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VACCIN CONTRE LA GRIPPE - 2ème GUERRE MONDIALE |
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Vaccin contre la grippe et Seconde Guerre mondiale
Par
Xavier Riaud
Attaché au laboratoire de Louis Martin de l’Institut Pasteur depuis 1912-1913, diplômé de la Faculté de médecine de Paris en 1913 après avoir soutenu une thèse sur la méningite, René Dujarric de la Rivière 1 (1885-1969) s’engage pendant la guerre et devient médecin d'ambulance au 45e régiment d'infanterie, médecin-chef de laboratoires cliniques, puis du laboratoire central de l'Armée. En 1918, confronté à l’hécatombe produite par la grippe espagnole plus meurtrière que le conflit lui-même, il parvient à filtrer le virus de la grippe prouvant ainsi son origine virale (Dujarric de la Rivière, 1936). Le premier virus grippal humain (type A) a été isolé en 1933, par Wilson Smith, Andrewes C.-H. & Laidlaw P. P. du National Institute for Medical Research de Londres, après injection de produit de prélèvement rhino-pharyngé au furet. Smith sera d’ailleurs contaminé par le virus de la grippe au cours de ses expériences. En 1935, le même parvient à propager le virus à des souris sensibilisés par l’anesthésie et chez des embryons de poulet (Berche, 2007).
Dès 1931, Ernest Goodpasture (1886-1960) réussit à cultiver de nombreux virus dans l’œuf de poule à l’état embryonnaire. En 1940, le virologue australien MacFarlane Burnett (1899-1985) réussit à cultiver le virus de la grippe dans la cavité amniotique de l’œuf de poule. En 1943, le virus est observé au microscope électronique pour la première fois (Berche, 2007). C’est ainsi que sont découverts les trois types de virus de la grippe (ABC) et de sous-virus, ce qui implique la création d’un vaccin avec un large spectre. Cette technique permet à Smith et Francis, de préparer aux Etats-Unis les premiers vaccins inactivés dont l’efficacité est encore douteuse. Mais, c’est Jonas Salk et Thomas Francis Jr. qui, encouragés par les autorités militaires américaines, ont préparé le premier vaccin efficace à grande échelle en purifiant et en inactivant le liquide allantoïque ensemencé. Ce vaccin a été injecté aux soldats du corps expéditionnaire américain en Europe en 1944-1945, afin d’éviter une possible contamination par la grippe sur le sol européen. Dans le même temps, le vaccin a été produit à grande échelle et commercialisé.
US Army Camp Hospital n°45, Aix-les-Bains, France, 1918.
Malades atteints de la grippe espagnole.
En 1938, alors à l’université de New York, Thomas Francis Jr., diplômé de la Faculté de médecine de Yale en 1925, est professeur de bactériologie au New York University College of Medicine. En 1941, il est missionné par l’armée américaine et prend la direction de la commission d’études sur la grippe du Comité épidémiologique des Forces armées 2. L’entrée en guerre des USA va accélérer les impératifs de résultats dans ses recherches. L’hécatombe causée par l’épidémie de grippe espagnole de 1918 est toujours très présente dans les mémoires. 46 992 hommes de l’armée américaine sont morts de cette maladie pour 50 385 au combat, soit presque le même nombre. Le Service de médecine préventive de l’armée américaine est déterminée à ce que pareille catastrophe ne se reproduise pas. Le Comité épidémiologique de l’armée (AEB = Army Epidemiological Board) a été créé par le Service de médecine préventive de l’armée à cette fin. Composé de trois autres membres, c’est de cette structure dont Francis prend la direction. Ses membres ont été recrutés pour leur connaissance en la matière, mais aussi pour leur grande intégrité (Bayne-Jones, 1942). Francis comprend très vite que sa tâche est titanesque. Il a pour mission de protéger la plus grande force armée jamais rassemblée jusqu’alors par les Etats-Unis et de convaincre la Santé publique américaine de pratiquer une vaccination à l’échelon national. Sa tâche est colossale et la pression sur ses épaules est monumentale. Avec courage et grâce à des compétences bien réelles, notre homme relève le défi. L’urgence de la guerre va décupler la rapidité de ses recherches et la commercialisation du vaccin obtenu. Sa position lui confère aussi tous les droits pour tester l’efficacité d’éventuels vaccins. Aucun homme et aucune population n’ont jamais été soumis à de telles expérimentations aussi contrôlées. Des tests ont donc été réalisés, placés sous la haute autorité militaire, sur différentes populations. Des comparaisons ont été faites avec un échantillon d’individus non vaccinés. Les résultats de ces expériences conduites par la commission de recherches sur la grippe sont parus en 1943, dans sept articles (Commission on Influenza, 1945). Face à la diversité des souches, le vaccin a dû être adapté pour répondre au mieux aux besoins. Des adjuvants ont été ajoutés pour augmenter sa durée d’action. Les résultats ont permis d’aboutir à une durée d’efficacité d’une année. Après la guerre, la commission a publié une seconde séries d’articles sur ses travaux.
Cette même année, après trois années à l’université de New York, Francis est nommé professeur et chef du service d’épidémiologie de la toute nouvelle école de santé publique de l’université du Michigan, répondant ainsi à l’invitation du Dr Henry F. Vaughan, son doyen. Il y reste 28 ans. Ce département sera plus qu’un département de statistiques et d’épidémiologie. Il développera et explorera tous les aspects philosophiques de ces deux disciplines.
