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Le staphylocoque doré, un voleur de fer

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Le staphylocoque doré, un voleur de fer
        

SCIENCE 16.10.2015


Le staphylocoque doré détruit spécifiquement les globules rouges de son hôte pour y voler du fer ! Les chercheurs qui viennent de découvrir ce phénomène et d’en décrire le mécanisme proposent une piste pour lutter contre la bactérie : bloquer les deux toxines impliquées dans ce "braquage".

Le staphylocoque doré, bactérie particulièrement redoutable pour les sujets affaiblis, tire son énergie des nutriments
nutriments
Substance alimentaire qui n’a pas besoin de subir de transformations digestives pour être assimilée par l’organisme.
qu’il capte chez son hôte. Le microbe est en particulier gourmand en fer, un nutriment essentiel à sa multiplication au cours de l’infection. Mais, le fer à l’état libre (donc facilement accessible) n’est trouvé qu’en quantité très modérée dans notre sang… Alors,comment le  staphylocoque doré parvient-il à s’approvisionner ? Il a fallu la collaboration de trois équipes Inserm* et d'une équipe américaine pour le découvrir : la bactérie est capable devoler le fer lié à l’hémoglobine dans les globules rouges !
Ces travaux ont démarré quand deux des équipes ont découvert que deux toxines secrétées par le staphylocoque doré - LukED et HlgAB - détruisent des cellules immunitaires de l’hôte, les neutrophiles. Pour ce faire, les toxines se fixent spécifiquement à un récepteur situé à la surface des neutrophiles. Or, un homologue de ce récepteur, DARC (pour Duffy Antigen Receptor for Chemokines), avait déjà été identifié à la surface des globules rouges. Les chercheurs ont donc décidé d’explorer le rôle du récepteur DARC en cas d’infection par le staphylocoque doré.

Plusieurs expériences nécessaires

Dans un premier temps, les chercheurs ont utilisé des cellules résistantes aux toxines LukED et HlgAB et leur ont fait exprimer le récepteur DARC. Ces cellules sont devenues sensibles aux toxines et ont été détruites. Les scientifiques ont ensuite étudié des globules rouges de personnes d’origine sub-saharienne : environ 90% de cette population possède des globules rouges déficients ou très pauvres en DARC. Ce travail a été réalisé à partir de sang de donneurs spécifiquement identifiés par l'Institut national de transfusion sanguine. Il a permis d’observer que qu’une déficience en récepteur DARC est associée à une résistance des globules rouges aux deux toxines.

Grâce aux toxines LukED et HlgAB, le staphylocoque doré semble donc en mesure de détruire les globules rouges par l’intermédiaire de leur récepteur DARC. Mais dans quel but ? Les globules rouges étant très riches en fer lié à l’hémoglobine, les chercheurs ont soupçonné les besoins alimentaires de la bactérie. Pour tester cette hypothèse,  ils ont placé la bactérie dans trois conditions de culture : dans un milieu de culture sans fer, dans le même milieu enrichi en fer et enfin dans le surnageant d’une culture de globules rouges traités aux toxines LukED et HlgAB. Résultat des courses : le staphylocoque doré ne se multiplie pas dans le premier cas (en l’absence de fer), mais prolifère dans les deux autres conditions de culture. Il semble donc capable d’utiliser le fer rendu disponible grâce à la destruction des globules rouges par ses toxines."
"Le staphylocoque doré lyse
lyse
Destruction de la membrane d’une cellule par un agent chimique, physique ou biologique, entraînant sa mort.
les globules rouges via ces deux toxines pour subvenir à ses besoins en fer. Il le détache de l’hémoglobine par un mécanisme qui reste à découvrir", résume Thomas Henry, coauteur des travaux.

