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LA VIE DANS L'UNIVERS

 

Texte de la 2ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 2 janvier 2000 par André Brack

La vie : origine et distribution possible dans l'Univers


Le passage de la matière inanimée à la vie se fit vraisemblablement dans l'eau il y a 4 milliards d'années lorsque apparurent les premières molécules capables de s'auto-reproduire et d'évoluer. Empédocle explique ainsi l'apparition de l'homme: des têtes sans jambes, des jambes sans têtes, des bras, des torses, se promenaient autrefois à la surface de la Terre. Un jour, par hasard, tous les éléments nécessaires à la constitution d'un individu complet se rencontrèrent et ainsi s'auto-organisa le premier homme. En transposant l'image d'Empédocle au niveau moléculaire, l'émergence de la vie sur Terre peut être comparée à l'élaboration spontanée d'un édifice moléculaire à partir de molécules éparses. Par le jeu du hasard, un certain nombre de molécules s'auto-organisèrent et formèrent une structure chimique capable d'assembler d'autres molécules pour générer une deuxième structure à son image, transmettant ainsi le plan de montage. Par suite de légères erreurs de montage, une structure plus apte à se reproduire apparut et devint l'espèce dominante. Quelle structure chimique ? Quel plan de montage? Avec quelles molécules ? Combien de molécules ? Pour pouvoir répondre à ces questions, les scientifiques portent leurs efforts dans trois directions : recréer l'acte chimique originel en tube à essais, retrouver des formes fossilisées de cet acte chimique originel et rechercher des formes de vie voisines sur d'autres corps célestes.
1/ Recréer la vie originelle en tube à essais
Les premières molécules auto-reproductrices, et leurs précurseurs, furent probablement des molécules organiques construites sur un squelette d'atomes de carbone. Les atomes de carbone présentent deux caractéristiques qui sont d'excellentes signatures du vivant. L'atome de carbone possède deux isotopes stables 12C et 13C. La transformation enzymatique du dioxyde de carbone et des carbonates en carbone organique par les plantes et les microorganismes privilégie systématiquement l'isotope 12 du carbone. D'autre part, l'atome de carbone occupe généralement le centre d'un tétraèdre. Lorsque les groupes d'atomes aux quatre sommets du tétraèdre sont différents, l'image du tétraèdre dans un miroir ne lui est pas superposable. Le carbone devient asymétrique. Il existe alors deux formes spéculaires non superposables, images l'une de l'autre dans un miroir, appelées énantiomères (du grec enantios, opposé). Les molécules biologiques n'utilisent qu'une des deux formes spéculaires. On dit qu'elles sont homochirales (du grec kheir, main). La vie terrestre viole le principe de parité: la vie et son image dans un miroir n'existent pas avec une égale probabilité. Une vie racémique (de racemus, raisin) qui utiliserait indifféremment et simultanément les deux énantiomères gauches et droits des molécules semble très improbable.
Les molécules carbonées ont pu être fabriquées dans l'atmosphère à partir de méthane. Cette hypothèse fut confortée par les expériences de simulation de Miller. Les géochimistes privilégient à présent une atmosphère primitive riche en dioxyde de carbone. Dans une telle atmosphère, la production des briques du vivant est peu efficace. Pour Günter Wächtershäuser, les molécules organiques primordiales se formèrent par réduction du dioxyde de carbone à partir de sulfures d'hydrogène et de fer. En laboratoire, ces deux sulfures et le dioxyde de carbone réagissent pour donner de l'hydrogène et une variété de composés carbonés soufrés. Dans certaines conditions, il se forme également des esters soufrés qui ont pu constituer, selon Christian de Duve, la principale source énergétique du monde vivant primitif.
Cependant, la température élevée, jusqu'à 350°C, est un sérieux handicap car les molécules organiques ne sont pas stables à ces températures. On peut envisager des phénomènes de trempe thermique en continu dans l'eau environnante à une température proche de 0°C. Cette hypothèse est en train d'être vérifiée en laboratoire.
La chimie organique est particulièrement active dans le milieu interstellaire. Les radioastronomes y ont identifié 83 molécules organiques différentes. Les comètes et les météorites ont pu apporter des quantités très importantes de molécules organiques extraterrestres. Huit des vingt acides aminés constituant les protéines ont été identifiés dans la météorite de Murchison. Récemment, John Cronin trouva un excès d'environ 9% d'énantiomères gauches pour certains acides aminés non protéiques présents dans cette météorite. La découverte récente d'un rayonnement infrarouge fortement polarisé dans la région de formation de l'étoile Orion OMC-1 suggère que le système solaire, pendant la phase d'accrétion, a pu être exposé à une forte polarisation circulaire, polarisation due à la diffraction du nuage de poussières. Une polarisation à des longueurs d'onde plus courtes aurait pu détruire les acides aminés droits et seuls les acides aminés gauches auraient été déposés à la surface de la Terre par les météorites, les comètes ou les grains interplanétaires.
Une intéressante collection de micrométéorites a été récemment extraite de la glace bleue de l'Antarctique et analysée par Michel Maurette. Dans la gamme allant de 50 à 100µm, environ 80% des grains, vraisemblablement d'origine cométaire, renferment de la matière organique (2% de carbone) et n'ont pas fondu lors de la traversée atmosphérique. Des acides aminés y ont été détectés. On peut estimer à environ 30.000 milliards de tonnes la quantité de carbone apportée par ces grains à la surface de la Terre pendant la phase de bombardement intense il y a 4 milliards. A titre de comparaison, cette quantité représente environ 30 fois la quantité de carbone recyclée dans la biomasse actuelle. Pour conforter l'hypothèse d'une importation d'acides aminés extraterrestres, nous avons mené avec le CNES et l'ESA des expériences spatiales en orbite basse à bord de deux satellites russes automatiques FOTON (10 jours) et de la station MIR (3 mois). Les études ont porté sur la stabilité des acides aminés dans l'espace (dégradation chimique et racémisation) et la polymérisation de dérivés d'acides aminés et de peptides. Les résultats montrent une bonne stabilité des acides aminés lorsqu'ils sont protégés des UV par des surfaces minérales.
L'unité du vivant contemporain et, en particuliers, l'universalité du plan de montage suggèrent que la structure chimique originelle ressemblait déjà à une cellule. A partir des petites molécules organiques, les chimistes se sont efforcés de reconstituer en laboratoire les trois familles de pièces indispensables au fonctionnement de la cellule. Ils ont réussi à reconstituer deux des trois familles de molécules et ont montré que l'eau joue un double rôle de solvant et de réactif chimique. Ils n'ont pas réussi à reconstituer le plan de montage (ARN et ADN).