En 1941, Salk décide de suivre une formation post-doctorale de deux mois dans le laboratoire de Thomas Francis Jr. Subissant les quotas juifs de New York, Thomas Francis vient en aide à Salk en l’autorisant à venir dans son laboratoire. C’est son premier contact avec la virologie et Salk est emballé. Au cours de son séjour, Salk aurait isolé une souche du virus de la grippe et aurait contribué dans une large part à la création du vaccin. Une polémique a couru, concernant cette période. En 1942, Francis et divers chercheurs, dont Salk, auraient contaminé de nombreux malades mentaux de l’asile psychiatrique d’Ypsilanti du Michigan en leur insufflant la grippe directement dans leurs cavités nasales afin de tester l’efficacité du vaccin qu’ils leur injectaient après. A la suite de leur trouvaille, Salk part en 1947, à Pittsburgh, pour travailler dans son propre laboratoire. En 1955, poursuivant ses recherches en virologie et en épidémiologie, il découvrira le vaccin contre la poliomyélite.
En 1946, Thomas Francis Jr a reçu la médaille de la Liberté décernée par l’armée américaine. En 1947, il a reçu le Lasker Award pour ses recherches sur la grippe, de l’Association américaine de santé publique.
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PALMYRE |
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Palmyre
Palmyre (en grec ancien Παλμύρα / Palmúra) est une oasis du désert de Syrie, à 210 km au nord-est de Damas. Son nom sémitique, attesté déjà dans les archives de Mari (xviiie siècle av. J.-C.), est Tadmor1 ou Tedmor2 (تدمر). C’est toujours son nom actuel.
Histoire
L'origine de Palmyre
L’histoire de Palmyre à l’âge du bronze est mal connue : la ville se développa sur un tell qui fut au ier siècle av. J.-C. recouvert par la terrasse du sanctuaire de Bēl. Quand les Séleucides prirent le contrôle de la Syrie en 323 av. J.-C., la ville devint indépendante. Mais de la fin du ive siècle av. J.-C. jusqu'en 41 av. J.-C., la situation de la ville ne nous est pas connue.
La Bible attribue la construction de Palmyre au roi Salomon (« Et il bâtit Tadmor dans le désert » (II Chr VIII:4)).
Palmyre gréco-romaine
La ville faisait partie d’un réseau marchand reliant la Syrie à la Mésopotamie et à la côte méditerranéenne. Le nom de Palmyre est mentionné pour la première fois dans les sources gréco-romaines en 41 av. J.-C., quand Marc Antoine lança ses troupes contre elle, pour leur procurer du butin. En 41 av. J.-C., en effet les Romains essayèrent de piller Palmyre mais ils échouèrent, les habitants de la ville s’étant réfugiés avec leurs biens de l’autre côté de l’Euphrate. On en déduit que les Palmyréniens de cette époque étaient encore pour l’essentiel des nomades, vivant de l’élevage et du commerce caravanier.
Intégrée à l’Empire romain sous Tibère, en l'an 19, dans le cadre de la province romaine de Syrie, Palmyre entretint d'étroites relations avec la principauté des Sampsigéramides qui s'étendait autour d’Aréthuse et d’Émèse, cette dernière constituant le débouché naturel vers la mer pour le commerce de Palmyre. Dans une inscription provenant du temple de Bel à Palmyre, Sampsigéramos II est d'ailleurs désigné comme « roi suprême »3. Palmyre atteignit ensuite son apogée sous Hadrien, qui la visita en 129. À cette occasion, elle prit le titre d’Hadriana Palmyra, épithète qui traduit habituellement une aide matérielle puissante de l'empereur, sans qu'il faille y voir l'octroi juridique d'un statut de cité libre4. C’était une ville splendide, qui se développa jusque sous les Sévères. En 212, l’empereur Caracalla promut Palmyre et sa voisine Émèse au statut de colonie romaine5. L’armée romaine y entretenait une garnison de soldats auxiliaires dans un camp au nord de la ville.
Au cours de la crise du IIIe siècle, Palmyre échappa aux invasions perses qui ravagèrent la Syrie en 252 et 260. Après 260, ce fut un notable de Palmyre, Odénat, qui fut chargé par l’empereur Gallien de coordonner la défense de l’Orient. Quand sa veuve Zénobie tenta de prendre le pouvoir comme impératrice avec son fils Wahballat, Palmyre se retrouva impliquée un peu malgré elle dans une guerre civile romaine. En 272, vaincue par Aurélien à Antioche puis à Émèse, Zénobie se replia avec ses troupes sur Palmyre, où Aurélien vint la poursuivre. Dans un premier temps les notables de Palmyre se rallièrent à Aurélien et chassèrent Zénobie, qui fut arrêtée. Aurélien laissa à Palmyre une petite garnison et rentra en Italie. À ce moment éclata dans la cité une révolte qui tenta de remettre le pouvoir à Antiochos, le père de Zénobie. Aurélien revint sur ses pas, mata la révolte et ne semble pas avoir exercé de représailles sur la ville. Le sanctuaire d'Hélios fut cependant pillé6 ; l’empereur réquisitionna tout le quartier ouest de la ville pour y installer à demeure la Ire Légion illyrienne.
Au ive siècle et par la suite, Palmyre ne fut plus la prospère cité caravanière d’autrefois. C’est une ville de garnison, occupée par la Ier Légion illyrienne, étape d’une route militaire reliant la région de Damas à l’Euphrate, la Strata Diocletiana. La partie monumentale de la ville fut protégée par un rempart qui laissait en dehors tout le quartier sud (entre le wadi et la source Efqa), quartier peut-être abandonné à cette date. Sous Constantin Ier les forts de la Strata Diocletiana furent pour la plupart abandonnés mais Palmyre demeura jusqu’au vie siècle une ville romaine occupée par l’armée, tandis que la steppe tout autour était occupée par des communautés de moines monophysites, et contrôlée par les tribus arabes Ghassanides, chrétiennes et alliées de l’Empire. Des églises furent construites, tandis que d’anciens temples païens comme la cella de Baalshamin ou encore celle du sanctuaire de Bel furent convertis en églises et décorés de peintures murales.
Sous Justinien au vie siècle, l’enceinte fut renforcée de tours, et les adductions d’eau furent restaurées. La ville qui, selon Procope de Césarée, « était devenue depuis longtemps un désert », reçut une nouvelle garnison qui constituait le poste avancé de la Syrie contre les invasions des Perses.
