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UN PACEMAKER POUR LE CERVEAU |
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MÉDECINE
Un pacemaker pour le cerveau
médecine - par Émile Gillet dans mensuel n°374 daté avril 2004 à la page 42 (1820 mots) | Gratuit
En biologie, stimulation électrique égale excitation. Pourtant, il y a une quinzaine d'années, des neurochirurgiens français ont découvert qu'avec des électrodes il est possible de désactiver les zones du cerveau responsables des symptômes de la maladie de Parkinson. Quelle est l'explication du phénomène ? Chaque équipe y va de sa théorie.
Le patient est sous anesthésie locale. À l'aide d'un arsenal d'images cérébrales, les neurochirurgiens localisent l'une des zones du cerveau responsables des symptômes de sa maladie de Parkinson : les noyaux subthalamiques*. Ils percent maintenant la boîte crânienne pour y insérer des tubes. En s'aidant de ces tubes, ils placent des électrodes de 1,3 millimètre de diamètre dans une zone pas plus grande qu'un grain de riz. Il ne reste plus qu'à relier les électrodes à un stimulateur électrique semblable à un pacemaker : de la taille d'un paquet de cigarettes, il est implanté sous la peau, au niveau de la clavicule.
« Lorsque le stimulateur délivre ses impulsions électriques, l'effet est spectaculaire : les symptômes de la maladie de Parkinson disparaissent », explique Alim-Louis Benabid qui, avec Pierre Pollak et leur équipe du CHU de Grenoble, est à l'origine de la découverte. « Plus de rigidité musculaire, poursuit-il, tremblements atténués : le patient n'éprouve plus les mêmes difficultés d'exécution de mouvements. Mais si l'on débranche le stimulateur, les symptômes de la maladie réapparaissent presque immédiatement. »
À l'origine de cette spectaculaire opération, une observation, à la fin des années quatre-vingt. Lors d'une intervention en vue de faire une lésion dans le thalamus* chez un patient souffrant de tremblements, l'équipe du professeur Benabid a observé qu'une stimulation électrique à haute fréquence plus de 100 Hz, soit 100 impulsions par seconde de cette zone cérébrale avait un effet inhibiteur : les tremblements se sont immédiatement arrêtés [1]. Tout le contraire de l'effet excitateur attribué aux stimulations électriques souvenez-vous des expériences sur les muscles de grenouille, au lycée ! Cette observation a laissé penser qu'une stimulation électrique pouvait avoir les mêmes effets qu'un ancien traitement neurologique : la destruction de structures cérébrales.
L'espoir d'un traitement « miracle »
Avant 1950, en effet, la destruction des noyaux thalamiques était le traitement de référence dans la maladie de Parkinson. Mais cette technique était risquée. On pouvait craindre, par exemple, des accidents vasculaires au niveau de la lésion, avec pour conséquence pour le patient de brusques mouvements affectant une moitié du corps. Par ailleurs, les effets d'une destruction s'estompent avec le temps. « Une réorganisation des neurones peut avoir lieu à proximité de la zone cérébrale détruite, conduisant à la réapparition des symptômes », explique Yves Agid, chef du service de neurologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Aussi, la technique a-t-elle été abandonnée avec la découverte de la lévo-dopa au début des années soixante.
Quelle est cette molécule ? La lévo-dopa qui reste à ce jour le principal traitement de la maladie est un précurseur* de la dopamine. Elle permet de suppléer la baisse de production de ce neuromédiateur* par les neurones, l'une des caractéristiques de la maladie de Parkinson. « Mais si ce médicament contrôle de façon remarquable la triade de symptômes parkinsoniens rigidité musculaire, tremblements et difficulté d'exécution de mouvements, il a aussi, après plusieurs années, des effets secondaires chez certains malades : leurs membres sont agités par des mouvements anormaux involontaires », précise Alim-Louis Benabid. Cet effet secondaire serait dû à une modification de la sensibilité à la dopamine de certaines régions cérébrales, ce qui perturbe deux autres neuromédiateurs impliqués dans le contrôle du mouvement. Par ailleurs, l'efficacité de la lévo-dopa diminue elle aussi avec le temps. À long terme, elle n'est donc pas le traitement « miracle » de la maladie.
Revenons à la stimulation électrique : lorsque l'observation d'Alim-Louis Benabid et de Pierre Pollak a été publiée, c'est un nouvel espoir qui a conduit plusieurs équipes de neurochirurgiens à explorer cette piste.
