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JEAN DE LA FONTAINE

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Jean de La Fontaine

Poète français (Château-Thierry 1621-Paris 1695).

       
La Fontaine est aujourd’hui le plus connu des poètes français du xviie siècle, et il fut en son temps, sinon le plus admiré, du moins le plus lu, notamment grâce à ses Contes et à ses Fables. Styliste éblouissant, il a porté la fable, un genre avant lui mineur, à un degré d’accomplissement qui reste indépassable. Moraliste, et non pas moralisateur, il pose un regard lucide sur les rapports de pouvoir et la nature humaine, sans oublier de plaire pour instruire.

Famille
Il est né le 7 ou 8 juillet 1621 dans un milieu bourgeois de province ; son père est conseiller du roi et maître des Eaux et Forêts ; sa mère est veuve d'un premier mari, négociant à Coulommiers.
Formation
Il fait des études de rhétorique latine, puis entame des études de droit, interrompues pour entrer à l'Oratoire, en vue d'une carrière ecclésiastique. Après un an et demi, il retourne au droit.
Début de carrière
Il se marie à vingt-six ans avec Marie Héricart. Il fréquente les milieux lettrés. En 1652, il achète une charge de maître des Eaux et Forêts. Il publie, anonymement et sans grand succès, une pièce, l'Eunuque (1654), inspirée de Térence.
Premiers succès
Il écrit deux longs poèmes, Adonis (1658) et le Songe de Vaux (1659), pour son protecteur le surintendant Fouquet, puis un recueil de Contes et Nouvelles (1665).
Gloire et difficultés
Il publie un nouveau recueil de Contes, puis fait paraître, en 1668, les six premiers livres des Fables, ainsi qu'un roman en prose et en vers, les Amours de Psyché et de Cupidon. Après la disgrâce de Fouquet et la mort d'une autre protectrice, il perd son titre de « gentilhomme servant ». Il est accueilli par Mme de La Sablière (1672) et renonce à sa charge de maître des Eaux et Forêts. Il rencontre les grands auteurs du moment : Molière, Racine, Boileau.
La consécration
Il rédige un livret d'opéra pour Lully (Daphné), fait paraître de nouveaux Contes puis, en 1678, une nouvelle édition des Fables largement augmentée. À l'Académie française où il est élu en 1684 malgré l'hostilité de Louis XIV, il lit son Discours à Mme de La Sablière, forme de confession personnelle. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, polémique sur les mérites comparés des écrivains et artistes de l'Antiquité et de ceux de l'époque de Louis XIV, il prend parti pour les Anciens. Il écrit un nouvel opéra, l'Astrée.
Dernières années
À la mort de Mme de La Sablière en 1693, il se réfugie chez des amis parisiens. Il rédige ses dernières fables (il en aura écrit 240 au total). Il accepte de renier ses contes et décide de faire pénitence. Il meurt le 13 avril 1695. En 1817, son corps sera transporté au cimetière du Père-Lachaise.

1. La vie de La Fontaine
Si l’on connaît assez peu de détails sur la biographie du personnage, on peut cependant discerner les principales étapes de son parcours et considérer La Fontaine comme un homme mal intégré aux milieux qui font les modes et tiennent les pouvoirs.

1.1. Jeunesse et premières publications (1621-1658)
1.1.1. Le maître des Eaux et Forêts

Jean de La Fontaine est né (baptême le 8 juillet 1621) dans une famille de cette bonne bourgeoisie provinciale d’« officiers » – c'est-à-dire, à l'époque, de fonctionnaires – qui a fourni au xviie s. nombre de ses écrivains. Son père, Charles (1594-1658), était maître des Eaux et Forêts ; sa mère, née Françoise Pidoux (1582-1644), était fille de marchand et veuve d'un premier mari, négociant à Coulommiers. De la jeunesse du futur poète, on sait peu de chose : des études secondaires certainement, et déjà un appétit de lectures qui durera toute sa vie. Vient le temps de choisir un état, une carrière : quelle que soit sa date, la fable du Meunier, son fils et l’âne garde le souvenir de ses hésitations de jeune homme pour trouver sa voie.


Après des études discrètes (achevées sans doute à Paris, où il est condisciple de Furetière), il fait un début de noviciat à l’Oratoire (1641), abandonné faute de vocation, puis une formation en droit (1645), prélude aussi bien au barreau qu’à l’achat d’un office, avant un mariage (1648), sans amour, avec une toute jeune fille de magistrat, Marie Héricart.
En 1652, La Fontaine acquiert une modeste charge de maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry ; les charges de son père s’y ajouteront à la mort de celui-ci en 1658. Bourgeois de petite ville, propriétaire terrien, La Fontaine était déjà en contact avec la vie rurale ; par obligation professionnelle, il va acquérir, au contact des gens, de la campagne et de la forêt, l’incomparable expérience qui fera la force et la saveur des Fables.

1.1.2. L'entrée en littérature

La Fontaine exerce sa charge pendant vingt ans avant de s’en dessaisir. Il sera amené aussi à vendre son patrimoine, accablé de dettes en partie par sa gestion insouciante, et plus encore peut-être par le désordre trouvé dans l’héritage paternel et une révision des structures administratives qui, en 1670, rend son emploi incertain.
Il se réoriente alors vers la littérature. Une séparation de biens et de corps intervient entre lui et sa femme. Il devra vivre de sa plume ; revenus bien irréguliers qui l’obligent, comme tout homme de lettres sans fortune personnelle, à entrer dans l’entourage d’un grand : ce sera d'abord le surintendant général des Finances Nicolas Fouquet ; puis la vieille duchesse d’Orléans, dont La Fontaine est « gentilhomme » (la position rapporte peu, ne confère pas la noblesse, mais permet des séjours à Paris) ; puis Mme de La Sablière ; la jeune et turbulente duchesse de Bouillon ; les Vendôme et les Conti ; le financier d’Hervart enfin, chez qui il mourra. Existence qui vaut ce que vaut le protecteur et qui peut amener à d’assez humiliantes compromissions : La Fontaine aura ainsi une vieillesse quémandeuse et sans beaucoup de dignité.

Vers la trentaine, rien ne paraissait le disposer aux grandes aventures intellectuelles ou poétiques, pas même sa liaison avec les « chevaliers de la Table ronde », des jeunes gens amateurs de belles-lettres et qui se feront une notoriété d’écrivains : Pellisson, François de Maucroix, François Charpentier, Tallemant des Réaux ; aucun pourtant qui ait doté la littérature d’un frisson nouveau.
En 1654, une première publication, une adaptation de l’Eunuque de Térence, qui n’est pas sans mérite, tombe à plat.


1.2. La cour de Fouquet (1658-1661)

En 1658, le surintendant des Finances Nicolas Fouquet, alors au faîte de sa puissance, se sent en passe d’atteindre à la succession de Mazarin et à la fonction de Premier ministre. Il s’organise, non sans intention de propagande, une cour d’écrivains. Par Pellisson peut-être, ou par un oncle de sa femme, Jannart, substitut de Fouquet, La Fontaine est mis en rapport avec le nouveau mécène, qui le prend sous sa protection et lui fait une pension. À son service, La Fontaine lui dédie un roman mythologique, Adonis (1658), écrit pour lui des vers de circonstance, entreprend une description du château de Vaux-le-Vicomte alors en construction, le Songe de Vaux. Cet ouvrage restera inachevé, mais témoigne de la souplesse de La Fontaine à parler de tous les arts : il y a en lui plus qu’un amateur éclairé, un critique d’art possible. Il est possible qu’il ait déjà composé des contes dès cette époque. Il se lie avec Pellisson, Scudéry, Saint-Évremond, comme lui « clients » de Fouquet.
Mais, en 1661, c’est la disgrâce du tout-puissant ministre, arrêté pour malversations sur ordre de Louis XIV. L’arrestation de Fouquet disperse cette cour de « protégés » intéressée. Parmi les rares fidèles restent La Fontaine et Jannart. Ce dernier organise la défense du surintendant par toute une campagne de publications. La Fontaine écrit alors, en hommage à Fouquet, une Élégie aux nymphes de Vaux (1661) et une Ode au roi pour M. Fouquet (1663). Il est contraint à un temps d’exil à Limoges, période qu’il évoquera en écrivant pour sa femme Voyage en Limousin, chef-d’œuvre d’allégresse, d’humour et de justesse d’observation.

Si la fréquentation de la cour de Fouquet n’a sans doute pas beaucoup infléchi l’art de La Fontaine, elle fut toutefois lourde de conséquences. D’abord, La Fontaine fait figure d’opposant, modestement, au roi et à son principal ministre Colbert, qui, des années durant, lui garderont rigueur de ce courage, le tenant à l’écart des honneurs et des récompenses. Les tentatives de La Fontaine pour atteindre le roi, les dédicaces de fables aux enfants royaux, à la toute-puissante maîtresse Montespan n’y feront rien. Son œuvre se développe en marge de l’organisation officielle du monde littéraire.
Surtout, il a vu, des coulisses, le théâtre politique ; il a été pris dans une débâcle ; il a constaté les reniements qui accompagnent une soudaine disgrâce. Cette expérience amère, mais enrichissante, lui communique un pessimisme souriant et méprisant, auquel les Fables doivent une amertume lucide et somme toute tonique. « Mélancolique et de bon sens », a-t-on dit de La Fontaine au xviie s. L’affaire Fouquet ne pouvait que renforcer ces deux traits.

1.3. Le salon de Mme de La Sablière (1673-1693)

La Fontaine se place alors auprès de grands seigneurs un peu en marge de la Cour (Conti, Bouillon) et de financiers. Il obtient un emploi de gentilhomme au palais du Luxembourg, au service de la vieille duchesse d’Orléans. Après la mort de celle-ci, il devient en 1673 l’hôte, à la fois secrétaire et ami personnel, de Mme de La Sablière. Celle-ci tient un salon que fréquentent des médecins, des hommes de science et aussi un philosophe voyageur, François Bernier, qui a été secrétaire de Gassendi, traducteur de son monumental Syntagma, et qui a fait un très long séjour en Inde comme médecin du Grand Moghol.


Ce salon est sans aucun doute l’endroit où se brassent le plus d’idées nouvelles. La crise de conscience, ou au moins la prise de conscience qui annonce le siècle des Lumières y est plus sensible qu'ailleurs. Avec l’affaire Fouquet, La Fontaine avait connu une grande expérience humaine ; la fréquentation du salon de Mme de La Sablière, jusqu’à la mort de celle-ci en 1693, lui apporte un grand enrichissement intellectuel.
1.4. Les succès littéraires (1664-1687)

Si ses Contes (1664-1665) l’ont rendu célèbre – il en publiera plusieurs suites (1666, 1671, 1674, 1685) –, la gloire vient véritablement avec le premier recueil de ses Fables (1668). D’autres paraîtront en 1678 (les livres VII et VIII) et 1679 (les livres IX, X, XI). La chronologie de la rédaction reste assez complexe. Les Fables semblent être restées longtemps en chantier : La Fontaine en écrit dès avant 1663. Peu d’entre elles pourtant ont été connues avant 1668. Les écrivains du xviie s. ne laissaient pas d’ordinaire leurs œuvres sous le boisseau : ils en faisaient des lectures, permettaient des copies, des publications dans les recueils poétiques ; mais La Fontaine était secret. Il semble aussi que, malgré le succès considérable et immédiat des Fables, La Fontaine se détourne assez vite du genre.
En 1669 paraissent les Amours de Psyché et de Cupidon, œuvres mêlées de prose et de vers, qui rappellent l’inspiration d’Adonis. Une description de Versailles alors naissant fait penser au Songe de Vaux.
En 1671, les Fables nouvelles et autres poésies, outre quelques fables, contiennent quatre Élégies, confidences amoureuses et surtout aveu d’inquiétude amoureuse.

La Fontaine fréquente alors Boileau et Racine. Il donne des gages de son orthodoxie en publiant des Poésies chrétiennes (1671) puis un Poème de la captivité de saint Malc (1673). Entre contes libertins et récits de la vie des saints, La Fontaine révèle dans cette alternance du très profane et du sacré la complexité des attirances entre lesquelles il était partagé.
En 1674, les Nouveaux Contes sont interdits par la censure, mais le succès revient avec le deuxième recueil des Fables (1678-1679). La Fontaine semble ensuite renoncer aux grands ouvrages et égrène les pièces de circonstances, certaines fugitives, célébrant les grands événements politiques ou adressées à ses protecteurs, non sans intentions intéressées ; d’autres, plus mûries. Le poème didactique du Quinquina (1682) reste laborieux.
La Fontaine réussit enfin – malgré l’hostilité du roi (qui suspend d'abord une première élection, en 1683) – à se faire élire définitivement à l’Académie française (1684), à la succession de son ennemi Colbert. Il lit lors de sa réception un Discours à Mme de La Sablière (à ne pas confondre avec celui des Fables), hommage à l’amie qui vit alors recluse, tentative aussi pour se connaître lui-même et définir cette inquiétude qui est l’élément le plus profond de sa personnalité et sans doute la source même de son génie.
Dans la querelle des Anciens et des Modernes, il prend parti pour les Anciens par l’Épître à Huet (1687).