L'urbanisme de Palmyre gréco-romaine
Au temps de son apogée au début du iiie siècle, la ville de Palmyre était beaucoup plus étendue que l’actuel site archéologique, pourtant très vaste. La plupart des maisons était faite de briques crues, qui n’ont guère laissé de vestiges visibles. Ce que l’on voit aujourd’hui est le squelette de pierre de la ville, c’est-à-dire les monuments publics, ou parfois simplement les colonnes qui entouraient l’atrium des demeures les plus riches, tandis que le reste a disparu.
Les vestiges de la Palmyre hellénistique ont été identifiés au sud du wādi. La ville se développa d’abord à l’emplacement du sanctuaire de Bel puis, quand le grand parvis fut construit au ier siècle, elle s’étendit entre le sanctuaire de Bel et la source Efqa au sud-ouest (là où aujourd’hui il n’y a plus que les jardins de l’oasis). Autour de la ville vinrent se fixer des familles arabes d’origine nomade, chacune autour de son sanctuaire tribal, comme celui de Baalshamin ou, tout à l’ouest sur la route d’Émèse, celui d’Allat. Au cours du iie siècle, ces banlieues furent intégrées au tissu urbain avec la construction du quartier monumental structuré autour de la grande colonnade.
Pendant cette période prospère, Palmyre était une ville ouverte, dépourvue de remparts. Il existait un mur (traditionnellement appelé « mur de la douane ») entourant un très vaste secteur tout autour de la ville, mais ce mur de pierres ou de briques crues selon les secteurs n’avait aucune fonction militaire ou de prestige : c’était une simple limite administrative, un péage municipal pour le paiement des taxes fixées par le texte intitulé « Tarif de Palmyre », promulgué le 18 avril 137 sous l’empereur Hadrien7. À la fin du iiie siècle, un rempart défensif fut construit à la hâte en remployant des pierres prélevées sur des monuments funéraires, et ne protégeant que le quartier monumental, tandis que le reste de la ville était sans doute abandonné.
La société palmyrénienne[
Les très nombreuses inscriptions retrouvées sur place permettent de connaître l’organisation de la cité à l’époque romaine. Palmyre adopta les institutions grecques : elle était gouvernée par une boulè, assemblée des principaux propriétaires terriens, et un démos (peuple) constitué des citoyens. Les responsabilités particulières étaient confiées à des magistrats pris dans la boulè, tels que les stratèges ou les agoranomes. Un curateur ou logistès, sorte de contrôleur des finances, était chargé d'apurer les comptes civiques, dès avant la création de la colonie de Palmyre.
Ces institutions étaient demeurées en place jusqu’au ive siècle, y compris, semble-t-il, pendant la crise du iiie siècle, quand Odénat fut salué du titre de resh (en grec « exarque ») de Palmyre : il dut s’agir d’un commandement militaire. Quant au titre de « Roi des rois » porté plus tard par ce même Odénat, et repris par sa veuve Zénobie et son fils Wahballat, il ne signifiait pas pour autant que Palmyre ait changé de régime, puisque les inscriptions montrent qu’à cette époque c’est toujours la boulè et le démos qui font les lois.
À côté de ces institutions civiles, les élites de la cité étaient organisées en collèges de prêtres pour le culte rendu aux principaux dieux. Le plus prestigieux de ces collèges était celui des prêtres de Bel, présidé par le symposiarque (« chef du banquet »).
Les commerçants et les artisans de Palmyre étaient organisés eux aussi en corporations : on connaît celles des corroyeurs, des orfèvres, des tanneurs, des fabricants de radeaux d’outres (radeaux pneumatiques nommés keleks utilisés jusqu’au ixe siècle pour transporter des marchandises qui descendaient l’Euphrate ou le Tigre)8. Palmyre a aussi développé une activité florissante de tissage de soie, laine, coton et lin.
Le commerce caravanier[
Palmyre fut du ier siècle au iiie siècle la plus grande puissance commerciale du Proche-Orient, prenant le relais de Pétra, la cité caravanière des Nabatéens. Palmyre exploitait une route caravanière qui, passant par des caravansérails dans la steppe, gagnait les bords de l’Euphrate et les longeait jusqu’à la région de Babylone. De là, ces caravanes gagnaient le royaume de Mésène à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate. Des navires partaient de là pour gagner l’Inde ou d’autres ports de l’Océan Indien. On a récemment[Quand ?] retrouvé une tablette votive laissée par un Palmyrénien nommé Abgar, en 256, sur l’île de Socotra au large de la Somalie.
Les caravanes de Palmyre étaient des entreprises saisonnières et annuelles. Les différents marchands s'associaient pour grouper leurs expéditions, sous la responsabilité d'un « synodiarque » ou « chef de caravane », puissant commerçant qui prenait en charge une partie des frais. Si des caravansérails ont été identifiés par les archéologues aux sorties de la ville, c’est au cœur du quartier monumental que se trouvait le centre commercial, une place entourée de boutiques et nommée « agora » de Palmyre.
Des communautés de commerçants palmyréniens expatriés étaient installées à demeure dans les différentes étapes de ce réseau commercial. On connaît, grâce aux inscriptions, l’existence de cette diaspora à Séleucie du Tigre (au sud de l’actuelle Bagdad) au ier siècle, puis à Ctésiphon (capitale des Parthes, face à Séleucie), à Vologésias, cité commerciale fondée par les Parthes sans doute non loin du site de Babylone, et surtout à Spasinou Charax (ou Charax de Mésène), capitale du royaume de Mésène. Là, la communauté palmyrénienne était si implantée et si influente que des Palmyréniens pouvaient y occuper des fonctions officielles auprès du roi. D’autres Palmyréniens étaient implantés en Égypte sur les bords de la mer Rouge. Enfin, il existait une communauté palmyrénienne à Rome même, installée au iie siècle dans le quartier du Trastevere.