Un médicament dans les tuyaux
Les toxines LukED et HlgAB deviennent donc des cibles thérapeutiques de premier choix pour lutter contre les infections à staphylocoque doré. « Deux toxines sont en effet beaucoup plus faciles à cibler qu’un récepteur chez l’hôte, note le chercheur. En outre, bloquer leur activité permettrait de faire d’une pierre deux coups, en les empêchant de détruire à la fois les neutrophiles et les globules rouges ». Un laboratoire développe actuellement deux anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
monoclonaux dirigés contre six toxines produites par le staphylocoque doré, dont LukED et HlgAB. Les premiers essais chez l’homme devraient démarrer fin 2015.
 
 
Note
*Les équipes de Thomas Henry et de François Vandenesch (unité 1111 Inserm/CNRS/ENS, Centre international de recherche en infectiologie, Lyon) et l’équipe de Caroline Le Van Kim et Yves Colin (unité 1134 Inserm/Université Paris-Diderot/ Institut national de transfusion sanguine, Paris), en collaboration avec l’équipe américaine de Victor Torres (New York University School of Medicine, New York)

Source
A. Spaan et coll. Staphylococcus aureus Targets the Duffy Antigen Receptor for Chemokines (DARC) to Lyse Erythrocytes. Cell Host & Microbes du 9 septembre 2015


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Un marqueur de chronicité des infections ostéo-articulaires à staphylocoque doré

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Un marqueur de chronicité des infections ostéo-articulaires à staphylocoque doré
        

SCIENCE 12.03.2015


Une équipe Inserm a identifié un marqueur de chronicité des infections ostéo-articulaires à Staphylococcus aureus : un outil précieux pour adapter la prise en charge des patients, dont la pertinence reste toutefois à confirmer.

Comment savoir si une infection ostéo-articulaires par Staphylococcus aureus est chronique ou aiguë ? Une équipe Inserm* pourrait bien avoir trouvé la clé du problème en étudiant différents facteurs susceptibles d’être associés à la persistance de cette bactérie dans les os.
Les infections des os et des articulations par Staphylococcus aureus, fréquentes au niveau desprothèses articulaires, sont difficiles à traiter. Mais surtout, la prise en charge diffère selon que l’infection est aiguë ou chronique. Dans le premier cas, un simple lavage chirurgical du site infectieux et une antibiothérapie sont la plupart du temps suffisants. Dans le second cas, il faut enlever la prothèse, effectuer l’antibiothérapie puis replacer la prothèse, avec tous les inconvénients que cela entraine pour les patients. Seulement, au moment d’un premier épisode occasionnant douleur ou gêne, comment savoir si le germe sera facilement éradiqué par le traitement ou s’il risque de s’installer plusieurs mois dans les os ?
C’est ce que voulaient savoir des chercheurs de l’Inserm qui ont étudié différents facteurs associés à la chronicité des infections impliquant 95 souches de S. aureus sensibles à la méticilline prélevées chez des patients. Parmi ces derniers, 67,5% présentaient un premier épisode infectieux aigu et 32% étaient touchés de façon chronique.
Les chercheurs se sont intéressés à plusieurs facteurs associés à la survie de la bactérie:
*         la présence du germe à l’intérieur des cellules osseuses, alors qu’il est normalement extracellulaire (internalisation),
*         la formation de biofilm par les bactéries, qui les protège de l’action des antibiotiques et du système immunitaire,
*         l’apparition de petites colonies composées de souches variantes au métabolisme ralenti,
*         ou encore la perte de fonctionnalité du « système agr », qui régule la production des facteurs de virulence de la bactérie et la synthèse d’une protéine nommée  delta-hémolysine.
"Jusque-là, d’après des études conduites in vitro, ces facteurs étaient supposés être associés à la chronicité de l’infection. Mais ces hypothèses n’avaient jamais été vérifiées en clinique. C’est ce que nous avons fait", explique Florent Valour, co-auteur des travaux.

