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ASTRONOMIE |
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astronomie
Johannes Vermeer, l'Astronome
Science qui étudie les positions relatives, les mouvements, la structure et l'évolution des astres.
Principales branches
La branche la plus ancienne de l'astronomie est l'astronomie de position, ou astrométrie, dont l'objet est la détermination des positions et des mouvements des astres, l'établissement de catalogues d'étoiles, la mesure des distances stellaires et l'établissement de l'échelle astronomique de temps. La mécanique céleste, qui lui est intimement liée, traite des lois régissant les mouvements des astres ; elle permet les calculs d'orbites et l'établissement des éphémérides astronomiques. Astrométrie et mécanique céleste constituent ensemble l'astronomie fondamentale.
Beaucoup plus récente, puisqu'elle n'a pris son essor que dans la seconde moitié du xixe s., mais devenue aujourd'hui la branche principale de l'astronomie, l'astrophysique étudie la physique et l'évolution des diverses composantes de l'Univers.
À l'astrophysique se rattache la cosmologie, qui a pour objet l'étude de la structure, de l'origine et de l'évolution de l'Univers à l'échelle globale. Enfin, l'étude des possibilités d'existence de vie dans l'Univers fait l'objet d'une discipline particulière, la bioastronomie, ou exobiologie, au confluent de l'astronomie, de la biologie, de la biochimie, etc.
Quelques grandes étapes historiques
L'homme a sans doute été frappé très tôt par les phénomènes célestes, mais les Égyptiens, les Babyloniens et les Chinois sont les premiers peuples à avoir accumulé des observations astronomiques, à partir du IIIe millénaire avant J.-C., généralement à des fins pratiques (établissement du calendrier, agriculture, prévisions astrologiques) ou religieuses.
Nicolas CopernicTycho BraheIsaac Newton
Ce sont les Grecs, à partir du vie s. avant J.-C., qui ont été à l'origine de l'astronomie scientifique. Cependant, l'autorité d'Aristote (ive s. avant J.-C.) imposa longtemps la croyance dans l'immobilité de la Terre. Le plus grand astronome observateur de l'Antiquité fut Hipparque (fin du iie s. avant J.-C.) ; son œuvre ne nous est connue que par celle de Ptolémée (fin du iie s. avant J.-C.), dont la version arabe, ou Almageste, nous est parvenue et représente une vaste compilation des connaissances astronomiques de l'Antiquité.
L'astronomie classique a pris naissance au xvie s. grâce à Copernic, qui proposa en 1543 une conception héliocentrique du monde ; puis Kepler établit de 1609 à 1619, à l'aide des observations de Tycho Brahe, les lois du mouvement des planètes ; à la même époque, Galilée effectua les premières observations du ciel à la lunette et fit de nombreuses découvertes (taches solaires, relief lunaire, phases de Vénus, satellites de Jupiter, etc.) ; enfin, Isaac Newton établit en 1687 les lois fondamentales de la mécanique céleste en déduisant des lois de Kepler et de la mécanique de Galilée le principe de la gravitation universelle.
Sir William Hersche
On put, dès lors, calculer avec précision les mouvements de la Lune, des planètes et des comètes. Aux xviiie et xixe s., la mécanique céleste est devenue de plus en plus précise, ce qui permit, en 1846, de découvrir la planète Neptune à la position que lui assignaient les calculs d'Urbain Le Verrier. La fin du xviiie s. vit aussi les débuts de l'astronomie stellaire, dont William Herschel peut être regardé comme le fondateur. Dans la seconde moitié du xixe s., l'application de la photographie et de la spectroscopie à l'étude des corps célestes a permis l'essor de l'astrophysique. Au xxe s., la théorie de la relativité généralisée d'Einstein (1916) et la mise en évidence des galaxies ont renouvelé la cosmologie avant que la radioastronomie puis les techniques spatiales ne viennent ouvrir de nouvelles fenêtres pour l'étude de l'Univers.
Une science d'observation
L'astronomie est depuis les origines une science d'observation. Les grandes découvertes dans son domaine sont presque toutes liées au progrès des moyens d'observation, même si cette discipline fait désormais un usage intensif de théories et de calculs par ordinateur.
Après l'apparition de la lunette astronomique et l'invention du télescope au xviie s., c'est au xxe s. que les progrès instrumentaux ont été le plus spectaculaire. Les astronomes disposent à présent de toute une panoplie d'instruments pour étudier le ciel à toutes les longueurs d'onde, non seulement celles de la lumière visible, mais aussi celles des divers rayonnements auxquels l'œil humain n'est pas sensible : ondes radio, infrarouge, ultraviolet, rayons X, rayons γ. Des sondes spatiales visitent les planètes du système solaire et leurs satellites. Sous les montagnes ou dans la mer, d'étranges détecteurs guettent de fantomatiques particules élémentaires venues du ciel, les neutrinos. Bientôt, des dispositifs complexes permettront de détecter les ondes gravitationnelles, ces déformations de l'espace-temps émises par des astres en effondrement. Néanmoins, bien des questions concernant l'Univers restent encore sans réponse : comment se sont formées les galaxies ? Comment naissent les étoiles ? Y a-t-il des planètes analogues à la Terre autour d'autres étoiles ? Quelles sont les conditions nécessaires à l'apparition de la vie sur une planète ?
