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Autisme et déficiences intellectuelles

 

 

 

 

 

 

 

Autisme et déficiences intellectuelles : la communication entre les neurones mise en cause
COMMUNIQUÉ | 04 MAI 2017 - 10H50 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION | GÉNÉTIQUE, GÉNOMIQUE ET BIO-INFORMATIQUE | NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE | TECHNOLOGIE POUR LA SANTE




Une étude collaborative internationale, coordonnée par Frédéric Laumonnier (Unité 930 « Imagerie et Cerveau » Inserm/ Université de Tours) et Yann Hérault de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (Inserm/ CNRS/ Université de Strasbourg), apporte des données nouvelles et originales sur le rôle physiopathologique des zones de contact entre les neurones dans certains troubles cérébraux. L’étude révèle que la mutation d’un des gènes impliqués dans les déficiences intellectuelles et l’autisme entraine un dysfonctionnement au niveau des synapses, structures essentielles pour la communication neuronale. Les travaux sont parus le 18 avril 2017 dans la revue Molecular Psychiatry.

L’autisme et les déficiences intellectuelles (DI) sont des troubles psychiatriques apparaissant principalement au cours de la période du développement cérébral et qui persistent souvent à l’âge adulte. On constate chez les personnes atteintes d’autisme des incapacités à établir des interactions sociales et à communiquer, des troubles du comportement ; en outre les sujets ayant une DI présentent des difficultés de compréhension, de mémoire et d’apprentissage. Si les origines sont encore mal connues, on sait désormais qu’une part significative d’entre elles sont associées à des mutations génétiques.
Au cours du développement du cerveau, la formation des synapses est indispensable pour les fonctions cérébrales comme la mémoire et l’apprentissage. Les synapses sont les zones de contact entre les neurones, assurant la connexion et la propagation de l’information entre eux. Certaines sont inhibitrices et d’autres excitatrices, pour permettre la mise en place de réseaux neuronaux fonctionnels. Or, des mutations d’un gène nommé PTCHD1 (Patched Domain containing 1), localisé sur le chromosome X et qui permet l’expression d’une protéine potentiellement impliquée dans le fonctionnement des synapses, ont récemment été identifiées chez des garçons atteints des troubles cités précédemment. Ces mutations entrainent la perte d’expression du gène.
Afin de valider l’implication des mutations du gène PTCHD1 dans les troubles de l’autisme et des DI, Yann Hérault et ses collaborateurs ont créé un modèle murin n’exprimant plus le gène PTCHD1. Ils ont observé chez ces animaux des défauts importants de mémoire, ainsi que des symptômes significatifs d’hyperactivité confirmant ainsi l’implication du gène dans l’autisme et les DI. Des études menées en parallèle par l’équipe de Frédéric Laumonnier ont permis, d’une part, de montrer que la protéine PTCHD1 était présente au niveau des synapses excitatrices et, d’autre part, de déceler chez ces mêmes souris, des modifications au niveau des synapses.

Ces altérations de la structure et de l’activité synaptique dans les réseaux neuronaux excitateurs sont particulièrement significatives dans une région au centre du cerveau appelée l’hippocampe. Cette région joue un rôle majeur dans les processus cognitifs, notamment la mémoire et la formation de nouveaux souvenirs.

Des anomalies génétiques impactant la structure ou de la fonction de ces synapses constituent une cible physiopathologique dans l’autisme et la DI. Dans ce cadre, ces travaux définissent une nouvelle « maladie » des synapses causée par une mutation du gène PTCHD1. Ce dysfonctionnement apparait au cours du développement du système nerveux central et est associé aux déficiences intellectuelles et à l’autisme. La compréhension des mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent ces troubles neuro-développementaux, notamment grâce à l’étude d’organismes modèles, est essentielle pour améliorer les stratégies thérapeutiques.

 

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Alcool et santé

 

 

 

 

 

 

 

Alcool et santé

Dossier réalisé en collaboration avec le Pr Mickaël Naassila, directeur de l’équipe Inserm ERI 24, "Groupe de recherche sur l'alcool & les pharmacodépendances" (GRAP) et Bertrand Nalpas, directeur de recherche à l’Inserm et chargé de la mission "Addiction" – mars 2016

Bien que sa consommation diminue régulièrement en France, 10% des adultes sont aujourd’hui en difficulté avec l’alcool. Une consommation abusive entraîne des complications hépatiques, cardiovasculaires, neurologiques ainsi que des cancers, et l’alcool reste la deuxième cause de mortalité dans notre pays. Un enjeu majeur est actuellement de repérer les consommateurs à risque et de réduire leur consommation. L’étude de facteurs de vulnérabilité est en cours pour améliorer ce repérage et la prise en charge de l’alcoolodépendance.

