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Le cerveau au rythme du groove ou pourquoi la musique nous donne-t-elle envie de danser ?

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Le cerveau au rythme du groove ou pourquoi la musique nous donne-t-elle envie de danser ?

06 Mar 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie | Technologie pour la sante
 © AdobeStock

Pourquoi certaines musiques nous donnent-elles plus envie de danser que d’autres ? C’est à cette question qu’une équipe de recherche de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université a tenté de répondre en étudiant l’envie de danser (aussi appelée « groove ») et l’activité cérébrale de 30 participants écoutant de la musique. Les résultats montrent que la sensation de groove est maximale pour un rythme moyennement complexe et que l’envie de bouger se traduit au niveau cérébral par une anticipation du tempo de la musique. Ces travaux à paraître dans la revue Science Advances désignent également le cortex sensori-moteur gauche[1] comme le centre de coordination entre les systèmes auditif et moteur.

Qui dit danse dit action. Mais pour danser au son d’une mélodie, encore faut-il coordonner ses actions au rythme de la musique. De précédentes études ont déjà montré que le système moteur (constitué du cortex moteur[2] et de l’ensemble des structures cérébrales et des voies nerveuses qui, sous son contrôle, participent à l’exécution du mouvement) est crucial dans le traitement cérébral des rythmes musicaux.

Le « groove », c’est l’envie spontanée de danser en musique. Mais si certaines musiques nous entraînent furieusement sur la piste de danse, d’autres nous laissent impassibles. Alors, qu’est-ce qui fait que certaines musiques sont plus « groovy » que d’autres ?

Une équipe de recherche dirigée par Benjamin Morillon, chercheur Inserm au sein de l’Institut de neurosciences des systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), s’est intéressée aux dynamiques neurales (c’est-à-dire aux interactions entre les neurones résultant de l’activité électrique du cerveau) de 30 participants lors de l’écoute de musiques dont le rythme était plus ou moins complexe. Ceci dans le but de déterminer les mécanismes cérébraux impliqués dans l’émergence de la sensation de groove.

Pour ce faire, l’équipe a tout d’abord créé 12 mélodies courtes composées d’un rythme de 120 battements par minute – soit 2 Hz, rythme moyen retrouvé dans la musique en général. Chaque mélodie a ensuite été modifiée afin d’obtenir trois variantes avec un degré croissant de syncope[3] (faible, moyen, fort) – c’est-à-dire avec un rythme de plus en plus complexe, mais sans modifier ni la vitesse du rythme ni les autres caractéristiques musicales de la mélodie.

Les chercheurs ont ensuite demandé aux participants d’écouter ces mélodies pendant qu’ils enregistraient en temps réel leur activité cérébrale à l’aide d’un appareil de magnéto-encéphalographie (MEG). À la fin de chacune d’elle, la consigne était de noter le niveau de groove ressenti.

Ils ont également créé un modèle mathématique de réseau neuronal dit « neurodynamique » permettant de décrire de manière simple les calculs nécessaires à l’émergence du groove réalisés par le cerveau.

L’expérience du groove telle que rapportée par les participants – et reproduite par le modèle neurodynamique – apparaissait corrélée au taux de syncope. Comme déjà observé dans de précédentes études, l’envie de bouger en musique était maximale pour un rythme présentant un taux intermédiaire de syncope, c’est-à-dire n’étant ni trop simple, ni trop complexe.

« Ces résultats montrent que l’engagement moteur lié au groove se matérialise par une anticipation temporelle du tempo. Celle-ci repose au niveau cérébral sur un équilibre dynamique entre la prévisibilité temporelle du rythme (moins le rythme est complexe, meilleure elle est) et les erreurs de prédiction temporelle de l’auditeur (plus le rythme est complexe, plus elles sont nombreuses) », précise Arnaud Zalta, premier auteur de l’étude et post-doctorant à l’ENS-PSL.