Ce trafic caravanier s'est poursuivi jusqu’aux années 260, y compris quand la Mésène et la Mésopotamie étaient sous la domination des Perses Sassanides. C’est après l’assassinat d’Odénat en 267-268, et la tentative de prise du pouvoir par Zénobie que les caravanes cessèrent d’être attestées. Beaucoup plus tard au vie siècle, c’est la ville de la Mecque dans le Hedjaz qui prendrait la succession de Palmyre comme plaque tournante du commerce caravanier.
Les marchandises exotiques dont Palmyre faisait ainsi commerce du Ier au iiie siècle étaient mal connues dans le détail. Il est certain qu’il s’agissait pour l’essentiel de marchandises précieuses, représentant une grande valeur sous un faible volume, comme les tissus de luxe (notamment la soie), les perles, les pierres précieuses, les épices. Les Palmyréniens eux-mêmes, du moins les plus riches, étaient grands amateurs de ces produits. Les reliefs représentant les riches Palmyréniens en costume parthe montrent que ces costumes étaient couverts de rangées de perles, qui ne viennent guère à cette époque que de l’Inde ou de l’île de Ceylan. D’autre part, on a retrouvé dans les tombes de Palmyre des fragments de soieries chinoises, provenant du Hunan parfois brodées de dragons, et du cachemire d'Afghanistan9.
Les guerriers de Palmyre
Pour protéger ces caravanes, les Palmyréniens se faisaient aussi soldats. Le territoire de Palmyre, au nord de la ville, possédait au iie siècle de véritables haras dans la steppe où l’on élevait des chevaux, à des fins qui ne pouvaient être que militaires. La ville elle-même avait une garnison de l’armée régulière romaine, mais les bédouins ou les paysans du territoire de la cité formaient des guerriers montés sur des chevaux ou des chameaux et combattant à la lance ou à l’arc.
Ces guerriers arabes furent enrôlés dans l’armée romaine, surtout à l’époque des Sévères. Certains furent incorporés à l’armée régulière, comme la XXe Cohorte des Palmyréniens, unité de cavalerie qui formait la garnison de Doura Europos aux bords de l’Euphrate sous Sévère Alexandre. D’autres, servant comme numeri, troupes informelles commandées par des officiers romains mais gardant leur équipement traditionnel, furent basés sur les bords du Danube ou encore, pour des méharistes, dans la province de Numidie (en Algérie actuelle). Il n’est pas douteux que cette cavalerie palmyrénienne ait constitué une grande partie des forces militaires d’Odénat puis de Zénobie.
Les dieux de Palmyre
Selon Jean Starcky, les Palmyréniens de l’époque hellénistique adoraient une divinité suprême nommée Bôl (« le Seigneur » dans le dialecte araméen de Palmyre). Très tôt, sous l’influence de Babylone, ce dieu suprême fut désigné comme Bel, forme babylonienne. D’autres dieux lui étaient associés comme Aglibôl (dont le nom conserve la forme ancienne) et Malakbêl, littéralement « l’Ange (malak) du Seigneur (Bel) ». Ce sont là, semble-t-il, les dieux historiques de Palmyre.
Avec l’arrivée d’autres Syriens ou de nomades arabes de plus en plus nombreux, d’autres dieux vinrent ajouter leurs sanctuaires à celui de Bel, voire s’y assimilèrent. C’est ainsi qu’on éleva un temple au dieu solaire syrien Baalshamin (littéralement « le Seigneur (Baal) des Cieux (shamin) »), qui fut assimilé à Bel. D’autres Arabes édifièrent à l’ouest de la ville un sanctuaire à la déesse arabe Allat, assimilée par les Grecs à Athéna. Dans ce temple, fouillé par les archéologues polonais, ont été retrouvées deux statues d’Allat : la première, du ier siècle, représente la déesse comme un lion protégeant une gazelle, la seconde, plus récente, est tout simplement une statue en marbre d’Athéna, dans le style de Phidias, importée de Grèce. Au sud du sanctuaire de Bel se trouvait le sanctuaire de Nébo, un dieu d’origine babylonienne (Nabû), assimilé par les Grecs à Apollon.
D’autres dieux étaient attestés à Palmyre : Arsou et Azizou, dieux chameliers protecteurs des caravanes, ainsi que le dieu Hammon, d’origine sans doute égyptienne.
Le culte le plus important était rendu à Bel, le dieu protecteur de la cité. C’est à lui que fut dédié l’immense sanctuaire de Bel, entouré de portiques, orné de dizaines de statues de bienfaiteurs ayant contribué à le construire. Ce sanctuaire, à peu près contemporain du Temple de Jérusalem bâti par Hérode Ier le Grand, lui était très comparable, tant pour les dimensions que pour la disposition générale et le style architectural. Sur l’immense parvis ouvert sur la ville par des propylées entourés de deux tours se trouvaient un bassin, un autel monumental pour les sacrifices, une salle des banquets où se réunissaient les prêtres de Bel, et surtout la cella monumentale, à laquelle sans doute seuls les prêtres pouvaient accéder. À l’intérieur, deux niches surélevées (l’équivalent du Saint des Saints) contenaient les statues divines. Concession à l’Empire romain, on y plaça au ier siècle aussi la statue de Germanicus et de Tibère.
Le dieu était peut-être aussi présent sous la forme d’un bétyle. Une niche, creusée dans le mur extérieur de la cella, abritait sans doute une pierre sacrée à laquelle les pèlerins pouvaient ainsi accéder, comme celle de la Kaaba de la Mecque. Un bas-relief représente la procession de la pierre sacrée (ou est-ce autre chose ?), placée sur un chameau dans une qubba fermée par des tentures, et au passage de laquelle les femmes voilent complètement leur visage de manière rituelle.