1.5. Les dernières années (1687-1695)

La Fontaine tente ensuite, sans grande réussite, de revenir au théâtre avec une comédie, le Rendez-vous (perdue), des tragédies et des opéras : Astrée (1691), Achille (inachevée et restée manuscrite), Daphné, Galatée (inachevée). Ces tentatives sont autant d’échecs. Le résultat le plus clair en est une brouille retentissante avec Lully.
Il publie le Livre XII des Fables en 1693, terminé par cet admirable testament spirituel qu’est « le Juge-arbitre, l’hospitalier et le solitaire ».
Hébergé par le banquier d’Hervart depuis la mort de Mme de La Sablière, malade, sollicité aussi par ses amis, La Fontaine songe à son salut. Devant une délégation de l’Académie française, il renie ses Contes, prend l’engagement de n’écrire plus que des œuvres de piété. Il écrira en effet des hymnes, perdues ; une traduction du Dies irae a été conservée. Il vivra encore deux ans, portant cilice.
Un grand vide poétique commençait qui contribua à donner sa place à un écrivain dont ses admirateurs même avaient mal compris qu’il était peut-être le plus grand poète du xviie s.

2. L'œuvre de La Fontaine

De l’œuvre de La Fontaine, on ne retient d’ordinaire que les Fables et, secondairement, les Contes, les deux chefs-d’œuvre de la maturité. On en restreint ainsi gravement l’ampleur, la diversité et la portée. En fait, elle est remarquable par sa variété. Il était banal à l’époque d’être polygraphe, d'écrire ainsi beaucoup et sur des sujets si variés, mais il est rare que l’on ait exploré autant de voies que La Fontaine.

2.1. Dramaturge, poète et narrateur
Il a pratiqué tous les genres. Le théâtre d’abord : à ses débuts, mais aussi une fois la célébrité atteinte. L’écriture dramatique était la source des plus vifs succès et des meilleures recettes : si La Fontaine ne trouva pas le succès avec elle, du moins en expérimenta-t-il, de façon approfondie, les ressources.
Il a eu aussi la tentation du récit en prose : récit de voyage sous forme épistolaire (Voyage en Limousin), mais aussi narration romanesque (Psyché).
Il a surtout pratiqué la poésie, tant dans le registre héroïque (Adonis) qu’élégiaque ou galant, tant dans les petits poèmes mondains de circonstance que dans les Contes gais et licencieux, ou encore dans le discours en vers (Discours à Mme de La Sablière).
Les Fables, enfin, représentent un alliage original de la narration, du discours et de l’écriture poétique.
La Fontaine a abordé toutes les thématiques. Le merveilleux païen l’attire : il reprend les mythes d’Adonis et de Psyché, dans la tradition des métamorphoses d’Ovide et d’Apulée. Il donne libre cours à sa verve libertine dans les Contes, où, de maris cocus en moines paillards et en nonnes dévergondées, il prolonge la lignée de l’Arioste, de Boccace et de Rabelais. Mais on lui doit aussi d’importants poèmes religieux et un essai de poésie scientifique (Poème du Quinquina, 1682).

2.2. L’esthétique de la variété

Alors que son époque insiste sur la distinction des genres littéraires, La Fontaine pratique le croisement des styles, des registres et des formes, recherchant des structures neuves, rénovées ou hybrides.
Ainsi, son Adonis, poème héroïque dans le principe, fait une place au lyrisme et s’inscrit dans la lignée des « idylles héroïques », que Saint-Amant a inaugurées quelques années plus tôt.
En reprenant les contes et les fables, formes traditionnelles, il les rénove en apportant à ces modèles narratifs, d’ordinaire traités en prose, le rythme poétique.
Enfin, en entremêlant plusieurs genres, il produit des ouvrages qui peuvent faire figure d’étranges « monstres ». Ainsi, le Songe de Vaux combine les vers et la prose, « l’héroïque et le galant », pour décrire le château de Fouquet (alors en construction) et ses fêtes, à travers la fiction d’un songe. Dans Psyché, qui tient du conte, du roman pastoral et de la rêverie poétique, la légende amoureuse (les amours de Cupidon avec la jeune mortelle Psyché) et le mythe philosophique (Psyché comme symbole de l’âme) forment un alliage sans équivalent.

La poétique de La Fontaine est riche d’éléments baroques, et on a pu parler à juste titre de son « maniérisme » et de l’influence de la tradition de Marot. Mais elle ne renie pas pour autant les principes clefs du classicisme : admiration des Anciens (il prend position en leur faveur dans la Querelle, mais avec modération), souci de régularité et de bienséance. Même dans les Contes, les sujets scabreux sont traités avec humour : La Fontaine y peint moins les troubles du plaisir que l’ingéniosité des amants pour berner la morale confite et ses représentants.
Enfin, l’originalité du ton, de la « manière » fait l’unité profonde de son œuvre. La Fontaine se livre à une série de variations entre le style « soutenu » et le style « médiocre », dans la lignée de l’écriture galante, telle que l’avaient illustrée Voiture et Sarasin, et dont Pellisson s’était fait le théoricien. Mais, alors que celle-ci était essentiellement un moyen de divertissement mondain, il lui fait subir une métamorphose et en tire une langue en apparence naïve, familière et transparente, en fait très calculée et savante. C’est l’art du « naturel » qui s’incarne dans une écriture toute de retenue et de suggestion. Par là, dans une génération où la poésie, après le purisme de Malherbe (qu’il admire) et l’élégance de Voiture (qu’il imite), était menacée de s’enfermer dans trop de convention, de mièvrerie ou d’abstraction, La Fontaine lui apporte une subtilité qui la revivifie.

2.3. Les Contes

Les Contes (1665, 1666, 1671, 1674, 1685) de La Fontaine, chefs-d’œuvre mineurs, ou dans un genre mineur, s’inscrivent dans la tradition des conteurs français et italiens (Boccace, Marguerite de Navarre, Rabelais) et, pour la langue et la versification, dans le sillage de Voiture et de Marot. Ils sont gaillards ; ils prennent à l’occasion pour cible les gens d’Église et vaudront à l’auteur des lecteurs fidèles, des ennemis actifs aussi, dans l’hostilité de qui l'hypocrisie autant que le scrupule ont bien quelque part.
Les Nouveaux Contes (1674) seront interdits par le lieutenant de police. On les a diversement jugés, le plus souvent de façon sévère. Ils sont de tons variés, avec de l’esprit toujours (qui s’applique à dissimuler – mais point trop – des scènes considérées alors comme très osées), et avec de l'émotion parfois. Ils représentent au moins une étape dans l’histoire de la sensualité et de la sensibilité ; ils acheminent la gauloiserie, héritée du Moyen Âge et du xvie s., vers le libertinage élégant du xviiie s.

2.4. Les Fables
Les Fables, sous les apparences d’un genre mineur, composent une véritable somme poétique.

2.4.1. La volonté d'instruire

La démarche de La Fontaine est conforme, pour les principes fondamentaux, aux préceptes de l’esthétique classique. Il se présente comme un simple adaptateur des Anciens : le fabuliste grec Ésope et le fabuliste latin Phèdre. Ésope, dont La Fontaine place une biographie en tête du recueil de 1668, était alors connu de tous. Ses apologues, ces courts récits dont on tire une instruction morale, servaient de thème aux écoliers, de support à leur imagination ; ils avaient à les enrichir et à les développer. Les apologues fournissaient aussi aux orateurs des exempla, des illustrations.
Le modèle antique affirme la vocation des Fables, qui est d’instruire. Pour La Fontaine, la littérature doit être utile autant qu’agréable (« Le conte fait passer le précepte avec lui », le Pâtre et le Lion). Il sait d’ailleurs que plaire est le meilleur moyen pour instruire. Et il ne vise pas seulement l’instruction des enfants. Certes, son premier recueil est dédié à l’enfant qui, parmi tous, est l’élève de choix pour le poète : le Dauphin – mais là encore, comme plus tard dans le fait qu’il s’adresse au jeune duc de Bourgogne, il faut voir la part de la tradition (« Le monde est vieux dit-on, je le crois ; cependant/Il le faut amuser encor comme un enfant », le Pouvoir des Fables).

2.4.2. Un genre renouvelé par un style éblouissant

Pour instruire et plaire, La Fontaine innove beaucoup. Première innovation, souvent négligée, mais non la moindre : le choix du genre. Avant lui, la fable, rédigée en prose, est considérée comme une simple ressource de la rhétorique ; c’est à ce titre que l’art de l’apologue figure dans les exercices de collège. Il avait certes existé une fable en vers au Moyen Âge et au xvie s. Mais ces fabulistes étaient oubliés, et d’ailleurs « en vers » ne veut pas dire nécessairement poétique. La fable était également héritière de l’art de l’emblème, où un précepte moral était illustré à la fois par une gravure et par quelques vers. Le genre était encore très florissant à une époque férue d’allégorie sous toutes ses formes, mais restait marqué par un pédantisme plutôt antipoétique.
La Fontaine confère à la fable, à l’origine humble auxiliaire de la pédagogie ou de l’éloquence, un véritable statut poétique et une dignité inexistante jusqu’alors : « L’apologue est un don qui vient des immortels/Ou si c’est un présent des hommes/Quiconque nous l’a fait mérite des autels » (Dédicace à Mme de Montespan du deuxième recueil).

Cette dimension nouvelle tient à plusieurs aspects. La Fontaine construit des narrations souples, animées par des dialogues au style direct, des notations précises de mouvements ou de détails du décor, si bien qu’ils offrent les éléments d’une mise en scène. Surtout, il introduit dans ces récits d’ordinaire impersonnels le ton singulier que crée l’intervention d’un narrateur dont le « je », à la fois omniprésent et sans cesse se dérobant, commente, juge l’action et interpelle le lecteur. Enfin, à l’enchaînement mécanique entre un récit exemplaire et un précepte moral, il substitue un jeu varié : ses Fables ont parfois une morale explicite, parfois non ; il leur arrive d’en avoir deux différentes ; d’autres fois encore, à l’inverse, une même réflexion suscite deux récits distincts.
La forme utilisée est celle du vers libre : un vers, de longueur inégale et de rimes variées, dégagé de toute règle de la prosodie. La Fontaine a fait longtemps ses gammes, et les Fables bénéficient d’une expérience éprouvée de la prosodie. Sa versification est sans cesse modulée, ses vers irréguliers permettent des variations virtuoses de rythme et de ton. Dans les vers de La Fontaine, pas un mot qui n’ait son poids. Le vocabulaire lui-même est étendu, volontiers technique, parfois délibérément archaïsant, toujours très précisément étudié pour offrir des jeux multiples de connotations, de nuances, d’insinuations et d’audaces voilées.
Enfin, la vertu la plus certaine des Fables est un réalisme poétique qui fait voir, toucher, sentir. Elles sont marquées par les réminiscences multiples, fondues et assimilées avec art, d’un esprit brillant et très cultivé.

2.4.3. La liberté d'inspiration

Le deuxième recueil – celui qui correspond aux actuels livres VII à XI, qui paraissent en 1678 et 1679 – marque le sommet des Fables. L’auteur signale dans un Avertissement deux de ses nouveautés : le recours à une source nouvelle, les récits du sage indien Bidpai (que le savant Bernier, rencontré chez Mme de La Sablière, lui avait fait apprécier) ; l’appel à une méthode nouvelle d’« enrichissement » par les « circonstances », c’est-à-dire la multiplication des précisions dans le récit et la description. Le premier recueil, à côté d’apologues rapides qui se ressentaient encore de la brièveté propre à Ésope, comportait déjà des fables plus amples. Les fables amples deviennent la norme dans le second recueil : l’idée que la brièveté est en soi une vertu ne retient plus le fabuliste.
La fable annexe ainsi tous les genres poétiques : contes de tonalités variées, légers, sérieux ou satiriques (la Fille, le Berger et le roi, Un animal dans la lune) ; pastorale (Tircis et Amarante) ; méditation élégiaque sur le sens de la vie et de l’amour (les Songes d’un habitant du Mogol, les Deux Pigeons) ; réflexion politique à la fois historique et actuelle (le Paysan du Danube) ; discussion philosophique (Discours à Mme de La Sablière).
Tous les thèmes que lui proposent les livres, l’actualité, sa propre expérience – La Fontaine atteint la soixantaine – sont librement traités. L’audace intellectuelle s’affirme ; la peinture de la société, et singulièrement de la vie de cour, devient plus mordante ; une opposition discrète mais ferme à la politique de conquêtes et de gloire militaire s’affirme.

2.4.4. Une œuvre de moraliste
Des leçons inépuisables

Si les Fables peuvent être lues comme un commentaire continu de l’affaire Fouquet, elles s’ouvrent, par-delà l’actualité de leur temps, à la vérité éternelle de l’homme et du monde et proposent un art de vivre. L’homme, vu par La Fontaine, quel que soit son déguisement animal, est doté d’une nature contre laquelle il ne peut rien. La sagesse consiste à s’en accommoder. S’il était venu au monde plus tard, muni donc d’un langage et d’une typologie autres, La Fontaine aurait dit que la société est une jungle. Cela ne l’empêche pas de revendiquer les droits de l’humanité et de la compassion dans une large compréhension pour tout ce qui vit, lutte et souffre.
Mais le sens des Fables, loin de se réduire à une leçon, est inépuisable. Replacées dans l’ensemble de l’œuvre, elles révèlent les contradictions de toute une époque : comme beaucoup de ses contemporains, La Fontaine, grand lecteur de l’Astrée (1607-1628) d’Honoré d’Urfé, rêve d’un paradis pastoral mais, comme les plus lucides, il constate, en même temps que le déclin des rêves nobiliaires d’héroïsme et de générosité, la montée irrésistible des pouvoirs de l’État et de l’argent. Face à une telle situation, il a choisi de préserver les puissances du langage.