L’analyse de l’activité cérébrale des participants a ensuite permis aux chercheurs de mettre en évidence le rôle du cortex sensorimoteur gauche comme coordonnateur des dynamiques neurales impliquées dans la prédiction temporelle auditive d’une part et dans la planification et l’exécution du mouvement d’autre part.

« L’aire cérébrale où se situe le cortex sensorimoteur gauche est actuellement considérée comme la potentielle clé de voûte de l’intégration sensorimotrice, essentielle à la fois pour la perception de la musique et de la parole. Le fait qu’il apparaîsse dans notre étude comme nécessaire à la “coopération” entre les systèmes auditif et moteur vient renforcer cette hypothèse, d’autant plus que nous utilisons ici des stimuli naturels », conclut Benjamin Morillon.

 

[1]Dans le cerveau, le cortex sensorimoteur regroupe le cortex moteur et le cortex sensoriel (gyrus postcentral, à l’avant du lobe pariétal), séparés par le sillon central. Il est impliqué dans la coordination des mouvements : il reçoit les informations sensorielles provenant des différentes parties du corps et les intègre pour ajuster et affiner les mouvements générés par le cortex moteur.

[2]Le cortex moteur regroupe les aires du cortex cérébral qui participent à la planification, au contrôle et à l’exécution des mouvements musculaires volontaires. Il est situé dans la partie postérieure du lobe frontal du cerveau, au niveau du gyrus précentral.

[3]En solfège rythmique, si on considère une mesure à 4 temps, les temps 1 et 3 sont appelés « temps forts » et les temps 2 et 4 sont appelés « temps faibles ». La syncope correspond à un rythme dans lequel une note (voire un accord) est attaquée sur un temps faible et prolongée sur le temps fort suivant. Pour l’auditeur, cela crée un déplacement de l’accent attendu, perçu comme une sorte de « hoquet » musical qui perturbe la régularité du rythme. Ces motifs musicaux sont notamment très présents dans la musique funk ou le jazz.

 

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L’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle la mémoire immunitaire

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L’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle la mémoire immunitaire

04 Août 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Covid-19 | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie


Cells infected with SARS-CoV-2 © Alberto Domingo Lopez-Munoz, Laboratory of Viral Diseases, NIAID/NIH

Les équipes du service de médecine interne de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, de l’Institut Necker – Enfants malades, de l’institut Mondor de Recherche Biomédicale, de l’institut Pasteur, de l’Inserm, et de l’Université Paris-Est Créteil ont étudié la mémoire immunitaire après infection par le variant Omicron BA.1 chez des patients vaccinés avec trois doses du vaccin Covid-19 à ARN messager. Les résultats de cette étude (MEMO-VOC), coordonnée par le Dr Pascal Chappert et le Pr Matthieu Mahévas, en collaboration avec le Dr Pierre Bruhns et le Dr Félix Rey ont fait l’objet d’une publication le 4 août 2023 dans la revue Immunity.

La protéine Spike du SARS-CoV -21 Omicron BA.1 porte 32 mutations par rapport à la souche ancestrale (Hu-1) identifiée à l’origine. Ces mutations altèrent considérablement les anticorps neutralisants induits par une infection naturelle par le SARS-CoV-2 et/ou la vaccination avec un vaccin à ARNm codant.

La mémoire immunitaire est un mécanisme qui protège les individus contre la réinfection. Cette stratégie de défense de l’organisme qui est à la base du succès des vaccins comprend la production d’anticorps protecteurs dans le sang (détectés par sérologie) ainsi que la formation de cellules à mémoire (lymphocytes B mémoires2), capables de se réactiver rapidement en cellules productrices d’anticorps lors d’une nouvelle infection.

La littérature scientifique a déjà montré3,4 que le répertoire des lymphocytes B mémoires généré par deux ou trois doses de vaccins à ARNm contient des clones neutralisants contre toutes les variants du SARS-CoV-2 jusqu’à Omicron BA.1.