La planétologie et l'étude du système solaire
Depuis les années 1960, l'exploration spatiale a révélé l'extrême diversité des planètes et des satellites du système solaire, qu'il s'agisse des planètes telluriques, disposant d'un sol rocheux (Mercure, Vénus, la Terre, Mars) ou des planètes géantes enveloppées d'une épaisse atmosphère d'hydrogène et d'hélium, entourées d'anneaux et accompagnées d'un cortège imposant de satellites (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune). Parmi les neuf planètes principales du système solaire, seule la plus éloignée du Soleil, Pluton, n'a pas encore été visitée par une sonde spatiale ; il s'avère aujourd'hui qu'elle constitue, en fait, le plus volumineux représentant connu d'une famille de petites planètes transneptuniennes.
Des vestiges d'une vie passée sur Mars ?
VénusVénus
Concernant les planètes telluriques, la grande question est de savoir pourquoi seule l'une d'entre elles, la Terre, a vu le développement de la vie. Car, si Mercure, trop petite et trop proche du Soleil, n'était vraiment pas idéale, Vénus et Mars, aux premiers temps du système solaire, n'étaient pas fondamentalement différentes de la Terre. Pour Vénus, l'emballement de l'effet de serre explique sans doute que son atmosphère, composée en majorité de gaz carbonique, soit devenue extrêmement dense et étouffante.
Quant à Mars, il semble que de l'eau ait coulé en abondance à sa surface il y a deux ou trois milliards d'années ; il n'est donc pas exclu qu'une vie primitive y soit apparue et s'y soit un moment développée dans un passé lointain : c'est ce que nous apprendra peut-être la flottille de sondes qui doit poursuivre l'exploration de la planète dans les années à venir. Que s'est-il donc passé pour que la « planète rouge » devienne un désert froid et sec ? Nous ne le savons pas encore avec certitude ; certains théoriciens pensent que l'axe de rotation de Mars a connu des variations d'inclinaison telles qu'elles ont provoqué des glaciations catastrophiques. L'axe de rotation de la Terre aurait, au contraire, été stabilisé par la présence de la Lune.
Des lunes singulières
Notre connaissance des planètes géantes a connu une véritable révolution grâce aux deux sondes américaines Voyager. Ce sont elles qui ont révélé au grand public et aux chercheurs l'étonnante variété des planètes géantes, les secrets de l'atmosphère de Jupiter, la multiplicité des anneaux de Saturne et les tempêtes de Neptune. Autour de ces planètes gravitent des lunes singulières : ainsi, Io, l'un des satellites de Jupiter, est le siège d'un volcanisme actif qui renouvelle sa surface très rapidement (à l'échelle cosmique) ; Europe, autre satellite de Jupiter, apparaît entièrement recouvert d'une banquise qui cache probablement un océan liquide sous-jacent ; Titan, principal satellite de Saturne, est enveloppé d'une épaisse atmosphère à base d'azote où les planétologues espèrent déceler les traces de processus analogues à ceux qui ont conduit à l'apparition de la vie sur la Terre.
Petits corps et origine du système solaire
L'inventaire du système solaire ne s'arrête pas au Soleil et à ses planètes. L'espace interplanétaire contient des myriades de petits corps, des poussières de quelques micromètres seulement aux astéroïdes de quelques dizaines ou centaines de kilomètres de diamètre, en passant par les noyaux glacés de comètes de quelques kilomètres. Tous ces corps ont peu évolué depuis la formation des planètes, il y a quatre milliards et demi d'années environ, et leur étude est donc très importante pour comprendre l'origine du système solaire. La composition chimique des noyaux cométaires est l'une des clefs de l'énigme, mais il est très difficile de la déterminer à partir d'observations effectuées au sol.
Sonde Rosetta et atterrisseur PhilaeSonde Rosetta et atterrisseur Philae
Là encore, les sondes spatiales s'avèrent indispensables. C'est ainsi qu'en 1986 plusieurs sondes, notamment l'européenne Giotto, se sont approchées de la comète de Halley, et qu'en 2004 l'Agence spatiale européenne a lancé Rosetta, destinée à rencontrer en 2014 la comète Tchourioumov-Gerasimenko (ou, selon la graphie anglo-saxonne, Churyumov-Gerasimenko) et à la suivre sur son orbite pendant dix-huit mois.
La recherche des planètes extrasolaires
Une grande découverte des années 1990 a été celle de planètes autour d'autres étoiles que le Soleil. Au début de 2004, on en dénombrait déjà plus de 100. Toutefois, les limitations des méthodes de détection actuelles, qui reposent sur l'observation à partir du sol de petites perturbations dans le mouvement de l'étoile, interdisent de détecter des planètes de type terrestre. Les planètes déjà recensées sont pour la plupart des géantes plus massives que Jupiter et qui gravitent à faible distance de leur étoile. On a donc du mal à imaginer qu'elles puissent abriter une forme quelconque de vie. L'étape suivante viendra d'observations spatiales, comme celles du satellite français COROT (lancement prévu en 2006) ou, plus tard, du satellite européen GAIA (lancement envisagé en 2009) qui pourra faire l'inventaire de toutes les étoiles possédant des planètes dans un rayon de 1 000 années-lumière autour de la Terre. Une fois détectées des planètes du type terrestre, on pourra tenter de déterminer si elles sont entourées d'une atmosphère et si celle-ci contient de l'oxygène ou de l'ozone, indice quasi certain de la présence de vie.