La consommation d’alcool diminue régulièrement en France depuis une quarantaine d’années : elle a été divisée par deux entre 1960 et 2009. Les données du Baromètre santé 2014 indiquent qu’environ 13,6% des adultes ne boivent jamais et  9,7% boivent tous les jours (14,6 % des hommes et 4,9% des femmes). Le vin reste de loin la boisson la plus consommée.
La consommation débute le plus souvent à l’adolescence, période durant laquelle la bière et les prémix (boissons alcoolisées, sucrées et aromatisées) sont les boissons les plus populaires. L’âge moyen de la première ivresse est de 15,2 ans.  En 2014, 58,9% des adolescents âgés de 17 ans déclaraient avoir déjà été ivres au cours de leur vie, et plus d’un quart (25,3%) avait connu au moins trois épisodes d’ivresse au cours des 12 derniers mois (Source : ESCAPAD 2014).

Une toxicité importante pour l’organisme
La consommation d'alcool expose à de multiples risques pour la santé en fonction des quantités absorbées. Elle est responsable de plus de 200 maladies et atteintes diverses. Certaines de ces maladies sont exclusivement attribuables à l’alcool, notamment la cirrhose alcoolique ou certaines atteintes neurologiques comme le syndrome de Korsakoff. Pour d'autres pathologies, l'alcool constitue un facteur de risques. C’est le cas de certains cancers  (bouche, pharynx, larynx, œsophage, foie, sein, cancer colorectal) et de maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique). Des troubles cognitifs sont en outre observés chez plus de 50% des personnes alcoolodépendantes : altération de la mémoire, inadaptation de certains mouvements... Ces troubles sont lentement réversibles.

Le foie, cible principale des effets de l’alcool
Plusieurs maladies hépatiques peuvent être provoquées par la consommation excessive d’alcool : stéatose (accumulation de lipides dans le foie), hépatite alcoolique, cirrhose. Une étude française effectuée auprès de 2 000 consommateurs excessifs hospitalisés a montré que seulement 11% d’entre eux avaient un foie normal : 34% présentaient une cirrhose alcoolique, 46% une stéatose associée ou non à une fibrose et 9% une hépatite alcoolique aiguë. Il s’agit de pathologies graves : en cas de cirrhose et/ou d’hépatite alcoolique sévère, la survie à 5 ans varie de 20% à 60%.
L’alcool, deuxième cause de mortalité prématurée en France
 A dose excessive, la consommation d’alcool contribue de façon directe ou indirecte à 13% des décès masculins et à 3% des décès féminins. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité prématurée en France. Ainsi, en 2009, 49 000 décès étaient imputables à l’alcool en France, dont 22% des décès des 15-34 ans, 18% des décès des 35-64 ans et 7% des décès après 65 ans. Il s’agissait surtout de cancers (15 000 décès), de maladies cardio-vasculaires (12 000 décès), de maladies digestives (8 000 morts dues à des cirrhoses) et d’accidents et suicides (8 000 morts). Les autres décès relevaient d'autres maladies dont des troubles mentaux liés à l'alcool.
Les conséquences sociales de la consommation excessive d’alcool sont également lourdes. En 2006, les tribunaux ont prononcé plus de 271 condamnations pour homicide involontaire sous emprise de l’alcool. Et dans 28 % des cas de violences conjugales enregistrées en région parisienne, l'auteur consommait régulièrement des quantités importantes d'alcool. En 2013, 111 550 condamnations pour conduite en état alcoolique (CEA) ont été inscrites au Casier judiciaire national, soit une condamnation sur cinq pour délit en France.

Repères de consommation
Les autorités de santé recommandent de :
- ne pas consommer plus de trois verres de boisson alcoolisée par jour lorsqu’on est un homme, deux verres lorsqu’on est une femme,
- réserver un jour par semaine sans alcool,
- ne jamais dépasser quatre verres par occasion.
Ces repères sont valables pour les adultes : aucun repère de consommation n’est validé pour les jeunes chez lesquels toute consommation peut être nocive en raison de la vulnérabilité accrue du cerveau en développement.
En deçà de ces seuils, le risque d’atteinte toxique liée à l’alcool est largement diminué mais n’est pas nul, en particulier en ce qui concerne le risque de cancer. Même consommé en quantité quotidienne faible, équivalente à 13 grammes (soit 1,3 verre), l’alcool serait responsable de 1 100 morts par an. C’est pourquoi ces seuils sont discutés et pourraient être abaissés à l’avenir.
Pour mémoire, un verre de bière (250-300 ml), un verre de vin (150 ml) et une mesure de spiritueux (30-50 ml) contiennent une quantité voisine d’alcool (environ 10 g d’éthanol).
 

"Binge drinking" : un comportement en hausse chez les jeunes
Chez les jeunes, la tendance est au binge drinking, pratique consistant à atteindre l’ivresse le plus rapidement possible. Les seuils sont de quatre verres ou plus d’alcool en moins de deux heures pour une fille et cinq pour un garçon, mais les consommations sont en général beaucoup plus importantes. En France, la moitié des jeunes de 17 ans ont pratiqué le binge drinking au cours des trente derniers jours et ce phénomène ne cesse d'augmenter, notamment chez les filles.
Lorsqu’elle est répétée, cette pratique a pourtant des conséquences néfastes sur la santé : diminution des capacités d’apprentissage et de mémorisation à long terme, impulsivité accrue, impact sur l’apprentissage des émotions, l’anxiété et l’humeur, hypertension, dommages hépatiques, et augmentation des risques de dépendance par la suite. Une récente étude a montré des atteintes de la substance blanche corrélées à des déficits de mémoire de travail spatiale chez les étudiants binge drinkers. La vitesse de la consommation semble particulièrement impliquée dans les effets néfastes. Et une autre étude, menée sur le modèle préclinique du rat, montre que la mémoire est toujours altérée 48 heures après deux épisodes de binge drinking.