Les chimistes estiment que la structure chimique originelle devait être plus simple qu'une cellule et qu'un monde d'ARN dans lequel les ARN, à l'image des ribozymes, auraient été capables non seulement de véhiculer l'information mais aussi d'exercer une activité catalytique à l'instar des enzymes. En effet, la synthèse spontanée de l'ARN dans les conditions de la Terre primitive apparaît comme très difficile, donc peu probable. La structure chimique originelle devait aussi être suffisamment simple et robuste pour pouvoir supporter les gros impacts météoritiques et cométaires et résister aux UV solaires qui, à l'époque, traversaient l'atmosphère sans être filtrés par l'ozone.
La reconstitution de la vie primitive en tube à essais est difficile car elle se heurte à la flèche du temps et à sa durée. A cause de la flèche du temps et de l'évolution, la vie primitive était nécessairement très différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. A cause du facteur durée, la chimie en laboratoire ne pourra jamais reproduire strictement à l'identique les conditions de la chimie prébiotique. Les expériences permettent de conforter des hypothèses mais ne permettent pas de leur conférer une réalité historique indiscutable.
2/ Rechercher des formes fossilisées de la vie terrestre primitive
Les signatures des tout premiers systèmes vivants terrestres ont été effacés par l'histoire géologique turbulente de la Terre et en particulier par la tectonique de plaques qui fait passer la plaque océanique riche en sédiments sous la plaque continentale, la présence permanente de ruissellements d'eau, le rayonnement UV solaire non filtré par la couche d'ozone (l'oxygène était absent de l'atmosphère primitive), par l'oxygène produit ultérieurement en grande abondance par les systèmes vivants et par la vie elle-même lorsqu'elle a conquis l'ensemble de la planète. Les microorganismes fossiles les plus anciens ont été découverts en Australie par l'Américain William Schopf dans les stromatolithes fossilisés. Ils sont vieux de 3,465 milliards d'années. A cette époque, la vie microbienne était présente sous forme de cyanobactéries filamenteuses, vraisemblablement photoautotrophes, c'est-à-dire capables de fabriquer leurs constituants fondamentaux à partir du dioxyde de carbone atmosphérique. Cette vie primitive était déjà diversifiée puisque onze variétés (taxa) différentes ont été observées. Les roches sédimentaires les plus anciennes ont été trouvées au Sud-Ouest du Groënland. Les sédiments d'Isua datent de 3,8 milliards d'années, ceux d'Akilia de 3,85 milliards d'années. Ils témoignent de la présence permanente d'eau liquide, de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et renferment des kérogènes, molécules organiques complexes. L'enrichissement en carbone 12 du carbone organique présent dans ces sédiments est troublant. L'enrichissement suggère, mais ne prouve pas, l'existence d'une activité photosynthétique, donc d'une vie primitive, il y a 3,8 milliards d'années. Ces maigres indices géologiques permettent de penser que la vie, à l'origine, était déjà fondée sur l'utilisation de l'eau et des molécules organiques mais ne permettent pas de comprendre le début de la vie terrestre.
3/ Rechercher au delà de la Terre une vie proche de la vie terrestre
S'il a suffit de quelques molécules pour démarrer la vie, son démarrage a dû être rapide et les chances d'apparition sur tout corps céleste présentant un environnement semblable à celui de la Terre primitive sont réelles. Chercher une vie extraterrestre, c'est d'abord rechercher la présence permanente d'eau liquide. Présente en surface, elle signale l'existence d'une atmosphère qui permet l'apport en douceur des molécules organiques par le biais des micrométéorites. Les molécules organiques peuvent également se former dans les sources chaudes sous-marines. Tout océan extraterrestre présentant les signes d'une activité hydrothermale constitue également un site biotique possible.
1) Sur Mars ?
Les observations faites par les missions martiennes Mariner 9, Viking 1 et 2, Mars Pathfinder et Mars Global Surveyor indiquent clairement que Mars a abrité dans sa jeunesse de l'eau liquide à sa surface d'une manière permanente. La présence permanente d'eau suppose une température constamment supérieure à 0°C, température atteinte probablement grâce à l'existence d'une atmosphère dense de dioxyde de carbone générant un effet de serre important. Grâce à cette atmosphère, la planète a pu accumuler des micrométéorites à sa surface à l'instar de la Terre. En 1976, les deux sondes Viking ne détectèrent ni molécules organiques ni vie à la surface de Mars sur une profondeur de quelques centimètres. En fait, le sol martien semble renfermer des oxydants puissants produits par photolyse dans l'atmosphère et/ou par des processus photochimiques au niveau du sol. La présence d'oxydants exclut toute accumulation de molécules organiques à la surface de la planète. Des calculs de simulation suggèrent que la diffusion des oxydants dans le sous-sol ne devrait pas dépasser une profondeur de 3m. L'absence de matière organique à la surface de Mars pourrait également être due à des processus de dégradation directe par les UV solaires, l'atmosphère martienne n'ayant pas de couche d'ozone protectrice. Cette décomposition par photolyse directe ne devrait toutefois affecter que la première dizaine de microns de la surface des grains du sol et des roches. Par contre, les météorites SNC, EETA 79001 et ALH 84001, très probablement d'origine martienne, renferment des molécules organiques (Brack et Pillinger, 1998). Même si les indices trouvés dans ALH 84001 sont trop ambigus pour conclure à l'existence passée d'une vie bactérienne sur Mars, les deux météorites martiennes témoignent de l'existence de molécules organiques dans le sol martien. Les ingrédients qui ont permis l'apparition de la vie sur Terre étaient probablement rassemblées sur Mars. Il est dès lors tentant de penser qu'une vie élémentaire de type terrestre ait pu apparaître et se développer sur la planète rouge. Les océans ont dû générer d'importants gisements sédimentaires. Ces sédiments constituent des sites privilégiés pour la recherche de vestiges des molécules organiques et des bactéries fossilisées à condition qu'ils soient à l'abri des rayons ultraviolets et des oxydants. Le programme martien de la NASA prévoit deux lancements à chaque créneau planétaire, tous les 26 mois à partir de 1996. En 1997, le robot martien Sojourner a analysé six sols et cinq roches autour du site d'atterrissage dans Ares Vallis. Les sols analysés sont tous identiques et très proches des sols analysés par les sondes Viking. Les roches, analysées sur quelques microns seulement, sont partiellement recouvertes de poussière du sol. La composition des roches rappelle celle des andésites terrestres (roches ayant subit plusieurs fusions) et se rapproche de celle de la croûte terrestre. Cependant, les résultats obtenus sont insuffisants