Un exercice de lucidité

La Fontaine est un poète moraliste, et non pas moralisateur. Son œuvre n’exprime pas une pensée systématique, mais une attitude de pensée, avec ses évolutions, variations, contradictions même. Aussi réduire l’explication à une seule rubrique est-il vain. Il est de toute évidence ridicule de voir dans l’œuvre une simple description de la nature (et d’y noter du même coup des erreurs de zoologie : les cigales ne survivent pas en hiver, sauf dans les Fables où l’imagination est reine...). D’une autre façon, s’il est vrai que La Fontaine prend certains de ses sujets dans l’actualité (en particulier, la façon dont Colbert a manigancé la chute de Fouquet trouve des échos dans son livre), il ne faut pas faire non plus de la Cigale et la Fourmi une allégorie du conflit entre les deux ministres.
Il convient au contraire de saisir cette œuvre comme un regard qui se veut lucide, et constater que la pensée s’y interroge autant ou plus qu’elle ne répond. Il est certain que La Fontaine est nourri de philosophie épicurienne (→ épicurisme), de libertinage, qu’il déteste les superstitions (l’Astrologue, l’Horoscope). Mais il est certain aussi qu’il a éprouvé des sympathies pour les jansénistes (→ jansénisme). De même, en matière de politique, il a critiqué les monarques absolus, victimes de leurs ambitions, de leurs conseillers flatteurs, de la facilité de la violence (les Animaux malades de la peste). S’il témoigne de l’intérêt et de la pitié à l’égard du peuple, il le perçoit aussi comme un « enfant », incapable de se conduire seul, et qui a donc besoin d’être dirigé et protégé, par un pouvoir donc nécessairement fort (et si possible juste).

Une dénonciation des rapports de pouvoir

La rédaction et la publication des Fables s’étendent sur trente années, et la situation du poète a changé, aussi bien que le contexte sociopolitique, au fil des décennies. Aussi voit-on parfois La Fontaine soutenir la politique royale au moment d’une guerre (la Ligue des rats), et d’autres fois, en des temps où la politique de puissance risque de ruiner l’économie, et singulièrement l’agriculture, rappeler les mérites du travail, contre les spéculations et les visées de prestige (le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de roi).

Il y a cependant, dans son attitude, quelques constantes. Tel qu’il le voit, le monde est impitoyable : y règnent seuls les rapports de force. Contre la « raison du plus fort » (le Loup et l’Agneau), les faibles ne peuvent rien, à moins d’être capables de contrebalancer la force par la ruse. Souvent, d’ailleurs, La Fontaine conçoit des situations redoublées, où un fort s’incline devant un plus faible mais plus adroit, et où ce dernier trouve à son tour son maître : cette structure complexe peut aussi bien montrer les apparences vaines des rapports de pouvoir (le Lion et le Moucheron) que des jeux où un trompeur est pris par un trompeur et demi (le Renard et la Cigogne). La vision n’est pas alors moins noire, mais elle a l’avantage de prêter à des effets comiques.
Sans cesse attaché à dénoncer les illusions de tous ordres, La Fontaine est proche de La Rochefoucauld, qu’il cite élogieusement (l’Homme et son image). Pourtant, on n’entend ni cri de révolte, ni plaintes de ressentiment. Parfois, le « je » omniprésent se laisse aller à la mélancolie (« Ai-je passé le temps d’aimer ? », les Deux Pigeons). Plus profondément, il laisse deviner le désir latent du « repos », d’une retraite en marge de ce monde violent, et parfois il l’avoue plus ouvertement (le Songe d’un habitant du Mogol, les Deux Amis). À défaut, il suggère de s’accommoder de son sort et de son état, en renonçant aux ambitions et aux chimères (le Berger et la Mer, la Laitière et le Pot au lait, le Savetier et le Financier).


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MÉTÉOROLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

météorologie
(grec meteôrologia)

Consulter aussi dans le dictionnaire : météorologie
Cet article fait partie du dossier consacré au climat.
Science qui étudie les phénomènes affectant la partie la plus basse de l'atmosphère terrestre (ou troposphère).

1. Définition et enjeux
Étymologiquement, la météorologie est l'étude des « météores », c'est-à-dire de tous les phénomènes physiques se produisant au-dessus de la surface du sol. Au xxe s., la météorologie désigne l'étude des phénomènes atmosphériques, et l'on parle couramment de « sciences de l'atmosphère ».
L'atmosphère constitue un volume immense que l'on serait bien en peine de connaître dans sa totalité à une échelle fine. Son état est éminemment changeant dans le cours de son évolution temporelle et cette connaissance de l'atmosphère, à chaque instant donné, requiert la mise en place de réseaux d'observation aux multiples facettes. Cette tâche d'« observation du temps », qui est dévolue aux différents services météorologiques nationaux, a été complètement transformée par les innovations technologiques de la fin du xxe s. dans les domaines des télécommunications, de l'automatisation de l'observation des grandeurs physiques, de l'informatisation et de l'observation de la Terre à partir des satellites dits « météorologiques ».

2. Historique
2.1. Naissance d’une discipline scientifique
Pendant vingt siècles, la référence en météorologie a été un traité écrit par Aristote, vers 350 avant J.-C., les Météorologiques.
C'est à travers la conception d'instruments de mesure des variables physiques caractérisant l'état thermodynamique de l'air que la connaissance de l'atmosphère se développe : le premier thermomètre est inventé en 1641, le premier baromètre en 1642, le premier anémomètre en 1664, le premier pluviomètre en 1677 et le premier hygromètre en 1780. En France, c'est à la Société royale de médecine qu'il revient de créer, en 1778, le premier réseau d'observation météorologique. En 1852 est fondée la Société météorologique de France, à l'initiative de J. Haeghens, A. Berigny et Ch. Martins.
À partir du milieu du xixe s., la météorologie devient une véritable science physique. L'événement majeur, qui suscite la création d'un réseau météorologique international, est la tempête du 14 novembre 1854, qui envoie par le fond, en mer Noire, une quarantaine de navires français participant au blocus du port de Sébastopol, pendant la guerre de Crimée : début 1855, l'astronome Urbain Le Verrier rend un rapport à Napoléon III établissant clairement que la collecte des observations météorologiques des jours précédant la tempête aurait permis de prévenir les marins du danger qu'ils encouraient et d'éviter cette catastrophe.

2.2. Création d’un réseau météorologique international
À partir de 1860, le télégraphe est utilisé pour la concentration rapide des informations provenant de vingt-quatre stations françaises ; dès 1864, cinquante stations en Europe sont reliées au réseau télégraphique. Le premier congrès météorologique international se réunit à Vienne, en septembre 1873 ; il permet d'harmoniser les observations dans le monde. En France, le Bureau central météorologique (B.C.M.) est créé en 1878, auquel succède, en août 1921, l'Office national météorologique (O.N.M.), puis la Météorologie nationale, ou Météo France, en 1945.
Entre-temps, l'essor de l'aviation, vers 1910, infléchit considérablement les activités des services météorologiques, de plus en plus sollicités pour fournir une assistance aux pilotes. Le concept des fronts, chaud et froid, est inventé en 1917 par le Norvégien Vilhelm Bjerknes. Cependant, il est encore nécessaire d'améliorer les connaissances sur les couches supérieures de l'atmosphère. Aussi, à partir de 1929, des radiosondages sont régulièrement lancés à partir de Trappes (Yvelines), donnant la pression et la température à différents niveaux d'altitude. Le grand public n'est pas oublié : des bulletins météorologiques sont diffusés par l'émetteur radio de la tour Eiffel à partir de 1922. La même année, le Britannique Richardson réalise la première prévision numérique ; le résultat des calculs manuels qu'il effectue est erroné mais le principe du calcul est posé. Le premier satellite météorologique (Tiros 1) est placé en orbite par les États-Unis en 1960. En France, la première prévision opérationnelle est effectuée en 1968.

3. Phénomènes météorologiques
3.1. L'atmosphère terrestre

L'atmosphère terrestre est l'enveloppe gazeuse qui entoure la Terre.

C'est dans la troposphère, la couche la plus basse de l'atmosphère, que se produisent les phénomènes météorologiques. Cette région, où la température décroît avec l'altitude, est limitée par la tropopause (zone où la température ne décroît presque plus), qui se situe vers 10 km d'altitude aux pôles et vers 16 km à l'équateur.

L'air atmosphérique
L'air atmosphérique est un mélange d'air sec, de vapeur d'eau et d'impuretés. L'air sec, mélange de gaz parfaits, se comporte comme un gaz parfait et sa composition ne varie quasiment pas jusqu'à 80 km d'altitude.
Principaux constituants de l'air sec
L'eau peut se trouver sous trois phases différentes dans l'atmosphère : la vapeur d'eau, l'eau liquide ou la glace. La vapeur d'eau est un gaz parfait invisible, sans odeur, sans saveur et incolore.
L'eau joue un rôle très important dans l'atmosphère : elle assure le stockage et le transfert d'énergie à travers l'atmosphère. Lorsque la vapeur d'eau se transforme en eau liquide ou en glace, il y a un dégagement de chaleur. Lors de l'évaporation de l'eau (transformation de l'eau liquide en vapeur d'eau) ou de sa fusion (transformation de la glace en eau liquide ou en vapeur d'eau), il y a absorption de chaleur.
En général, quand la température devient négative, l'eau liquide se transforme en glace. Toutefois, on peut observer des cas où l'eau reste liquide alors que la température est négative (jusqu'à −40 °C) : c'est l'état de surfusion. Cet état est instable : lorsqu'un objet est touché par de l'eau surfondue, l'eau se transforme alors instantanément en glace.


Les impuretés (grains de sable et de poussière, pollens, microdébris végétaux, particules de sel issues des embruns marins, etc.) jouent un rôle très important dans la formation des nuages : ce sont des noyaux de condensation. Les gouttes d'eau et les cristaux de glace des nuages se forment autours des impuretés. Sans elles, les nuages auraient peu de chance de se former.

Les principaux paramètres

L'air est un fluide en perpétuel mouvement. Il subit en permanence des évolutions mécaniques et thermiques. Les météorologistes considèrent que l'atmosphère est constituée d'un nombre infini de volumes élémentaires, appelés particules d'air, qui se caractérisent par un déplacement (le vent), une masse volumique, une température, une pression et une humidité.

Le vent, qui caractérise le mouvement de l'air, est mesuré par la girouette qui indique la direction d'où il vient et par l'anémomètre qui donne sa vitesse (ou force).
La pression correspond au poids de la colonne d'air qui se trouve au-dessus d'un point donné. On la mesure à l'aide d'un baromètre. Elle diminue avec l'altitude et l'on peut ainsi associer à chaque niveau de pression une altitude moyenne.
Principaux niveaux de pression dans l'atmosphère

Au niveau de la mer, la pression « normale » est 1 013,25 hPa. Pour les besoins de la prévision météorologique, les pressions ramenées au niveau de la mer sont tracées sur des cartes isobariques : les zones de hautes pressions (supérieures à 1 015 hPa) sont appelées anticyclones et les zones de basses pressions (inférieures à 1 015 hPa) dépressions.
Il existe une relation importante entre le vent et la pression (loi de Buys-Ballot) : dans l'hémisphère Nord, le vent souffle parallèlement aux isobares (lignes d'égale pression) et laisse les basses pressions sur sa gauche ; c'est l'inverse dans l'hémisphère Sud. Il existe une seconde loi reliant le vent à la pression : plus les isobares sont proches les unes des autres, plus le vent est fort.
La température est relevée à l'aide d'un thermomètre situé dans un abri météorologique pour ne pas subir l'influence directe du vent et du soleil. Elle fluctue en cours de journée en fonction de l'ensoleillement : les températures minimale et maximale de la journée s'observent en général juste après le lever du jour et une heure après la culmination du Soleil.
L'humidité, mesurée à l'aide d'un hygromètre, caractérise la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'air atmosphérique. L'air est à saturation lorsqu'il contient son maximum de vapeur d'eau : si on ajoute de la vapeur d'eau, elle se transforme alors en eau liquide ou en glace. La quantité de vapeur d'eau que contient un air saturé est fonction de la température : plus l'air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d'eau.
La circulation atmosphérique générale

Bien que l'atmosphère soit en évolution perpétuelle, il est possible d'y observer de grands mouvements.
En éclairant notre planète, le Soleil alimente l'atmosphère en énergie. Comme l'axe des pôles terrestres n'est pas perpendiculaire au plan de révolution de la Terre autour du Soleil, les régions polaires reçoivent moins d'énergie que les régions équatoriales. Ce déséquilibre énergétique engendre de grands mouvements au sein de l'atmosphère afin de la rééquilibrer et crée indirectement sur la Terre des régions anticycloniques et des régions dépressionnaires.
Dans les régions dépressionnaires (entre les latitudes 40° à 65°), les perturbations atmosphériques naissent lors de la mise en phase de tourbillons dans les basses couches et dans la partie supérieure de la troposphère. Une perturbation est constituée d'une dépression avec des fronts chaud et froid qui délimitent des masses d'air chaude et froide. Des nuages et des précipitations sont associés aux fronts.

3.2. Les météores
Selon l'Organisation météorologique mondiale (O.M.M.), un météore est un phénomène observé dans l'atmosphère ou à la surface du sol. Les météores sont classés en quatre catégories : les hydrométéores (dont les nuages), les lithométéores, les photométéores et les électrométéores.

Les hydrométéores
Les nuages

*        

Les nuages évoluent en permanence. Toutefois, il existe un nombre limité de nuages pour toute la planète. Dans la troposphère, on peut observer seulement 10 genres de nuages, répartis en trois étages dont l'altitude varie selon la latitude.
Altitudes extrêmes des trois étages de la couverture nuageuse

Les hydrométéores autres que les nuages
Les hydrométéores autres que les nuages sont constitués par des particules d'eau (liquide ou solide). Celles-ci peuvent rester en suspension dans l'air, tomber ou se déposer au sol ou sur des objets. Ce sont essentiellement la bruine, la pluie, la neige, la brume (visibilité horizontale inférieure à 5 km), le brouillard (visibilité horizontale inférieure à 1 km), la rosée (dépôt liquide au sol), le givre (dépôt de glace).