Le gène agr, un marqueur facile à détecter
Cette nouvelle étude a permis aux chercheurs de constater qu’en réalité, deux facteurs semblent associés à la chronicité chez les patients : l’internalisation des bactéries dans les cellules hôtes et, surtout, le dysfonctionnement du gène agr, révélé par l’absence de la delta-hémolysine. Or, cette protéine peut facilement être recherchée en routine au moment du diagnostic de l’infection. "Le fait de connaître le statut en cette protéine pourrait donc permettre d’évaluer d’emblée le risque de chronicité, se réjouit le chercheur. C’est un système On-Off : Si la delta-hémolysine est présente, il y a de fortes chances pour que l’infection soit aiguë. A l’inverse, si elle est absente, l’infection a un gros risque d’être chronique".
Reste à confirmer la pertinence de ce marqueur par des travaux complémentaires. "Une étude prospective est en cours. Tous les patients traités comme si leur infection était aiguë sont inclus. Cette étude permettra de vérifier si les cas de rechutes sont bien associés à la présence de bactéries déficientes en delta-hémolysine. Si tel est le cas, il faudra ensuite regarder si le fait d’adapter le traitement en fonction du statut en delta-hémolysine facilite l’éradication du germe", conclut le chercheur.
 
 
Note
*unité 1111 Inserm/CNRS/ENS/Université Claude Bernard Lyon 1, Centre international de recherche en infectiologie, Lyon

Source
F. Valour et coll. Delta-toxin production deficiency in Staphylococcus aureus: a diagnostic marker of bone and joint infection chronicity linked with osteoblast invasion and biofilm formation. Clin Microbiol Infect, édition en ligne du 9 février 2015

 

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Le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les images

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Le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les images

COMMUNIQUÉ | 06 DÉC. 2017 - 18H47 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE


d’informations sensorielles. Loin d’être surchargé, le cerveau est un véritable expert dans la gestion de ce flux d’informations. Des chercheurs de Neurospin (CEA/Inserm) ont découvert comment le cerveau intègre et filtre l’information. En combinant des techniques d’imagerie cérébrale à haute résolution temporelle et des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning), les neurobiologistes ont pu déterminer la séquence d’opérations neuronales qui permet au cerveau de sélectionner spécifiquement l’information pertinente. La majeure partie de l’information est traitée et filtrée inconsciemment par notre cerveau. Au sein de ce flux, l’information pertinente est sélectionnée par une opération en trois étapes, et diffusée vers les régions associatives du cerveau afin d’être mémorisée. Ces observations sont décrites dans Nature Communications le 5.12.2017.
Les chercheurs ont mesuré l’activité du cerveau de 15 participants, pendant que ces derniers devaient repérer une image « cible » dans un flux de 10 images par seconde . Les neurobiologistes ont ainsi pu observer trois opérations successives permettant aux participants de traiter et de trier le flux d’images :

► Même si une dizaine d’images est présentée chaque seconde, chacune de ces images est analysée par les aires sensorielles du cerveau pendant environ une demi-seconde. Ceci constitue une première phase de traitement automatique, inconscient et sans effort pour nous.

► Lorsqu’on demande aux participants de porter attention et de mémoriser une image en particulier, ce n’est pas uniquement l’image ‘cible’ qui est sélectionnée, mais toutes les images qui sont encore en cours de traitement dans les régions sensorielles. L’attention du sujet aura pour effet d’amplifier les réponses neuronales induites par ces images.

► La troisième phase de traitement correspond au rapport conscient du sujet. Seule l’une des images sélectionnées induit une réponse cérébrale prolongée et impliquant les régions pariétales et frontales. C’est cette image que le sujet indiquera avoir perçue.
« Dans cette étude, nous montrons que le cerveau humain est capable de traiter plusieurs images simultanément, et ce de manière inconsciente », explique le chercheur Sébastien Marti, qui signe cette étude avec Stanislas Dehaene, directeur de Neurospin (CEA/Inserm). « L’attention booste l’activité neuronale et permet de sélectionner une image spécifique, pertinente pour la tâche que le sujet est en train d’accomplir. Seule cette image sera perçue consciemment par le sujet », poursuit le chercheur.
Assailli par un nombre toujours croissant d’informations, notre cerveau parvient ainsi, malgré tout, à gérer le surplus de données grâce à un filtrage automatique, sans effort, et un processus de sélection en trois phases.