L'étude du Soleil
L'étoile autour de laquelle tourne notre planète, le Soleil, commence à nous être mieux connue, depuis son cœur jusqu'à sa région la plus externe, la couronne. C'est heureux, car notre connaissance du Soleil est à la base de celle de toutes les autres étoiles. Certains problèmes subsistent cependant, comme celui de comprendre pourquoi la couronne solaire est si chaude (plusieurs millions de degrés). L'étude des vibrations solaires, ou héliosismologie, est une science nouvelle qui permet de mieux comprendre la structure interne du Soleil, connaissance indispensable puisque c'est là que se trouve le « moteur » thermonucléaire de l'astre. Ce que nous savons du Soleil provient d'observations au sol, en lumière visible et dans le domaine radio, mais aussi d'observations effectuées dans l'espace par divers satellites, notamment l'européen SOHO (lancé en 1995). L'enjeu majeur de ces observations est de comprendre l'origine du cycle d'activité solaire de onze ans. À terme, on espère parvenir à prédire les « sautes d'humeur » du Soleil, ses orages et ses éruptions. Cela serait fort utile car ces phénomènes ne sont pas sans effet sur les activités humaines : brouillage des radiocommunications, courts-circuits sur les lignes à haute tension à l'origine d'importantes pannes d'électricité, dommages apportés aux équipements électroniques des satellites… L'enjeu économique de la « météorologie solaire », même balbutiante, est considérable. Certains chercheurs pensent même que les humeurs du Soleil pourraient avoir une influence sur le climat terrestre.
L'astrophysique stellaire
Le Soleil est l'étoile de référence des astronomes. Par son âge, sa masse et sa composition, c'est une étoile moyenne, comme il en existe des milliards dans notre galaxie. Mais on trouve aussi une multitude d'étoiles plus petites, et d'autres plus massives et plus rares. La masse des étoiles varie dans une large palette, depuis les minuscules naines brunes qui ne sont pas assez massives pour que des réactions thermonucléaires s'allument en leur centre, jusqu'aux énormes étoiles bleues qui ne vivent que quelques millions d'années avant d'exploser sous les traits de supernovae.
Le Soleil, quant à lui, se trouve à peu près à la moitié de sa vie, dont la durée estimée est de l'ordre de 10 milliards d'années. En effet, les étoiles ne sont pas éternelles ! Les grandes lignes de leur évolution, qui dépend principalement de leur masse et accessoirement de leur composition chimique, sont assez bien connues. Les phases qui restent les plus mystérieuses sont leur naissance et, dans une moindre mesure, leur mort. On sait que, selon sa masse initiale, une étoile finit en naine blanche (cas du Soleil), en étoile à neutrons ou en trou noir. Un astre compact comme une étoile à neutrons ou un trou noir peut happer la matière d'une étoile compagne et s'entourer d'un disque de matière extrêmement chaud où vont se produire toutes sortes de phénomènes d'une violence inouïe. Ces derniers se traduisent par des sursauts d'émission de rayonnements X ou γ. Les phases terminales de la vie des étoiles constituent donc l'un des domaines de prédilection de l'astronomie des hautes énergies.
Les secrets de la naissance des étoiles
Quant à la naissance des étoiles, elle reste l'une des questions ouvertes de l'astronomie. Pourquoi se forme-t-il de petites étoiles et des grosses, dans des proportions qui semblent peu varier d'une extrémité à l'autre de notre galaxie ? Pourquoi les étoiles naissent-elles le plus souvent en couples, voire en « multiplets » ? Ces processus sont restés longtemps mal connus, en grande partie parce que les « maternités » d'étoiles se situent au cœur des nuages interstellaires et restent cachées à l'observation aux longueurs d'onde de la lumière visible à cause de la présence de grandes quantités de poussières dans ces nuages. Les observations dans les domaines infrarouge et radio commencent à lever une partie du voile. On s'est ainsi aperçu que la naissance des étoiles s'accompagne de phénomènes d'éjection de matière jusqu'à des distances qui atteignent l'année-lumière. Il semble aussi acquis que la plupart des étoiles naissent au sein d'un disque de gaz et de poussières qui disparaît au bout de quelques millions d'années. Peut-on pour autant en déduire que dans ce disque se sont formées des planètes ? Le débat reste ouvert.
Les nuages de gaz interstellaire dans lesquels naissent les étoiles font également partie des objets de l'astrophysique qui demeurent mal compris, en partie à cause des limitations des observations, mais aussi à cause de leur complexité qui rend difficile leur description complète. Ce sont pourtant de fabuleux laboratoires de physique et de chimie, mariant les températures les plus extrêmes comme les densités les plus faibles ; là s'élaborent petit à petit les poussières qui donneront un jour naissance à des planètes, les pellicules de glace qui donneront un jour naissance à des océans. Certains astronomes pensent même que les molécules nécessaires à l'apparition de la vie, les molécules prébiotiques, auraient été élaborées au sein de ces nuages interstellaires.