Les lithométéores
Les lithométéores sont constitués de particules solides (sable, poussières, cendres, etc.) qui sont en suspension dans l'air ou soulevées par le vent. En général, ils réduisent plus ou moins la visibilité. Les principaux lithométéores sont la fumée, la brume sèche, les tourbillons de poussière, la chasse-poussière ou la chasse-sable (poussière ou sable soulevés par le vent).

Les photométéores

On désigne sous le nom de photométéores des phénomènes optiques (non liés aux décharges électriques) engendrés par la réflexion, la diffraction, la réfraction ou l'interférence avec de la lumière solaire ou lunaire.

Ce sont principalement : l'arc-en-ciel (ensemble d'arcs concentriques violet, bleu, vert, jaune, orangé et rouge), le halo (ensemble d'anneaux lumineux autour du Soleil ou de la Lune), la gloire (ensemble d'anneaux colorés vus sur un nuage, autour de l'ombre de l'observateur), le rayon vert (brièvement observable sur le dessus du Soleil quand celui-ci disparaît à l'horizon).

Les électrométéores
Les éléctrométéores sont des manifestations visibles ou audibles de l'électricité atmosphérique. L'électrométéore le plus fréquent est l'orage, composé d'une ou plusieurs décharges d'électricité atmosphérique se manifestant par une lueur brève et intense (éclair) et par un bruit sec ou un roulement (le tonnerre). Les orages sont associés aux cumulonimbus.
Parmi les autres électrométéores figure le feu de Saint-Elme (petites flammes bleu-violet apparaissant à la pointe des mâts des navires ou des piolets des alpinistes).

4. L'observation météorologique
4.1. Typologie des observations météorologiques
On distingue quatre composantes dans l'observation météorologique :
– les mesures physiques effectuées au-dessus du sol (température de l'air, humidité) ;
– les observations visuelles codifiées, également effectuées à partir du sol (concernant essentiellement les nuages et les hydrométéores) ;
– les mesures en altitude (pression, température, humidité et vent), réalisées à partir des ballons-sondes ;
– les observations faites par télédétection (par satellite et par radar).


Les observations météorologiques quantitatives
Chaque station météorologique, installée en général à proximité d'un aérodrome, réalise, selon un horaire fixé internationalement – le temps universel coordonné (UTC), ou temps du méridien de Greenwich –, et toutes les trois heures (de 0 heure à 21 heures UTC), un ensemble d'observations quantitatives décrivant l'état thermique et dynamique de l'atmosphère immédiatement au-dessus du sol :
– pression atmosphérique (mesurée à l'intérieur de la station) ;
– vitesse et direction du vent (à 10 m au-dessus du sol) ;
– température de l'air et pression partielle de vapeur d'eau (ces deux dernières variables sont mesurées à 2 m au-dessus du sol, à l'intérieur de l'abri météorologique).

Les observations météorologiques visuelles
Ces observations quantitatives, réalisées en un endroit dégagé de tout obstacle (bâtiment, rideau d'arbres), sont complétées par des observations visuelles qui sont ensuite codées :
– la nébulosité (couverture nuageuse) ;
– les types de nuages à trois niveaux d'altitude différents (nuages bas, nuages moyens, nuages élevés), en se conformant à un atlas international des nuages (édité par l'Organisation météorologique mondiale [OMM]) pour la classification ;
– et ce qu'il est convenu d'appeler le temps sensible (présence éventuelle de brouillard, de rosée, de gel au sol, chute de neige, de grêle ou de grésil…).
D'autres observations, davantage destinées au suivi du climat, sont réalisées une ou deux fois par jour :
– nombre d'heures d'ensoleillement, ou durée d'insolation ;
– pluviométrie.
L'équipement en instruments de toutes ces stations météorologiques est standardisé au niveau national.

Les observations météorologiques en altitude
Un nombre beaucoup plus restreint de stations réalisent des observations en altitude par radiosondages. Une sonde standard automatisée mesurant la température, la pression et l'humidité relative, équipée d'un émetteur radio, est accrochée à un ballon ascensionnel gonflé à l'hydrogène ou à l'hélium et muni d'un réflecteur d'ondes radar. Le déplacement de la sonde est repéré tout au long de son ascension, ce qui permet d'en déduire la vitesse et la direction du vent aux altitudes successives du ballon. Les mesures s'interrompent lorsque le ballon éclate, en général à une altitude supérieure à 25 km, et un petit parachute se déploie alors pour ralentir la sonde dans sa chute. Ces observations par radiosondage sont effectuées en principe deux fois par jour (à 0 heure et à 12 heures UTC).

4.2. Les réseaux d'observations météorologiques
Le réseau d'observations synoptiques
La finalité principale de ce réseau est de décrire le plus précisément possible l'état de l'atmosphère, en un instant donné, à la fois en surface (observations réalisées immédiatement au-dessus du sol) et en altitude (radiosondages), d'où la dénomination d'observations synoptiques. En effet, il s'agit non seulement de décrire le temps à cet instant, mais également d'« initialiser » les modèles de prévision numérique qui visent à simuler, à partir d'un état initial connu, l'évolution dynamique de l'atmosphère. Aussi toutes les stations d'observations synoptiques sont-elles tenues de respecter un horaire commun pour les mesures de surface effectuées toutes les trois heures. Ce réseau doit également, pour remplir correctement les missions qui lui sont dévolues, couvrir l'ensemble de la surface terrestre.
Le réseau synoptique international de surface comprend environ 14 000 stations, soit 9 000 stations terrestres et 5 000 autres embarquées sur des navires de commerce sélectionnés. Le réseau synoptique français, couvrant la métropole et les DOM-TOM, comprend 240 stations terrestres et 40 navires. S'y ajoutent un certain nombre de bouées automatiques disséminées sur les zones océaniques, dont les observations sont transmises par voie satellitaire.
Toutes les informations collectées sont ensuite codées pour être immédiatement diffusées et échangées internationalement par l'intermédiaire du système mondial de télécommunications. Certaines zones du globe sont malheureusement mal couvertes, notamment les zones désertiques et océaniques.

Les réseaux de radars météorologiques
Dans les années 1990, Météo France a entrepris d'assurer une couverture radar de l'Hexagone pour les besoins de l'observation du temps. Ces radars météorologiques (qui appartiennent au réseau Aramis) émettent des ondes (de 5 ou 10 cm de longueur d'onde) que les gouttelettes d'eau ont la propriété de réfléchir.
Cette observation radar, utilisée essentiellement pour la prévision à très courte échéance (de 0 à 3 h), permet de repérer les zones pluvieuses et, en distinguant différents niveaux de réflectivité radar, d'identifier les zones où de fortes précipitations sont associées à des phénomènes météorologiques dangereux tels que les orages ou les chutes de grêle.
Chaque radar balaie une zone circulaire de 150 km de rayon autour de son site d'implantation, et les images radar locales numérisées forment une mosaïque couvrant l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception de quelques zones d'ombre, c'est-à-dire non encore couvertes.
Cette image radar composite, renouvelée tous les quarts d'heure, est diffusée en temps réel à tous les centres départementaux de météorologie et à un certain nombre d'utilisateurs extérieurs abonnés à Météotel, service d'information météorologique fonctionnant par relais satellitaire, qu'il est possible de recevoir grâce à une antenne de réception reliée à un ordinateur personnel.

Les satellites météorologiques

Moins de trois ans après le lancement du premier satellite artificiel de la Terre, en octobre 1957, par l'Union soviétique, la NASA (agence spatiale américaine) met en orbite le premier satellite météorologique expérimental, Tiros 1, et jette les bases, l'année suivante, d'un programme opérationnel d'observations météorologiques satellitaires qui fonctionne depuis 1966. Deux types de satellites sont aujourd'hui utilisés par la météorologie : les satellites météorologiques à défilement à orbite basse et les satellites géostationnaires.
Les satellites météorologiques à défilement à orbite basse (environ 800 km d'altitude) quasi polaire
Les satellites météorologiques à défilement à orbite basse font le tour de la Terre en 110 min, et à chaque passage le radiomètre embarqué et pointé vers la Terre scrute un ruban de surface terrestre de plus de 2 000 km de largeur. Le plan de leur orbite ne passe pas tout à fait par l'axe des pôles. De plus, l'inclinaison exacte de l'orbite, qui est fonction de l'altitude de vol, est choisie de telle façon que le mouvement de précession du plan de l'orbite autour de l'axe des pôles (lié au fait que le champ de gravité n'a pas de symétrie sphérique étant donné l'aplatissement du géoïde au niveau des pôles) compense exactement le décalage d'angle de visée du Soleil (de l'ordre de 1° par jour), dépendant de la rotation de la Terre autour du Soleil. La propriété de cette trajectoire est d'être héliosynchrone, c'est-à-dire qu'elle franchit toujours un cercle de latitude donnée à la même heure solaire locale, ce qui permet au satellite d'observer la Terre et son atmosphère jour après jour dans les mêmes conditions d'éclairement.
Les premiers satellites, lancés tant par les États-Unis (série Tiros) que par l'Union soviétique (série Meteor), dans les années 1960, étaient des satellites à défilement.
Les satellites géostationnaires
Placés à une altitude (36 000 km) telle que la force d'inertie d'entraînement équilibre exactement la force de gravité, les satellites géostationnaires sont, contrairement aux précédents, fixes par rapport à un repère tournant avec la Terre. Ils doivent, pour ce faire, obligatoirement être placés au-dessus de l'équateur. Le satellite reste donc en permanence à la verticale d'un même point de la surface du globe (de latitude 0°) et observe toujours la même portion de la surface terrestre, sans couvrir toutefois les régions polaires de haute latitude. Afin d'obtenir une couverture globale de l'atmosphère, un ensemble de cinq satellites géostationnaires espacés en longitude a été conçu, deux étant confiés aux États-Unis, un à l'Europe, un à l'Inde et un au Japon, et ce dans le cadre du GARP (Global Atmospheric Research Programme), qui s'est déroulé au cours des années 1970.
L'Europe, avec l'Agence spatiale européenne (ESA), a lancé son premier satellite météorologique stationnaire, Meteosat, en 1977, au-dessus du golfe de Guinée, au point de longitude 0° (c'est-à-dire sur le méridien de Greenwich). Ce satellite permet d'observer l'atmosphère au-dessus de l'Europe, de l'Afrique, du Moyen-Orient et d'une partie de l'Amérique du Sud. Ses images sont disponibles toutes les demi-heures.
Les observations satellitaires

Ces deux types de satellites permettent d'observer la couverture nuageuse. Ainsi, Meteosat analyse, selon trois bandes spectrales de longueurs d'onde différentes (canal visible, canal « vapeur d'eau » et canal infrarouge thermique), les nuages et l'atmosphère. Le dernier canal permet d'accéder à la température apparente de rayonnement, et donc de détecter les nuages élevés, ou « nuages froids ». La forte répétitivité temporelle de l'imagerie Meteosat (une image dans chaque canal toutes les demi-heures) permet de réaliser des animations et de suivre le déplacement des systèmes nuageux associés aux zones de mauvais temps, voire de détecter la formation d'un cyclone tropical.

Les satellites météorologiques permettent également de « sonder » verticalement l'atmosphère par la combinaison des signaux radiométriques dans des bandes spectrales différentes (distribution verticale de la température et de l'humidité), et de mesurer, moyennant certaines corrections, la température de surface des océans et des continents, et également, à l'aide de certains instruments embarqués, la quantité d'ozone présente dans l'atmosphère, ou l'extension de la banquise polaire.

Les réseaux climatologiques
En complément du réseau synoptique, les services météorologiques nationaux ont implanté, pour une utilisation en climatologie, des stations d'observation, tenues par du personnel bénévole, qui mesurent, en général, une ou deux variables météorologiques (pluviométrie et thermométrie). En France, le réseau pluviométrique comprend environ 3 500 postes effectuant un relevé une fois par jour, soit un point de mesure de la pluie tous les 15 km environ. La densité de ce réseau, auquel s'ajoutent 2 000 postes thermométriques, est sans égale et permet de réaliser des cartographies fines de la pluviométrie et de la thermométrie de la France.
Depuis le millieu des années 1980, des réseaux de stations de mesures automatisées ont été installés dans certaines régions françaises ; en 1990, plus de 400 stations automatiques pouvaient être interrogées en temps légèrement différé. Ces stations peuvent mesurer de 5 à 10 variables quantitatives différentes.

5. La prévision météorologique
Une prévision météorologique consiste à déterminer, à partir des données sur un état initial connu, l'évolution de l'état de l'atmosphère au bout d'un intervalle de temps déterminé (ce que l'on appelle l'« échéance de la prévision »), et ce – en théorie – en tout point de l'atmosphère.
La réalisation d'une prévision du temps est donc complexe : elle comprend plusieurs étapes successives et nécessite l'utilisation d'un certain nombre d'outils. On peut distinguer deux phases dans le processus de réalisation de la prévision :
– la première, entièrement automatisée, est appelée prévision numérique ; elle a pour support physique le supercalculateur ;
– la seconde nécessite l'intervention de l'homme, et son rôle est de transcrire en « temps sensible » les résultats de la prévision numérique et de présenter cette prévision sous une forme intelligible pour ceux qui vont l'utiliser.

