie de la Commission de coopération intellectuelle créée par la Société des Nations.


Cependant, il poursuit toujours ses travaux scientifiques. Ayant eu connaissance, par l'intermédiaire de son ami P. Langevin, de la fameuse thèse de Louis de Broglie, il publie en 1924 une note où, en se servant aussi d'un récent travail du physicien indien Satyendranath Bose, il crée une statistique valable pour les particules indiscernables (statistique de Bose-Einstein). En 1929, il expose, dans une communication à l'Académie des sciences de Prusse, sa « théorie du champ unitaire », qui résume, en une série d'équations, les lois qui gouvernent les deux forces fondamentales de l'univers, la gravitation et l'électromagnétisme. Plus tard, lorsque d'autres forces seront identifiées, notamment les forces nucléaires, il tentera de les englober dans cette synthèse (→ interactions fondamentales).

6. Einstein et la bombe atomique


Jusqu'en 1933, Einstein demeure à Berlin ou dans sa maison de campagne de Caputh, non loin de la capitale. Mais, lorsqu'il apprend d'Amérique, où il effectue un de ses fréquents séjours, l'accession de Hitler au pouvoir, il décide de ne pas retourner en Allemagne, où sa situation était déjà devenue difficile ; il abandonne tous ses biens et envoie sa démission à l'Académie des sciences de Prusse. Il réside d'abord au Coq-sur-Mer, en Belgique, dont le couple royal compte parmi ses amis, envisage un moment d'accepter une chaire qu'on lui offre au Collège de France et s'installe enfin aux États-Unis, où il devient directeur de l'Institute for Avanced Study de Princeton. Il peut, dans le calme qui entoure ce haut lieu de l'esprit, reprendre le cours de ses recherches. En 1940, il acquerra la nationalité américaine.


La mort de son épouse en 1936, les odieuses persécutions raciales du régime national-socialiste, l'annonce du cataclysme qui va fondre sur le monde assombrissent ses jours. Malgré son horreur du militarisme, Einstein déplore l'impréparation à la guerre des démocraties occidentales. Lorsque Niels Bohr, de passage en Amérique, propage la nouvelle de la découverte du phénomène de fission, Fermi et Leo Szilard interviennent auprès de lui, et Einstein envoie en 1939 au président Roosevelt le message suivant : « Les résultats des recherches effectuées récemment par E. Fermi et L. Szilard, qui m'ont été soumis en manuscrit, me démontrent qu'on peut s'attendre à ce que l'élément uranium puisse, dans un avenir immédiat, devenir une nouvelle et importante source d'énergie. Ce nouveau phénomène peut conduire aussi à la construction de bombes extrêmement puissantes. Une seule de ces bombes, transportée par bateau, et qu'on laisserait exploser dans un port, pourrait détruire tout le port et le territoire environnant. » On connaît les suites de cette lettre ; comme il le dira plus tard avec tristesse, lui, pacifiste convaincu, il a « pressé sur le bouton ».

7. Einstein et la paix du monde


« La guerre est gagnée, mais non pas la paix », écrit-il à la fin du cauchemar. L'explosif nucléaire menace la survie de l'humanité. Dès 1946, Einstein sait que « détourner cette menace est devenu le problème le plus urgent de notre temps ». Avec la conscience de cette mission à accomplir, il a trouvé le sens de la vie qu'il lui reste à vivre. Il mène une ardente campagne contre la bombe à hydrogène et prend vigoureusement le parti des victimes du maccartisme.
Alors qu'il a soutenu en vain les projets de contrôle international de l'énergie atomique, le plan qu'il préconise est l'établissement d'un gouvernement mondial, et il l'annonce en 1947 dans une lettre ouverte aux Nations unies. Il multiplie les appels aux dirigeants et aux responsables des décisions qui engagent le destin du monde. Mais la mort vient le surprendre avant qu'il ait pu aboutir à un exposé définitif de sa théorie du champ unitaire et sans que ses paroles humanitaires aient été vraiment entendues.
Ainsi que l'a écrit Louis de Broglie, « par la nouveauté et la profondeur des idées qu'il a introduites en physique, par les répercussions profondes que ces idées ont eues sur toute l'orientation de la science contemporaine, Albert Einstein mérite d'être regardé comme l'un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps ».

8. Citations d'Albert Einstein
Je ne pense jamais au futur. Il vient bien assez tôt.
Albert Einstein, interview donnée sur le paquebot Belgenland, 1930.
Ce qu'il y a de plus incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible.
Albert Einstein, Comment je vois le monde, 1934.
Il n'existe que deux choses infinies : l'Univers et la bêtise humaine... mais pour l'Univers je n'ai pas de certitude absolue.
Reporté par Fritz Perls dans Gestalt Therapy Verbatim, 1969

 

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