Les avancées technologiques en imagerie cérébrale et dans les sciences de l’information ont donné un formidable coup d’accélérateur à la recherche en neuroscience, et cette étude en est un bel exemple.

 

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Résistance aux antibiotiques

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Résistance aux antibiotiques


Sous titre
Un phénomène massif et préoccupant
        
Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du 20e siècle. Hélas, leur utilisation massive et répétée, que ce soit en ville ou à l'hôpital, a conduit à l’apparition de bactéries résistantes à ces médicaments. Qui plus est, les animaux d'élevage ingèrent au moins autant d'antibiotiques que les humains ! Résultat : la résistance bactérienne est devenue un phénomène global et préoccupant. Pour éviter le pire, la communauté internationale, alertée en 2015 par l'OMS, se mobilise. La route est longue...
       

Dossier réalisé en collaboration avec Jean-Luc Mainardi, unité 1138 Inserm/Sorbonne Université/Université Paris Descartes/Université Paris Diderot, équipe Structures bactériennes impliquées dans la modulation de la résistance aux antibiotiques, Centre de Recherche des Cordeliers, Paris et Marie-Cécile Ploy, unité 1092 Inserm/Université de Limoges, équipe Anti-Infectieux : supports moléculaires des résistances et innovations thérapeutiques, Institut Génomique, environnement, immunité, santé et thérapeutiques, Limoges

Comprendre le phénomène de la résistance aux antibiotiques
Les antibiotiques sont, à l'origine, des molécules naturellement synthétisées par des microorganismes pour lutter contre des bactéries concurrentes de leur environnement. Aujourd’hui, il existe plusieurs familles d’antibiotiques, naturels, semi-synthétiques ou de synthèse, qui s’attaquent spécifiquement à une bactérie ou un groupe de bactéries. Certains antibiotiques vont agir sur des bactéries comme Escherichia coli dans les voies digestives et urinaires, d’autres sur les pneumocoques ou sur Haemophilus influenzae dans les voies respiratoires, d’autres encore sur les staphylocoques ou les streptocoques présents au niveau de la peau ou de la sphère ORL.


Les antibiotiques sont spécifiques des bactéries
Les antibiotiques ne sont efficaces que sur les bactéries et n’ont aucun effet sur les virus et les champignons. Ils bloquent la croissance des bactéries en inhibant la synthèse de leur paroi, de leur matériel génétique (ADN ou ARN
ARN
Molécule issue de la transcription d'un gène.
), de protéines qui leur sont essentielles, ou encore en bloquant certaines voies de leur métabolisme. Pour cela, ils se fixent sur des cibles spécifiques.

L’antibiorésistance, un phénomène devenu global
L’efficacité remarquable des antibiotiques a motivé leur utilisation massive et répétée en santé humaine et animale (voir encadré). Cela a créé une pression de sélection sur les populations bactériennes, entraînant l'apparition de souches résistantes. En effet, lorsqu'on emploie un antibiotique, seules survivent – et se reproduisent – les bactéries dotées de systèmes de défense contre cette molécule. La mauvaise utilisation des antibiotiques – traitements trop courts, trop longs ou à posologies inadaptées – est également pointée du doigt.
Ponctuelles au départ, ces résistances sont devenues massives et préoccupantes. Certaines souches sont multirésistantes, c’est-à-dire résistantes à plusieurs antibiotiques. D’autres sont même devenues toto-résistantes, c’est-à-dire résistantes à quasiment tous les antibiotiques disponibles. Ce phénomène, encore rare en France mais en augmentation constante, place les médecins dans une impasse thérapeutique : ils ne disposent plus d’aucune solution pour lutter contre l’infection.