pour pouvoir trancher entre une origine volcanique et sédimentaire. La NASA centre maintenant tout son programme sur le retour d'échantillons en 2005. Le CNES sera associé à cette mission et souhaite installer à la surface de Mars un laboratoire permettant le prélèvement par forage d'échantillons protégés des UV et des oxydants (gros rochers, proche sous-sol) et leur analyse in situ, organique, minérale et isotopique (la vie terrestre se distingue de la matière purement minérale par un enrichissement en isotope 12 du carbone par rapport à l'isotope 13 car la fixation enzymatique du dioxyde de carbone atmosphérique par les plantes et les microorganismes favorise systématiquement l'isotope léger du carbone). De son côté, l'Agence Spatiale Européenne a confié à un Groupe d'Exobiologie le soin de définir la station idéale pour la recherche de traces de vie sur Mars. La priorité a été donnée au prélèvement et à l'analyse sur place des échantillons prélevés pour y rechercher des molécules organiques et des bactéries fossilisées. Les échantillons seront prélevés dans le proche sous-sol sédimentaire à l'aide d'une foreuse installée sur la station fixe mais aussi dans les roches de surface à l'aide d'un petit véhicule automatique équipé d'une foreuse légère qui conférera une certaine mobilité au dispositif général. Une version simplifiée de la station d'analyse martienne, appelée Beagle 2 par le Britanique Colin Pillinger en hommage au bateau de Charles Darwin, pourrait même être embarquée dès 2003 sur la mission européenne Mars Express, actuellement en préparation.
2) Sous la glace d'Europe ?
Le vaisseau spatial Galiléo a fourni de très belles images d'Europe, l'une des lunes de Jupiter. En 1979 et 1980, la mission Voyager avait déjà photographié Europe et montré que sa surface était recouverte par de la glace entaillée de profondes crevasses. Les images de Galiléo montrent des blocs de banquise ayant pivoté sur eux-mêmes, vraisemblablement sur un sous-sol fluide. La surface présente peu de cratères d'impacts ce qui suggère un remodelage continu de la surface par des phénomènes cryovolcaniques ou tectoniques. Selon l'un des modèles proposés, il y aurait un océan d'eau liquide sous quelques dizaines de kilomètres de banquise. La chaleur nécessaire au maintien de l'eau à l'état liquide serait apportée par les fortes marées internes générées par les variations de l'important champ gravitationnel de Jupiter. Un transfert de chaleur du cSur planétaire vers la surface, semblable à celui des évents hydrothermaux des océans terrestres, constitue une autre source possible d'énergie thermique. Si l'eau liquide est présente sous la couche glaciaire, il est possible que cette eau contiennent des molécules organiques provenant des évents hydrothermaux. Une chimie organique prébiotique de type terrestre a donc pu s'y développer et conduire à l'apparition de la vie. Si Europe a maintenu une activité de marée et une activité hydrothermal sous-glaciaire, la vie bactérienne y est peut être encore active aujourd'hui. Europe apparaît de plus en plus comme un lieu privilégié du système solaire pouvant héberger de l'eau liquide et une vie bactérienne en activité. Des missions vers Europe sont actuellement à l'étude.
3) Au-delà du système solaire ?
Les radioastronomes ont démontré que la chimie organique est universelle. En effet, 83 molécules organiques ont été identifiées à ce jour dans les nuages denses de gaz et de poussières du milieu interstellaire. Mais existe-t-il d'autres niches susceptibles d'héberger de l'eau en dehors du système solaire? En septembre 1995, les Suisses Mayor et Queloz après un suivi systématique des vitesses d'une centaine d'étoiles à l'Observatoire de Haute Provence découvraient un corps de la taille moitié de celle de Jupiter en orbite autour de l'étoile 51 Pegase (la précision des instruments actuels ne permet de voir que des planètes dont la taille est voisine de celle de Jupiter). Toutefois, l'objet présumé serait très proche de l'étoile et aurait une température de 1500°C, température trop élevée pour la vie. Quatre mois plus tard, les Américains Marcy et Butler décrivaient deux objets ayant 2,8 et 6,4 fois la masse de Jupiter près des étoiles 70 Virgin dans la constellation de la Vierge et 47 Uma dans la constellation de la Grande Ours. Les objets sont situés plus loin de l'étoile. La planète 70 Vir, géante et probablement gazeuse, est peu propice à la vie. Elle pourrait, cependant, à l'instar de Jupiter et Saturne, avoir des satellites de la taille de la Terre avec des températures permettant la présence d'eau liquide. A ce jour, le catalogue compte 28 planètes géantes extrasolaires.
4/ Comment détecter une vie extraterrestre ?
L'enrichissement isotopique en carbone 12 et l'homochiralité des molécules biologiques sont certainement les signatures les plus remarquables de la vie terrestre. Grâce aux missions spatiales, les planètes du système solaire sont devenues accessibles à l'analyse organique, minérale et isotopique directement sur le terrain. L'examen minéralogique des roches permet d'identifier des structures minérales macroscopiques résultant de l'activité bactérienne (biominéraux comme, par exemple, les stromatolithes) mais aussi des microfossiles de bactéries. Enfin, la recherche d'anomalies dans l'environnement planétaire comme, par exemple, des teneurs particulièrement élevées en méthane dans l'atmosphère, permet de mettre en évidence une vie bactérienne active.
Pour les planètes extra-solaires, la recherche d'une forme de vie est plus difficile. L'atmosphère terrestre renferme en permanence 21% d'oxygène alors que les atmosphères des autres planètes du système solaire n'en renferment que des traces. La présence permanente d'oxygène est liée à la vie qui se développe à la surface de la Terre. La planète recherchée doit, par exemple, posséder de l'eau et de l'oxygène identifiable par sa raie caractéristique à 760 nm dans la spectre visible de la planète. Pour des raisons pratiques, il parait plus judicieux de rechercher la signature de l'ozone dans le spectre infrarouge à 9,6 µm. Pour distinguer le spectre de la planète de celui de l'étoile, un groupe d'astrophysiciens français animé par Alain Léger propose la construction d'un interféromètre spatial infrarouge à cinq télescopes. Le dispositif Darwin-IRSI est actuellement à l'étude à l'Agence Spatiale Européenne. La NASA étudie un dispositif semblable appelé mission TPF. Enfin, la détection d'un signal électromagnétique "intelligent" (SETI) apporterait la preuve indéniable de l'existence d'une vie extra-solaire. Le programme d'écoute mérite d'être soutenu même si, a priori, la probabilité pour qu'une vie bactérienne extra-solaire évolue vers des systèmes vivants exploitant l'électromagnétisme reste très faible. Nombreux sont les scientifiques qui pressentent que la vie bactérienne n'est pas restreinte à la Terre. Reste maintenant à le prouver par l'expérience. Voilà certainement un défi scientifique majeur pour l'an 2000.