L'étude de la Galaxie
Étoiles, gaz et poussières sont les ingrédients qui composent une galaxie, et notamment la nôtre, que les études accumulées depuis la fin du xixe s. ont permis de mieux connaître. Notre galaxie comporte un disque avec un renflement central, le bulbe, une structure allongée émanant de ce renflement, la barre, et plusieurs bras spiraux qui s'enroulent dans le disque. Le Soleil n'est pas situé au centre, mais plutôt à la périphérie. Le disque est noyé dans un halo qui contient des étoiles, du gaz, mais aussi de grandes quantités de matière qui n'émet aucune lumière et reste donc parfaitement mystérieuse. La présence de cette matière sombre (ou matière noire) se trahit par les forces de gravité qu'elle exerce sur les étoiles et le gaz environnants, mais on ignore toujours sa nature réelle. S'agit-il de gaz, par exemple d'hydrogène, trop froid pour émettre du rayonnement ? de naines brunes ? de grosses planètes du type de Jupiter ? ou de particules élémentaires ? Le problème n'est pas mince car ce sont au moins 90 % de la masse de l'Univers qui échappent ainsi aux observations : cela donne la mesure de l'ignorance des astronomes !
Les dimensions de notre galaxie ont plusieurs fois été révisées. Les résultats des mesures effectuées au début des années 1990 par le satellite européen Hipparcos ont conduit à une révision de l'ordre de 15 % de toute l'échelle des distances. Il faut dire que si l'on se limite aux observations en lumière visible, la profondeur que l'on peut sonder dans le disque de notre galaxie se limite à quelques dizaines d'années-lumière. En particulier, il est impossible d'avoir une vue directe du centre de la Galaxie, région pourtant fort intéressante. Cependant, par des observations dans d'autres domaines du spectre (rayonnement gamma, ondes radio) on a de fortes présomptions de la présence d'un volumineux trou noir au centre de la Galaxie. L'activité violente que l'on observe au centre de certains objets extérieurs à notre galaxie, les galaxies à noyau actif et les quasars, est attribuée à la présence en leur cœur d'un trou noir géant dont la masse atteint plusieurs dizaines de millions de fois celle du Soleil. Selon certains astrophysiciens, toutes les galaxies contiendraient un trou noir central, mais la plupart du temps celui-ci ne se manifesterait pas car il serait sous-alimenté en gaz. Confirmer la présence d'un trou noir au centre de notre galaxie viendrait donc conforter cette théorie.
L'astrophysique extragalactique
Le monde des galaxies est fort varié, mais on peut distinguer principalement deux grandes classes de galaxies : celles en forme de spirales, comme la nôtre, et les elliptiques, en forme de ballon de rugby. La grande question, toujours non tranchée, est celle de l'inné et de l'acquis. Les galaxies naissent-elles spirales, ou bien le deviennent-elles ? Restent-elles semblables à elles-mêmes pendant des milliards d'années, ou bien se construisent-elles progressivement, par accrétion d'entités plus petites ? Les collisions de galaxies jouent-elles un rôle dans leur évolution ? Il n'y a plus de doute aujourd'hui que les galaxies ont beaucoup changé depuis leur formation. La proportion exacte d'inné et d'acquis semble dépendre des régions de l'Univers et les galaxies situées dans des amas (grandes structures regroupant des centaines ou des milliers de galaxies) semblent différentes des autres. Il est clair également que certaines galaxies elliptiques sont nées de la fusion de deux galaxies spirales, mais est-ce vrai pour toutes les elliptiques ?
La cosmologie
Big bang et expansion de l'UniversBig bang et expansion de l'Univers
Avec la question de la naissance des galaxies, on entre de plain-pied dans le domaine de la cosmologie. Les observations du satellite américain COBE (COsmic Background Explorer) au début des années 1990 ont conforté les idées des spécialistes sur les premiers instants de l'Univers et le modèle du big bang « chaud ». D'après celui-ci, l'Univers, primitivement très dense et très chaud, serait brutalement entré en expansion il y a quelque 15 milliards d'années et ne cesserait de se dilater depuis. Cette expansion de l'Univers, reconnue par l'astronome américain Edwin Hubble à la fin des années 1920, est l'une des données de base de la cosmologie moderne. Paradoxalement, les tout premiers instants de l'Univers sont mieux connus que la période qui s'étend d'environ 300 000 ans après le big bang à la formation des premières galaxies. Grâce aux grands télescopes modernes, véritables machines à remonter le temps (du fait de la vitesse finie de propagation de la lumière, plus l'on observe loin dans l'espace, plus l'on observe loin dans le passé), on sait maintenant que moins d'un milliard d'années après le big bang il y avait déjà des galaxies ; mais les simulations sur ordinateur ont encore un peu de mal à reproduire toutes les observations. Pour cette question, on attend beaucoup du successeur du télescope spatial Hubble, le JWST (James Webb Space Telescope), un télescope spatial de 6 m de diamètre qui observera dans l'infrarouge, ainsi que d'un vaste réseau de radiotélescopes fonctionnant aux longueurs d'onde millimétriques et submillimétriques, ALMA (Atacama Large Millimeter Array), qui devraient tous deux entrer en service vers 2010.
Qu'en est-il de notre avenir lointain ? On sait que le futur de l'expansion de l'Univers dépend de la quantité de matière qu'il contient : la gravité créée par la matière est la seule force capable de contrecarrer l'expansion. On sait aussi que la matière lumineuse de l'Univers, celle que l'on recense quand on compte les étoiles et le gaz, représente moins de 10 % de la matière présente dans une galaxie ; à plus grande échelle, c'est pire encore et la quantité de matière sombre est encore plus importante. La mesure exacte est difficile, mais si la majeure partie de la matière qui constitue l'Univers reste effectivement invisible aux astronomes, ils sont néanmoins quasiment certains que l'Univers est appelé à devenir de plus en plus dilué et de plus en plus froid. D'autant plus que des observations récentes de supernovae lointaines semblent indiquer que son expansion, bien loin de ralentir, s'accélère.