Homme, animal, environnement : un seul monde
D’après l’OMS, plus de la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux. Aux Etats-Unis, à côté d’une utilisation à visée thérapeutique,  les antibiotiques sont aussi utilisés de façon systématique à faibles doses comme facteurs de croissance, une pratique interdite en Europe depuis 2006. Or la surconsommation d’antibiotiques entraîne l’apparition de résistances. Et les bactéries multi-résistantes issues des élevages peuvent se transmettre à l’Homme directement ou via la chaîne alimentaire.
Par ailleurs, hommes et animaux rejettent une partie des antibiotiques absorbés, via leurs déjections. D'où la présence de bactéries résistantes dans les cours d'eau en aval des villes ou des élevages, voire dans les nappes phréatiques.
Hôpital, médecine de ville, pratiques vétérinaires, environnement : tout est désormais lié. C'est pourquoi l'OMS, suivie par les grandes organisations internationales, préconise une vision globale de la lutte contre les antibiorésistances, l’approche One world, one health (Un monde, une santé).
Pendant longtemps, la majorité des cas de résistance était détectée à l’hôpital. Cependant le phénomène prend de plus en plus d'ampleur en ville, au détour d’antibiothérapies apparemment anodines. Ainsi, à l’occasion d’un banal traitement oral, une espèce bactérienne intestinale peut développer une résistance. L'antibiotique détruit la flore bactérienne associée et laisse le champ libre à la bactérie résistante pour se développer. Ces bactéries résistantes sont ensuite diffusées par voie manuportée, plus ou moins vite selon le niveau d'hygiène de la population.


De la résistance naturelle à la résistance acquise
La résistance aux antibiotiques peut résulter de plusieurs mécanismes :             production d’une enzyme modifiant ou
Certaines bactéries sont naturellement résistantes à des antimicrobiens. Plus préoccupante, la résistance acquise concerne l’apparition d’une résistance à un ou plusieurs antibiotiques chez une bactérie auparavant sensible. Ces résistances peuvent survenir via une mutation génétique affectant le chromosome de la bactérie, ou bien être liées à l’acquisition de matériel génétique étranger (plasmide, transposon) porteur d’un ou plusieurs gènes de résistance en provenance d’une autre bactérie. Les résistances chromosomiques ne concernent en général qu’un antibiotique ou une famille d’antibiotiques. Les résistances plasmidiques peuvent quant à elles concerner plusieurs antibiotiques, voire plusieurs familles d’antibiotiques. Elles représentent le mécanisme de résistance le plus répandu, soit 80% des résistances acquises.


L’antibiorésistance en chiffres
Certaines résistances posent surtout problème à l’hôpital. Les souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (SARM) sont responsables d’infections diverses, pulmonaires et osseuses, ainsi que de septicémies, en particulier dans les unités plus sensibles (soins intensifs). Toutefois, des mesures spécifiques, notamment d’hygiène, ont permis de réduire ces résistances en France (33% en 2001, 15,7% en 2015).

Acinetobacter baumannii est également redoutée à l’hôpital. La part des infections nosocomiales liées à cette bactérie résistante à l’imipenème est passée de 2 ou 3% en 2008 à 11,1% en 2011. Le phénomène est d’autant plus préoccupant que cette bactérie persiste dans l’environnement et se développe préférentiellement chez des malades immunodéprimés et vulnérables.
Deux phénomènes importants dominent l'actualité des résistances. Tout d'abord l'augmentation continue, aujourd'hui plus encore en ville qu'à l’hôpital, des entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE). Certaines espèces comme Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae sont devenues résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G) qui constituent les antibiotiques de référence pour traiter ces espèces bactériennes. En 2014, 11% des souches de E. coli et 35% de celles de K. pneumoniae isolées de bactériémies étaient devenues résistantes à ces C3G. Dans les infections urinaires, ces chiffres sont de 7% pour E. coli et 16% pour K. pneumoniae. Les médecins doivent alors utiliser des antibiotiques "de derniers recours" : les carbapénèmes.

Or, et c'est le deuxième phénomène très inquiétant, depuis quelques années apparaissent des souches d'entérobactéries produisant des carbapénémases. Ces enzymes détruisent ces antibiotiques et confèrent ainsi une résistance à la bactérie. Cela peut conduire à des situations d’impasse thérapeutique. Ce phénomène reste relativement peu fréquent en France contrairement à des pays comme la Grèce, Chypre, l'Afrique du Nord, les Etats-Unis ou l'Inde.