L’équipe de recherche a étudié les lymphocytes B mémoire après une infection par SARS-CoV-2 Omicron BA.1 chez 15 individus préalablement vaccinés avec trois doses du vaccin COVID-19 à ARNm encodant la protéine Spike initiale du virus. Elle les a suivis jusqu’à 6 mois après l’infection par Omicron BA.1 pour caractériser la réponse des lymphocytes B, depuis la réaction immunitaire précoce jusqu’à l’installation tardive de la mémoire à long terme.

Cette étude révèle que l’infection par le variant Omicron BA.1 mobilise principalement des cellules B mémoires reconnaissant des protéines communes entre la protéine Spike initiale et Omicron BA.1 déjà présentes dans le répertoire formé après la vaccination, mais peu de cellules dirigées contre les mutations spécifiques de BA.1.

Néanmoins, l’infection par Omicron BA.1 induit tout de même une réorganisation dans le répertoire de cellules B mémoire sans altérer sa diversité, et une amélioration de l’affinité globale du répertoire B mémoire contre les structures communes de la Spike encodé dans le vaccin d’origine (Spike Hu-1) et celle du variant Omicron BA.1. Cette réorganisation du répertoire mémoire est associée à une amélioration significative de la capacité à neutraliser Omicron BA.1.

Ces résultats suggèrent que l’infection par le virus Omicron BA.1 chez des patients vaccinés remodèle le répertoire des lymphocytes B mémoires et améliore la capacité des cellules mémoires à reconnaitre des épitopes5 conservés du SARS-CoV-2 et à neutraliser le virus.

Des stratégies vaccinales futures seront néanmoins nécessaires pour étendre la réponse immunitaire au-delà des épitopes conservés pour faire face aux futures variations antigéniques du SARS-CoV-2.

Cette étude a été labellisée Priorité Nationale de Recherche par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur le COVID-19 (CAPNET). Les auteurs remercient l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes pour son soutien scientifique, le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour leur financement et leur soutien.

 

[1] Protéine du SARS-CoV‑2 qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines.
 
[2] Cellules immunitaires produites essentiellement au niveau des ganglions lymphatiques et de la rate à la suite d’une infection. Elles persistent durablement dans ces régions et conservent le souvenir de l’agent infectieux. Si l’organisme y est à nouveau confronté, ces cellules sont immédiatement mobilisées et réactivent rapidement le système immunitaire pour une protection efficace de l’individu.
 
[3] Sokal, A., Broketa, M., Barba-Spaeth, G., Meola, A., Ferna´ ndez, I., Fourati, S., Azzaoui, I., de La Selle, A., Vandenberghe, A., Roeser, A., et al. (2022). Analysis of mRNA vaccination-elicited RBD-specific memory B cells re- veals strong but incomplete immune escape of the SARS-CoV-2 Omicron variant. Immunity 55, 1096–1104.e4. https://doi.org/10.1016/j. immuni.2022.04.002.
 
[4] Goel, R.R., Painter, M.M., Lundgreen, K.A., Apostolidis, S.A., Baxter, A.E., Giles, J.R., Mathew, D., Pattekar, A., Reynaldi, A., Khoury, D.S., et al. (2022). Efficient recall of Omicron-reactive B cell memory after a third dose of SARS-CoV-2 mRNA vaccine. Cell 185, 1875–1887.e8. https:// doi.org/10.1016/j.cell.2022.04.009.
 
[5] Partie d’une molécule capable de stimuler la production d’un anticorps.