5.1. La prévision numérique du temps
Les outils nécessaires à la mise en œuvre de la phase de prévision numérique sont les suivants :
– le Système mondial de télécommunications (S.M.T.), censé concentrer les observations météorologiques provenant du monde entier ;
– une méthode d'analyse numérique de ces données, pouvant fournir la meilleure évaluation possible de l'état initial de l'atmosphère, représentée par des « champs » de variables dont les valeurs sont connues en un certain nombre de points d'une grille tridimensionnelle ;
– un modèle numérique, qui doit « tourner » sur un supercalculateur suffisamment puissant pour fournir le résultat de la prévision numérique dans le temps imparti.

Le système mondial de télécommunications (S.M.T.)
La possibilité de réaliser une observation synoptique de l'atmosphère est la condition nécessaire à une bonne prévision du temps. Mais il ne suffit pas que l'ensemble des stations du réseau réalisent des observations simultanées toutes les trois heures. Encore faut-il que ces observations puissent être diffusées très rapidement sur toute la planète aux différents services météorologiques nationaux. C'est pourquoi un système mondial de télécommunications a été mis en place dans le cadre d'accords internationaux. Les services météorologiques des États membres de l'O.M.M. échangent ainsi leurs informations à travers le système mondial de télécommunications météorologiques.
Trois fonctions sont assignées au réseau de télécommunications, aux niveaux national ou international :
– concentrer en temps réel l'énorme quantité de données brutes d'observation et de mesure en provenance du territoire français et des pays étrangers ;
– traiter très rapidement cette masse d'informations ;
– diffuser les résultats des modèles de prévision.
Toutes les informations sont codées sous forme numérique suivant un système unique établi internationalement (codage par groupes de cinq chiffres). La diffusion de ces données codées sur le S.M.T. doit respecter des procédures très strictes.
L'artère principale de ce réseau mondial de télécommunications est une boucle autour de la Terre reliant des centres « régionaux » : Toulouse (France), Bracknell (Royaume-Uni), Offenbach (Allemagne), Washington (États-Unis), Tokyo (Japon), New Delhi (Inde), Moscou (Russie) et Prague (République tchèque). Chaque centre collecte les données provenant des pays situés dans sa zone de compétence et les insère dans le flux d'informations circulant sur la boucle principale. En sens inverse, ces centres régionaux relaient vers les pays qui leur sont rattachés les données circulant dans la boucle principale. Ainsi, Toulouse exerce la responsabilité de centre régional de télécommunications vis-à-vis de Lisbonne (Portugal), Madrid (Espagne), Dakar (Sénégal), Casablanca (Maroc), Alger (Algérie), Tunis (Tunisie), Rome (Italie) et Bruxelles (Belgique).

L'analyse des données
On part d'une situation où les observations en surface et en altitude sont réparties spatialement de façon irrégulière et ne coïncident pas, bien entendu, avec les points de grille du modèle. Il faut donc réaliser une interpolation spatiale des données de façon à estimer les valeurs, aux points de grille, des champs de variables météorologiques à un instant donné.
Ce processus d'analyse comprend également une phase de vérification de la qualité de l'information et de détection des données qui peuvent être erronées. On relève trois principales sources d'erreur : les défaillances de l'observation humaine et des instruments de mesure, un mauvais codage de l'information, et une localisation géographique des données inexacte. De plus, la qualité de l'information dépend de la précision de la mesure.
La mise en œuvre du modèle d'analyse des données est compliquée par le fait que certaines observations sont réalisées à des heures non synoptiques. C'est le cas notamment des données issues de l'observation satellitaire (profils verticaux, radiances). L'interpolation est faite en combinant deux types d'informations : d'une part les données véritablement observées à l'heure synoptique considérée, d'autre part les données issues d'une prévision à courte échéance réalisée antérieurement par le modèle numérique, ce que l'on appelle l'« ébauche ».
Cette analyse des données, réalisée automatiquement par la mise en œuvre d'un programme informatique spécifique, aboutit à spécifier les valeurs des champs de données d'entrée selon une grille tridimensionnelle. Ces champs subissent ensuite certaines transformations de façon qu'ils constituent un état initial compatible avec les contraintes de mise en œuvre des équations de la météorologie dynamique, et afin d'éviter, notamment, l'apparition d'instabilités numériques dans le modèle.

Les modèles numériques
Un modèle numérique de prévision du temps réalise une simulation mathématique de l'évolution de l'atmosphère, considérée comme un mélange d'air sec et de vapeur d'eau, à partir de son état initial à un instant donné. Il est fondé :
– d'une part, sur la résolution discrétisée d'un système d'équations aux dérivées partielles pour ce qui concerne les processus dynamiques (équations d'équilibre hydrostatique, de conservation de la quantité de mouvement, de continuité pour la conservation de la masse, de thermodynamique pour la conservation de l'énergie, de conservation de la vapeur d'eau, et équation d'état des gaz parfaits) ;
– d'autre part, sur la représentation mathématique des processus physiques « diabatiques », hautement interactifs, tels que les transferts radiatifs, les changements de phase de l'eau et les échanges énergétiques et hydriques entre la surface du sol et l'atmosphère, processus qui se caractérisent tous par des termes de génération ou de dissipation d'énergie.
Un modèle numérique se définit également par :
– son domaine spatial (les modèles sont aujourd'hui globaux, c'est-à-dire qu'ils prennent en compte l'ensemble de la surface terrestre ; ils étaient auparavant hémisphériques) ;
– son temps d'intégration, en général de l'ordre de 10 à 20 min ;
– sa grille horizontale, définie par un intervalle en latitude et un intervalle en longitude ;
– et ses niveaux verticaux (l'atmosphère étant divisée en couches d'inégale épaisseur, entre dix et vingt couches en général).
Le modèle numérique calcule le nouvel état de l'atmosphère (température, humidité, vent et pression) à diverses échéances, espacées de 6, 12 ou 24 h (notamment aux échéances de 24 h, 48 h, 72 h et 96 h). La réalisation de l'ensemble de ces opérations prend environ 6 h. Un second modèle, à domaine limité (Europe) mais à maille fine (35 km), réalise une prévision détaillée sur la France à 36 h d'échéance. L'adaptation locale (ville par ville) des prévisions de température est réalisée, en aval du modèle numérique de prévision proprement dit, à l'aide de méthodes d'adaptation statistique validées sur des séries antérieures d'observations.

5.2. La prévision du « temps sensible » : l'expertise humaine
La réalisation d'une prévision intelligible pour les utilisateurs, et notamment le grand public, ne peut être entièrement réalisée automatiquement. En outre, le temps sensible, c'est-à-dire le temps tel qu'il est perçu par tout un chacun, n'est pas directement prévu par le modèle numérique.

Le météorologiste prévisionniste

Le météorologiste prévisionniste doit positionner sur les cartes isobariques (les cartes sur lesquelles sont tracées les lignes d'égale pression) les fronts chauds et froids, et repérer ainsi les zones de contact entre masses d'air de caractéristiques différentes, celles où l'activité pluvieuse est souvent à son maximum.
Les cartes prévues par le modèle numérique ne constituent qu'une partie de la masse des informations (environ 200 par jour à consulter) à la disposition du prévisionniste, en particulier pour la réalisation de la prévision à très courte échéance (0 à 24 h) ; pour ce type de prévision, l'imagerie satellitaire (Meteosat essentiellement) et l'imagerie radar (mosaïque radar composite sur la France) permettent de positionner spatialement avec précision, à un instant donné, respectivement les zones de forte nébulosité et les zones d'activité pluvieuse, et de suivre leur déplacement de demi-heure en demi-heure.
Le prévisionniste dispose également des observations des stations du réseau synoptique les plus récentes (selon le dernier réseau trihoraire, donc vieilles de moins de trois heures) pointées automatiquement sur un fond de carte. La prévision locale, réalisée par les centres départementaux de la Météorologie, peut ainsi être affinée ; elle alimente les répondeurs météorologiques automatiques, sur lesquels sont enregistrés des messages pour le grand public, d'une durée utile limitée à 2 min 30 s et sont renouvelés trois fois par jour.
Ainsi, le prévisionniste doit faire très rapidement la synthèse d'une masse énorme d'informations, quitte dans certains cas à infléchir, et éventuellement à corriger, selon son expérience, les prévisions des modèles numériques.

La prévision immédiate
Un autre domaine est actuellement en plein développement : celui de la prévision immédiate (de 0 à 6 h d'échéance), où il n'est pas possible, pour l'instant, de mettre en œuvre les modèles numériques. Il s'agit là d'exploiter au mieux les imageries satellitaires et radar, de les manipuler sur console de visualisation, de croiser ces différentes informations avec d'autres, d'origine exogène (par exemple, la localisation des décharges atmosphériques, la foudre), et de suivre le déplacement des systèmes précipitants. Tous les phénomènes de courte durée (rafales, averses, orages, chutes de neige, brouillards matinaux…) entrent dans le domaine de la prévision immédiate.
La prévision des phénomènes dangereux (tempêtes en France métropolitaine, cyclones tropicaux dans les DOM-TOM, par exemple) constitue la responsabilité essentielle des prévisionnistes. Il s'agit alors de protection des personnes et des biens par une alerte la plus précoce possible qu'il faut transmettre aux autorités préfectorales avec des moyens rapides de diffusion.
La synergie entre modèles numériques et expertise humaine a ainsi joué à plein lors de la prévision, réussie, de la tempête des 15 et 16 octobre 1987, qui a dévasté une partie de la Bretagne et le sud de l'Angleterre.

5.3. Les notions d'échelles d'espace et de temps
Tout phénomène atmosphérique peut être repéré dans l'espace et dans le temps : front, orage, chute de grêle ou tornade ont chacun une certaine extension spatiale et des dimensions caractéristiques qui peuvent varier au cours du temps et de leur évolution propre. Ces phénomènes sont également le plus souvent mobiles, et vont donc intéresser l'espace rencontré au cours et le long de leur trajectoire; ils se caractérisent aussi par une certaine durée de vie.

La durée d'un phénomène météorologique
Ainsi, une perturbation météorologique d'ouest (direction d'où vient le vent), phénomène classique intéressant l'Europe occidentale, connaît au cours de sa « vie » une certaine séquence chronologique : elle se développe selon des phases successives au cours desquelles son activité, manifestée par différents phénomènes physiques (formation de nuages, renforcement du vent, précipitations, etc.), varie également en intensité.
À tout phénomène atmosphérique est associée une certaine organisation spatio-temporelle. Par exemple, un tourbillon de poussière observé en été au-dessus d'un chemin desséché aura une extension spatiale de l'ordre du mètre et une durée de vie de l'ordre d'une dizaine de secondes ; une tornade peut avoir un diamètre allant d'une dizaine à une centaine de mètres, et une durée de vie de cinq à trente minutes ; un orage, associé à un nuage de type cumulonimbus, pourra concerner un territoire inscrit dans un cercle dont le diamètre est de quelques kilomètres, et sa durée de vie est typiquement de l'ordre de l'heure.

Taille minimale du phénomène météorologique pouvant être numérisé
Une des premières constatations sur de tels phénomènes est – sans parler de leur prévisibilité – qu'ils pourront échapper totalement aux réseaux d'observation dont les mailles sont les plus serrées (la maille du réseau pluviométrique le plus dense est de 15 km). Au-dessous d'une taille minimale, il est donc exclu que le modèle numérique puisse reproduire des phénomènes tels qu'un orage, a fortiori une tornade, sans parler du tourbillon de poussière. Cette taille minimale va être déterminée par la maille de la grille horizontale utilisée tant par la méthode d'analyse numérique des données initiales que par le modèle numérique de prévision du temps.
Les modèles les plus fins utilisés actuellement de façon opérationnelle en France ont une maille de 35 km. Si l'on prend comme hypothèse qu'un phénomène doit concerner un minimum de 9 points de grille pour pouvoir être représenté par le modèle, on voit que le modèle numérique ne pourra pas représenter explicitement les phénomènes atmosphériques de taille inférieure à la centaine de kilomètres.

6. Institutions nationales et internationales de météorologie
6.1. Météo France
Météo France, établissement public, placé sous la tutelle du ministre chargé des Transports, représente la France au sein de l'O.M.M. Ses principales missions sont la surveillance de l'atmosphère et la prévision du temps, afin notamment de contribuer à la sécurité des personnes et des biens face aux aléas atmosphériques. Il met en œuvre un système d'observations météorologiques, de traitement des données, d'archivage climatologique et de diffusion de l'information météorologique. Il doit notamment satisfaire les besoins en assistance météorologique nécessaires à la sécurité aéronautique.
L'accomplissement de ces missions s'appuie sur une organisation territoriale, tant en métropole que dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer. Six services techniques centraux, sept services extérieurs territoriaux de métropole et six services météorologiques d'outre-mer sont placés sous l'autorité de la direction de Météo France. De plus, celle-ci peut demander des avis ou des recommandations, en matière de prospective ou d'appréciation des besoins à satisfaire, auprès de deux organismes directement rattachés au ministère de tutelle : le Conseil supérieur de la météorologie (CSM) et l'Inspection générale de l'aviation civile et de la météorologie (IGACEM).
Les six services techniques centraux (STC) sont le Service central d'exploitation de la météorologie (SCEM), le Centre national de recherches météorologiques (CNRM), l'École nationale de la météorologie (ENM), le Service d'étude des techniques instrumentales de la météorologie (SETIM), le Service administratif de la météorologie (SAM), et le Service central de la communication et de la commercialisation (S3 C).

6.2. La coopération européenne en météorologie
La coopération européenne entre services météorologiques nationaux de l'Europe de l'Ouest existe depuis longtemps. Certaines activités de coopération se font dans le cadre de structures intégrées, fondées sur des conventions signées au niveau intergouvernemental, d'autres dans le cadre de projets de recherche et de développement de la Communauté européenne.
Les structures intégrées existantes sont le CEPMMT (Centre européen de prévision météorologique à moyen terme) et Eumetsat, l'organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques.