Techniquement, peu d'obstacles se sont présentés : « Tout le matériel nécessaire avait déjà été mis au point dans le cadre du traitement expérimental de la douleur par excitation des nerfs périphériques ou de la moelle épinière », raconte Yves Agid. En revanche, la connaissance des mécanismes cérébraux de la maladie de Parkinson faisait cruellement défaut.
Au début des années quatre-vingt-dix, des études conduites à l'université Johns Hopkins, aux États-Unis, ainsi qu'à Bordeaux par Jean Feger et Abdelhamid Benazzouz, ont indiqué que la destruction des noyaux subthalamiques supprimait la triade de symptômes de Parkinson chez des singes malades [2]. Or, dans sa première expérience, l'équipe du CHU de Grenoble avait montré que la stimulation du thalamus permettait seulement de diminuer les tremblements.
En 1993, les neurochirurgiens grenoblois ont apporté la preuve qu'une stimulation à haute fréquence des noyaux subthalamiques permettait de redonner une motricité à des parkinsoniens gravement atteints [3]. En stimulant cette cible, on observe la disparition simultanée et quasi totale des symptômes. Exactement comme si la stimulation permettait de passer outre la déficience en dopamine dans cette zone du cerveau.
Plusieurs équipes ont emboîté le pas aux Grenoblois. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, l'opération a été pratiquée expérimentalement dans une dizaine de centres en France, comme à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil ou à celui de la Pitié-Salpêtrière à Paris, ainsi que dans deux établissements aux États-Unis.
Aujourd'hui, les neurochirurgiens maîtrisent bien cette opération. Mais la pose des électrodes n'en reste pas moins une opération longue et fastidieuse. Elle dure en général une douzaine d'heures. Le chirurgien doit positionner les électrodes selon la morphologie du cerveau de chaque patient. C'est pourquoi l'intervention se déroule sous anesthésie locale seulement : le patient peut à tout moment indiquer d'éventuels effets indésirables comme des fourmillements ou des contractions musculaires involontaires. Le chirurgien affine alors le positionnement. « Nous devons ensuite adapter l'intensité et la fréquence des impulsions électriques délivrées par le stimulateur en général autour de 130 Hz en fonction de chaque patient », précise Pierre Pollak.
Soulagement durable
À ce jour, plus de 250 patients ont été implantés par l'équipe du CHU de Grenoble. Ce sont désormais 300 patients par an qui sont opérés en France par 18 centres hospitaliers.
En novembre 2003, une étude rétrospective 49 patients suivis sur cinq ans a confirmé le bien-fondé de cette approche [4] : les symptômes restent atténués durant les périodes où la lévo-dopa ne permet plus leur maîtrise, et ce bénéfice se maintient à long terme. « La stimulation électrique a les mêmes effets que la lévo-dopa sans les effets secondaires et sans baisse d'efficacité », commente Pierre Pollak, principal auteur de cette étude. Un quart des patients a même cessé tout traitement à la lévo-dopa.
Le chercheur nuance cependant les résultats : « L'intégralité des symptômes n'a pas été améliorée. Plusieurs patients ont eu de plus en plus de mal à garder leur équilibre. Chez d'autres, ce sont des troubles de la parole ou des difficultés à marcher qui sont apparus. » Il faut l'admettre, la stimulation électrique n'empêche pas l'évolution naturelle de la maladie.
Bien que l'opération soit pratiquée de façon quasi routinière aujourd'hui, le mécanisme d'action de la stimulation électrique reste encore mal compris. Principale interrogation : pourquoi la destruction chirurgicale et la stimulation à haute fréquence des zones subthalamiques ont-elles des résultats comparables ? Les tentatives d'explication sont nombreuses. Elles reposent toutes sur des enregistrements électriques de l'activité neuronale, mais ceux-ci sont difficiles à interpréter en raison d'un bruit de fond important lors des stimulations. Sur la question de cette interprétation, chaque équipe y va de son hypothèse.
L'équipe du CHU de Grenoble pense que les messages qui sortent des noyaux subthalamiques stimulés ne seraient plus compris – ni donc pris en compte – par les autres zones cérébrales impliquées dans le contrôle des mouvements [5]. L'électrostimulation aurait donc pour effet de perturber le message électrique. Pour des physiologistes de l'université de Toronto, au Canada, la stimulation « étoufferait » au contraire le message défectueux : elle exciterait des fibres inhibitrices qui, à leur tour, empêcheraient les noyaux subthalamiques d'envoyer leurs messages [6]. Selon une troisième hypothèse, formulée par Abdelhamid Benazzouz, au-dessus d'une certaine fréquence la stimulation arrêterait directement toute production de message électrique [7].