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LES LUNES DE MARS ... |
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Paris, 4 juillet 2016
Un impact géant : le mystère de l'origine des lunes de Mars enfin percé
D'où viennent Phobos et Deimos, les deux petits satellites naturels de Mars ? Longtemps, leur forme a fait croire qu'ils étaient des astéroïdes capturés par Mars. Cependant la forme et l'orientation de leur orbite contredisent cette hypothèse. Deux études indépendantes et complémentaires apportent une réponse à cette question. Dans l'une, sous presse dans The Astrophysical Journal, des chercheurs majoritairement du CNRS et d'Aix-Marseille Université1 excluent la capture d'astéroïdes et montrent que le seul scénario compatible avec les propriétés de surface de Phobos et Deimos est celui d'un impact géant. Dans l'autre étude, grâce à des simulations numériques de pointe, une équipe belgo-franco-japonaise montre comment ces satellites ont pu se former à partir des débris d'une collision titanesque entre Mars et un embryon de planète trois fois plus petit. Ces travaux, fruit d'une collaboration entre des chercheurs de l'Université Paris Diderot et de l'Observatoire royal de Belgique, en collaboration avec le CNRS, l'Université de Rennes 12 et l'institut japonais ELSI, sont publiés le 4 juillet 2016 dans la revue Nature Geoscience.
L'origine des deux lunes de Mars, Phobos et Deimos, restait un mystère. Par leur petite taille et leur forme irrégulière, elles ressemblent beaucoup à des astéroïdes, mais on ne comprend pas comment Mars aurait pu les « capturer » pour en faire des satellites en orbite presque circulaire, dans le plan équatorial de la planète. Selon une théorie concurrente, Mars aurait subi à la fin de sa formation un impact géant avec un embryon de planète ; mais pourquoi les débris d'un tel impact auraient-ils formé deux petits satellites plutôt qu'une énorme lune, comme celle de la Terre ? Une troisième possibilité serait que Phobos et Deimos se soient formés en même temps que Mars, ce qui impliquerait qu'ils aient la même composition que leur planète ; cependant, leur faible densité semble contredire cette hypothèse. Aujourd'hui, deux études indépendantes viennent conforter la théorie de l'impact géant.
Dans l'une d'elles, une équipe de recherche belgo-franco-japonaise propose pour la première fois un scénario complet et cohérent de formation de Phobos et Deimos, qui seraient nés des suites d'une collision entre Mars et un corps primordial trois fois plus petit, 100 à 800 millions d'années après le début de la formation de la planète. Selon ces chercheurs, les débris de cette collision auraient formé un disque très étendu autour de Mars, formé d'une partie interne dense, composée de matière en fusion et d'une partie externe très fine, majoritairement gazeuse. Dans la partie interne de ce disque se serait d'abord formée une lune mille fois plus massive que Phobos, aujourd'hui disparue. Les perturbations gravitationnelles créées dans le disque externe par cet astre massif auraient catalysé l'assemblage de débris pour former d'autres petites lunes plus lointaines. Au bout de quelques milliers d'années, Mars se serait alors retrouvée entourée d'un cortège d'une dizaine de petites lunes et d'une énorme lune. Plusieurs millions d'années plus tard, une fois le disque de débris dissipé, les effets de marée avec Mars auraient fait retomber sur la planète la plupart de ces satellites, dont la très grosse lune. Seules ont subsisté les deux petites lunes les plus lointaines, Phobos et Deimos (voir l'infographie en fin de communiqué).
À cause de la diversité des phénomènes physiques mis en jeu, aucune simulation numérique n'est capable de modéliser l'ensemble du processus. L'équipe de Pascal Rosenblatt et Sébastien Charnoz a dû alors combiner trois simulations de pointe successives pour rendre compte de la physique de l'impact géant, de la dynamique des débris issus de l'impact et de leur assemblage pour former des satellites, et enfin de l'évolution à long terme de ces satellites.
Dans l'autre étude, des chercheurs du Laboratoire d'astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université) excluent la possibilité d'une capture, sur la base d'arguments statistiques et en se fondant sur la diversité de composition des astéroïdes. De plus, ils montrent que la signature lumineuse émise par Phobos et Deimos est incompatible avec celle du matériau primordial qui aurait pu former Mars (des météorites de la classe des chondrites ordinaires, des chondrites à enstatite et/ou des angrites). Ils s'attachent donc au scénario de l'impact. Ils déduisent de cette signature lumineuse que les satellites sont composés de poussières fines (de taille inférieure au micromètre3).
Or, la très petite taille des grains à la surface de Phobos et Deimos ne peut pas être expliquée uniquement comme la conséquence d'une érosion due au bombardement par les poussières interplanétaires, d'après ces chercheurs. Cela signifie que les satellites sont composés dès l'origine de grains très fins, qui ne peuvent se former que par condensation du gaz dans la zone externe du disque de débris (et non à partir du magma présent dans la zone interne). C'est un point sur lequel s'accordent les deux études. Par ailleurs, une formation des lunes de Mars à partir de ces grains très fins pourrait être responsable d'une forte porosité interne, ce qui expliquerait leur densité étonnamment faible.