Le Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (C.E.P.M.M.T.)
Installé à Reading, au sud-ouest de Londres, en Angleterre (Royaume-Uni), le C.E.P.M.M.T. a été créé en 1975 par la volonté de 17 pays européens. Sa mission est de réaliser, pour le compte des États membres, des prévisions météorologiques à moyenne échéance (de trois jours à cinq jours), et son objectif est de parvenir à réaliser des prévisions météorologiques utilisables jusqu'à dix jours d'échéance.
Les grandes orientations du C.E.P.M.M.T. sont fixées par son conseil, composé de deux représentants de chaque État membre. Sa réussite s'explique notamment par le fait que, dès le départ, ses objectifs ont été très ciblés : développement de méthodes numériques, notamment dans le domaine de l'assimilation des données, production de prévisions météorologiques opérationnelles à moyenne échéance, recherche et développement visant à améliorer la qualité des prévisions.

Eumetsat
Dès sa création en 1986, Eumetsat a repris à sa charge le programme Meteosat de satellites géostationnaires, initialement lancé et géré par l'Agence spatiale européenne (ESA). Il a pour mission d'assurer la continuité des opérations prévues (en particulier la mise au point de la seconde génération des satellites Meteosat) et de mettre sur pied un programme européen d'observations satellitaires en orbite polaire analogue à celles de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Agency).

Les autres programmes européens
Des programmes et actions de recherche et de développement au niveau européen sont apparus en matière de systèmes d'observation (radars de précipitations, radars profileurs de vent), de météorologie routière, d'environnement et d'océanographie. Un réseau regroupe les principaux centres de recherche climatique européens : le C.N.R.M. (Centre national de recherches météorologiques) de Météo France, le Hadley Center anglais et le Max Planck Institute de Hambourg.
Une coopération s'est instaurée entre Météo France et divers services météorologiques des pays de l'Europe de l'Est en matière de prévision numérique sur domaine limité.
De plus, un groupement d'intérêt économique, baptisé Ecomet et situé à Bruxelles (Belgique), a pour objectif de coordonner les activités des services météorologiques européens en matière de production de services et de commercialisation des produits météorologiques.

6.3. L'Organisation météorologique mondiale (O.M.M.)
L'Organisation météorologique mondiale comptait 182 États membres répartis sur 6 régions en 2007. À la suite d'une convention entrée en vigueur en 1951, elle a succédé à l'Organisation météorologique internationale, créée en 1873. L'O.M.M., dont le siège est implanté à Genève (Suisse), est un organisme intergouvernemental rattaché à l'Organisation des Nations unies (O.N.U.).
Ses principales missions sont d'assurer la coopération internationale en météorologie, à travers la veille météorologique mondiale (V.M.M.), dont le fonctionnement repose sur le système mondial de télécommunications (S.M.T.), et la normalisation des méthodes et procédures d'acquisition et d'échange des données. L'O.M.M. doit également promouvoir la recherche – à travers le programme climatologique mondial, l'enseignement et la formation en météorologie, notamment –, la coopération technique et le transfert de technologie vers les pays en voie de développement.
L’O.M.M. est également amenée à coopérer avec d'autres organisations internationales telles que l'Organisation de l'aviation civile internationale (O.A.C.I.), le Programme des Nations unies pour l'environnement (P.N.U.E.), le Programme des Nations unies pour le développement (P.N.U.D.), l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la Commission océanographique internationale de l'Unesco et le Conseil international des unions scientifiques (C.I.U.S.).


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PALÉONTOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

paléontologie

Consulter aussi dans le dictionnaire : paléontologie
Cet article fait partie du dossier consacré à la géologie et du dossier consacré à l'histoire de la Terre.

Science qui étudie les êtres vivants (animaux, végétaux ou micro-organismes) ayant peuplé la Terre au cours des temps géologiques, en se fondant principalement sur l'interprétation des fossiles.

Bernard Palissy et Léonard de Vinci annoncent l'œuvre de Buffon. Celui-ci énonce le principe de l'évolution des êtres vivants, expliquant ainsi leurs différences et leur continuité au cours des âges géologiques. George Cuvier (1769-1832) ne croit pas à l'évolution des espèces ; il explique le renouvellement des faunes par des cataclysmes. Une autre école, « évolutionniste », débute avec Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), mais elle ne connaîtra le triomphe qu'après la publication par Charles Darwin (1809-1882) de son ouvrage De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle (1859).

La paléontologie animale
Si la Terre existe depuis plusieurs milliards d'années, la vie ne s'y est manifestée pendant longtemps que sous la forme simple d'organismes précellulaires (coccoïdes, sphéroïdes collectifs) et de procaryotes (cyanobactéries, bactéries). La vie animale n'est apparue clairement qu'à la fin du précambrien (il y a environ 650 millions d'années), sous forme d'invertébrés aquatiques (méduses, éponges, vers). Au début du cambrien (540 millions d'années), la diversité animale augmente de manière considérable, avec l'apparition d'animaux à coquille ou carapace (mollusques, trilobites, crustacés). Les premiers vertébrés furent les poissons sans mâchoires du cambrien supérieur. Au silurien, quelques arthropodes quittent le domaine marin pour peupler les continents. Ils seront rejoints au dévonien par des poissons pulmonés, les dipneustes, et par les premiers amphibiens. Au carbonifère apparaissent les reptiles et les insectes, deux groupes entièrement affranchis du milieu aquatique.

L’ère secondaire (ou mésozoïque) est marquée par le développement des ammonites et des poissons osseux dans les mers. À terre, les reptiles se diversifient. Un groupe, celui des dinosaures, donne des formes géantes. Les premiers mammifères apparaissent au trias, et les premiers oiseaux au jurassique. À la fin du crétacé, une crise biologique majeure élimine 60 à 65 % de toutes les espèces du globe, et en particulier les ammonites et les dinosaures. Le tertiaire est l'ère du développement des mammifères, de l'évolution des faunes de type actuel. Enfin, l'homme apparaît à l'aube du quaternaire.

La paléontologie humaine
La question des origines de l'homme pourrait être résumée en trois mots : où, quand, comment ?
Après s'être longtemps heurtées aux dogmes religieux ou à la croyance, largement répandue, d'une origine très récente de l'homme, les idées sur son apparition et son évolution ont bénéficié du développement de disciplines qui ont permis la naissance de la paléontologie humaine. Celle-ci s'attache non seulement à l'étude de l'homme fossile mais aussi à celle des singes, et a beaucoup évolué à partir des années 1970.
Jusqu'au milieu du xviiie s., les savants ont en général essayé de concilier leurs observations (relevant de la stratigraphie et de l'étude des premiers fossiles) avec le livre de la Genèse, selon laquelle l'homme a été créé par le Dieu de la Bible « à son image », donc distinct des animaux. Mais l'homme appartient au règne animal ; sa vie et son évolution sont régies par les lois de ce dernier, et son histoire est profondément liée à celle des singes ; c'est pourquoi la paléontologie humaine – qui est, avec la paléobotanique et la paléontologie animale, une branche de l'étude des êtres anciens – est devenue une véritable paléontologie des primates, que l'on pourrait nommer « paléoprimatologie ».
La simple étude descriptive du fossile, toujours nécessaire et souvent suffisante, s'est muée en une véritable investigation technologique, suivant ainsi les progrès des techniques scientifiques. Mais d'autres sciences, comme la biologie moléculaire, l'écologie, l'éthologie ou la médecine, sont venues apporter leur contribution à la connaissance de l'évolution, non plus de l'homme (ou de la société humaine) au sens strict, mais de l'homme et de ses ancêtres considérés dans leur interaction avec le milieu.

Histoire des études sur l'origine de l'homme
La vision d’Aristote
Dans l'Antiquité, poètes ou philosophes ont parfois eu conscience que les formes de la vie peuvent être changeantes. Ainsi, Aristote, vers 350 avant J.-C., reconnaît, sur la base de ses nombreuses observations sur les animaux, une certaine hiérarchie des espèces animales jusqu'à l'homme. Il développe une interprétation très finaliste du monde naturel, où il voit une modification perpétuelle allant vers un ordre. Tout se modifie du désordre vers l'ordre, de l'infini vers le fini.

De Lucrèce à Jussieu
Au tout début de l’ère chrétienne, le poète latin Lucrèce, influencé par ses prédécesseurs grecs, affirmait, dans son ouvrage De natura rerum, que l'homme avait connu une transformation importante et mentionnait l'existence d'« une race d'hommes beaucoup plus rude [que nous]. Des os plus grands et plus forts [que les nôtres] constituaient leur corps, des muscles solides attachaient leur chair […] Ils ne savaient pas encore utiliser le feu pour traiter les objets, ni employer les peaux, se couvrir des dépouilles des bêtes sauvages […] ils comptaient sur la vigueur prodigieuse de leurs mains et de leurs jambes pour chasser les bêtes sauvages, avec des pierres à lancer ou d'énormes gourdins […] ».
Avec les médecins et philosophes arabes, entre le xe et le xiie s., les sciences connaissent un grand essor, et un lien est établi entre l'organisation des singes et celle des hommes.
Traiter de l'évolution de l'homme nécessite d'appréhender la notion d'homme fossile. Toutefois, jusqu'au xixe s., la présence de l'homme fossile ne sera perceptible que par les traces de ses activités, comme les pierres taillées ou polies.
Bien que les fameuses « pierres de foudre » trouvées en Europe auprès d'arbres déracinés par l'orage ou dans les champs aient été connues depuis longtemps, il faudra attendre le xvie s. pour qu'elles soient identifiées comme des objets travaillés, non naturels, par l'Italien Michele Mercati. C'est grâce aux travaux d'Antoine de Jussieu, au xviiie s., que les nombreuses ressemblances entre ces premières pierres taillées et les armes des « sauvages » américains seront confirmées.

Le Telliamed de Benoît de Maillet
Dès 1720 circulait le fameux Telliamed de Benoît de Maillet, consul de France en Égypte. Ce texte, qui ne sera publié qu'en 1749, après la mort de son auteur, introduisit une véritable révolution, car il développait la théorie selon laquelle à l'origine existait sur toute la surface du globe une mer peuplée d'êtres qui ne pouvaient être qu'aquatiques. Peu à peu, cette mer se retira et, au fur et à mesure de l'émersion des terres, les animaux marins se transformèrent en des formes terrestres. L'homme était censé être né d'une sorte de triton, un « homme marin » aux doigts palmés, couvert d'écailles et portant à l'occasion une queue de poisson. Le matérialisme de Maillet s'opposait fortement aux conceptions religieuses de l'époque.


De la place de l’homme dans le règne animal

Parallèlement à ces découvertes, un naturaliste français, Buffon, dans son Histoire naturelle de l'Homme, parue en 1749, inclut l'homme dans le règne animal mais le place au centre de la nature ; il est le premier à avancer l'hypothèse d'une origine ancienne de l'homme – bien qu'il ne fasse remonter celle-ci qu'à 7 000 ou 8 000 ans –, mais sans en fournir la preuve matérielle. En effet, aucun reste fossile d'homme n'était alors connu.

Le fameux Homo diluvii testis, découvert en 1709 par le naturaliste Johann Scheuchzer (1672-1733), se révéla n'être – en lieu et place des vestiges d’un homme mort lors du Déluge biblique – qu'une salamandre géante (Andrias scheuchzeri), comme le démontra en 1812 le paléontologue et anatomiste Georges Cuvier, dans son ouvrage intitulé Recherches sur les ossements fossiles. Cuvier affirmait que les hommes fossiles n'existaient pas, dans la mesure où aucun os d'homme n'avait été trouvé associé à des os d'animaux fossiles. Toutefois, il précisait que cette absence était reconnue « au moins dans nos contrées ».
C'est en 1736 que le naturaliste suédois Carl von Linné mit au point la première classification du monde naturel dans son Systema naturae. Dans l'édition de 1758, il incluait l'homme actuel dans le genre Homo et dans l'espèce sapiens (à laquelle nous appartenons tous). Cependant, Linné était un fixiste, et ses classifications se voulaient refléter l'ordre divin. Ainsi, même s'il classait Homo sapiens parmi les Primates, il ne considérait pas qu'il était issu de ce groupe.

Le recul de l’âge de l’humanité
La première trace d'une ancienneté importante de l'homme est fournie par François-Xavier Burtin de Maestricht, qui annonçait en 1784 la découverte, aux environs de Bruxelles, d'un outil de silex taillé ; celui-ci se trouvait dans un niveau surmonté de trois couches, elles-mêmes renfermant des fossiles. On pouvait dès lors affirmer que les productions de l'homme étaient très anciennes.
Mais c'est à l'Anglais John Frere que reviendra la chance de trouver, en 1797, à Hoxne (Suffolk), associés dans une même couche profonde de près de 4 m, des ossements d'animaux et des objets de pierre taillée. Malheureusement, cette découverte passera inaperçue.

