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BACTERIES MAGNETOTACTIQUES |
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Paris, 23 décembre 2011
Une bactérie produisant des nano-aimants de greigite enfin cultivée en laboratoire
Un consortium international, impliquant des chercheurs du CEA1, du CNRS et des universités de la Méditerranée et Pierre et Marie Curie, ainsi que des chercheurs du DOE2 à Ames (USA), des universités du Nevada (USA), de Rio de Janeiro (Brésil), de San Luis Obispo (USA) et de Pannonia (Hongrie), vient de caractériser un nouveau groupe de bactéries magnétotactiques (MTB) capables de produire des nano-aimants de magnétite et de greigite3 en fonction des conditions environnementales. La caractérisation phylogénétique, physiologique et génomique de l'une de ces bactéries, nommée Desulfamplus magnetomortis BW-1, a été possible grâce à son isolement en culture et a permis ainsi d'identifier deux groupes de gènes essentiels à la formation des nano-aimants. Le premier groupe interviendrait dans la formation de nano-aimants de magnétite tandis que le second serait impliqué dans la production de nano-aimants de greigite. C'est la première fois qu'une bactérie magnétotactique produisant des cristaux de greigite est isolée en culture. Il s'agit d'une avancée majeure permettant d'élargir le champ des applications biotechnologiques de ces nanoaimants. Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 23 décembre 2011.
Les bactéries magnétotactiques (MTB) possèdent un organite unique, appelé magnétosome, constitué de nano-cristaux magnétiques de greigite (Fe3S4) ou de magnétite (Fe3O4). Alignés comme une aiguille de boussole, ces nano-cristaux leur permettent de nager le long des lignes de champs magnétiques à la recherche du milieu le plus favorable pour leur croissance. Bien que très largement répandues dans la nature, les MTB restent difficiles à cultiver en laboratoire. Seules quelques souches de ces bactéries, capables de produire uniquement des nano-aimants de magnétite, ont pu être cultivées. Quant aux bactéries magnétotactiques formant des nano-cristaux de greigite, les chercheurs n'avaient à ce jour jamais réussi à les isoler.
Pour répondre à ce challenge, des chercheurs du CEA, du CNRS, des Universités de la Méditerranée et Pierre et Marie Curie, en collaboration avec leurs partenaires américains, brésiliens et hongrois, ont réalisé des prélèvements au Nevada et en Californie dans des milieux aquatiques constitués d'eau douce ou d'eau saumâtre. Ils ont montré la présence de bactéries magnétotactiques (MTB) produisant à la fois de la greigite et de la magnétite dans ces milieux. De plus, l'analyse phylogénétique4 de ces bactéries leur a permis d'identifier deux nouveaux genres inconnus appartenant à la classe Deltaproteobacteria, l'une des classes bactériennes les plus étudiées. Grâce à l'analyse d'échantillons provenant d'un bassin saumâtre de la vallée de la mort en Californie, les chercheurs ont réussi à isoler et à cultiver une bactérie, nommée Desulfamplus magnetomortis BW-1, appartenant à un de ces nouveaux genres bactériens et capable de produire à la fois de la greigite et de la magnétite. De manière générale, chez les MTB, la formation des magnétosomes est contrôlée génétiquement par un groupe de gènes, les gènes mam, qui sont spécifiques des bactéries magnétotactiques (MTB). Le séquençage du génome de la bactérie BW-1 a confirmé l'existence de ces gènes mam chez cette nouvelle espèce. Toutefois, chez BW-1, ces gènes s'organisent différemment et forment deux groupes de gènes distincts dans le génome. Le premier groupe est homologue aux gènes permettant chez les MTB la formation de nano-aimants de magnétite. Le second partage le plus de similarités avec des gènes impliqués dans la formation de nano-aimants de greigite. La formation des magnétosomes de magnétite et de greigite, chez la bactérie BW-1, serait donc régie par ces deux groupes de gènes dont l'expression serait régulée en fonction des conditions environnementales.
Un grand nombre d'applications biotechnologiques sont à l'étude pour l'utilisation des nanocristaux de magnétite produit par les MTB, notamment pour l'imagerie par résonnance magnétique, la dépollution ou l'utilisation de magnétosomes modifiés comme catalyseurs. La première mise en culture de cette nouvelle bactérie produisant de la greigite est une avancée majeure qui va permettre de caractériser ces nouveaux nanoaimants et d'élargir le champ des applications potentielles des magnétosomes.