Alcool et cerveau
L’alcool agit directement sur le cerveau, avec des conséquences variables sur le comportement en fonction de la dose ingérée :
*         Pour des alcoolémies inférieures ou égales à 0,50 g/l, l’éthanol a un effet stimulant qui s’accompagne d’une désinhibition : les tâches cognitives sont exécutées plus rapidement et avec une sensation subjective de facilité, mais avec un taux d’erreurs accru.
*         Au-delà de 0,50 g/l, il a un effet sédatif et perturbe les fonctions motrices (perte d’équilibre, de la coordination des mouvements).
Ces effets dépendent également d’une sensibilité individuelle aux effets de l’alcool qui s’explique en partie par des facteurs génétiques.

Le devenir de l’alcool dans le corps
La concentration d’éthanol (c’est-à-dire d’alcool) dans le sang est maximale au bout de 45 minutes si l’alcool est consommé à jeun, au bout de 90 minutes s’il l’est au cours d’un repas. L’élimination se fait au rythme d’environ 0,15 g/l/h en cas de concentration supérieure à 0,50 g/l, avec d’importantes variations d’une personne à l’autre. Pour une même quantité ingérée, la concentration plasmatique en éthanol est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. De plus, les femmes métabolisent plus lentement l’alcool. Elles sont donc plus vulnérables aux effets toxiques de l’alcool.

Des effets multiples sur les neurones

Projet AlcoBinge : Microscopie et étude d'une lame histologique de coupes de cerveau de rats. GRAP "Groupe de Recherche sur l'Alcool et les Pharmacodépendances", ERI 24, Inserm, Université de Picardie Jules Verne, Faculté de pharmacie, Amiens.
Contrairement aux autres drogues, l’éthanol n’a pas de récepteurs spécifiques dans le cerveau : il agit sur de nombreuses cibles dont il modifie l’activité,  perturbant la transmission de plusieurs signaux nerveux excitateurs et inhibiteurs. L’alcool stimule notamment la libération de dopamine, neuromédiateur du plaisir, impliqué dans la dépendance.
A forte dose, l’alcool entraîne un remodelage des connections entre les neurones. Ce remodelage permet au cerveau de s’adapter à cette consommation et d’en amoindrir les effets, ce qui entraîne, paradoxalement, un appel à la consommation. Ce phénomène explique le danger que représente l’alcool au cours de l’adolescence. Jusqu’à l’âge de 25 ans, le cerveau continue de se développer (myélinisation et élimination des connexions neuronales inutiles). La consommation d’alcool au cours de cette période perturbe le développement normal du cerveau et augmente le risque de dépendance.
 
Alcool et grossesse : le syndrome d’alcoolisation fœtale
L’exposition prénatale à l’alcool a des effets dramatiques et permanents. L’éthanol franchit facilement la barrière placentaire et les concentrations retrouvées chez le fœtus sont supérieures à celles mesurées chez la mère car le système d’élimination de l’alcool est peu développé chez le fœtus. Les conséquences sont variables, pouvant aller de troubles comportementaux mineurs, dénommés troubles causés par l’alcoolisation foetale (TCAF), à des anomalies sévères du développement se manifestant par un syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) : malformation du crâne et du visage, retard de croissance, handicaps comportementaux et cognitifs. Près d’un enfant sur deux atteints de SAF montre un retard mental et la plupart ont des problèmes d’apprentissage, de mémoire, d’attention ou de comportement.

En France, la SAF concerne au moins 1% des naissances (1°/00 pour les formes graves de SAF complet), soit environ 8 000 nouveau-nés par an. Cela implique que près de 500 000 Français souffrent à des degrés divers de séquelles de l’alcoolisation fœtale (source : Académie de médecine, mars 2016).
L’absorption d’alcool est délétère pendant toute la période gestationnelle et il n’a jamais été mis en évidence de seuil en deçà duquel les risques sont nuls, d’où la recommandation "0 alcool pendant la grossesse". En dépit de ces risques, environ 25% des femmes enceintes reconnaissent avoir consommé de l’alcool pendant la grossesse.

Abus et dépendance : les problèmes de consommation
Toute consommation supérieure à trois verres de boisson alcoolisée par jour pour les hommes et deux pour les femmes doit être considérée à risque, même en l’absence de symptômes de dépendance.
La dépendance est quant à elle caractérisée par une consommation compulsive qui persiste en dépit des conséquences négatives qu’elle engendre et l’envie irrépressible et urgente de consommer (craving). L’individu perd totalement le contrôle de sa consommation. Il devient tolérant aux effets négatifs et présente un syndrome de sevrage quand la consommation cesse : confusion, tremblements, voir crises de convulsion. Le risque de récidive est élevé et prolongé après une période d’abstinence ou de réduction.
Un questionnaire (AUDIT) permet de dépister les consommations abusives et les dépendances à l’alcool. Environ 10% des adultes sont en difficulté avec l’alcool (15% d’hommes et 5% de femmes), principalement entre 25 et 64 ans. Cette proportion est restée stable depuis le début des années 1990. Les hommes au chômage et les travailleurs indépendants constituent les populations les plus à risque.
Tous égaux face à la dépendance ?