Ces trois hypothèses semblent assez proches mais, en réalité, elles n'impliquent pas les mêmes mécanismes d'inhibition. Dernière hypothèse en date, celle de l'équipe de Constance Hammond, de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée à Marseille [fig.1] : il y aurait une combinaison de ces différents effets, et la stimulation permettrait de piloter l'activité des neurones subthalamiques [8]. « La stimulation électrique, à condition d'avoir une fréquence supérieure à 100 Hz, efface l'activité défectueuse des noyaux subthalamiques et la remplacerait par une activité thérapeutique », avance-t-elle.
Pour parvenir à cette explication, une équipe du CNRS de Bordeaux, en collaboration avec l'équipe marseillaise, a mis au point un système d'enregistrement in vitro de l'activité des neurones qui supprime les artefacts dus à la stimulation électrique.
Lutter contre les TOC
Comment obtenir une explication définitive ? Ce ne sera possible qu'avec un enregistrement in vivo et sans artefact de l'activité des neurones des noyaux subthalamiques. Sans attendre ce jour, et sachant que l'implantation des électrodes est réversible, les médecins ont tenté d'appliquer l'électrostimulation à haute fréquence à d'autres désordres neurologiques.
En 2002, les médias ont porté leur attention sur son application aux troubles obsessionnels compulsifs* TOC, qui avait alors enregistré deux résultats importants. À l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, Yves Agid et Luc Mallet ont observé par hasard, chez deux patients traités pour la maladie de Parkinson et souffrant par ailleurs de TOC, que les obsessions avaient considérablement diminué après l'opération [9]. Au même moment, Volker Sturm, neurochirurgien à l'université de Cologne, en Allemagne, a présenté des résultats préliminaires encourageants sur l'amélioration des conditions de vie de trois patients implantés pour traiter leurs TOC. En France, ces travaux ont reçu un avis favorable de la part du Comité consultatif national d'éthique, saisi en octobre 2001 par Alim-Louis Benabid. Aux États-Unis, trois équipes viennent de se lancer dans cette voie de recherche.
L'électrostimulation appliquée à d'autres structures cérébrales a aussi été envisagée contre l'épilepsie ou la migraine. L'an dernier, par exemple, l'équipe de Giovanni Broggi, de l'institut Carlo Besta de neurochirurgie, à Milan, a obtenu des résultats chez cinq patients atteints de migraines et qui ont été stimulés au niveau de l'hypothalamus postérieur [10] : ils ont vu diminuer la fréquence et l'intensité de leurs crises. Enfin, à Montpellier, l'équipe de Philippe Coubes a opéré 86 patients atteints de dystonies* : leur qualité de vie a été améliorée de façon quantifiable entre un et deux ans après l'opération [11]. E. G.
EN DEUX MOTS La stimulation électrique du cerveau permet d'obtenir une amélioration spectaculaire des symptômes chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Découverte de façon fortuite il y a une quinzaine d'années, cette technique a fait ses preuves dans le traitement des troubles du mouvement. Trois cents personnes, en France, en bénéficient maintenant chaque année. En variant les structures cérébrales stimulées, les médecins ont bon espoir de pouvoir traiter durablement d'autres affections neurologiques, comme l'épilepsie ou les troubles obsessionnels compulsifs.
Par Émile Gillet
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FLORE INTESTINALE ET MALADIES CARDIAQUES |
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Un lien entre flore intestinale et maladies cardiaques
Publié le 08-04-2011 à 11h28
La capacité de la flore intestinale à métaboliser certains composants comme la lécithine peut influer sur la sensibilité aux maladies cardiaques.
Escherichia coli, l'une des très nombreuses bactéries du microbiote. NIHEscherichia coli, l'une des très nombreuses bactéries du microbiote.
Les bactéries intestinales impliquées dans la résistance aux antibiotiques
Des bactéries qui ont du poids
Les douze premiers mois de notre flore intestinale
La capacité de la flore intestinale, maintenant appelée microbiote, à métaboliser la phosphatidylcholine, encore appelée lécithine, influe sur la sensibilité aux maladies cardiovasculaires indique une étude publiée dans Nature cette semaine. La lécithine est naturellement produite par le foie, elle est présente dans un grand nombre d’aliments (viande, œuf, pâtisseries industrielles et suppléments alimentaires).