La théorie de l'impact géant, corroborée par ces deux études indépendantes, pourrait expliquer pourquoi l'hémisphère nord de Mars a une altitude plus basse que le sud : le bassin boréal est sans doute la trace d'un impact géant, comme celui qui a in fine donné naissance à Phobos et Deimos. Elle permet aussi de comprendre pourquoi Mars a deux satellites et non un seul comme notre Lune, aussi née d'un impact géant. Ce travail suggère que les systèmes de satellites formés dépendent de la vitesse de rotation de la planète, puisqu'à l'époque la Terre tournait très vite sur elle-même (en moins de quatre heures) alors que Mars tournait six fois plus lentement.
De nouvelles observations permettront bientôt d'en savoir plus sur l'âge et la composition des lunes de Mars. En effet, l'agence spatiale japonaise (JAXA) a décidé de lancer en 2022 une mission, baptisée Mars Moons Exploration (MMX), qui rapportera sur Terre en 2027 des échantillons de Phobos. L'analyse de ces échantillons pourra confirmer ou infirmer ce scénario. L'Agence spatiale européenne (ESA), en association avec l'agence spatiale russe (Roscosmos), prévoit une mission similaire en 2024.
Ces recherches ont bénéficié du soutien de l'IPGP, du Labex UnivEarthS, d'ELSI, de l'Université de Kobe, de l'Observatoire royal de Belgique et de l'Idex A*MIDEX.
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LE MYSTÈRE DE L'ATMOSPHÈRE SOLAIRE FÉSOLU |
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Le mystère du chauffage de l'atmosphère solaire résolu
Le jeudi 18 juin 2015
En simulant l’évolution magnétique d’une partie du Soleil, des astrophysiciens ont identifié les mécanismes transportant l’énergie capable de chauffer l’atmosphère solaire.
Pourquoi l’atmosphère du Soleil a-t-elle une température plus élevée que sa surface ? Les chercheurs observent cet écart depuis la fin des années 1930, mais il restait jusqu’à aujourd’hui une énigme. En effet, la chaleur devrait logiquement baisser en se diffusant dans l’espace, or elle augmente. Une équipe d'astrophysiciens menée par Tahar Amari, directeur de recherche au Centre de physique théorique du CNRS, à l’École polytechnique, vient de proposer une solution à ce problème. Leur simulation explique comment la température passe de 6 000 degrés Celsius à la surface du Soleil, à plus de 10 000 degrés dans la chromosphère (la partie basse de son atmosphère), puis à plus d’un million dans la couronne (la haute atmosphère).
4 500 watts par mètre carré
Pour que les températures s’élèvent à ce point, il faut une quantité d’énergie considérable : environ 4 500 watts par mètre carré dans la chromosphère et 300 dans la couronne. La clé de l’énigme consiste donc à trouver à travers quel canal cette énergie est transportée de sous la surface du soleil jusqu’à l’atmosphère. La communauté scientifique se dispute depuis des décennies à ce sujet. La question s’est encore complexifiée récemment avec de nouvelles observations. Depuis une dizaine d’années, à l’aide de satellites tel Hinode, des phénomènes ont été remarqués dans la chromosphère : éruptions, jets de matière, tornades... Ces événements dont on connaît mal l’origine chauffent-ils l’atmosphère solaire ?
C’était l’hypothèse émise par certains chercheurs, mais les modèles qui en découlaient restaient jusqu’alors incomplets. De son côté, l’équipe du CNRS a tenté une autre approche. « Nous avons essayé de considérer le problème non pas à partir des phénomènes visibles, mais à partir de nos connaissances théoriques. Nous voulions avoir une vision globale des choses, explique Tahar Amari. Qui est le fournisseur d’énergie ? C’est le Soleil. Comment son énergie est majoritairement transférée? A travers son champ magnétique. »
En effet, les déplacements de matière électriquement chargée au sein du Soleil engendrent un fort champ magnétique, en théorie tout à fait capable de transporter de l’énergie jusqu’à la couronne. Mais pour le vérifier, l’équipe devait en réaliser une modélisation fiable. Or l’exercice est complexe : il est en fait impossible de simuler la formation et l’évolution du champ magnétique solaire dans sa totalité. Le phénomène est trop vaste et fait intervenir des mécanismes et des échelles plongeant jusqu’à 200 000 kilomètres de profondeur.
Champ magnétique à petite échelle
Pour contourner cette difficulté, les chercheurs ont concentré leurs efforts sur une seule partie du champ magnétique. Ils ont exclu de leurs calculs le champ magnétique global, dont on sait qu’il s’inverse environ tous les onze ans. Au contraire, ils se sont focalisés sur le champ magnétique à petite échelle, qui couvre presque toute la surface du Soleil et dépend peu de ces cycles. Leur hypothèse de départ était que ce champ magnétique à petite échelle devait naître dans une couche peu profonde de la surface solaire. Une couche qu’ils seraient en mesure de modéliser.