 

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MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES

 

Textede la 595ème conférencede l'Universitéde tous les savoirs prononcée le 17 juillet 2005


ParDidier Chatenay: « Le mécanisme de repliement des molécules »
Le thème de cette conférence vous fera voyager aux confins de plusieurs sciences : physique, chimie et biologie bien évidemment puisque les macromolécules dont nous parlerons sont des objets biologiques : des protéines.
Le plan de cet exposé sera le suivant :
- Quelques rappels sur la structure de la matière (atomes, liaisons chimiques, molécules, macromolécules).
- Qu'est-ce qu'une protéine (la nature chimique de ces macromolécules, leur mode de synthèse, leurs structures et leurs fonctions biologiques) ?
- Le problème du repliement (d'où vient le problème, paradoxe de Levinthal).
- Résolution du paradoxe et interactions inter intra moléculaires (échelles des énergies mises en jeu).
Rappels sur la structure de la matière.
La matière est constituée d'atomes eux-mêmes étant constitués d'un noyau (composé de particules lourdes : protons, chargés positivement, et neutrons non chargé) entouré d'un nuage de particules légères : les électrons chargés négativement. La taille caractéristique d'un atome est de 1 Angström (1 Angström est la dix milliardième partie d'un mètre ; pour comparaison si je prends un objet de 1 millimètre au centre d'une pièce, une distance dix milliards de fois plus grande représente 10 fois la distance Brest-Strasbourg).
Dans les objets (les molécules biologiques) que nous discuterons par la suite quelques atomes sont particulièrement importants.
Par ordre de taille croissante on trouve tout d'abord l'atome d'hydrogène (le plus petit des atomes) qui est le constituant le plus abondant de l'univers (on le trouve par exemple dans le combustible des fusées). L'atome suivant est le carbone ; cet atome est très abondant dans l'univers (on le trouve dans le soleil, les étoiles, l'atmosphère de la plupart des planètes. Il s'agit d'un élément essentiel comme source d'énergie des organismes vivants sous forme de carbohydrates). On trouve ensuite l'azote, constituant essentiel de l'air que nous respirons. L'atome suivant est l'oxygène, également constituant essentiel de l'air que nous respirons, élément le plus abondant du soleil et essentiel au phénomène de combustion. Le dernier atome que nous rencontrerons est le souffre que l'on trouve dans de nombreux minéraux, météorites et très abondants dans les volcans.
Les atomes peuvent interagir entre eux pour former des objets plus complexes. Ces interactions sont de nature diverse et donnent naissance à divers types de liaisons entre les atomes. Nous trouverons ainsi :
- La liaison ionique qui résulte d'interactions électrostatiques entre atomes de charges opposées (c'est par exemple ce type de liaison, qu'on rencontre dans le chlorure de sodium, le sel de table). Il s'agit d'une liaison essentielle pour la plupart des minéraux sur terre, comme par exemple dans le cas des silicates, famille à laquelle appartient le quartz.
- Un autre type de liaison est la liaison covalente. Cette liaison résulte de la mise en commun entre 2 atomes d'un électron ou d'une paire d'électrons. Cette liaison est extrêmement solide. Ce type de liaison est à l'origine de toute la chimie et permet de former des molécules (l'eau, le glucose, les acides aminés). Ces acides aminés sont constitués de carbone, d'azote, d'hydrogène et d'oxygène. Dans ces molécules on retrouve un squelette qu'on retrouve dans tous les acides aminés constitué d'un groupement NH2 d'un côté et COOH de l'autre ; la partie variable est un groupement latéral appelé résidu. Un exemple d'acide aminé est constitué par la méthionine qui d'ailleurs contient dans son résidu un atome de soufre. La taille caractéristique des distances mises en jeu dans ce type de liaison n'est pas très différente de la taille des atomes eux-mêmes et est de l'ordre de l'angström (1.5 Angström pour la liaison C-C, 1 Angström pour une liaison C-H).