Il existe une vulnérabilité individuelle à la dépendance dans laquelle interviennent plusieurs facteurs : des facteurs génétiques, comportementaux (impulsivité, recherche de sensations et la prise de risque, consommation précoce) et environnementaux.
Côté génétique, des études conduites sur des familles montrent une contribution notable des facteurs génétiques dans le risque de développer une dépendance. Toutefois, à ce jour, aucun gène de prédisposition à l’addiction n’a été identifié en dépit de très nombreuses études menées dans ce domaine. On présume que la fragilité répondrait à la définition de maladie génétique complexe : de nombreuses altérations au niveau de nombreux gènes sont les déterminants multiples de la maladie, chaque modification étant par elle-même incapable d’induire le trouble.
Des travaux récents indiquent également que l’exposition à l’alcool à un stade précoce du développement - pendant l’adolescence, voire in utero - augmente le risque de devenir dépendant. Un début de la consommation dès l’âge de 11-12 ans multiplie par dix le risque de développer une dépendance par rapport à une initiation vers 18 ans.
Enfin, l’environnement  - facteurs sociaux, familiaux ou encore la facilité à consommer cette drogue (prix, disponibilité, publicité, facilité à induire une dépendance) - joue un rôle important. Une étude récente démontre que faire goûter de l’alcool à un enfant facilite l’initiation de la consommation à l’adolescence et l’entrée dans un comportement de binge drinking. Une étude européenne a aussi démontré que l’exposition à l’alcool dans les médias et les films augmente la prévalence du binge drinking.
 
Retour à une consommation raisonnée
Malgré le « fardeau » sanitaire et social que constituent les troubles liés à la consommation d’alcool, un faible nombre de patients est en recherche de traitement et moins de 10% bénéficient de soins spécialisés. Cela s’explique en partie par le fait que l’objectif du traitement a longtemps été d’atteindre l’abstinence totale et à vie, décourageant un certain nombre de personnes à démarrer les soins.
L’objectif de réduction de la consommation proposé depuis quelques années est plus facilement acceptable pour une partie des consommateurs excessifs et des dépendants ne souhaitant pas devenir abstinents dans un premier temps. Le but est alors de revenir à une consommation "contrôlée". Cette option choisie par environ la moitié des patients apporte déjà un bénéfice substantiel sur leur santé ; elle n’est toutefois accessible que chez ceux et celles dont la dépendance au produit est modérée.
Pour encourager les consommateurs excessifs à rentrer dans cette dynamique, un repérage précoce est nécessaire et doit être suivi d’une intervention brève consistant à informer et à sensibiliser aux dangers de l’alcool et aux seuils de consommation recommandés, afin de provoquer un changement de comportement et de diminuer le risque de développer une alcoolodépendance.

Des traitements efficaces
Le traitement de la dépendance à l’alcool repose sur une psychothérapie, une modification des liens environnementaux et sociaux et des médicaments comme le recommande la Société française d’alcoologie. L’addiction à l’alcool est une maladie chronique hautement récidivante, qui nécessite un suivi à long terme par un addictologue ou un psychologue. L’alcoolisme s’accompagne en outre souvent de troubles neuropsychiatriques tels que l’anxiété, la dépression, des troubles de l’humeur ou de la personnalité qui compliquent la prise en charge et constituent un mauvais pronostic de réponse au traitement.

Les médicaments actuellement préconisés ont tous démontré leur efficacité. Ils sont majoritairement destinés à maintenir l’abstinence et à lutter contre les rechutes. Mais, après traitement, seul un tiers des patients sont toujours abstinents au bout d’un an et 10 à 20% au bout de 4 ans. Ces médicaments (acamprosate, naltrexone ou encore disulfirame) agissent au niveau du système nerveux central pour décourager la consommation d’alcool. Un nouveau médicament, le nalméfène, est pour l’instant le seul à être indiqué dans la réduction de la consommation. Il est choisi en cas de souhait de retour à une consommation contrôlée (et non d’abstinence).
Enfin, le baclofène bénéficie d’une recommandation temporaire d’utilisation pour trois ans (depuis 2014), dans le maintien de l’abstinence et la baisse de consommation d’alcool. Il a fait l’objet de deux études cliniques en France (Bacloville et Alpadir) dont les résultats n’ont toutefois toujours pas été rendus public, ainsi qu’une étude de pharmacovigilance participative sur ses effets indésirables (Baclophone).
 


Baclofène et alcoolisme : premier bilan

Il n’existe pas encore de preuve scientifique que l’association de plusieurs médicaments serait plus efficace que l’administration d’un seul. Les recherches actuelles visent à trouver des facteurs prédictifs de meilleure réponse aux différents traitements disponibles.