Pseudomonas aeruginosa, responsable de nombreuses infections nosocomiales, présente ainsi plus de 25% de résistance aux carbapénèmes. Certaines souches toto-résistantes sont notamment retrouvées chez les patients atteints de mucoviscidose ou transplantés pulmonaires.

Résistance aux antibiotiques : le classement de l'OMS
En février 2017, l'OMS a publié une liste de bactéries résistantes représentant une menace à l'échelle mondiale.
A. baumannii, P. aeruginosa et les entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) représentent ainsi une urgence critique car elles résistent à un grand nombre d'antibiotiques.
Six autres bactéries, dont Staphylococcus aureus, Helicobacter pylori (ulcères de l’estomac), les salmonelles et Neisseria gonorrhoeae (gonorrhée), représentent une urgence élevée.
Enfin, pour Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae (otites) et les Shigella spp. (dysenterie), l'urgence est modérée.
De plus l'agent de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis, multirésistant dans certaines parties du monde, fait l'objet d'un programme propre de l'OMS.

La lutte s'organise

Réduire et mieux cibler la consommation d’antibiotiques
Pour préserver le plus longtemps possible l’efficacité des antibiotiques disponibles, il faut réduire leur consommation afin de limiter la pression de sélection sur les bactéries. Les plans de rationalisation des prescriptions et les campagnes de sensibilisation destinées au grand public ont fait baisser la consommation au début de ce siècle mais elle est aujourd'hui repartie à la hausse, en particulier en ville. La France reste parmi les plus gros utilisateurs mondiaux.
Dans ce contexte, il est important que les médecins puissent :
*         distinguer les infections virales des infections bactériennes car les antibiotiques n'affectent pas les virus. Des tests de dépistage rapide existent pour les angines, maladies très fréquentes, la plupart du temps virales et beaucoup trop souvent associées à la prescription d’antibiotiques. Malheureusement, ces tests restent sous-utilisés en France.
*          
*         choisir un antibiotique pertinent : en cas d'infection bactérienne, mieux vaut éviter l'utilisation systématique d'antibiotiques précieux (récents ou à large spectre) lorsque d'autres plus courants, ou à spectre plus étroit, suffisent et sont aussi efficaces. Le médecin doit pour cela savoir à quelles molécules réagit la bactérie responsable de la maladie de son patient. Il existe déjà des tests rapides de détection de la résistance à certains antibiotiques. Autre réflexion en cours : les laboratoires de microbiologie pourraient rendre des antibiogrammes "ciblés", testant la sensibilité de la souche à une gamme réduite d'antibiotiques ciblés sur la bactérie isolée chez le patient en fonction de sa pathologie et non, comme aujourd'hui, à la plupart des molécules disponibles. Il s'agit là aussi d'inciter le médecin à choisir un antibiotique courant plutôt que se diriger vers d’autres antibiotiques, comme par exemple des céphalosporines parmi les plus récentes.
*          
*         adapter la cure aux besoins, en particulier limiter la durée des traitements au strict nécessaire. De plus à l'hôpital, lorsqu'une antibiothérapie probabiliste est prescrite, il faut la réévaluer dans les 48-72 heures avec les résultats du laboratoire. Lorsqu'une antibiothérapie de plus de 7 jours est prescrite, cela doit se faire en accord avec un référent en antibiothérapie. Ce dernier a pour mission de diffuser la politique du bon usage des antibiotiques et son application pratique au sein des établissements de soin, en se reposant sur des recommandations élaborées par les différentes instances.