Dans un premier temps, les astrophysiciens ont donc réalisé leur simulation en ne tenant compte que d’une fine tranche du Soleil : de 1 500 kilomètres de profondeur jusqu’à la couronne. Couche très superficielle : en comparaison, le rayon de notre astre mesure 700 000 kilomètres. En limitant leurs calculs à cette échelle, ils ont obtenu des résultats d’une grande finesse, pouvant inclure les mouvements de plasma (de la matière ionisée, très chaude) qui ont lieu sous la surface du Soleil. A cet endroit, le plasma s’élève et replonge constamment. Ces mouvements de convection forment des « granules » visibles à la surface du Soleil. Or, à l’instar d’une dynamo, ces cellules de convection engendrent un champ magnétique qui s’amplifie et se maintient.
Cellules de granulation comparée à la taille de l'Europe
Ce champ magnétique est constitué de « cordes » qui s’entremêlent horizontalement dans la chromosphère. Elles se croisent et se superposent comme les racines d’une mangrove. Selon les estimations, ces cordes transportent une grande quantité d’électricité et forment également des agglomérats. En se reconfigurant, elles engendrent des micro-éruptions ainsi que des projections plus importantes associées à des jets de matière qui atteignent la basse couronne.
Premier succès : cette première simulation montre que ce champ magnétique est capable de transporter dans la chromosphère 4 500 watts par mètre carré : une énergie nécessaire pour la réchauffer. Elle n’explique pas, en revanche, l’élévation de la température jusqu’à un million de degré dans la couronne. En effet, ces « racines magnétiques » n’atteignent pas la haute atmosphère et les éruptions qu’elles engendrent ne transportent pas suffisamment d’énergie pour réchauffer sensiblement la couronne.
L’équipe a donc élargi ses recherches à l’aide d’une seconde simulation. Cette fois-ci, les astrophysiciens ont affiné leurs calculs en tenant compte d’un second champ magnétique à plus grande échelle, qui se superpose au champ magnétique de surface. Son origine est due à des mouvements de plasma plus profonds. Sa structure forme des « troncs » qui traversent la « mangrove » de surface et s’élèvent verticalement, plus haut dans la couronne. Bien qu’il soit de moindre intensité que le champ magnétique de surface, il s’étend aussi beaucoup plus loin dans l’atmosphère.
Encore plus intéressant, le modèle illustre comment ces deux champs magnétiques interagissent. Selon la simulation, un transfert d’énergie a lieu entre eux. Les éruptions multiples engendrées dans le premier, d’étendue limitée, font vibrer les « troncs » du second. Cette vibration se répand ensuite comme une onde… jusqu’à l’atmosphère éloignée. Or ces vibrations transportent précisément assez d’énergie pour expliquer le réchauffement de la couronne, fournissant les 300 watts par mètre carré recherchés.
Cette simulation propose donc une explication plausible à l’élévation des températures dans l’atmosphère solaire. Elle donne en outre une interprétation crédible des éruptions constatées dans la chromosphère, qui s’expliquent par les reconfigurations de la « mangrove magnétique ». Les astrophysiciens s’interrogeaient également sur l’origine des tornades visibles à la surface du Soleil. Selon la description proposée, il s’agirait de plasma projeté lors d’éruptions qui, en retombant, suit les spirales du champ magnétique. Ce travail est le premier à apporter autant d’éclaircissements sur les phénomènes en cours à la surface de notre astre.
Thibault Panis
Photo : Des "racines chromosphériques" plongent entre les granules. © Tahar Amari
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LA PISTE DES NEUTRINOS |
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La piste des neutrinos
dossier - par Jacques-Olivier Baruch dans mensuel n°384 daté mars 2005 à la page 38 (1094 mots) | Gratuit
L'énergie sombre serait-elle liée aux neutrinos, des particules qui interagissent faiblement avec la matière ? Cette récente hypothèse suppose que les masses de ces particules très légères varient au cours du temps. Elle pourrait être testée dans les expériences en cours.
Les physiciens adorent notre époque. Comme 95 % de l'énergie de l'Univers est d'origine inconnue, ils ont tout loisir d'imaginer de superbes théories, certes prédictives, mais encore invérifiables. Le XXIe siècle débute ainsi par un vaste champ de conjectures ouvertes. Parmi elles, l'énergie sombre tient une place de choix. Quelle est sa nature ? Comment interagit-elle avec la matière ? Pourquoi a-t-elle pris le pas sur la force gravitationnelle au point d'accélérer aujourd'hui l'expansion de l'Univers ?
Si de nombreux physiciens se « contentent » d'imaginer un champ scalaire de type quintessence voir l'article précédent, d'autres vont plus loin. C'est le cas d'une des dernières hypothèses en lice, lancée l'été dernier par un groupe de l'université de Washington, à Seattle. Dans deux articles, David Kaplan, Robert Fardon, Ann Nelson et Neil Weiner émettent l'hypothèse que les neutrinos, si leurs masses varient, feraient partie du moteur de l'accélération de l'Univers [1] [2]. Ils nomment leur théorie MaVaNs Mass Varying Neutrinos.
Des particules insaisissables
Les neutrinos sont des particules inventées par le théoricien Wolfgang Pauli, en 1930, pour résoudre un problème d'énergie dans le bilan des réactions nucléaires mettant en jeu les interactions faibles. Ils sont émis par plusieurs sources : lors des fusions nucléaires que connaissent les étoiles, celles que produisent les hommes dans les centrales ou les accélérateurs de particules, mais aussi lors de la désintégration de matières radioactives et des chocs avec les particules des rayons cosmiques. Une bonne partie d'entre eux provient des premiers instants de l'Univers.