Une recherche pluridisciplinaire
Les axes de recherche actuellement développés atour de la thématique "alcool et santé" couvrent plusieurs domaines : épidémiologie, sciences sociales, neurosciences, neurobiologie, cancérologie.

Traiter de la dépendance
De nombreuses équipes de chercheurs étudient les mécanismes cérébraux associés à la dépendance, notamment en s’intéressant aux structures du cerveau déjà connues pour jouer un rôle dans l’addiction. Le recours à des modèles animaux d’addiction à l’alcool permet d’étudier les bases neurobiologiques de cette dépendance et de rechercher de nouveaux traitements. Des molécules sont en cours d'évaluation, comme l’oxybate de sodium. Elles agissent sur des neurotransmissions ou sur "l'axe du stress" dont l’activité augmente pendant le sevrage, constituant un facteur de rechute.

La stimulation cérébrale profonde ciblant des sites impliqués dans l'addiction (noyau accumbens ou du noyau sous-thalamique du cerveau) a été testée : des résultats positifs ont été obtenus chez le rat et chez l’homme (en cas de rechutes multiples). Il s’agit toutefois d’une méthode lourde, passant par une chirurgie agressive qui consiste à introduire des électrodes dans les zones profondes du cerveau. L’inactivation partielle du noyau accumbens montre également une bonne tolérance et une bonne efficacité avec seulement 25% de rechute à 12 mois.
Comprendre la vulnérabilité individuelle
Un autre objectif est de mieux comprendre les facteurs impliqués dans la vulnérabilité individuelle à la dépendance et au développement de pathologies comme la cirrhose ou l’hépatite.
Ainsi, des études génétiques sont conduites, notamment sur le génome entier, pour permettre l’identification des variations génétiques associées à la dépendance. Les chercheurs s’intéressent  également aux mécanismes de développement des maladies organiques associées à la dépendance à l'alcool. Ils ont, par exemple, mis en place un modèle expérimental de la comorbidité alcoolisme-schizophrénie chez le rat. Dans ce modèle, une exposition à l’alcool à l’adolescence, même lorsqu’elle est très faible, rend les animaux particulièrement vulnérables à l’alcoolisme.
Le microbiote intestinal
La flore intestinale pourrait bien jouer un rôle important dans la vulnérabilité à l’alcool. Des études montrent un lien entre sa composition et le risque de dépendance à l’alcool, notamment via l’anxiété/dépression et le craving qui favorisent les rechutes. Il existe également un lien entre la composition de ce microbiote et l’apparition de complications chez les dépendants, en particulier celle des maladies hépatiques. Transplanter le microbiote d’un patient alcoolique présentant une hépatite alcoolique sévère chez une souris saine provoque en effet l’apparition d’une inflammation et de lésions hépatiques dans les jours qui suivent. En revanche, la flore de personne alcoolique sans complication hépatique n’entraine pas de problème hépatique chez les souris transplantées. Une nouvelle piste à explorer pour lutter contre la dépendance et les risques liés à l’alcool.
Concernant les facteurs de risque comportementaux, des études montrent que l'exposition précoce à l'alcool, que ce soit in utero ou à l'adolescence, serait un facteur de risque considérable de dépendance ultérieure. A ce titre, l'Inserm coordonne un projet européen (Alcobinge) relatif à l’impact du binge drinking sur les fonctions cognitives et le fonctionnement cérébral. Ces travaux sont conduits chez des jeunes et dans des modèles animaux. L'observation par imagerie médicale de cerveaux d'étudiants ayant ou non rapidement consommé une grande quantité d'alcool, a permis de démontrer que le binge drinking induit des atteintes cérébrales associées à des déficits cognitifs. Les atteintes, différentes entre les garçons et les filles, font l’objet d’études en cours.

 
La génétique bientôt prédictive de l’efficacité du traitement ?
Certains gènes impliqués dans le développement de l’alcoolodépendance pourraient également avoir une influence sur la réponse du patient à son traitement. Une étude Inserm, menée en collaboration avec une équipe hollandaise, a montré que la réponse à la naltrexone et à l’acamprosate varie selon le polymorphisme génétique du patient. Reste à clarifier ces liens dans des populations plus importantes et à étudier les effets à plus long terme, notamment sur la rechute. Dans un second temps, il s’agira de définir quelles sont les variations génétiques à prendre en compte pour choisir le traitement le plus adapté à un patient alcoolodépendant. Le candidat le plus intéressant aujourd’hui est un polymorphisme du gène OPRM1, codant le récepteur mu des opioïdes endogènes. Il pourrait être associé à une meilleure efficacité de la naltrexone, mais les résultats disponibles sont contradictoires et ne permettent pas de conclure.