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VIE PRIMITIVE |
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Paris, 12 mars 2012
Des briques moléculaires de la vie primitive découvertes dans une comète artificielle
Les premières molécules de la vie se forment naturellement dans les comètes : c'est ce que suggèrent des travaux menés par une équipe franco-allemande comprenant les groupes d'Uwe Meierhenrich et de Cornelia Meinert de l'Institut de chimie de Nice (Université Nice Sophia Antipolis/CNRS), et de Louis Le Sergeant d'Hendecourt de l'Institut d'astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Sud). Après avoir fabriqué une comète artificielle, les chercheurs ont analysé ses composants avec une technique unique au monde. Et il est apparu pour la première fois que les comètes pourraient renfermer des molécules qui constituaient la matière génétique primitive : des « acides diaminés » (1). Au croisement de la chimie, de la biologie, et de l'astrophysique, ces travaux soutiennent la thèse selon laquelle les briques élémentaires de la vie ne sont pas apparues sur Terre mais dans l'espace. Ils viennent d'être publiés dans la version en ligne de la revue ChemPlusChem.
Ces analyses s'inscrivent dans le cadre de la grande mission spatiale européenne « Rosetta ». Ce programme a pour objectif de faire atterrir en 2015 une sonde sur la comète Tchourioumov-Guerassimenko pour étudier la composition de son noyau. Pour essayer d'anticiper les résultats de Rosetta, les scientifiques ont imaginé fabriquer une comète artificielle, ou « glace interstellaire/cométaire simulée », et analyser ses constituants.
L'équipe de Louis Le Sergeant d'Hendecourt s'est chargée de fabriquer une micro-comète à l'Institut d'astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Sud) . Dans des conditions extrêmes semblables à celles de l'espace (-200°C et sous vide), les chercheurs ont condensé, sur un morceau solide de fluorure de magnésium (MgF2), des composés existant dans le milieu interstellaire : des molécules d'eau (H2O), d'ammoniac (NH3) et de méthanol (CH3OH). Cela, en irradiant le tout avec un rayonnement ultraviolet. Au bout de dix jours, ils ont obtenu quelques précieux microgrammes (10-6 grammes) de matière organique artificielle.
Cette matière organique interstellaire simulée a été ensuite analysée à l'Institut de chimie de Nice (Université Nice Sophia Antipolis/CNRS) par l'équipe d'Uwe Meierhenrich et de Cornelia Meinert. Cela, avec une technologie très performante : un « chromatographe multidimensionnel en phase gaz » (un « GCxGC/TOF-MS »). Installé à Nice en 2008, cet appareil permet de détecter dix fois plus de molécules dans un échantillon qu'un chromatographe traditionnel dit « monodimensionnel ».
Grâce à leur technologie, les chimistes ont pu identifier vingt-six acides aminés dans la comète artificielle. Là où les précédentes expériences internationales avaient trouvé seulement trois acides aminés. Plus important, ils ont aussi découvert ce que personne n'avait observé avant eux : six acides diaminés, dont - surtout - la N-(2-Aminoethyl)glycine. Un résultat révolutionnaire. Car ce dernier composé pourrait être un des constituants majeurs de l'ancêtre de l'ADN terrestre : la molécule d'acide peptidique nucléique (APN).
Primordiaux, ces résultats indiquent que les premières structures moléculaires de la vie auraient pu se former dans le milieu interstellaire et cométaire, avant d'atterrir sur la Terre primitive lors de la chute de météorites et de comètes.
L'étape suivante : déterminer les conditions de pression, de température, de pH, etc., dans lesquelles la N-(2-Aminoethyl)glycine a pu ensuite former de l'APN. Pour mener à bien ce nouveau projet, les chercheurs ont déjà commencé à constituer une collaboration avec deux grandes équipes, l'une américaine et l'autre, anglaise.
Notes :
(1) Acides diaminés : molécules formées de deux « groupes amines » (–NH2) et non d'un seul comme les acides aminés classiques qui constituent les protéines.