Le début du xixe s. sera marqué par les travaux transformistes de Jean-Baptiste Lamarck qui, dans sa Philosophie zoologique de 1809, écrit : « […] Si une race quelconque de quadrumanes, surtout la plus perfectionnée d'entre elles, perdait, par la nécessité des circonstances, ou par quelque autre cause, l'habitude de grimper sur les arbres, et d'en empoigner les branches avec les pieds, comme avec les mains, pour s'y accrocher ; et si les individus de cette race, pendant une suite de générations, étaient forcés de ne se servir que de leurs pieds pour marcher, il n'est pas douteux […] que ces quadrumanes ne fussent à la fin transformés en bimanes, et que les pouces de leurs pieds ne cessassent d'être écartés des doigts, ces pieds ne leur servant qu'à marcher […]. En outre, si les individus dont je parle, mus par le besoin de dominer, et de voir à la fois au loin et au large, s'efforçaient de se tenir debout, et en prenaient constamment l'habitude de génération en génération, il n'est pas douteux encore que leurs pieds ne prissent insensiblement une conformation propre à les tenir dans une attitude redressée, que leurs jambes n'acquissent des mollets et que ces animaux ne pussent alors marcher que péniblement sur les pieds et les mains à la fois. »
Ces réflexions ont été bien évidemment critiquées par le fixiste Cuvier, lequel, en outre, reliait l'absence de singes fossiles à celle d'hommes fossiles. Il était selon lui normal qu'il n'y eût pas d'hommes fossiles, puisqu'on ne connaissait pas de singes fossiles. C'est alors que la découverte d'un singe fossile dans le gisement miocène de Sansan (Gers), par Édouard Lartet (1801-1871), en 1837, fut une sorte de bombe scientifique : on pouvait désormais s'attendre à trouver des restes d'hommes fossiles.
Au début des années 1830, plusieurs auteurs, tel le paléontologue belge Philippe-Charles Schmerling (1790-1836), signaleront soit l'association de restes humains avec le rhinocéros laineux, soit des traces d'une activité humaine sur des os animaux ; l'homme avait donc existé en des temps reculés. En 1833, le géologue britannique Charles Lyell allait faire faire aux fossiles une plongée spectaculaire dans le temps : en effet, ce savant, dans ses Principes de géologie publiés en 1833, estimait leur âge non plus en milliers mais en millions d'années. Une nouvelle dimension était ouverte pour parler de la vie passée.

La Naissance de la paléontologie humaine
Toutefois, c'est avec Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes que la véritable préhistoire voit le jour. L'auteur des Antiquités celtiques et antédiluviennes démontra, en 1836, de manière irréversible, que des silex taillés et associés à des animaux fossiles avaient été façonnés par des hommes « d'avant le Déluge ». Bien que très convaincants, ses arguments furent fort controversés, et il faudra attendre près de vingt ans pour que la notion d'homme très ancien soit acceptée, avec, notamment, les découvertes des Anglais Falconer près d'Abbeville, Prestwich et Evans à Saint-Acheul (ce village donnera son nom à une culture, l'acheuléen), et de l'éminent paléontologue français Albert Gaudry sur ce même site en 1859.
C'est en 1853 que les preuves abondantes et le bouleversement dans les pensées conduiront Marcel de Serres (1783-1862) à proposer le terme de « paléontologie humaine ».
L'année 1856 est marquée par deux événements exceptionnels, la découverte par Johann Karl Fuhlrott (1803-1870) de la fameuse calotte de l'homme de Neandertal en Allemagne, près de Düsseldorf, et le premier rapport d'études sur le non moins célèbre dryopithèque de Saint-Gaudens par Édouard Lartet.

Rôle de la théorie de l'évolution

En 1859, une autre bombe scientifique éclate lorsque le naturaliste britannique Charles Darwin fait paraître De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle : l'homme n'est plus le maître de la nature, mais fait partie intégrante de celle-ci ! Le scandale est considérable, car l'homme n'est plus considéré comme le produit d'une création divine. La théorie de l'évolution (déjà esquissée dans l’œuvre de Lamarck) ne peut plus être ignorée, et l'histoire de l'homme, comme celle des animaux, est régie par ses lois. La même année, un anatomiste anglais démontre que le crâne de Neandertal et celui de Gibraltar (découvert en 1848, mais qui était tombé dans l'oubli) appartiennent à un même type d'homme disparu, l'homme de Neandertal.
Les découvertes paléontologiques vont alors se succéder : les pièces de La Naulette en Belgique (une mandibule humaine, des ossements d'animaux et une industrie lithique) seront exhumées par Edouard Dupont en 1865, et en 1868 Lartet décrit les vestiges de l'abri-sous-roche des Eyzies-de-Tayac (l’homme de Cro-Magnon). En 1870, Paul Lamy publie son Précis de paléontologie humaine et, en 1871, Charles Darwin fait paraître The Descent of Man (la Filiation de l’homme – également traduit par la Descendance de l’homme), où il explique le passage du singe à l'homme, théorie fort décriée à l'époque. Pour lui, les modifications progressives du corps ont abouti à transformer un « ancien membre de la grande série des primates » en un homme actuel.

Rôle des travaux de l'embryologiste Ernst Haeckel
En parallèle à ces travaux, ceux de l'embryologiste Ernst Haeckel (1834-1919) vont apporter énormément à l'étude de l'évolution de l'homme. Haeckel retrouve dans les stades du développement embryonnaire les différents stades de l'évolution humaine, et ira même jusqu'à prédire la découverte en Asie d'un homme fossile mi-singe, mi-homme, le fameux pithécanthrope, effectivement mis au jour par le médecin hollandais Eugène Dubois (1858-1940), en 1891, dans les terrasses de la rivière Solo, à Trinil (Java). C'est à cette époque que le paléontologue Marcellin Boule (1861-1942) publie son Essai de paléontologie stratigraphique de l'homme (1888).

La reconnaissance des hommes fossiles
La fin du xixe s. et le début du xxe s. sont jalonnés par de très nombreuses trouvailles d'hommes fossiles, de témoignages de leur art, mais aussi par la reconnaissance de pièces anciennement découvertes, qui étaient restées dans l'ombre ou avaient été passées sous silence.
L'année 1925 est une nouvelle date importante dans l'histoire de la recherche des origines de l'homme : le crâne de l'enfant de Taung est reconnu alors par l'anatomiste australien Raymond Dart (1893-1988) comme étant celui du premier australopithèque ; cette publication bouleverse les conceptions de l'évolution humaine. En effet, le berceau de l'humanité, qu'on avait situé sur le continent asiatique, se déplace vers l'Afrique. Une ère nouvelle dans la recherche paléontologique s'ouvre alors. Depuis, ce sont une multitude de restes fossiles d’hominidés qui ont été mis au jour sur le continent africain.
Depuis le début du xxe s., la paléontologie humaine a connu un essor fantastique et des expéditions se sont succédé – elles se poursuivent encore aujourd'hui sur toute la surface du globe – pour rechercher les traces de nos ancêtres potentiels, animaux ou humains, pour retrouver un hypothétique chaînon manquant et pour essayer de répondre à la question obsédante : d'où vient l'homme ?

 

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ÉVOLUTION

 


 

 

 

 

 

ÉVOLUTION

Ensemble des changements subis au cours des temps géologiques par les lignées animales et végétales, ayant eu pour résultat l'apparition de formes nouvelles.

BIOLOGIE
1. L’histoire des théories de l'évolution
La nature des processus déterminant les transformations subies par les êtres vivants au cours des temps géologiques a fait l'objet de controverses dans la seconde moitié du xixe s., avant que les idées du Britannique Charles Darwin (1809-1882), confortées et enrichies, notamment suite au développement de la génétique, ne s'imposent à l'ensemble de la communauté scientifique, sous la forme d'une « théorie synthétique de l'évolution ».

1.1. Les dogmes du créationnisme et du fixisme


Jusqu'au xixe s., la seule conception admise par les naturalistes était le créationnisme, selon lequel les espèces vivantes ont été créées par Dieu, de manière indépendante les unes des autres et sous une forme immuable, conformément aux écrits bibliques de la Genèse. Le dogme du fixisme, selon lequel les plantes et les animaux n'ont subi aucune transformation depuis leur création, s'imposait alors aux savants.
Le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), fondateur d'un système de classification des espèces encore en vigueur aujourd'hui, voyait dans la diversité du monde vivant le résultat merveilleux d'une création divine. Le Français Georges Cuvier (1769-1832) mit en évidence la succession des groupes d'animaux fossiles au cours de l'histoire de la Terre, mais refusa pourtant d'admettre que les formes vivantes puissent se modifier.
Par ailleurs, depuis Aristote (384-322 avant J.-C.), les naturalistes croyaient en la réalité de la « génération spontanée », selon laquelle des animaux ou des micro-organismes pouvaient se former spontanément à partir de matières minérales ou de substances en décomposition. Ce n'est que dans les années 1870, grâce aux travaux de Louis Pasteur (1822-1895), que fut définitivement écartée cette notion : il fut établi que toute forme de vie ne peut apparaître qu'à partir d'une forme de vie déjà existante.
Au xxe s., le créationnisme trouve encore des partisans dans certains pays. Au cours des années 1970, une forme nouvelle de créationnisme, utilisant le récit de la Genèse comme postulat de départ de démonstrations « scientifiques » a vu le jour aux États-Unis et en Australie : il s’agit, selon l’appellation que ses tenants ont choisie, du « créationnisme scientifique » (ou « science de la création »). Ce mouvement a donné le jour, au cours des années 1990, à l’Intelligent Design (« dessein intelligent »), qui se clame être non une croyance mais une théorie, que ses partisans cherchent à faire enseigner dans les écoles et les lycées (au même titre que – voire à la place de – l’évolutionnisme). Ainsi, en 1999, dans l'État du Kansas, le Conseil national d'éducation (National Board of Education) a-t-il fait retirer des programmes scolaires tout enseignement des théories de l'évolution ; en 2001, l’enseignement de l’évolutionnisme a été rétabli, avant que, en 2005, celui de l’Intelligent Design soit autorisé.

1.2. Les premières théories transformistes et évolutionnistes

Les prémices de la notion d'évolution des espèces (ou transformisme) ont été formulées dès le xviiie s. par Buffon (1707-1788). Pressentant les phénomènes de mutation (qui n'ont été explicités qu'au xxe s., par la génétique), son contemporain Pierre Louis de Maupertuis (1698-1759) imagina l'existence d'une variation progressive des espèces.

Le lamarckisme

Le premier véritable théoricien de l'évolution fut, au début du xixe s., Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829). De ses travaux, on n'a guère retenu que le concept d'hérédité des caractères acquis comme mécanisme de l'évolution, bien que la théorie de Lamarck soit plus large que cela et vise notamment à expliquer la complexification progressive des espèces. La morphologie des girafes offre une illustration classique (et simpliste) à la notion d'hérédité des caractères acquis. Leur cou se serait allongé à mesure que leurs ancêtres l'étiraient pour pouvoir se nourrir du feuillage d'arbres élevés (il s'agirait donc d'un caractère acquis, et, dans cet exemple, de façon volontaire) ; leurs descendants auraient hérité de ce changement anatomique.
Après Lamarck, le biologiste allemand August Weismann (1834-1914) distingua, au sein des cellules qui composent les êtres vivants, deux lignées indépendantes : une lignée « germinale » (celle des cellules sexuelles, dont la fusion engendre un nouvel individu) et une lignée « somatique » (celle de toutes les autres cellules de l'organisme). Étant donné que les caractères acquis ne concernent que les cellules somatiques, ils ne peuvent être transmis à la descendance, ce qui contredit les thèses de Lamarck.
Le darwinisme

Si les travaux de Lamarck, qui fut éclipsé par son brillant rival Cuvier, ont peu d'écho au xixe s., l'ouvrage de Charles Darwin, De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle, publié en 1859, a eu, en revanche, des conséquences majeures sur la pensée scientifique.
Au cours d'une croisière de cinq ans à bord du Beagle, du 27 décembre 1831 au 2 octobre 1836, Darwin effectua d'innombrables observations sur la variabilité d'espèces vivant sur des îles (notamment les célèbres « pinsons de Darwin » des Galapagos), qui lui paraissaient dériver d'un ancêtre commun. Pour expliquer comment des espèces apparentées acquièrent des caractéristiques différentes, Darwin fit une analogie avec les éleveurs qui, par la sélection continuelle des animaux reproducteurs, sont capables de produire de nouvelles variétés, parfois fort différentes les unes des autres.

Dans De l'Origine des espèces, il explique l'évolution par le jeu de la sélection naturelle, qui agit sur des modifications apparaissant par hasard chez les êtres vivants – la sélection naturelle représente l'effet des facteurs externes (climat, disponibilités alimentaires, compétition avec d'autres espèces, prédation et tout autre facteur susceptible d'agir sur les êtres vivants). Si les variations aléatoires qui s'expriment chez les individus sont favorables, ceux-ci ont plus de chances de survivre, de se reproduire et de transmettre leurs caractères à leur descendance (ces caractères sont sélectionnés) – c’est la « survie du plus apte ». Cette notion de « descendance modifiée » (selon les propos de Darwin, qui n'emploie pas le terme d'« évolution ») est en radicale opposition avec la vision créationniste dominante (en dépit des travaux de quelques savants comme Lamarck et le Britannique Alfred Russel Wallace [1823-1913], qui, indépendamment de Darwin et exactement à la même époque, élabora une théorie de l’évolution tout à fait similaire). Elle finit pourtant par s'imposer, et n'a cessé de s'enrichir au cours du xxe s.

1.3. L’apport de la génétique

Le point faible de la théorie originelle de Darwin provenait de l'absence d'explication quant à l'apparition et à la transmission héréditaire des variations spontanées observées dans les populations naturelles. Cependant, Darwin ignorait les travaux d'un de ses contemporains, le moine autrichien Gregor Mendel (1822-1884). À partir de croisements contrôlés de plantes présentant des caractères bien distincts, Mendel montra comment ces caractères se transmettent d'une génération à l'autre. Il énonça des lois de l'hérédité (lois de Mendel, 1865), ignorées de son vivant, mais qui constituent les bases de la génétique.