Selon les chercheurs de la clinique Cleveland, des concentrations élevées de trois métabolites de la lécithine : la choline, la bétaïne et la triméthylamine N-oxyde (TMAO), sont associées à un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les humains. Dans leurs expériences ils ont montré que compléter le régime alimentaire de souris sujettes à l’athérosclérose avec de la choline accélère la formation des plaques d’athéromes mais que cet effet est bloqué si la flore intestinale des animaux est détruite avec des antibiotiques.
«Quand deux personnes ont un même régime alimentaire, mais qu’une seule développe une maladie cardiaque, nous estimons actuellement que cette maladie cardiaque apparaît en raison de leurs différences génétiques, mais nos recherches montrent que ce n’est seulement qu'une partie de l'équation » a déclaré Stanley Hazen, principal auteur de l’étude. « En fait, les différences de métabolisme du microbiote d'une personne à l'autre semblent avoir un effet important dans la génèse d’une maladie cardiaque. La flore intestinale est un filtre pour ce qui représente notre exposition la plus importante à l'environnement… Ce que nous mangeons. »
Un autre résultat important de cette étude est le rôle que joue la choline une fois qu’elle est métabolisée par les bactéries du tube digestif dans la formation de la plaque d’athérome. Or depuis quelques années, « nous avons vu une énorme augmentation de l'addition de choline dans les multivitamines - même dans celles qui sont commercialisées à nos enfants » rajoute Stanley Hazen. Ces composés sont également couramment utilisés comme additifs alimentaires pour le bétail, la volaille ou le poisson, car ils accélèrent le développement musculaire sans que l’on sache si ces pratiques augmentent la quantité de ces composés dans la viande ou le poisson.
Cette étude constitue un avertissement et devrait inciter les autorités sanitaires à surveiller les niveaux de lécithine et de ses dérivés dans l’alimentation et de s’assurer de leur innocuité.
J.I.
Sciences et Avenir.fr
07/04/2011
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SCLÉROSE EN PLAQUES |
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Sclérose en plaques : le déficit de vitamine D impliqué ?
Sciences et Avenir avec AFPPar Sciences et Avenir avec AFP
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Publié le 27-08-2015 à 16h42
Une étude génétique confirme le lien entre un faible niveau de vitamine D et un risque plus élevé de développer une sclérose en plaques.
La sclérose en plaques est due à une attaque par le système immunitaire de la myéline qui entoure les axones, prolongement du neurone par lequel celui-ci communique avec sa cellule cible. ©DURAND FLORENCE/SIPALa sclérose en plaques est due à une attaque par le système immunitaire de la myéline qui entoure les axones, prolongement du neurone par lequel celui-ci communique avec sa cellule cible. ©DURAND FLORENCE/SIPA
La sclérose en plaques : du diagnostic au traitement
SCLÉROSE EN PLAQUES. Une étude génétique publiée mardi 25 août 2015 dans la revue médicale américaine PLOS a confirmé un lien entre un faible niveau de vitamine D et un risque plus élevé de développer la sclérose en plaques (SEP). Une découverte qui pourrait permettre d'améliorer les traitements et la prévention de cette maladie. Des études précédentes avaient montré un lien entre le niveau de vitamine D, qui est générée par la lumière et certains aliments, et la sclérose en plaques, une maladie auto-immune dégénérescente qui affecte le système nerveux du cerveau et la moelle épinière, et n'a ni cause ni traitement connus. Mais ces études n'avaient pas pu démontrer que le faible niveau de vitamine D provoquait la SEP, démontrant seulement que les personnes malades avaient tendance à rester davantage à l'intérieur et recevaient moins de lumière.
Une découverte "importante"
L'étude publiée mardi et réalisée sous la direction de Brent Richards, de l'université de McGill au Canada, s'est intéressée aux liens entre le niveau de vitamine D et la probabilité de développer une SEP parmi 14.498 malades et 24.091 personnes en bonne santé. Les personnes ayant des niveaux de vitamine D moindres, du fait de particularités génétiques, ont un risque deux fois plus grand de développer une SEP. Maladie généralement diagnostiquée entre 20 et 50 ans. "Les bébés qui naissent avec des gènes associés à une déficience en vitamine D ont deux fois plus de risques de développer la SEP quand ils seront adultes", explique Benjamin Jacobs, directeur du service pédiatrique du Royal National Orthopedic Hospital à Londres. M. Jacobs, qui n'a pas contribué à l'étude, a qualifié cette découverte d'"importante". "Soit la déficience en vitamine D provoque la SEP soit il y a d'autres interactions génétiques complexes", a-t-il relevé. "Nous ne savons pas encore si donner de la vitamine D à des enfants et des adultes en bonne santé diminuera leur risque de développer la SEP, mais des essais cliniques sont en cours pour l'étudier", a-t-il ajouté.