La ville islamique
Palmyre fut prise au viie siècle par les Musulmans, quand elle ouvrit ses portes en 634 à Khalid ibn al-Walid. Sous les califes omeyyades, la ville évolua. La construction de boutiques au beau milieu de la grande colonnade transforma cette artère principale en souk, comme dans les autres villes de Syrie. Les califes firent construire dans la steppe aux environs de Palmyre des domaines luxueux, comme Bkhara au sud-est (ancien fort romain transformé en château omeyyade), ou le magnifique palais de Hisham à Qasr el Heyr el Gharbi, à l’ouest de la ville. Palmyre elle-même eut à souffrir des guerres civiles qui aboutirent à la fin des Omeyyades.
Au temps des Croisades, Palmyre dépendit des émirs seldjoukides de Damas, puis passa au pouvoir de l’atabeg bouride Tughtekin, puis de Mohammed fils de Shirkuh, en tant qu’émir de Homs dépendant de Saladin. Ce fut quand Palmyre dépendait des Bourides de Damas qu’en 1132 le chambellan Nasir ad-Din transforma le sanctuaire de Bel en forteresse. La cella du temple fut transformée en mosquée. Au xiiie siècle, la ville passa sous le contrôle du sultan mamelouk Baybars (le texte d’un décret de Baybars relatif aux droits de pâturage des habitants de Tadmor a été retrouvé gravé sur le mur est de la cella de Bel).
La ville fut pillée par Tamerlan en 1401, mais semblait s’en être relevée. Au xve siècle, Ibn Fadlallah al-Omari décrivit Tadmor en vantant ses « vastes jardins, la prospérité de son commerce et ses curieux monuments ». Au xvie siècle, Fakhr ed-Din al Maany fit construire un château-fort, le Qalat Ibn Maan, sur la montagne qui domine la ville à l’ouest. À l’époque ottomane, Palmyre décline. Au xviie siècle, la ville semblait avoir retrouvé ses dimensions de l’Âge du Fer : ce n’est plus qu’un village enfermé dans l’enceinte fortifiée de l’ancien sanctuaire de Bel. Tout le reste a été abandonné.
Du xviie siècle à nos jours[modifier | modifier le code]
Palmyre est découverte par les marchands anglais d'Alep en 1691, et des descriptions de ses vestiges, enrichies de gravures saisissantes, sont publiées par Wood en 175310. Ainsi dès le xviie siècle, Palmyre devint célèbre en Europe. Ses magnifiques ruines, la qualité classique de son architecture remontant à l’époque romaine (iie siècle), formèrent un contraste saisissant avec le désert alentour.
Au xixe siècle, les Ottomans y installèrent une petite garnison, tandis que les archéologues venus d’Europe et des États-Unis commencèrent l’étude systématique des ruines et des inscriptions.
Après la Première Guerre mondiale, la Syrie est occupée par les Français dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations. L’armée française implante à Palmyre une unité de méharistes et construit un terrain d’aviation pour le contrôle aérien de la steppe. Les fouilles archéologiques sont organisées sur une grande échelle : le village qui occupait le sanctuaire de Bel est détruit et la population relogée dans une ville moderne construite au nord du site archéologique, tandis que le temple antique est restauré.
Depuis l’indépendance de la Syrie, la ville moderne de Tadmor s’est considérablement développée. Le terrain d’aviation est devenu une base militaire, mais le projet d'en faire un aéroport civil pour développer le tourisme n’a jamais été mené à bien. Il y a aussi une prison. Comme dans l’Antiquité, la ville vit de l’agriculture dans l’oasis, de l’élevage bédouin dans la steppe, tandis que les profits autrefois tirés du grand commerce sont remplacés par les revenus non négligeables du tourisme.
Article détaillé : Bataille de Palmyre.
En mai 2015, Palmyre est le théâtre d'une bataille entre le régime syrien et les djihadistes de l'État islamique. Des combats ont eu lieu à seulement un kilomètre des ruines. La progression de l'État islamique, qui a déjà produit des destructions volontaires de ruines en Irak, notamment à Nimroud et Hatra fait alors craindre le pire pour le site de Palmyre11,12,13. Au 21 mai 2015, l'État islamique contrôle la totalité de la cité antique de Palmyre. Irina Bokova, directrice-générale de l'Unesco, appelle à « protéger Palmyre et à tout mettre en oeuvre pour empêcher sa destruction mais il est possible que dans quelque jours il n'y aura plus rien »
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LE PAPIER |
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LE PAPIER, UN MATÉRIAU COMPLEXE
Gérard Coste (EFPG/IRFIP)
(05 avril 2004)
I - Le papier, la belle histoire
L'empereur Chiuangdi
Le papier est né en Chine vers la fin du IIIème siècle avant l'ère chrétienne, sous le règne de l'empereur Chiuangdi (dynastie des Qin). Au VIIIème siècle, les arabes apprennent l'art chinois de fabrication du papier, et le transmettent peu à peu à l'occident. Au XVème siècle, l'invention de la typographie par Gutenberg accroît la consommation de papier. Mais c'est au XIXème siècle que l'industrie du papier prend réellement son essor. Au siècle suivant, elle devient l'industrie lourde que nous connaissons aujourd'hui.
Le papier a toujours accompagné l'activité et le développement de l'homme, assurant par là même l'essor des peuples qui en maîtrisaient la fabrication. Le présent document raconte la naissance et le développement de ce vecteur de la culture et de la technologie.
I-1- Les débuts du papier
Tsaï Loun, un précurseur
en matière de qualité
Document arabe sur la
fabrication du papier
Qui connaît Tsaï Loun, ministre chinois de l'Agriculture ? Pas grand monde, sans doute. Pourtant, c'est lui qui, après la naissance en Chine vers la fin du IIIe siècle avant l'ère chrétienne, codifie l'art de fabriquer le papier, en 105 après J.-C., en préconisant d'utiliser des fibres issues de bambou, des écorces de mûrier et surtout du lin et du chanvre. Le père du papier moderne en somme, et le rédacteur de la première certification "ISO 9000" pour la papeterie !