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Conséquences sur la santé des essais nucléaires en Polynésie française

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Conséquences sur la santé des essais nucléaires en Polynésie française

15 Mai 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique

Entre 1966 et 1974, la France a réalisé 41 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française. © Unsplash

Les conséquences sanitaires des essais nucléaires réalisés en Polynésie française dans les années 1970 font l’objet d’études épidémiologiques à l’Inserm depuis plusieurs années. De précédents travaux publiés par une équipe de recherche de l’Inserm et de l’Université Paris-Saclay avec Gustave-Roussy s’étaient intéressés à la relation entre la fréquence des cancers de la thyroïde en Polynésie française et les essais nucléaires atmosphériques menés par la France. Les résultats avaient conclu que le risque de cancer de la thyroïde semblait très probablement légèrement augmenté avec la dose d’irradiation reçue suite aux essais nucléaires. Dans une nouvelle publication, les scientifiques confirment ces résultats et ont réalisé une analyse de prédiction des risques qui montre que les essais nucléaires réalisés par la France pourraient être responsables de 2,3 % des cas de cancer de la thyroïde. La spécificité de cette étude, dont les résultats sont publiés dans JAMA Network Open, repose sur l’accès aux originaux des rapports internes des services de radioprotection relatifs aux 41 essais nucléaires atmosphériques menés par la France entre 1966 et 1974 en Polynésie française, qui ont été déclassifiés secret-défense par l’armée française en 2013.

Entre 1966 et 1974, la France a réalisé 41 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie. Depuis plusieurs années, des équipes de recherche essayent d’évaluer les possibles conséquences des retombées radioactives de ces événements nucléaires sur la santé des populations. Ils s’intéressent plus particulièrement aux pathologies qui peuvent être radio-induites, telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, ou encore la cataracte.

Dans un rapport issu d’une expertise collective de l’Inserm délivré en 2021, les chercheurs et chercheuses mobilisés font état de deux études épidémiologiques publiées sur le sujet, dont une concernant le risque de développer un cancer de la thyroïde. Celui-ci constitue le risque sanitaire le plus important pour la population vivant à proximité des sites où ont eu  lieu les essais nucléaires, en raison de la quantité d’iode radioactif libérée lors des essais nucléaires et de son absorption active par la thyroïde.

En effet, lorsque l’iode radioactif se fixe à la place de l’iode naturel dans la thyroïde, il expose la glande aux rayonnements qu’il émet. Si ce radioélément se trouve en concentration importante dans la thyroïde, ces rayonnements risquent de provoquer des dommages dans l’ADN et d’induire le développement de tumeurs cancéreuses.

Dans une étude publiée en 2010 dans la revue British Journal of Cancer, les chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université Paris-Saclay au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à Gustave-Roussy avaient comparé l’exposition aux rayonnements des 229 Polynésiens ayant eu un diagnostic de cancer de la thyroïde différencié entre 1981 et 2003 à celle de 373 individus « témoins » n’ayant pas développé de cancer de la thyroïde dans cette même population. Cette étude cas-témoins menée sur la population locale montrait alors une faible augmentation du risque de cancer de la thyroïde en lien avec l’augmentation de la dose reçue à la thyroïde avant l’âge de 15 ans.

Bien qu’insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre les retombées des essais nucléaires atmosphériques et la survenue de pathologies radio-induites en Polynésie française, ces résultats ne permettaient pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires.

Dans la lignée de ces travaux, la même équipe de recherche a réalisé une deuxième étude épidémiologique portant sur 395 cas de cancers de la thyroïde diagnostiqués entre 1984 et 2016 en Polynésie et 555 témoins de la population générale. Pour la première fois, ils ont eu accès aux documents originaux des rapports internes des services de radioprotection relatifs aux 41 essais nucléaires atmosphériques menés par la France entre 1966 et 1974 en Polynésie française, déclassifiés par l’armée française en 2013.

Grâce à ces documents déclassifiés, aux données météorologiques, et à un interrogatoire de chaque cas et témoin (traçabilité des déplacements des populations, habitudes alimentaires…), les chercheurs et chercheuses ont pu simuler le nuage radioactif de chaque essai nucléaire, et estimer la dose de radiation reçue par la thyroïde des participants de l’étude. Celle-ci était de 4,7 milligrays en moyenne pour les cas et de 4,6 milligrays pour les témoins.