Comme ils n'interagissent que très peu avec la matière, leur étude est difficile, et la connaissance que l'on a d'eux très parcellaire. Ils existent, puisqu'ils sont régulièrement détectés, la première fois étant en 1955 par Frederick Reines et Clyde Cowan. Ils sont de trois types différents. Chacun est associé à une particule existante, l'un avec l'électron, les deux autres avec ses deux grands frères, le muon ou le tau. Ils ne portent pas de charge et auraient des masses très faibles d'environ cinq millièmes d'électronvolt, soit cent millions de fois moins qu'un électron. Cette valeur a été déduite d'une autre propriété étonnante de ces particules : elles oscillent, c'est-à-dire qu'elles peuvent changer de type durant leur course dans l'Univers, comme ce fut démontré en 1998 par l'équipe japonaise du détecteur SuperKamiokande qui observa qu'un neutrino électronique pouvait se transformer en neutrino muonique [3].
On n'en sait pas plus. C'est dans ce gouffre d'ignorance que l'équipe de Seattle espère puiser la solution à l'énergie sombre. La source de cette énergie répulsive proviendrait, selon eux, de l'interaction entre les neutrinos et de nouvelles particules, dont la masse serait à peu près équivalente, soit un millième d'électronvolt. « Les neutrinos seraient ainsi une composante fondamentale de l'énergie sombre », commente Gia Dvali, physicien de l'université de New York [4].
David Kaplan et ses collègues arguent que, du fait de leur très faible masse, les neutrinos doivent être très sensibles aux interactions qui ne demandent que peu d'énergie. En particulier avec ces particules encore inconnues dont les auteurs postulent l'existence. Ce seraient les composantes d'un champ scalaire comme le prévoient aussi les modèles de quintessence. Les interactions entre ces particules de l'énergie sombre et les neutrinos seraient à l'origine des oscillations d'un type à un autre. En plus, elles provoqueraient une augmentation des masses des neutrinos au cours du temps. L'ensemble neutrinos-champ scalaire se conduirait tel un fluide de pression négative, poussant l'expansion de l'Univers à s'accélérer.
Mais pourquoi l'Univers s'étendrait-il plus vite aujourd'hui qu'hier, alors que l'expansion a dilué aussi bien la quantité de neutrinos que des autres particules ? La cause proviendrait encore du champ scalaire. Car, dans le scénario MaVaNs, l'énergie sombre se répartit entre celle du champ scalaire et celle liée à la masse totale des neutrinos. Or, seule cette dernière varie. Et encore, pas beaucoup, car la réduction de la densité des neutrinos au cours de l'expansion de l'Univers est contrebalancée par l'augmentation de leur masse. Au fur et à mesure de l'expansion, l'énergie gravitationnelle, dont l'effet est attractif, aurait diminué plus vite que l'énergie sombre. Il y a six milliards d'années, l'effet répulsif de cette dernière serait devenu prédominant : l'expansion cessa de ralentir pour accélérer.
La preuve à portée de main
Toujours selon MaVaNs, ce ne serait pas toujours le cas. Arriverait un moment où les neutrinos seraient trop dispersés et trop massifs pour être influencés par le champ scalaire de l'énergie sombre. L'accélération stopperait. L'expansion de l'Univers se poursuivrait, mais en ralentissant de plus en plus. « Une idée intéressante mais très spéculative », selon François Vannucci, du laboratoire de physique des hautes énergies de l'université Pierre-et-Marie-Curie. « Les nouvelles idées sont saines, tant que les scientifiques restent conscients que ce ne sont que des hypothèses, répond Ann Nelson, coauteur des deux articles. Pour l'instant, nous avons une théorie autocohérente, qui rend compte des observations passées et a des implications sur les expériences. »
C'est l'avantage de ce modèle. Alors que les autres modèles ne peuvent être confrontés qu'aux observations astronomiques ou cosmologiques, celui-ci pourrait être confirmé - ou contrecarré - à partir d'expériences terrestres. Et sans forcément devoir construire d'autres grands équipements, même si les auteurs n'oublient pas de demander la mise en service de nouvelles expériences spécialement consacrées à la résolution de cette énigme. Des déviations dans le modèle standard de ces particules insaisissables devraient être visibles dans les données des expériences passées, puisque les masses des neutrinos y ont toujours été considérées comme constantes. Ces données concernent aussi bien celles recueillies sur les neutrinos émis dans les réacteurs nucléaires, par exemple, ceux des centrales françaises de Chooz ou du Bugey, que les détections de neutrinos solaires effectuées par les expériences japonaises KamLand, K2K ou SuperKamiokande.
Mieux même, ces modèles pourraient résoudre l'anomalie de l'expérience américaine LSND à Los Alamos.
En 1995, ce Liquid Scintillator Neutrino Detector avait observé que les neutrinos muoniques se transformaient en neutrinos électroniques sur de très courtes distances. Les physiciens en déduisaient une masse différente de celles des autres expériences..., si les masses des neutrinos étaient constantes. La solution proposée par l'équipe de Washington permettrait donc de résoudre plusieurs énigmes à la fois.
Pour Gia Dvali, si la tentative de vérification de ce scénario échoue à dévoiler la nature de l'énergie sombre, elle permettra, au pire, de comprendre un peu mieux ces fantasques particules que sont les neutrinos. Ce sera déjà beaucoup.
Par Jacques-Olivier Baruch
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