Cet art de fabriquer le papier restera chinois et japonais jusqu'au VIIIème siècle avant de passer chez les Arabes, à la suite de la bataille de Samarkand en 751. Ces derniers comprennent rapidement tout le profit qu'ils peuvent tirer du papier pour propager l'Islam.
Après l'introduction peu fructueuse du coton comme matière première fibreuse pour améliorer la blancheur, ils en font leur vecteur de communication numéro un. À ce titre, le papier peut être considéré comme le premier grand média de masse.
Dès lors, à mesure que les Arabes progressent vers l'Occident, le papier y fait son apparition : on le retrouve à Bagdad en 793, au Caire en 900, à Xàtiva (San Felipe, Espagne) en 1056, en Sicile en 1102, à Fabriano (Italie) en 1276 et en France au début du XIVème siècle. En 1184, Fès au Maroc comptait plus de 400 moulins à papier.
I-2- Le rôle de l'invention de la typographie
Atelier de piles à maillet
Vers 1440, nouvelle révolution : l'invention de la typographie (basée sur le principe de caractères mobiles) par Gutenberg dope l'utilisation et donc la fabrication du papier, qui deviendra complètement artisanale avec la généralisation des piles à maillets actionnées par l'énergie hydraulique.
Roue hydraulique (Vallis Clausa)
Les adeptes de la nouvelle église réformée choisissent à leur tour le papier pour assurer leur propagande.
À l'époque, les artisans papetiers, majoritairement protestants, propulsent la France au premier rang parmi les nations papetières. Malheureusement, la révocation de l'Édit de Nantes en 1685 sonne à jamais le glas de la supériorité française dans ce secteur.
I-3- L'apport capital des hollandais
L’invention par les Hollandais du cylindre qui porte leur nom, reste un événement marquant pour la trituration des chiffes et des chiffons et pour l’histoire du papier. Cette nouvelle technique apporte des avantages considérables par rapport à celle des piles à maillets. On peut citer :
les faibles pertes en matières sèches ;
les gains en énergie et en personnel à production égale ;
une qualité bien supérieure des papiers obtenus.
L’utilisation de tels cylindres en Hollande est mentionnée en 1673 mais il faut attendre le début du XVIIIème siècle pour voir leur apparition dans le reste de l’Europe : 1710 en Allemagne de l’ouest, 1711 en Prusse, 1726 en Suisse et vers 1750 en Angleterre.
Cylindre hollandais
Leur implantation en France est beaucoup plus laborieuse. Elle se situe vers 1730-1740. Les initiatives de l’époque sont cependant, pratiquement toutes vouées à l’échec, à cause du manque de compétence des maîtres charpentiers utilisés pour la construction et la mise en service de ces cylindres. La plupart des papetiers qui tentent alors l’expérience reviennent très vite à leurs traditionnelles piles à maillet. D’autres tentatives plus ou moins fructueuses ont également lieu entre 1750 et 1770 dont celle de 1761 au moulin de Puymoyen en Angoumois, et celle de 1766 à Lana dans les Vosges. Pierre de Montgolfier d’Annonay fait également une tentative après 1750, qui elle aussi n’est pas très concluante. La maîtrise de l’utilisation des piles hollandaises en France est surtout due à l’intervention de Jean-Guillaume Ecrevisse, papetier hollandais et collaborateur de l’Inspecteur des Manufactures Nicolas Desmarest. Ecrevisse équipe de nombreux moulins entre 1760 et 1780, dont ceux de Montgolfier et Johannot à Annonay à partir de 1780 et ceux d’Essonnes de 1781 à 1785.
I-4- L'invention de la machine à papier
Nicolas Robert
C'est incontestablement le XIXème siècle qui permet au papier d'acquérir toutes ses lettres de noblesse et à son procédé de fabrication d'opérer sa grande mutation, en passant de l'artisanat à l'industrie lourde. Pour y parvenir, deux verrous résistent :
la formation industrielle de feuilles ou de bobines de papier ;
l'approvisionnement en matières premières fibreuses.
Le premier verrou saute au moment de la Révolution française, grâce à Nicolas Robert qui invente la machine à fabriquer le papier "à grande étendue". Les principes de la fabrication industrielle à grande échelle sont posés.
Machine à papier de Nicolas Robert
I-5- La fabrication du papier à partir du bois
Le second verrou résiste jusqu'au milieu du XIXème siècle. Face aux difficultés d'approvisionnement en chiffons de plus en plus grandes, notamment à cause de la flambée des prix, les papetiers recherchent de nouvelles matières premières. On pense alors tout naturellement au bois.
F.G. Keller invente la pâte
mécanique de bois
H. Voelter perfectionne
la pâte mécanique de bois
Une idée qui n'a rien de nouveau : les Chinois avaient déjà fabriqué du papier à partir de fibres d'écorces et de bambous. Plusieurs tentatives d'utilisation du bois avaient même eu lieu au XVIIIème siècle et au début du XIXème, mais l'histoire ne les retiendra pas et attribuera l'invention de la première pâte de bois à un tisserand natif de Saxe : Friedrich Gottlob Keller, qui fabrique de la pâte mécanique au moyen d'une meule et dépose un brevet en 1844.
Keller cède en 1846 son invention à un autre Allemand de Saxe, Heinrich Voelter. Ce dernier perfectionne le système, puis s’associe avec J.M. Voith fondateur de la puissante firme allemande pour la construction de matériel papetier.
Aristide Berges
Défibreur Voelter
Aristide Berges reste l'un des grands promoteurs de cette pâte mécanique de meule. Il dépose trois brevets sur des améliorations du procédé et sur l'emploi de la pâte mécanique dans la fabrication des papiers. Il est également connu pour être le premier à domestiquer et à utiliser l'énergie "stockée dans les montagnes", qu'il nomme la Houille Blanche, pour faire tourner ses défibreurs à meule à Lancey, dans la vallée du Grésivaudan, près de Grenoble.