Ces liaisons ne sont pas figées et présentent une dynamique ; cette dynamique est associée aux degrés de libertés de ces liaisons tels que par exemple un degré de liberté de rotation autour de l'axe d'une liaison C-C. Ces liaisons chimiques ont donc une certaine flexibilité et aux mouvements possibles de ces liaisons sont associés des temps caractéristiques de l'ordre de la picoseconde (mille milliardième partie de seconde) ; il s'agit de temps très rapides associés aux mouvements moléculaires.
A ce stade nous avons 2 échelles caractéristiques importantes :
- 1 échelle de taille : l'angström
- 1 échelle de temps : la picoseconde.
C'est à partir de cette liaison covalente et de petites molécules que nous fabriquerons des macromolécules. Un motif moléculaire, le monomère, peut être associé par liaison covalente à un autre motif moléculaire ; en répétant cette opération on obtiendra une chaîne constituée de multiples monomères, cette chaîne est une macromolécule. Ce type d'objets est courant dans la vie quotidienne, ce sont les polymères tels que par exemple :
- le polychlorure de vinyle (matériau des disques d'antan)
- le polytétrafluoroéthylène (le téflon des poêles)
- le polyméthacrylate de méthyl (le plexiglas)
- les polyamides (les nylons)
Quelle est la forme d'un objet de ce type ? Elle résulte des mouvements associés aux degrés de libertés discutés plus haut ; une chaîne peut adopter un grand nombre de conformations résultant de ces degrés de liberté et aucune conformation n'est privilégiée. On parle d'une marche aléatoire ou pelote statistique.
Les protéines
Quelles sont ces macromolécules qui nous intéressent particulièrement ici ? Ce sont les protéines qui ne sont rien d'autre qu'une macromolécule (ou polymère) particulière car fabriquée à partir d'acides aminés. Rappelons que ces acides aminés présentent 2 groupes présents dans toute cette famille : un groupe amine (NH2) et un groupe carboxyle (COOH) ; les acides aminés diffèrent les uns des autres par la présence d'un groupe latéral (le résidu). A partir de ces acides aminés on peut former un polymère grâce à une réaction chimique donnant naissance à la liaison peptidique : le groupement carboxyle d'un premier acide aminé réagit sur le groupement amine d'un deuxième acide aminé pour former cette liaison peptidique. En répétant cette réaction il est possible de former une longue chaîne linéaire.