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CELLULES SOUCHES |
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Paris, 10 mai 2012
Les hormones thyroïdiennes régulent les cellules souches neurales
L'équipe de Barbara Demeneix, du laboratoire « Évolution des régulations endocriniennes » (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS), vient de mettre en évidence un nouveau rôle des hormones thyroïdiennes dans la régulation des cellules souches neurales chez la souris adulte. Ces résultats montrent l'importance de la régulation endocrinienne dans l'homéostasie de la niche neurogénique (1). Essentielles pour le développement du cerveau, les hormones thyroïdiennes peuvent causer le crétinisme (2) chez l'enfant si elles sont produites en quantités insuffisantes. Les chercheurs ont étudié le lien entre les hormones thyroïdiennes et la neurogenèse (3) chez la souris adulte. Leurs résultats montrent que l'expression de Sox2, gène clé impliqué dans la physiologie des cellules souches neurales, est directement régulée par les hormones thyroïdiennes dans une des niches neurogéniques du cerveau adulte. Ces travaux devraient à terme permettre de mieux comprendre certains troubles neurologiques associés à l'hypothyroïdie chez l'adulte ou la personne âgée. Ils viennent de paraître dans la revue Cell Stem Cell.
Les hormones thyroïdiennes sont essentielles pour le développement du cerveau. Une insuffisance en ces hormones est cause de crétinisme. Ceci illustre un des nombreux effets joués par les hormones thyroïdiennes et ce, à différentes étapes fondamentales du développement, notamment lors de la métamorphose (4) des amphibiens et de la période périnatale chez les mammifères. Les troubles thyroïdiens atteignent 1 à 5 % de la population (une femme sur huit). Plusieurs processus clés dépendants des hormones thyroïdiennes lors du développement du cerveau, tels la neurogenèse et la plasticité synaptique, persistent chez l'adulte. S'ils touchent essentiellement des personnes adultes, les connaissances sur le rôle des hormones thyroïdiennes dans la physiologie du cerveau mature sont cependant parcellaires.
Chez l'humain adulte, des problèmes de thyroïde peuvent affecter la mémoire et l'humeur. Chez les mammifères, un défaut de neurogenèse peut également être associé à des troubles cognitifs. Les scientifiques du laboratoire « Évolution des régulations endocriniennes » ont ainsi analysé les liens entre les hormones thyroïdiennes et la neurogenèse chez la souris adulte. Ils ont pu démontrer que l'expression d'un gène clé, Sox2, impliqué dans la physiologie des cellules souches neurales, est directement régulée par les hormones thyroïdiennes dans une des niches neurogéniques du cerveau adulte. En effet, la T3, forme active des hormones thyroïdiennes, agit via le récepteur TRa1 dans les progéniteurs neuraux (5). Cette action favorise la prolifération et la différentiation des cellules souches neurales.
Références :
Alejandra Lopez-Juarez, Sylvie Remaud, Zahra Hassani, Pascale Jolivet, Jacqueline Pierre Simons, Thomas Sontag, Kazuaki Yoshikawa, Jack Price, Ghislaine Morvan-Dubois and Barbara A. Demeneix. Thyroid Hormone Signaling Acts as a Neurogenic Switch by Repressing Sox2 in the Adult Neural Stem Cell Niche, Cell Stem Cell (2012), doi:10.1016/j.stem.2012.04.008
Les hormones thyroïdiennes engagent les cellules souches neurales adultes vers la différentiation. Trois types cellulaires majoritaires sont présents dans la niche neurogénique du cerveau de mammifère adulte : les cellules souches, les cellules progénitrices et les neuroblastes qui migrent vers les bulbes olfactifs. Les hormones thyroïdiennes (T3 via leur récepteur TRα1) répriment l'expression du gène Sox2, impliqué dans la prolifération des cellules souches, et engagent ainsi les progéniteurs à donner des neuroblastes.
Ces travaux devraient à terme permettre de mieux comprendre les pathologies cognitives associées à un déficit en hormones thyroïdiennes chez l'homme.
Notes :
(1) Les niches neurogéniques sont des régions définies du cerveau où sont localisées les cellules souches et les progéniteurs.
(2) Le crétinisme est une maladie due au manque d'hormones thyroïdiennes. Ses symptômes sont un développement physique et mental arrêtés, une dystrophie des os et des pièces molles, et un métabolisme de base diminué. Cette pathologie n'existe plus en France car l'hypothyroïdie congénitale est dépistée systématiquement à la naissance depuis plusieurs dizaines d'années.
(3) La neurogenèse désigne l'ensemble du processus de création d'un neurone fonctionnel du système nerveux.
(4) La métamorphose est une période de la vie d'un animal qui correspond au passage d'une forme larvaire à une forme juvénile ou adulte. Elle se manifeste le plus souvent par d'importants changements (histologiques, physiologiques, comportementaux, etc.), c'est un des stades critiques pour de nombreuses espèces, qui peut être affecté par certains polluants (perturbateurs endocriniens notamment).