Le fardeau sociétal
Des travaux consistent à évaluer l’ampleur des retombées socio-économiques de la consommation excessive d’alcool. Une étude récente montre qu’il s’agit de la première cause d’hospitalisation en France (pour le traitement de l’alcoolisation elle-même et de ses conséquences). Ainsi, en 2012, plus de 580 000 séjours hospitaliers en services de chirurgie, obstétrique et odontologie ont été induits par la consommation problématique d’alcool. De plus, plus de 2,7 millions de journées d’hospitalisation ont été enregistrées en psychiatrie, représentant 10,4% du total.
Une autre étude a permis de préciser le coût pour la société en termes de perte de qualité de vie, perte de production, dépenses de prévention, de répression, soins…, en intégrant les recettes des taxes prélevées sur l’alcool ou encore les économies de retraites non versées. La balance penche largement en défaveur de la consommation, avec un coût social de l’alcool proche de 120 milliards d’euros par an, à peu près équivalent à celui du tabac.

La Mission Associations de malades de l’Inserm se penche sur la thématique "Alcool" 
La Mission Inserm Associations développe de nombreuses actions avec les associations de malades. Ainsi, depuis fin 2006, un groupe de travail réuni chercheurs et associations d'entraide aux personnes en difficulté avec l'alcool. Ce groupe de travail permet de réfléchir à l’interaction entre chercheurs et associations mais aussi à construire et réaliser des projets de recherche communautaires. Une rencontre-débat est organisée chaque année afin de favoriser les échanges entre membres des mouvements d’entraide, chercheurs et professionnels de santé sur des problématiques communes.

 

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Pour que les cœurs battent

 

 

 

 

 

 

 

Pour que les cœurs battent
 
La maladie de Pompe est une affection génétique à l’issue souvent fatale qui entraine une faiblesse musculaire progressive. Gerlind Sulzenbacher et ses collaborateurs au laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques, ont déterminé la structure tridimensionnelle de l’enzyme α-glucosidase acide (GAA), dont le dysfonctionnement est la cause de la maladie. Cette structure permet de comprendre l’effet d’une centaine de mutations affectant le fonctionnement de l'enzyme et offre un modèle atomique pour la conception de petites molécules, les chaperons pharmacologiques qui la stabilisent. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Communications le 24 octobre 2017, représentent une avancée majeure pour le traitement de cette maladie.

Toutes les cellules eucaryotes possèdent un organite qui sert de déchetterie cellulaire, le lysosome. Dans ce compartiment, les résidus de la cellule sont éliminés par l’intervention d’enzymes lysosomales. Il existe des maladies génétiques dans lesquelles l’une de ces enzymes est défaillante, ce qui entraine l’accumulation de déchets dans le lysosome avec pour conséquence son dysfonctionnement et la mort cellulaire des tissus et organes environnants. Bien que ces maladies génétiques soient rares, elles constituent un grave problème de santé publique. Pour certaines de ces maladies, il existe des traitements qui consistent à administrer par voie intraveineuse l’enzyme de substitution fonctionnelle produite par génie génétique. C’est le cas de la maladie de Pompe, due au dysfonctionnement de l’enzyme α-glucosidase acide, GAA, dont le rôle est de transformer le glycogène résiduel en glucose. La maladie affecte principalement les tissus et les organes riches en glycogène, les muscles squelettiques, cardiaques et pulmonaires. La forme infantile de la maladie est responsable d’une mort précoce par troubles respiratoires et arrêt cardiaque.
 
La thérapie par administration de l’enzyme recombinante, introduite en 2006, a représenté une avancée majeure pour la survie d’enfants condamnés, mais elle est lourde à supporter, extrêmement couteuse et entraîne des effets secondaires. En fait, l’enzyme GAA recombinante administrée par voie intraveineuse est très instable et rapidement dégradée ou éliminée par le système immunitaire avant de pouvoir atteindre sa cible, le lysosome. Depuis une dizaine d’années, un nouvel espoir thérapeutique de « chaperon pharmacologique » tente de résoudre ces problèmes. Il s’appuie sur le fait que de petites molécules peuvent stabiliser l’enzyme soit pendant sa production dans la cellule (endogène), soit pendant son administration (exogène). A ce jour, plusieurs molécules stabilisantes ont été testées en essai clinique pour la maladie de Pompe, mais ces molécules ont le désavantage d’inhiber l’enzyme, en se liant au même endroit que le site actif permettant la transformation du glycogène en glucose.
 
Il apparait donc que la connaissance de la structure tridimensionnelle de l’enzyme GAA est primordiale pour la conception rationnelle de nouveaux candidats médicaments ayant un rôle de chaperon. Les chercheurs ont réussi à déterminer la structure de l’enzyme GAA recombinante dans sa forme mature et en complexe avec plusieurs chaperons pharmacologiques, dont un qui n’inhibe pas l’enzyme mais se lie à un autre site de régulation allostérique. Cette structure, longuement attendue par les chercheurs et médecins travaillant sur la maladie de Pompe, permet de comprendre l’effet d’une centaine de mutations connues pour cette maladie et servira de modèle atomique pour la conception rationnelle de nouveaux chaperons, afin que le cœur des enfants puisse continuer à battre.
 