Comme nous l'avons dit les acides amines diffèrent par leurs groupes latéraux (les résidus) qui sont au nombre de 20. On verra par la suite que ces 20 résidus peuvent être regroupés en familles. Pour l'instant il suffit de considérer ces 20 résidus comme un alphabet qui peut donner naissance à une extraordinaire variété de chaînes linéaires. On peut considérer un exemple particulier : le lysozyme constitué d'un enchaînement spécifique de 129 acides aminés. Une telle chaîne comporte toujours 2 extrémités précises : une extrémité amine et une extrémité carboxyle, qui résultent de la réaction chimique qui a donné naissance à cet enchaînement d'acides aminés. Il y a donc une directionnalité associée à une telle chaîne. La succession des acides aminés constituant cette chaîne est appelée la structure primaire. La structure primaire d'une protéine n'est rien d'autre que la liste des acides aminés la constituant. Pour revenir au lysozyme il s'agit d'une protéine présente dans de nombreux organismes vivants en particulier chez l'homme où on trouve cette protéine dans les larmes, les sécrétions. C'est une protéine qui agit contre les bactéries en dégradant les parois bactériennes. Pour la petite histoire, Fleming qui a découvert les antibiotiques, qui sont des antibactériens, avait dans un premier temps découvert l'action antibactérienne du lysozyme ; mais il y a une grosse différence entre un antibiotique et le lysozyme. Cette molécule est une protéine qu'il est difficile de transformer en médicament du fait de sa fragilité alors que les antibiotiques sont de petites molécules beaucoup plus aptes à être utilisées comme médicament.
Pour en revenir au lysozyme, présent donc dans les organismes vivants, on peut se poser la question de savoir comment un tel objet peut être fabriqué par ces organismes. En fait, l'information à la fabrication d'un tel objet est contenue dans le génome des organismes sous la forme d'une séquence d'acide désoxyribonucléique (ADN) constituant le gène codant pour cette protéine. Pour fabriquer une protéine on commence par lire l'information contenue dans la séquence d'ADN pour fabriquer une molécule intermédiaire : l'ARN messager, lui-même traduit par la suite en une protéine. Il s'agit donc d'un processus en 2 étapes :
- Une étape de transcription, qui fait passer de l'ADN à l'ARN messager,
- Une étape de traduction, qui fait passer de l'ARN messager à la protéine.
Ces objets, ADN et ARN, sont, d'un point de vue chimique, très différents des protéines. Ce sont eux-mêmes des macromolécules mais dont les briques de base sont des nucléotides au lieu d'acides aminés.
Ces 2 étapes font intervenir des protéines ; l'ARN polymérase pour la transcription et le ribosome pour la traduction. En ce qui concerne la transcription l'ARN polymérase se fixe sur l'ADN, se déplace le long de celui-ci tout en synthétisant l'ARN messager. Une fois cet ARN messager fabriqué un autre système protéique, le ribosome, se fixe sur cet ARN messager, se déplace le long de cet ARN tout en fabriquant une chaîne polypeptidique qui formera la protéine. Il s'agit d'un ensemble de mécanismes complexes se produisant en permanence dans les organismes vivants pour produire les protéines.
Ces protéines sont produites pour assurer un certain nombre de fonctions. Parmi ces fonctions, certaines sont essentielles pour la duplication de l'ADN et permettre la reproduction (assure la transmission à la descendance du patrimoine génétique). Par ailleurs ce sont des protéines (polymérases, ribosomes) qui assurent la production de l'ensemble des protéines. Mais les protéines assurent bien d'autres fonctions telles que :
- Des fonctions de structure (la kératine dans les poils, les cheveux ; le collagène pour former des tissus),
- Des fonctions de moteurs moléculaires (telles que celles assurées par la myosine dans les muscles) ; de telles protéines sont des usines de conversion d'énergie chimique en énergie mécanique.
- Des fonctions enzymatiques. Les protéines de ce type sont des enzymes et elles interviennent dans toutes les réactions chimiques se déroulant dans un organisme et qui participent au métabolisme ; c'est par exemple le cas du mécanisme de digestion permettant de transformer des éléments ingérés pour les transformer en molécules utilisables par l'organisme.
Pour faire bref toutes les fonctions essentielles des organismes vivants (la respiration, la digestion, le déplacement) sont assurés par des protéines.
A ce stade nous avons donc introduit les objets essentiels de cet exposé que sont les protéines. Pour être complet signalons que la taille de ces protéines est très variable ; nous avons vu le lysozyme constitué d'une centaine d'acides aminés mais certaines protéines sont plus petites et certaines peuvent être beaucoup plus grosses.
Nous allons maintenant pouvoir aborder le problème de la structure et du repliement de ces objets.
La structured'une protéine
Tout d'abord quels sont les outils disponibles pour étudier la structure de ces objets. Un des outils essentiels est la diffraction des rayons X. L'utilisation de cet outil repose sur 2 étapes. La première (pas toujours la plus facile) consiste à obtenir des cristaux de protéines. Ces protéines, souvent solubles dans l'eau, doivent être mises dans des conditions qui vont leur permettre de s'arranger sous la forme d'un arrangement régulier : un cristal. C'est ce cristal qui sera utilisé pour analyser la structure des protéines qui le composent par diffraction des rayons X. A partir du diagramme de diffraction (composé de multiples tâches) il sera possible de remonter à la position des atomes qui constituent les protéines. Un des outils essentiels à l'heure actuelle pour ce type d'expérience est le rayonnement synchrotron (SOLEIL, ESRF).
Il existe d'autres outils telle que la résonance magnétique nucléaire qui présente l'avantage de ne pas nécessiter l'obtention de cristaux mais qui reste limitée à l'heure actuelle à des protéines de petite taille.
Finalement à quoi ressemble une protéine ? Dans le cas du lysozyme on obtient une image de cette protéine où tous les atomes sont positionnés dans l'espace de taille typique environ 50 Angströms. Il s'agit d'un cas idéal car souvent on n'obtient qu'une image de basse résolution de la protéine dans laquelle on n'arrive pas à localiser précisément tous les atomes qui la constituent. Très souvent cette mauvaise résolution est liée à la mauvaise qualité des cristaux. C'est l'exemple donné ici d'une polymérase à ARN. Néanmoins on peut obtenir des structures très précises même dans de le cas de gros objets.
Repliement,dénaturation et paradoxede Levinthal
Très clairement on voit sur ces structures que les protéines sont beaucoup plus compactes que les chaînes désordonnées mentionnées au début. Cette structure résulte du repliement vers un état compact replié sur lui-même et c'est cet état qui est l'état fonctionnel. C'est ce qui fait que le repliement est un mécanisme extrêmement important puisque c'est ce mécanisme qui fait passer de l'état de chaîne linéaire déplié à un état replié fonctionnel. L'importance de ce repliement peut être illustrée dans le cas d'un enzyme qui permet d'accélérer une réaction chimique entre 2 objets A et B ; ces 2 objets peuvent se lier à l'enzyme, ce qui permet de les approcher l'un de l'autre dans une disposition où une liaison chimique entre A et B peut être formée grâce à l'environnement créé par l'enzyme. Tout ceci ne peut se produire que si les sites de fixation de A et B sont correctement formés par le repliement de la longue chaîne peptidique. C'est la conformation tridimensionnelle de la chaîne linéaire qui produit ces sites de fixation.
Il y a une notion associée au repliement qui est la dénaturation. Nous venons de voir que le repliement est le mécanisme qui fait passer de la forme dépliée inactive à la forme repliée active ; la dénaturation consiste à passer de cette forme active repliée à la forme inactive dépliée sous l'influence de facteurs aussi variés que la température, le pH, la présence d'agents dénaturants tels que l'urée.
La grande question du repliement c'est la cinétique de ce phénomène. Pour la plupart des protéines où des expériences de repliement-dénaturation ont été effectuées le temps caractéristique de ces phénomènes est de l'ordre de la seconde. Comment donc une protéine peut trouver sa conformation active en un temps de l'ordre de la seconde ?
Une approche simple consiste à développer une approche simplifiée sur réseau ce qui permet de limiter le nombre de degrés de liberté à traiter ; on peut par exemple considérer une protéine (hypothétique) placée sur un réseau cubique. On peut considérer le cas d'une protéine à 27 acides aminés. On peut alors compter le nombre de conformations possibles de telles protéines ; à chaque acide aminé on compte le nombre de directions pour positionner le suivant. Sur un réseau cubique à chaque étape nous avons 6 possibilités ce qui fera pour une chaîne de 27 acides aminés 627 possibilités. Cela n'est vrai qu'à condition d'accepter de pouvoir occuper 2 fois le même site du réseau ce qui, bien sur, n'est pas vrai dans la réalité ; si on tient compte de cela on arrive en fait à diminuer quelque peu ce nombre qui sera en fait 4,727. Plus généralement pour une chaîne de N acides aminés on obtiendra 4,7N possibilités. Si on part d'une chaîne dépliée on peut alors se dire que pour trouver le « bon état replié » il suffit d'essayer toutes les conformations possibles. Cela va s'arrêter lorsqu'on aura trouvé une conformation stable, c'est-à-dire une conformation énergétiquement favorable. Pour passer d'une conformation à une autre il faut au moins un mouvement moléculaire élémentaire dont nous avons vu que l'échelle de temps caractéristique est la picoseconde (10-12 seconde). I faut donc un temps total (afin d'explorer toutes les conformations) :
Trepliement= 4,7N * Tmoléculaire.
Si on prend N=100, Tmoléculaire= 1picoseconde=10-12seconde, alors :