En 1885, la pâte mécanique devient la matière première essentielle pour produire du papier journal, acceptée par la plupart des éditeurs de journaux aux États-Unis et au Canada.
Fibres de pin sylvestre
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, des procédés chimiques sont mis au point pour obtenir des fibres à partir du bois -- les pâtes chimiques. Ils permettent d'augmenter considérablement la solidité des papiers et par la même leur vitesse de production. Des développements sont rendus possibles par les travaux des chimistes de l'époque, dont le Français Anselme Payen, qui montrent que toutes les cellules végétales contiennent une substance blanche et fibreuse, chimiquement identique au coton des chiffons : la cellulose, nommée ainsi car constituant l'essentiel des cellules. Les procédés chimiques consistent donc à extraire du bois les fibres cellulosiques à partir desquelles on fabrique du papier. Les fibres de coton ont vécu.
I-6- Le passage du stade artisanal à l'industrie lourde
L’industrie papetière, tirée par une consommation de papier sans cesse croissante, devient ainsi une industrie lourde. En 1908, la plus grosse machine à papier au monde, d'une largeur de 4,30 mètres, se trouve à Sittingbourne en Angleterre, et peut produire du papier journal à 165 m/mn.
La tour Kamyr d'une usine
de pâte à papier
La vitesse de production de 200 m/mn supposée être une limite difficilement franchissable à l’époque est malgré tout atteinte vers 1910. Vous pouvez observer la photographie d'une machine de cette période en ouvrant une page annexe (25 secondes avec un modem 56K).
En 1935 la plus grosse machine à papier au monde se trouve également en Angleterre, elle mesure 8,15 mètres de laize et fabrique du papier journal à plus de 425 m/mn ! La vitesse de fabrication de 1000 m/mn est franchie vers 1958 et en 2000, la vitesse record de 1800 m/mn est atteinte pour la fabrication du papier journal.
Pour alimenter ces monstres d’acier, deux grands procédés en continu sont mis au point entre les deux guerres pour préparer de la pâte à partir de copeaux de bois. Le but est d’utiliser au maximum les déchets de scierie et le bois non utilisé comme bois d’œuvre. Un procédé d’obtention de pâte mécanique de raffineur -- ou défibreur à disques sous pression -- est développé par le suédois Arno Asplund dès 1931, pour être utilisé industriellement à partir des années 1956-1960. Ce procédé est à l’origine de la pâte TMP (Thermomechanical Pulping) et CTMP (Chemi Thermomechanical Pulping). Un autre grand procédé de préparation de pâte chimique en continu est mis au point par Johan Richter de la société suédoise Kamyr AB, dés 1938 au stade laboratoire à Karlsborg. Une première application industrielle démarre en 1947 à Fengersfors en Suède.
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LE CIEL AUSTRALE ... |
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Une fascination pour le ciel austral
L’astronomie optique et infrarouge au sol en Europe
Catherine Cesarsky et Claus Madsen
L’Europe, pionnière en astronomie au siècle des lumières, s’est trouvée en difficulté face à la compétition des États-Unis au XXe siècle. En réponse à ce défi, pression financière et constructions d’infrastructures modernes de recherche ont amené la communauté scientifique européenne à se concerter et à s’organiser, bien au-delà d’une simple mise en place d’une nouvelle « machine » de recherche. Catherine Cesarsky et Claus Madsen expliquent comment l’Europe de l’astronomie au sol a su abolir les frontières et se fédérer en créant et développant l’Observatoire européen austral (ESO).
The response of European astronomers to their loss of leadership in their science in the 20th century was to assemble and create ESO, the European Southern Observatory. In the 21st century, with the Very Large Telescope in operations, ALMA in construction and the E-Extremely Large Telescope under study, they are again on the front stage for cosmic discoveries.
Indexation
Mots-clés :astronomie, astrophysique, astronomie optique et infrarouge au sol, ESO, ciel austral, European Southern Observatory, Observatoire européen austral
Plan
Le premier âge d’or de l’astronomie européenne
Cieux clairs en Amérique, nuages en Europe
L’Europe se rebiffe après la seconde guerre mondiale
Les années d’apprentissage
Les années d’expérimentation
Le nouvel âge d’or de la science européenne
Vers de nouveaux territoires
L’Europe, un retour en force vers le futur ?
Texte intégral
Le premier âge d’or de l’astronomie européenne
1
Objet de recherche universel, l’astronomie comme les sciences naturelles ont une longue tradition « d’internationalisme ». Si l’observation céleste a de tout temps été pratiquée par la plupart des cultures connues, c’est en Europe, avec la Renaissance puis le Siècle des Lumières, que l’astronomie s’est le mieux développée. Le changement de paradigme initié par Copernic, Galilée, Tycho et Kepler, et qui amena à la reconnaissance de la théorie héliocentrique, est le fruit de collaborations et d’échanges d’idées transfrontaliers. Chercheurs et instituts se sont peu à peu constitués en réseaux, reliés entre eux par les découvertes, les idées et les critiques, les hypothèses et les observations, les accords et les désaccords d’interprétation, gravitant autour de l’Observatoire de Paris, le Royal Greenwich Observatory, les observatoires de Tycho à Hven, d’Helsinki, de Saint-Pétersbourg... et avec comme figures emblématiques Cassini, Rømer, Huygens, Halley, Newton... L’astronomie européenne a connu son apogée au cours des XVIIIe et XIXe siècles, couvrant un large champ de recherches et abordant de nombreuses questions clés : les distances entre les étoiles du système solaire, la forme de la Voie lactée, la nature de phénomènes et d’objets tels les nébuleuses, les comètes, les taches solaires... De même, elle ouvrit la voie à la reconnaissance des éléments chimiques dans le cosmos grâce à la spectroscopie. Les astronomes européens se sont très tôt intéressés à l’hémisphère sud. Ainsi, dès 1750, Lacaille observait le ciel austral depuis le cap de Bonne-Espérance, d’où il détermina la position de près de 10 000 étoiles.