Sur l’ensemble des cas de cancers (395 personnes), les scientifiques n’ont pas trouvé d’association significative entre la dose de radiation à la thyroïde et le risque de cancer thyroïdien. Cependant, la relation était significative si on ne gardait dans l’analyse que les cancers invasifs nécessitant un traitement, et que l’on excluait les microcarcinomes papillaires non invasifs de la thyroïde (pMCT), qui sont fréquents et ne sont généralement pas opérés.

À partir de ces données croisées (déplacement des populations, habitudes alimentaires et taux d’incidence des cancers de la thyroïde), les chercheurs et chercheuses ont aussi effectué une prédiction de risque et montré que, sur la base des modèles de risque actuels, les essais nucléaires réalisés par la France pourraient être responsables au total de 2,3 % des cas totaux de cancer de la thyroïde (intervalle de confiance entre 0,6 et 7,7 %[1]).

« Ces résultats s’inscrivent dans la continuité de ce que nous avions préalablement conclu et confirment que les essais nucléaires sont très probablement à l’origine d’une augmentation, faible, de l’incidence des cancers de la thyroïde en Polynésie française. Ils doivent toutefois être considérés avec prudence car l’estimation des doses de radiation reçues à la thyroïde il y a plus de 50 ans est nécessairement imprécise », explique Florent de Vathaire, chercheur Inserm à Gustave-Roussy, premier auteur de l’étude.

Les scientifiques poursuivent leur recherche avec l’objectif d’ajouter à leur analyse l’évaluation des susceptibilités génétiques des populations (les facteurs héréditaires et la combinaison génétique propre à chaque individu) qui pourraient avoir une incidence sur le développement des cancers thyroïdiens dans la zone.

 

[1] L’intervalle de confiance définit une valeur minimale et une valeur maximale entre lesquelles se situe, pour un risque d’erreur donné, la valeur exacte de l’ensemble de la population.

 

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Maladies cardiovasculaires : alimentation, microbiote, immunité, tout est lié !

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Maladies cardiovasculaires : alimentation, microbiote, immunité, tout est lié !

27 Nov 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Physiopathologie, métabolisme, nutrition
Visualisation de la prolifération des cellules immunitaires (lymphocytes) dans les ganglions mésentériques sous l’influence du microbiote modulé par le régime gras. © Soraya Taleb/PARCC

Si un régime alimentaire riche en graisses et pauvre en fibres est reconnu comme favorisant les maladies cardiovasculaires comme l’athérosclérose, les mécanismes impliqués ne sont pas encore bien identifiés. Des chercheuses et chercheurs de l’Inserm et d’Université Paris Cité se sont intéressés au rôle du microbiote intestinal dans le développement de l’athérosclérose. Leurs travaux chez la souris mettent en évidence que la faible contenance en fibres du régime gras entraînerait un déséquilibre du microbiote intestinal, lui-même à l’origine d’une inflammation systémique aggravant le développement des plaques d’athérosclérose dans les artères. Ces résultats publiés dans Cell Reports fournissent une preuve supplémentaire de l’importance du rôle des fibres dans l’alimentation, à la fois pour le bon fonctionnement de l’intestin et pour prévenir l’apparition des maladies cardiovasculaires.

Les maladies cardiovasculaires constituent une des premières causes de mortalité dans le monde. Parmi ces maladies, l’athérosclérose se caractérise par le dépôt d’une plaque dite d’« athérome », essentiellement composée de lipides, sur la paroi des artères. À terme, ces plaques peuvent entraîner la lésion de la paroi artérielle, obstruer le vaisseau ou se rompre, avec des conséquences souvent graves. Parmi les facteurs de risque majeurs de l’athérosclérose : l’obésité, en particulier celle qui est induite par un régime alimentaire trop riche en graisses et pauvre en fibres. Ainsi, l’alimentation mais également son impact sur le microbiote intestinal sont aujourd’hui des pistes d’intérêt pour la recherche sur les maladies cardiovasculaires.