Trepliement= 1055 secondes !!!
C'est beaucoup car on cherche 1 seconde et on trouve quelque chose de beaucoup plus grand que l'âge de l'univers (de l'ordre de 1027 secondes). Avec cette approche il faut plus de temps à une protéine pour se replier et met plus de temps que l'âge de l'univers.
C'est le paradoxe de Levinthal.
Comment s'en sortir ?
Il faut revenir aux acides aminés et en particulier aux résidus qui permettent de différencier les 20 acides aminés. Ces 20 acides aminés peuvent se regrouper en famille selon la nature de ce résidu.
Une première famille est constituée par les acides aminés hydrophobes. Qu'est ce qu'un acide aminé hydrophobe ou l'effet hydrophobe ? Il s'agit de l'effet qui fait que l'eau et l'huile ne se mélangent pas. Si sur une chaîne on dispose des acides aminés hydrophobes alors ceux-ci vont faire « collapser » la chaîne afin de se regrouper et de se « protéger » de l'eau, tout comme l'eau et l'huile ont tendance à ne pas se mélanger. Ce mécanisme tend à créer ainsi une poche hydrophobe qui permet à ces acides aminés d'éviter l'eau. On commence ainsi à avoir une amorce de solution au paradoxe de Levinthal : la protéine ne va essayer que toutes les conformations, elle va commencer à utiliser dans un premier temps ce mécanisme qui à lui seul va éliminer un grand nombre de conformations possibles.
Mais il y a d'autres familles d'acides aminés et parmi celles-ci celle des acides aminés chargés (+ ou -) qui vont être soumis aux interactions électrostatiques classiques (les charges de même signe se repoussent, les charges de signe contraire s'attirent). Ainsi, si le long de la chaîne nous avons 2 acides aminés de signe opposé ils vont avoir tendance à s'attirer ; cet effet a là encore tendance à diminuer le nombre de conformations possibles pour la chaîne.
Dernière famille, un peu plus complexe mais au sein de laquelle les interactions sont de même nature que pour les acides aminés chargés, à savoir des interactions de type électrostatique. Cette famille est constituée par les acides aminés polaires qui ne portent pas de charge globale mais au sein desquels la distribution des électrons est telle qu'il apparaît une distribution non uniforme de charges ; cette asymétrie dans la répartition des charges va permettre par exemple de créer des liaisons hydrogènes entre molécules d'eau (interactions qui donnent à l'eau des propriétés particulières par rapport à la plupart des autres liquides).
Au total l'image initiale que nous avions des chaînes polypeptidiques doit être un peu repensée et l'on doit abandonner l'idée d'une marche au hasard permettant d'explorer toutes les conformations possibles puisque les briques de base de ces chaînes interagissent fortement les unes avec les autres. On peut ainsi récapituler l'ensemble des interactions au sein d'une chaîne (effet hydrophobe, liaison ionique, liaison hydrogène, sans oublier un mécanisme un peu particulier faisant intervenir des acides aminés soufrés qui peuvent former un pont disulfure ; il s'agit néanmoins d'une liaison un peu moins générale que les précédentes et qui par ailleurs est beaucoup plus solide).
La structure globale de nos protéines résulte de la présence de toutes ces interactions entre les acides aminés présents le long de la chaîne. Lorsque l'on regarde attentivement de telles structures on observe la présence d'éléments répétitifs assez réguliers : hélices, feuillets. Ces feuillets sont des structures locales au sein desquelles la chaîne est organisée dans un plan au sein duquel la chaîne s'organise. Ces éléments de régularité résultent des interactions entre acides aminés et pour la plupart il s'agit des fameuses liaisons hydrogènes entre atomes spécifiques. Bien évidemment certaines régions sont moins organisées et on retrouve localement des structures de type marche au hasard.

Si on récapitule ce que nous avons vu concernant la structure des protéines, nous avons introduit la notion de structure primaire qui n'est rien d'autre que l'enchaînement linéaire des acides aminés. Nous venons de voir qu'il existait des éléments de structure locale (hélices, feuillets) que nous appellerons structure secondaire. Et ces éléments associés aux uns aux autres forment la structure globale tridimensionnelle de la protéine que nous appellerons structure tertiaire.