La théorie synthétique de l’évolution : le néodarwinisme
Après la redécouverte des lois de Mendel, en 1900, et l'identification des supports matériels de l'hérédité, les gènes (portés par les chromosomes des cellules), on a pu interpréter l'évolution en termes de changements de proportion entre les différentes versions (ou allèles) des gènes dans les populations naturelles que forment les espèces vivantes.
Le biologiste américain Thomas Hunt Morgan (1866-1945) a été l'un des premiers à rapprocher la génétique et les travaux de Darwin. Son compatriote Theodosius Dobzhansky (1900-1975) rapporta, en 1937, que les différentes populations d'une espèce observées dans la nature diffèrent les unes des autres par les proportions des versions d'un même gène. Ces différences peuvent s'expliquer par la sélection naturelle des variants génétiques favorables. Dobzhansky a estimé que cette microévolution, au sein d'une espèce, est responsable de la macroévolution, c'est-à-dire de la diversification des espèces, car une population devenant de plus en plus modifiée génétiquement peut donner naissance à une espèce nouvelle.
Au milieu du xxe s., le darwinisme réinterprété à la lumière de la génétique, appelé néodarwinisme ou théorie synthétique de l'évolution, était déjà, de loin, la théorie dominante. Pour Darwin, comme pour la plupart de ses continuateurs, les variations aléatoires (c'est-à-dire les mutations génétiques) sont de faible ampleur et seule leur accumulation graduelle serait responsable de l'évolution. Cette vision « gradualiste » de l'évolution, ainsi que le rôle déterminant attribué à la sélection naturelle font cependant l'objet de critiques, sur lesquelles se fondent de nouveaux modèles de l'évolution.

Le modèle neutraliste et la théorie des équilibres ponctués : le néomutationnisme

Au début du xxe s., le Néerlandais Hugo De Vries (1848-1935) a proposé une théorie de l'évolution dite « mutationniste », selon laquelle les variations aléatoires consisteraient en mutations importantes, dont la sélection provoquerait une évolution par « sauts » brusques, plutôt que par de petites modifications graduelles.
Issu des travaux de De Vries, le terme de néomutationnisme recouvre deux apports théoriques : le modèle neutraliste et celui des équilibres ponctués.
En 1968, le mathématicien et généticien japonais Motoo Kimura a proposé le modèle dit « neutraliste », selon lequel nombre de mutations génétiques s'avèrent neutres en regard de la sélection naturelle. Elles n'ont pas d'effet (favorable ou défavorable) sur la survie des individus qui les portent. Ignorées par la sélection naturelle, ces modifications se maintiennent au cours des générations et constituent ainsi un facteur d'évolution.

Dans les années 1970, les paléontologues américains Stephen Jay Gould (1941-2002) et Niles Eldredge ont observé, notamment chez les trilobites (arthropodes fossiles ressemblant à des crustacés), des espèces nouvelles, sans qu'il y ait trace de transformation graduelle d'espèces antérieures. Il y aurait donc des « équilibres ponctués », caractérisés par de longues périodes de stabilité des espèces, interrompues par des phases de remplacement brutal, sous l'effet de transformations génétiques importantes. Ces mutations, si elles se révèlent favorables et qu'elles se produisent au sein de petites populations isolées, peuvent conduire au remplacement rapide, à l'échelle des temps géologiques, de la population d'origine.

Sans être en rupture totale avec le modèle darwinien, le néomutationnisme tend à réduire l'importance de la sélection naturelle : la variation génétique, du fait de sa neutralité ou de son ampleur, serait le facteur majeur de l'évolution. Toutefois, l'étude paléontologique de la succession des espèces et des lignées au cours des âges de la Terre souligne le rôle déterminant de l'environnement comme facteur de diversification des espèces ou, au contraire, comme facteur d'extinction, notamment lors de crises biologiques majeures, telles que celle qui entraîna la disparition des dinosaures et de 60 à 65 % des espèces vivantes il y a 65 millions d'années. (→ ère géologique.)

2. L'évolution de la vie sur la Terre
Depuis plus d'un milliard d'années, comme en témoignent les nombreux fossiles mis au jour par les paléontologues – et probablement depuis l'origine de la vie, il y a près de quatre milliards d'années (en dépit de la faiblesse des indices fossiles parvenus de cette période jusqu'à la nôtre) – des espèces nouvelles ne cessent d'apparaître, par la transformation d'espèces existantes, tandis que d'autres disparaissent. Par la mise en évidence de ces phénomènes de transformation, d'apparition et de disparition d'espèces, les sciences de l'évolution permettent d'expliquer la grande diversité actuelle des êtres vivants. (→ biodiversité.)

2.1. L'origine de la vie
Si les mécanismes de l'évolution des espèces paraissent largement élucidés, ceux qui ont conduit à l'apparition des premiers êtres vivants demeurent hypothétiques. On cherche à comprendre comment les conditions chimiques régnant dans l'environnement de la Terre primitive auraient favorisé l'émergence de molécules organiques suffisamment complexes pour s'édifier spontanément (on parle d'« auto-organisation ») et pour se reproduire, ces deux aptitudes étant caractéristiques de la vie.
L'évolution chimique

La Terre s'est formée il y a environ 4,6 milliards d'années. Il y a 4 milliards d'années, l'atmosphère terrestre comprenait probablement de l'ammoniac, du méthane, de la vapeur d'eau – comme l'a proposé dès 1924 le chimiste et biologiste soviétique Aleksandr Oparine (1894-1980) – ainsi que du gaz carbonique. Selon Oparine, sous l'effet de l'énergie solaire et d'autres formes d'énergie (telles que les décharges électriques dues aux orages), les molécules de ces gaz simples auraient « évolué » pour donner naissance à des formes chimiques plus complexes, qui auraient poursuivi leur évolution dans les océans primitifs, pour aboutir à des molécules biologiques.
Les hypothèses d'Oparine ont été testées en laboratoire à partir des années 1950 (expérience de l'Américain Stanley Miller, 1953) : en mélangeant ces gaz et en soumettant le mélange à des décharges électriques, on a effectivement obtenu des molécules organiques, telles que l'urée et l'acide acétique. En outre, les expériences ont conduit à la formation de la plupart des acides aminés (molécules dont l'assemblage constitue les protéines, éléments structuraux et fonctionnels fondamentaux des cellules vivantes), ainsi que des éléments constitutifs de l'ADN et de l'ARN (molécules essentielles à l'auto-organisation et à la reproduction des êtres vivants).
Il est toutefois très improbable que l'ADN ait pu faire partie des premières molécules de la vie, car sa reproduction exige l'intervention de protéines spécialisées, des enzymes. En revanche, des molécules d'ARN primitif, dotées de propriétés enzymatiques (telles que celles de fragments d'ARN découverts dans certaines bactéries actuelles et appelés « ribozymes »), pourraient avoir représenté les précurseurs des molécules biologiques complexes que sont les protéines et l'ADN
Quoi qu'il en soit, dès la formation de molécules – ou de groupements de molécules – capables de se reproduire, la sélection naturelle a pu s'appliquer, favorisant les assemblages les plus stables et les plus rapides à se reproduire. Ainsi, l'acquisition d'une membrane biologique, permettant une protection efficace, a-t-elle pu être favorisée : les premières étapes vers la formation de cellules, structures élémentaires de tous les êtres vivants, auraient alors été franchies.
Les premières cellules vivantes

Les plus anciennes manifestations de la vie remontent à 3,8 milliards d'années. Il s'agit de témoignages indirects de l'activité de micro-organismes formés d'une cellule unique de structure simple, comparable à celle des bactéries, c'est-à-dire sans membranes internes délimitant un noyau (groupe des procaryotes). Les plus anciennes cellules fossiles sont datées de 3,5 milliards d'années (site de Warrauwoona, en Australie) : ces organismes microscopiques apparaissent groupés en chapelets, à la manière des cyanobactéries actuelles. Les microfossiles de Gunflint, au Canada (2 milliards d'années), ont été, quant à eux, clairement identifiés en tant que cyanobactéries (et autres bactéries).
Les premières traces fossiles de cellules pourvues d'un noyau (eucaryotes) remontent à 1,7 milliard d'années. Toutefois, des découvertes faites en 1999 en Australie semblent indiquer que des cellules de ce type, dont sont issues toutes les formes de vie animale et végétale, existaient déjà il y a 2,7 milliards d'années.
Même si la vie s'est probablement diversifiée précocement, on a identifié peu de fossiles avant le cambrien, première période de l'ère primaire, ou paléozoïque (− 540 à − 245 millions d'années). Il est difficile de déterminer si la vie est demeurée microscopique et peu différenciée avant cette période ou si l'absence de traces fossiles (hormis sur quelques sites, comme celui d'Ediacara, en Australie, daté de 680 millions d'années) est simplement liée à la nature des premiers organismes (dépourvus d'éléments pouvant facilement se fossiliser, tels qu'une coquille ou une carapace) ou encore à des phénomènes géologiques.

2.2. La diversification de la vie
Dès le début du cambrien, il y a 540 millions d'années, la vie animale apparaît si diversifiée qu'on parle volontiers d'explosion de la vie, voire de « big bang de l'évolution ». Tous les grands groupes (ou embranchements) sont représentés, mais aussi des formes de vie sans rapport avec les embranchements actuels.
C'est notamment le cas parmi les fossiles de Burgess, un site de Colombie-Britannique (Canada), qui remontent à 525 millions d'années environ. On y a identifié plus d'une centaine d'espèces animales, dont un bon nombre, qui ne peuvent être apparentées à des espèces actuelles, se caractérisent par des plans d'organisation anatomique tout à fait originaux. Cela fait dire à Stephen Jay Gould et à d'autres chercheurs que l'évolution initiale de la vie s'est caractérisée par une décimation (disparition de nombreuses formes de vie originales) plutôt que par une diversification. Celle-ci s'opérera ensuite au sein des formes de vie ayant survécu à la période cambrienne.

2.3. La vie à l'ère primaire, ou paléozoïque (− 540 à − 245 millions d'années)
Durant le cambrien et les deux périodes de l'ère primaire qui lui succèdent (ordovicien et silurien), l'évolution de la vie se limite au milieu aquatique. Les algues et le plancton sont abondants. La diversification des animaux invertébrés (brachiopodes, mollusques, arthropodes, échinodermes, etc.) précède l'apparition des premiers vertébrés, des poissons sans mâchoires (ou agnathes) en partie recouverts d'une carapace (il y a environ 450 millions d'années).
Lors de la période suivante, le dévonien (− 410 à − 350 millions d'années), le réchauffement climatique et l'enrichissement de l'atmosphère en oxygène (grâce à l'activité des végétaux aquatiques) favorisent l'apparition des plantes terrestres (les premières datent de la fin du silurien). Les poissons et les céphalopodes se sont diversifiés et une riche faune d'invertébrés peuple les fonds marins. La fin du dévonien correspond à la sortie des eaux des vertébrés (premiers amphibiens, tel Ichthyostega).
Après le dévonien, le carbonifère se caractérise par le développement de vastes forêts : les plantes, qui atteignent 30 m de haut, appartiennent au groupe des fougères (ptéridophytes). Les arthropodes terrestres (araignées, insectes, myriapodes) débutent leur formidable expansion et les premiers reptiles apparaissent. La dernière période du primaire, le permien, s'achève par une crise majeure, qui se traduit par la disparition de 80 à 90 % des espèces : les groupes survivants connaîtront ensuite une forte expansion.

2.4. La vie à l’ère secondaire, ou mésozoïque (de − 245 à – 65 millions d'années)

L'ère secondaire, appelée aussi mésozoïque, s'étend sur 180 millions d'années. C'est l'ère des reptiles, notamment des dinosaures, mais aussi des gymnospermes, un groupe de plantes terrestres qui se limite aujourd'hui pratiquement aux conifères. Dans les mers, les poissons poursuivent leur diversification et certains groupes de mollusques aujourd'hui disparus (bélemnites et ammonites) sont très bien représentés. Le secondaire voit aussi l'apparition des oiseaux (issus d'un groupe de dinosaures) et des mammifères (à partir des reptiles mammaliens, antérieurs aux dinosaures).

2.5. La vie à l’ère cénozoïque (– 65 millions d’années à aujourd’hui)
L'ère cénozoïque comprend deux subdivisions, autrefois considérées comme des ères distinctes, le tertiaire, qui débute il y a 65 millions d'années pour s'achever il y a 1,64 million d'années, puis le quaternaire, qui s'étend jusqu'à la période actuelle.
Le tertiaire, d'une durée d'environ 63 millions d'années, est marqué par l'expansion des mammifères, des plantes à fleurs (angiospermes) et des insectes. On le divise en deux périodes, le paléogène (comprenant trois époques : paléocène, éocène et oligocène) et le néogène (miocène et pliocène). Le miocène voit l'apparition, parmi les mammifères, des ruminants et des singes (primates). Cette période se caractérise également par le fort développement des plantes de la famille des graminées, avec l'apparition de vastes zones de prairies. Dernière période de l'ère tertiaire, le pliocène est marqué par un refroidissement progressif du climat. Les ancêtres de l'homme, apparus en Afrique à la fin du miocène, se diversifient (apparition des australopithèques, puis du genre Homo, auquel appartient notre espèce).
Débutant il y a 1,64 million d'années, le quaternaire se caractérise par des successions de grandes glaciations (dont la dernière s'est achevée il y a environ 10 000 ans), et par l'apparition de l'homme moderne, dernier survivant (avec l'homme de Neandertal, qui s'éteint il y a près de 30 000 ans) d'une lignée qui connut son apogée, en terme de diversité d'espèces, au cours du tertiaire.

 

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