Une équipe menée par Soraya Taleb, directrice de recherche Inserm au sein du Paris Centre de recherche cardiovasculaire (Inserm/Université Paris Cité), s’est intéressée chez la souris à l’influence d’un régime gras et pauvre en fibres sur le microbiote intestinal et à la façon dont il pourrait par ce biais contribuer au développement de l’athérosclérose.

Les chercheuses et chercheurs ont utilisé un modèle de souris permettant d’étudier l’athérosclérose induite par l’alimentation pour comparer les effets de plusieurs régimes alimentaires sur le métabolisme, le microbiote et le développement de l’athérosclérose.

Sans surprise, chez les souris soumises à un régime riche en graisses et pauvre en fibres, leurs résultats montrent une augmentation des facteurs de risque métaboliques liés aux maladies cardiovasculaires (prise de poids importante, hyperglycémie, résistance à l’insuline, augmentation du poids du foie et de son contenu en triglycérides…).

Mais ce ne sont pas les seuls effets observés de ce régime qui apparaît également associé à un déséquilibre global du microbiote – dans sa composition et dans sa réponse immunitaire –, se traduisant notamment par une altération de la production de dérivés métaboliques par les bactéries qui le composent. En particulier, les acides gras à chaîne courte, issus de la fermentation des fibres et reconnus pour leur impact positif sur la santé, sont produits en plus faibles quantités.

Or ce déséquilibre apparaît lui-même associé non seulement aux facteurs de risque métaboliques mais également à une aggravation des manifestations de l’athérosclérose au niveau vasculaire, avec un accroissement de la taille des plaques d’athérome dans l’aorte ainsi qu’un phénomène inflammatoire systémique qui se traduit par l’augmentation du nombre de cellules immunitaires dans ces plaques. Cependant, une supplémentation en fibres permettait de contrer ces effets.

« Ces résultats indiquent que, chez les souris soumises au régime gras, un microbiote intestinal pathologique accélère le développement de l’athérosclérose, commente Soraya Taleb. Nos observations montrent également que plus que sa forte teneur en graisses, c’est la faible quantité de fibres contenues dans ce régime qui est à l’origine du déséquilibre du microbiote et donc de l’aggravation de l’athérosclérose. Cela appuie encore davantage l’idée d’un rôle primordial des fibres dans la structuration d’un microbiote sain et dans la prévention des maladies inflammatoires systémiques comme les maladies cardiovasculaires », poursuit-elle.

Mais comment expliquer le lien surprenant qui apparaît entre la composition du microbiote et l’accumulation de cellules immunitaires dans les plaques d’athérome ? Chez des souris greffées avec un microbiote intestinal initialement modulé par un régime gras, l’équipe de recherche a observé une prolifération accrue de cellules immunitaires au niveau des ganglions mésentériques[1], siège de leur activation dans le tractus gastro-intestinal.

Des techniques de traçage permettant de suivre la migration des cellules immunitaires ont permis de confirmer que c’étaient bien les cellules issues des ganglions mésentériques qui, après être passées de l’intestin dans la circulation sanguine, s’accumulaient dans les plaques d’athérome et contribuaient ainsi au développement de l’athérosclérose.

« Le fait qu’on ait pu observer que les cellules immunitaires sont capables de migrer de l’intestin vers la périphérie et de générer ainsi une inflammation systémique aggravant les plaques d’athérome ajoute une nouvelle dimension à notre compréhension du lien entre alimentation, intestin, microbiote et athérosclérose, précise Soraya Taleb. Des travaux complémentaires devront être menés pour identifier quelles bactéries du microbiote sont impliquées dans ce mécanisme, afin de pouvoir envisager des approches thérapeutiques ciblées et d’étudier ces mécanismes chez l’humain », conclut la chercheuse.

 

[1] Les ganglions mésentériques sont situés dans le mésentère, un repli du péritoine (la membrane recouvrant la cavité abdominale et les viscères) qui relie l’intestin grêle à la paroi postérieure de l’abdomen.

 

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