 
 

En savoir plus
* Structure of human lysosomal acid-α-glucosidase – a guide for the treatment of Pompe disease. Véronique Roig-Zamboni, Beatrice Cobucci-Ponzan, Roberta Iacono, Maria Carmina Ferrara, Stanley Germany, Yves Bourne, Giancarlo Parenti, Marco Moracci & Gerlind Sulzenbacher. Nature Communications. Article number: 1111 (2017). DOI i:10.1038/s41467-017-01263-3. Published online: 24 October 2017 



 Contact chercheur
* Gerlind Sulzenbacher 
Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques 
UMR7257 CNRS- Aix-Marseille Université 
CASE 932 
163 Avenue de Luminy 
13288 Marseille Cedex 09
  
04 91 82 55 66




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ENDOMÉTRIOSE

 

 

 

 

 

 

Endométriose


Dossier réalisé avec la collaboration du Dr Daniel Vaiman, Unité de Génomique, épigénétique et physiopathologie de la reproduction - U1016 Inserm-UMR 8104 CNRS, Institut Cochin, Paris - Novembre 2013.
L’endométriose est une maladie gynécologique assez fréquente puisqu’elle concerne une femme sur dix. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Différents organes peuvent être touchés. La maladie peut être asymptomatique. Mais dans certains cas, elle provoque des douleurs fortes (notamment au moment des règles) et/ou une infertilité.

Col utérin présentant des lésions d’endométriose
L'endométriose est une maladie caractérisée par la présence de tissu utérin (ou tissu endométrial) en dehors de la cavité utérine. Cette localisation anormale (dite "ectopique") se manifeste par des lésions composées de cellules qui possèdent les mêmes caractéristiques que celles de la muqueuse utérine (l'endomètre) et se comportent comme elles sous l'influence des hormones ovariennes.
L’endométriose est une maladie gynécologique fréquente : elle affecte environ 10 % des femmes et elle est retrouvée chez près de 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes, en particulier au moment des règles.

Les symptômes : douleur et infertilité
Les symptômes induits par l’endométriose sont le plus souvent des douleurs et une infertilité. Leur sévérité n’est pas forcément corrélée à l’étendue des lésions induites par la maladie.
Le symptôme majeur est une douleur pelvienne récurrente parfois très aiguë, notamment au moment des règles. Ce caractère cyclique est évocateur de la maladie. Les lésions sont en effet sensibles aux hormones féminines et se comportent comme du tissu utérin. Les lésions vont donc proliférer, saigner et laisser des cicatrices fibreuses à chaque cycle menstruel. Chez certaines patientes, une importante innervation des lésions pourrait contribuer aux douleurs extrêmes parfois ressenties. En dehors de la période des règles, les patientes peuvent également souffrir lors des rapports sexuels (dyspareunie) ou encore au moment de la défécation ou de la miction.
La maladie peut aussi être totalement asymptomatique. Dans ce cas, elle est généralement découverte de façon fortuite alors que la patiente consulte en raison d’une difficulté à concevoir un enfant. Une proportion importante des patientes endométriotiques est effectivement infertile. L’explication scientifique de ce lien n’est pas entièrement élucidée. La présence d’amas de tissus, et notamment celle de kystes ovariens, peut créer une barrière mécanique à la fécondation dans le cas de lésions graves. Des études récentes montrent par ailleurs que l’endomètre des patientes endométriotiques présente des profils hormonaux et d’expression des gènes anormaux (voir plus loin). Il se pourrait donc que l’utérus des patientes présente des caractéristiques défavorables à l’implantation d’un embryon.

Endométriose et cancer ?
Les lésions d’endométriose peuvent se définir comme des "métastases bénignes". Pour une patiente endométriotique, le risque de développer un cancer (le plus souvent de l’ovaire) est en effet inférieur à 1 %. Il concerne des sous-types rares de cancers ovariens, comme le carcinome à cellules claires de l’ovaire, ou l’adénocarcinome endométrioïde.
Des localisations variées

Endométriose, développement du tissu endométrial en dehors de la muqueuse utérine
Les organes le plus souvent touchés en cas d’endométriose profonde sont les ovaires, les ligaments utéro-sacrés, le rectum, la vessie et le vagin. Plusieurs organes peuvent être touchés chez une même patiente.
Dans de rares cas, des lésions d’endométriose peuvent même apparaitre au niveau d’organes localisés à distance de l’utérus, par exemple dans les poumons ou le cerveau.
Concernant cette dernière localisation, seuls deux cas ont été rapportés à ce jour. Dans l’un des deux (rapporté en 1993), la patiente souffrait d’attaques cérébrales le premier jour de ses règles, jusqu’à ce qu’on l’opère pour retirer la lésion.
 
Des mécanismes à clarifier
Les mécanismes qui conduisent à l’endométriose restent mal connus. Toutefois, l’hypothèse principale est celle de l’implantation de matériel utérin provenant de menstruations rétrogrades. Au cours des règles, du sang peut en effet passer par les trompes et parvenir à la cavité abdominale, transportant avec lui des fragments d’endomètre, voire des cellules pluripotentes capables de générer de nouveaux foyers endométriaux.
Néanmoins, alors que les cliniciens estiment que 90 % des femmes présentent des saignements rétrogrades, seules 10 % développent des lésions d’endométriose. Des facteurs de susceptibilité individuelle doivent donc intervenir dans le développement de cette maladie. Ces facteurs pourraient être génétiques. Les chercheurs soupçonnent par ailleurs l’impact de certaines expositions environnementales.