Il faut noter que cette structure des protéines résulte d'interactions entre acides aminés et il est intéressant de connaître les ordres de grandeur des énergies d'interactions mises en jeu. Ces énergies sont en fait faibles et sont de l'ordre de grandeur de l'énergie thermique (kBT). C'est le même ordre de grandeur que les énergies d'interaction entre molécules au sein d'un liquide comme l'eau ; on peut s'attendre donc à ce que de tels objets ne soient pas rigides ou totalement fixes. Ces mouvements demeurent faibles car il y a une forme de coopérativité (au sens ou plusieurs acides aminés coopèrent pour assurer une stabilité des structures observées) qui permet néanmoins d'observer une vraie structure tridimensionnelle. Ainsi, au sein d'un feuillet ou d'une hélice, plusieurs liaisons sont mises en jeu et à partir de plusieurs éléments interagissant faiblement, on peut obtenir une structure relativement stable de type feuillet ou hélice ; il suffit néanmoins de peu de chose pour détruire ces structures, par exemple chauffer un peu.
Si on revient au mécanisme de repliement on doit abandonner notre idée initiale de recherche au hasard de la bonne conformation. Si on part d'un état initial déplié, un premier phénomène a lieu (essentiellement lié à l'effet hydrophobe, qui vise à regrouper les acides aminés hydrophobes) qui fait rapidement collapser la chaîne sur elle-même. D'autres phénomènes vont alors se mettre en route comme la nucléation locale de structures secondaires de type hélices ou feuillets qui vont s'étendre rapidement le long de la chaîne. Le processus de Levinthal est donc complètement faux et l'image correcte est beaucoup plus celle donnée ici de collapse essentiellement lié à l'effet hydrophobe et de nucléation locale de structures secondaires.
Les protéines n'essaient donc pas d'explorer l'ensemble des conformations possibles pour trouver la bonne solution mais plutôt utiliser les interactions entre acides aminés pour piloter le mécanisme de repliement.
En fait la composition chimique de la chaîne contient une forme de programme qui lui permet de se replier correctement et rapidement.
Au sein des organismes vivants il y a donc plusieurs programmes ; un programme au sein du génome qui permet la synthèse chimique des protéines et un programme de dynamique intramoléculaire interne à la chaîne protéique qui lui permet d'adopter rapidement la bonne conformation lui permettant d'assurer sa fonction.
Il faut noter qu'il existe d'autres façons de s'assurer que les protéines se replient correctement qui font intervenir d'autres protéines (les chaperons).
Notons enfin les tentatives effectuées à l'heure actuelle de modélisation réaliste sur ordinateurs.

 

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FÉCONDATION

 

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COLLER LES GELS...

 

Paris, 11 décembre 2013


Une méthode révolutionnaire pour coller les gels et même les tissus biologiques


Des chercheurs viennent de découvrir une méthode efficace et facile à mettre en œuvre pour coller des gels et des tissus biologiques. Une équipe dirigée par Ludwik Leibler réunissant des chercheurs du laboratoire Matière molle et chimie (CNRS/ESPCI ParisTech) et du laboratoire Physico-chimie des polymères et milieux dispersés (CNRS/ UPMC/ESPCI ParisTech) a obtenu une adhésion très résistante entre deux gels en étalant sur leur surface une solution contenant des nanoparticules. Jusqu'à présent il n'existait aucune méthode entièrement satisfaisante pour obtenir l'adhésion entre deux gels ou deux tissus biologiques. Publiés en ligne sur le site de Nature le 11 décembre 2013, ces travaux pourraient ouvrir la voie à de très nombreuses applications médicales et industrielles.
Les gels sont des matériaux essentiellement composés d'un liquide, de l'eau par exemple, pris dans un réseau moléculaire qui leur confère leur solidité. Les exemples de gels dans la vie de tous les jours sont nombreux : la gélatine des desserts, la gelée de groseilles, les lentilles de contact ou encore la partie absorbante des couches-culottes. Les tissus biologiques comme la peau, les muscles ou les organes présentent de fortes similarités avec les gels. Jusqu'à présent, coller ces matériaux remplis de liquide, mous et glissants, à l'aide d'adhésifs habituels composés de polymères restait une gageure.  

Ludwik Leibler1  est reconnu pour l'invention de matériaux complétement originaux en combinant un intérêt industriel réel et une réflexion théorique profonde. Les travaux qu'il a menés en collaboration avec Alba Marcellan et leurs collègues, du laboratoire Matière molle et chimie (CNRS/ESPCI ParisTech) et du laboratoire Physico-chimie des polymères et milieux dispersés (CNRS/ UPMC/ESPCI ParisTech), ont abouti à un concept inédit : coller des gels en étalant sur leur surface une solution de nanoparticules.

Le principe est le suivant : les nanoparticules de la solution se lient au réseau moléculaire du gel, phénomène appelé adsorption, et, dans le même temps, le réseau moléculaire lie les particules entre elles. Les nanoparticules établissent ainsi d'innombrables connexions entre les deux gels. Le processus d'adhésion ne prend que quelques secondes. Cette méthode est réalisée sans ajout de polymères et elle n'implique pas de réaction chimique.

Une solution aqueuse de nanoparticules de silice, un composé facilement disponible et largement utilisé dans l'industrie, notamment comme additif alimentaire, permet de coller tous types de gels même lorsque ceux-ci n'ont pas la même consistance ou les mêmes propriétés mécaniques. Outre la rapidité et la simplicité de la mise en œuvre, l'adhésion apportée par les nanoparticules est forte, la jonction résistant souvent mieux à la déformation que le gel lui-même. En outre, l'adhésion offre une très bonne résistance à l'immersion dans l'eau. Elle est aussi autoréparable : ainsi deux morceaux décollés peuvent être recollés et repositionnés sans ajout de nanoparticules. Les nanoparticules de silice ne sont pas les seules ayant ces propriétés. Les chercheurs sont parvenus à des résultats similaires en utilisant des nanocristaux de cellulose et des nanotubes de carbone.
Enfin, pour illustrer le potentiel de cette découverte dans le domaine des tissus biologiques, les chercheurs ont recollé efficacement deux morceaux de foie de veau préalablement coupés au scalpel en utilisant une solution de nanoparticules de silice.
 
Cette découverte ouvre de nouveaux champs de recherches et d'applications, notamment dans le domaine médical et vétérinaire, et en particulier en chirurgie et en médecine régénératrice. Il est par exemple envisageable de recoller par cette méthode la peau ou des organes ayant subi une incision ou une lésion profonde. Cette méthode pourrait en outre intéresser les industries agroalimentaires, cosmétiques et les fabricants de prothèses et de dispositifs médicaux (pansements, patchs, hydrogels…).

 

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