(5) Les progéniteurs neuraux sont des cellules à forte capacité proliférative issues des cellules souches.
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RECEPTEUR DE LA VITAMINE D |
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Paris, 17 janvier 2012
Récepteur de la vitamine D : première observation 3D en intégralité
Pour la première fois, une équipe de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, Université de Strasbourg/CNRS/Inserm) a réussi à photographier en entier, en 3D et à haute résolution (1), une petite molécule vitale, enfermée au cœur de nos cellules : le récepteur de la vitamine D (VDR). Publiée le 18 janvier 2012 dans la revue The EMBO Journal, cette étude apporte des informations clefs sur la structure 3D et le mécanisme d'action du récepteur au niveau moléculaire. Ces données sont cruciales pour la recherche pharmaceutique, le VDR étant impliqué dans de nombreuses maladies, comme les cancers, le rachitisme et le diabète de type 1.
Appartenant à ce que les biologistes appellent « la grande famille des récepteurs nucléaires », des protéines actives dans le noyau des cellules, dont font aussi partie les récepteurs « stéroïdiens » (récepteurs aux hormones sexuelles, etc.), le récepteur de la vitamine D (VDR pour vitamine D receptor) joue un rôle primordial. Il régule l'expression de gènes impliqués dans diverses fonctions biologiques vitales (croissance des cellules, minéralisation des os,...).
Jusqu'ici, les chercheurs n'avaient pu étudier de près que deux parties de ce récepteur : la région en interaction avec l'ADN et le domaine liant la vitamine D. Ces deux morceaux avaient été produits en laboratoire et leur structure étudiée individuellement avec la technique de cristallographie. Cette méthode n'avait pas permis de visualiser le VDR en entier car il s'est avéré difficile à cristalliser.
Pour relever ce défi - qui mobilise plusieurs équipes dans le monde depuis plus de 15 ans -, les groupes de Bruno Klaholz et de Dino Moras, tous deux directeurs de recherche CNRS à l'IGBMC, ont utilisé une technique innovante : la cryo-microscopie électronique (cryo-ME), qui nécessite un microscope électronique de dernière génération, dit « à haute résolution ». Ce bijou de technologie permet de visualiser des objets biologiques à l'échelle moléculaire, voire atomique. En France, le premier a été installé en 2008 à l'IGBMC (2). Avant ces travaux, beaucoup pensaient impossible l'étude du VDR avec la cryo-ME. En effet, jusqu'ici, les plus petites molécules visualisées avec cette technique pesaient plus de 300 kilodaltons (3) (kDa), voire quelques milliers de kDa, soit beaucoup plus que le VDR, qui pèse 100 kDa et mesure tout juste 10 nm (10 x 10-9 m).
Concrètement, Bruno Klaholz et ses collègues ont produit en laboratoire de grandes quantités du récepteur VDR humain dans des bactéries Escherichia coli (l'un des modèles les plus utilisés en biologie pour produire des protéines). Puis ils ont isolé le récepteur dans une solution physiologique contenant de l'eau et un peu de sel. L'échantillon contenant le VDR a ensuite été congelé en le plongeant dans de l'éthane liquéfié, ce qui permet un refroidissement extrêmement rapide (en une fraction de seconde, l'échantillon passe de 25°C à environ -184°C). Il a fallu, enfin, prendre 20 000 photos de particules du VDR dans différentes orientations à l'aide du microscope. Ce sont ces images qui, alignées et combinées grâce à un programme informatique, ont fourni, au final, une reconstruction en 3 D du VDR.
Cette image apporte des informations inédites sur le fonctionnement du récepteur. Elle révèle que le VDR et son partenaire RXR (récepteur du rétinoïde X, un dérivé de la vitamine A) forment une architecture ouverte, avec le domaine de liaison de la vitamine D orienté presque perpendiculairement au domaine de liaison à l'ADN (voir figure ci-dessous). Cette structure suggère une coopération entre les deux domaines, qui agiraient ensemble pour induire une régulation très fine de l'expression des gènes cibles.
Pionnier, ce travail ouvre la voie à l'étude de plusieurs autres récepteurs nucléaires vitaux encore mal étudiés. Notamment, les biologistes pensent désormais à utiliser la cryo-ME pour révéler la structure des récepteurs stéroïdiens.
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