Un traitement uniquement en cas de symptômes
Un examen clinique et échographique, voire par IRM, permet de détecter une endométriose. Mais le diagnostic définitif s’appuie sur l’analyse du tissu endométrial prélevé au cours d’une laparoscopie (chirurgie mini-invasive).
Une endométriose asymptomatique, non douloureuse et qui ne pose pas de problèmes de fertilité n’est en général pas détectée et donc pas traitée. Lorsqu’une patiente découvre son endométriose en raison de douleur, on lui propose le plus souvent en première intention un traitement hormonal destiné à provoquer une aménorrhée (contraceptifs œstroprogestatifs monophasiques en continu, progestatifs, danazol ou analogues de la Gn-RH), réduisant ainsi les douleurs liées à la réponse hormonale des lésions d’endométriose. Néanmoins, si ce traitement masque la douleur, il n’empêche pas la progression des lésions, aussi lente soit-elle.
 
La chirurgie est le traitement de référence de l’endométriose car elle permet de retirer les lésions de façon aussi exhaustive que possible. Ainsi, les symptômes douloureux peuvent disparaître pendant de nombreuses années, voire totalement. La difficulté chirurgicale est cependant amplifiée dans le cas de petites lésions disséminées ou quand l’intervention induit un rapport risque/bénéfice défavorable, avec par exemple un risque d’incontinence.

A la recherche des gènes de susceptibilité
Les chercheurs tentent aujourd’hui de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie complexe et ses liens avec l’infertilité. Ils travaillent notamment à l’identification de gènes de susceptibilité, de manière à élucider leur rôle et à découvrir des marqueurs de risque.
Deux grandes études ont permis l’analyse génétique systématique de cohortes de femmes atteintes d’endométriose ou non. La première est une étude japonaise publiée en 2010 impliquant 1 907 patientes et 5 292 témoins (femmes sans endométriose), la seconde est une étude internationale incluant 3 194 patientes et 7 060 témoins. Dans les deux cas, les auteurs sont parvenus à identifier des variations génétiques significativement associées à la maladie.

Cellules déciduales de l'utérus in vitro. Endomètre.
Cependant, ces variations n’augmentent que faiblement le risque relatif de développer la maladie : pour chaque variation, une patiente a 10 à 30 % de probabilité supplémentaire de développer la pathologie, et de nombreuses femmes porteuses de ces variations "à risque" ont une très forte probabilité de ne pas développer la maladie. Ces données génétiques peuvent donc servir de points de départ pour appréhender des mécanismes biologiques liés à l’endométriose, mais elles ne peuvent absolument pas être utilisées comme marqueurs de risque dans la pratique clinique.
Des chercheurs de l’Inserm(*) ont tenté une approche plus ciblée, en travaillant uniquement avec des femmes présentant un endométriome ovarien. Une étude épigénétique globale a montré des différences de méthylation (modification chimique) de l’ADN entre les cellules qui composent les lésions et celles de l’endomètre de patientes, en particulier aux extrémités des chromosomes. Ce phénotype est associé à des formes particulières de l’enzyme DNMT3L de la famille des méthyl-transférases de l’ADN. Une de ces formes multiplie par sept le risque de développer la maladie et pourrait donc servir d’outil de diagnostic et de pronostic, précieux sur les plans clinique et biologique.

Mieux comprendre les liens entre endométriose et infertilité
Les chercheurs suspectent qu’il existe par ailleurs des différences biologiques et physiologiques entre les femmes atteintes d’endométriose et les autres, qui seraient à l’origine de la baisse de fertilité souvent associée à cette maladie. Des recherches menées à l’hôpital Cochin ont par exemple récemment montré que trois gènes sur les quatre codant pour les récepteurs aux prostaglandines, des médiateurs chimiques de l’inflammation, sont 10 à 20 fois plus exprimés dans l’endomètre utérin de patientes atteintes d’endométriose que dans celui de femmes qui ne présentent pas la maladie. Ce taux est même multiplié par quarante dans les tissus endométriaux extraits de lésions. En parallèle, l’expression d’une enzyme clef de la synthèse des prostaglandines, la PTGS2, est augmentée près de 10 fois dans l’endomètre des patientes endométriosiques. D’autres pistes biologiques paraissent pertinentes à explorer pour comprendre l’infertilité de ces patientes, comme celle de la fonction et de la réserve ovarienne des femmes atteintes d’endométriose.
Plusieurs études pointent en outre du doigt l’existence de facteurs de risque environnementaux. Les chercheurs s’interrogent par exemple sur le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens ou celui de l’influence des acides gras polyinsaturés et d’autres composants alimentaires pouvant entrainer des anomalies épigénétiques. Une étude récente réalisée chez la souris montre par exemple que l’exposition prénatale des souris au Bisphénol A pourrait favoriser une pathologie ressemblant à l’endométriose chez les souris femelles.
 
Note :
(*)Borghese et al, Am J Pathol, Mai 2012, 180(5):1781-6. doi: 10.1016/j.ajpath.2012.01.009.

 

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