Une prise de conscience internationale
En mai 2015, l’OMS, la FAO (Food and Agriculture organization, l'organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l'OIE (Office International des Epizooties, devenu l'organisation mondiale de la santé animale) ont adopté un Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. Il se décline en cinq axes :
*         sensibiliser le personnel de santé et le public
*         renforcer la surveillance et la recherche
*         prendre des mesures d’assainissement, d’hygiène et de prévention des infections
*         optimiser l’usage des antimicrobiens en santé humaine et animale
*         soutenir des investissements durables pour la mise au point de nouveaux traitements, diagnostics ou vaccins
Déjà engagée dans la lutte, l'Union européenne a lancé des plans d'action en 2001 et 2011. Le tout dernier, datant de juin 2017, prend en compte la dimension globale du problème et vise à faire du continent une région de pointe. Il comprend, entre autres, une action conjointe, la Joint Action on Antimicrobial Resistance & Healthcare - Associated Infections, coordonnée par l'Inserm. Elle rassemble 44 partenaires institutionnels – ministères de la santé, instituts de recherche, instituts de santé publique – et vise à passer au concret, en particulier en s'inspirant de ce qui est déjà mis en place dans certains pays.
Pour sa part, la France a décliné le plan européen (annoncé en 2016) via une feuille de route interministérielle de novembre 2016, reprenant les mêmes grandes orientations. En ce qui concerne l'usage vétérinaire des antibiotiques, le plan Ecoantibio (2012-2017) est aujourd'hui remplacé par Ecoantibio2 (2017-2021).

Les enjeux de la recherche

Nouveaux antibiotiques
De nouveaux antibiotiques sont nécessaires pour lutter contre les bactéries multirésistantes. Le marché des antibiotiques étant beaucoup moins rentable que celui de médicaments donnés au long cours, comme par exemple les antihypertenseurs, les firmes pharmaceutiques ont peu investi dans cette recherche. Cependant, quelques nouvelles molécules sont disponibles comme la ceftolozane, une nouvelle céphalosporine associée à un inhibiteur de ß-lactamases, ou le tazobactam, disponible en France depuis 2016. Son spectre d’activité inclut les EBLSE et le bacille pyocyanique (Pseudomonas aeruginosa) multirésistant.

La piste la plus avancée aujourd'hui consiste à inhiber l’action des bêta-lactamases. Ces enzymes, produites par certaines bactéries, les rendent résistantes aux antibiotiques de la famille des bêta-lactamines (comme les céphalosporines de 3e et de 4e génération). L'avibactam, en particulier, est un inhibiteur de ß-lactamases n’appartenant pas à la famille des ß-lactamines, désormais commercialisé en association avec la ceftazidime, une céphalosporine de 3e génération. Cette combinaison est même efficace contre certaines bactéries résistantes aux carbapénèmes. Plusieurs inhibiteurs de la famille chimique de l'avibactam, en association avec d'autres ß-lactamines, sont en développement et/ou en cours d’évaluation.

Autres voies thérapeutiques

La phagothérapie reste en développement. Elle consiste à administrer des phages
phages
Virus qui n’infecte que les bactéries.
: des virus infectant et tuant spécifiquement certaines bactéries. Cette spécificité permet d’éliminer les bactéries pathogènes sans affecter les autres, contrairement aux antibiotiques à spectre large. Le développement industriel de cocktails de phages, préparés à l’avance ou "sur-mesure" pour lutter contre une bactérie spécifique, paraît néanmoins complexe.
Par ailleurs, l'administration orale d'antibiotiques présente l'inconvénient de tuer certaines bactéries commensales résidant dans le tube digestif, formant le microbiote. Différentes pistes de protection du microbiote intestinal – administration d'un antibiotique conjointement à du charbon absorbant, ou à une ß-lactamase agissant dans le côlon – sont à l'étude. De même, la transplantation fécale (pour restaurer un microbiote sain), déjà utilisée en clinique contre les infections répétées à Clostridium difficile, est aujourd'hui évaluée pour lutter contre les entérobactéries productrices de BLSE ou de carbapénèmases.
D’autres équipes tentent de développer des thérapies antivirulence : l’objectif n’est plus de tuer la bactérie responsable de l’infection, mais de bloquer les systèmes qui la rendent pathogène pour l’Homme. Des antitoxines (souvent des anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
monoclonaux) dirigées contre certaines toxines bactériennes sont aujourd'hui en phase expérimentale.

 

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