La sclérose en plaques est une maladie chronique qui touche quelque 2,3 millions de personnes dans le monde, altérant la vue, l'élocution, provoquant des tremblements, une fatigue extrême, des problèmes de mémoire et des paralysies.
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VIRUS ET MÉDICAMENTS |
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Paris, 27 août 2015
Imiter les virus pour livrer des médicaments au coeur des cellules
Les virus ont une aptitude à détourner le fonctionnement des cellules pour les infecter. En s'inspirant de leur mode d'action, des chercheurs du CNRS et de l'Université de Strasbourg ont conçu un « virus chimique » capable de franchir la double couche de lipides qui délimite les cellules, puis de se désagréger dans le milieu intracellulaire afin d'y libérer des molécules actives. Pour cela, ils ont utilisé deux polymères de leur conception, qui ont notamment des capacités d'auto-assemblage ou de dissociation selon les conditions. Ces travaux, fruit d'une collaboration entre chimistes, biologistes et biophysiciens, sont publiés dans l'édition du 1er septembre de la revue Angewandte Chemie International Edition.
Les progrès biotechnologiques donnent accès à un trésor de molécules ayant un potentiel thérapeutique. Beaucoup de ces molécules sont actives uniquement à l'intérieur des cellules humaines et restent inutilisables car la membrane lipidique qui délimite les cellules est une barrière qu'elles ne peuvent pas franchir. L'enjeu est donc de trouver des solutions de transfert aptes à traverser cette barrière.
En imitant la capacité des virus à pénétrer dans les cellules, des chimistes du Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg) cherchent à concevoir des particules à même de libérer des macromolécules actives uniquement au sein des cellules. Pour cela, ces particules doivent obéir à plusieurs contraintes souvent contradictoires. Elles doivent être stables dans le milieu extracellulaire, capables de se lier aux cellules afin d'être internalisées mais être plus fragiles à l'intérieur des cellules pour libérer leur contenu. Avec deux polymères de leur conception, les chercheurs ont réussi à construire un "virus chimique" remplissant les conditions nécessaires pour transférer directement des protéines actives dans la cellule.
Concrètement, le premier polymère (pGi-Ni2+) sert de support aux protéines, qui s'y fixent. Le second polymère (πPEI), récemment breveté, encapsule cet ensemble grâce à ses charges positives qui se lient aux charges négatives du pGi-Ni2+. Les particules obtenues (30-40 nanomètres de diamètre) sont capables de reconnaitre la membrane entourant les cellules et de s'y lier. Cette liaison active une réponse cellulaire : la nanoparticule est enveloppée par un fragment de membrane et entre dans un compartiment intracellulaire appelé endosome. Alors qu'ils étaient stables à l'extérieur de la cellule, les assemblages sont ébranlés par l'acidité qui règne dans ce nouvel environnement. Par ailleurs, cette baisse de pH permet au polymère πPEI de faire éclater l'endosome, ce qui libère son contenu en molécules actives.
Grâce à cet assemblage, les chercheurs ont pu concentrer suffisamment de protéines actives à l'intérieur des cellules pour obtenir un effet biologique notable. Ainsi, en transférant une protéine appelée caspase 3 dans des lignées de cellules cancéreuses, ils ont réussi à induire 80 % de mort cellulaire1.
Les résultats in vitro sont encourageants, d'autant que ce "virus chimique" ne devient toxique qu'à une dose dix fois supérieure à celle utilisée dans cette étude. Par ailleurs, des résultats préliminaires chez la souris ne font pas état de surmortalité. L'élimination par l'organisme des deux polymères reste cependant une question ouverte. La prochaine étape consistera à tester ce système de manière approfondie in vivo, chez l'animal. A court terme, ce système servira d'outil de recherche pour vectoriser2 dans les cellules des protéines recombinantes et/ou chimiquement modifiées. A long terme, ce travail pourrait ouvrir le champ d'application des protéines pharmaceutiques à des cibles intracellulaires et contribuer à la mise au point de médicaments novateurs.
Ces travaux ont été rendus possibles par la collaboration de biophysiciens et de biologistes. Les compétences en cryomicroscopie électronique de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm) et l'expertise en microscopie à force atomique du Laboratoire de biophotonique et pharmacologie (CNRS/Université de Strasbourg) ont permis de caractériser les assemblages moléculaires de manière très précise. Le laboratoire Biotechnologie et signalisation cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg) a quant à lui fourni les protéines recombinantes encapsulées dans le virus artificiel.
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