Cieux clairs en Amérique, nuages en Europe
2
Malgré tout leur potentiel, les astronomes européens allaient vite être éclipsés par leurs homologues américains devenus extrêmement compétitifs, grâce au soutien financier de particuliers fortunés et de fondations privées. Commencèrent alors à sortir de terre, en Amérique, des infrastructures de recherche plus grandes et plus puissantes et situées loin des grandes villes, pour éviter les nuisances et la détérioration des conditions d’observation du ciel provoquées par la lumière électrique.
3
Le premier télescope américain, le réfracteur Yerkes de 1 m, ouvrit en 1897, suivi par le télescope de 1,50 m au Mont Wilson en 1908, puis par le réflecteur Hooker de 2,50 m en 1917, qui permit à Hubble d’observer « les nébuleuses ». Cette nouvelle génération de télescopes accéléra la métamorphose de l’astronomie, limitée d’abord à l’astrométrie et à la mécanique céleste, en astrophysique. Ce développement, étayé par les avancées en physique atomique, aboutit à la découverte de l’expansion de l’Univers, fondée sur les observations de Hubble et sur la théorie du Big Bang développée par Lemaître. La cosmologie était née.
4
Le soutien généreusement offert à la science aux États-Unis permit à Caltech et à d’autres grands instituts de se développer et les États-Unis occupèrent définitivement le premier rôle en observation astronomique avec la création du télescope de 5 m sur le Mont Palomar. Inauguré en 1947 et collaborant avec le célèbre télescope Schmidt situé sur le même site, l’observatoire de Palomar devint pendant longtemps la référence de l’astronomie mondiale, avec le Kitt Peak National Observatory en Arizona. Travailler aux États- Unis devint indispensable pour la carrière des astronomes européens ; beaucoup s’y fixèrent. L’astronomie américaine a maintenu sa réputation d’excellence jusqu’aujourd’hui, avec le Hubble Space Telescope (participation européenne), le satellite Chandra à rayons X, le satellite infrarouge Spitzer, les télescopes jumeaux du Keck, les télescopes Gemini (participation internationale), les télescopes Magellan et un système de fonds de recherche très avantageux. Sur le vieux Continent, le désastre de la première guerre mondiale ralentit sérieusement la science européenne, même si des disciplines telles que la physique et la chimie allaient refleurir pendant l’entre-deux-guerres. Le repli nationaliste joua aussi un rôle subtil dans le déclin de la science européenne. Rares étaient ceux qui prenaient conscience de la force économique, technologique, industrielle, entrepreneuriale et politique des États-Unis.
L’Europe se rebiffe après la seconde guerre mondiale
5
Après le second conflit mondial, malgré les promesses de reconstruction, l’exode des talents scientifiques allait perdurer. C’était sans compter sur la ténacité de l’élite européenne et l’appui de fortes personnalités politiques telles que Spinelli, Monnet, Schumann, Adenauer qui mirent l’Europe de l’Ouest sur le chemin de la coopération, couvrant un large domaine politique et social, et notamment la science.
6
Les « organisations internationales », créées dans des buts spécifiques, furent l’un des instruments clés de ce développement. Après la création en 1949 du Conseil de l’Europe, pour « protéger la démocratie et les droits de l’Homme et pour promouvoir l’unité européenne en encourageant la coopération dans les domaines légaux, culturels et sociaux », en 1951 de l’ECSC (European Coal and Steel Community), en 1958 de l’Euratom, l’astronomie se devait de s’inscrire dans le courant politique européen d’alors.
7
Quatre ans plus tôt, en 1954, un groupe de onze pays européens avait créé le Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern), proposé pendant la cinquième Conférence générale de l’Unesco à Florence. Cette création permit de donner naissance à d’autres organisations européennes pour couvrir de nouveaux domaines scientifiques et devint un modèle opérationnel pour l’ESO notamment.
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8
L’idée d’un observatoire européen vit le jour en 1953 au sein de la communauté scientifique au cours de discussions entre l’Allemand Walter Baade (qui travaillait aux observatoires du Mont Palomar et du Mont Wilson) et son collègue hollandais Jan Oort. À l’évidence, le développement de l’astronomie nécessitant des instruments toujours plus grands, il fallait regrouper les ressources pour permettre aux astronomes européens de se hisser au niveau des Américains. La proposition fut approfondie lors d’une conférence à Groningen qui aboutit le 26 janvier 1954 à la signature par douze astronomes européens d’un document exprimant le voeu d’établir de toute urgence un observatoire commun dans l’hémisphère sud. Huit années et une convention internationale1 seront nécessaires pour faire avancer le projet.
9
Le choix de l’hémisphère sud pour un programme commun n’était pas le fait du hasard, les conditions y étant plus favorables pour étudier le centre de la Galaxie, et avec la présence dans le ciel austral de galaxies voisines jumelles, les Nuages de Magellan. Les grands télescopes dans l’hémisphère nord avaient déjà fait leurs preuves et les cieux du sud apparaissaient comme une planète inconnue à explorer. Pourtant, si le signal de départ a été donné en 1962, la course durera quarante ans pour développer une infrastructure de recherche compétitive pour les astronomes européens et ouvrir le chemin à une renaissance de cette science en Europe.
Les années d’apprentissage
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10
En 1964, lorsque la Convention de l’ESO entra en application et qu’un accord fut conclu avec la République du Chili pour y ériger un observatoire, les astronomes européens se trouvèrent confrontés à un problème pratique : transformer le projet en une véritable collaboration scientifique et technologique2.
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Il revint à Otto Heckmann, premier directeur général de l’ESO, d’emmener les premières équipes. Il fallut mettre en place l’organisation, développer un site d’observation à La Silla à une altitude de 2 400 mètres à la frontière du désert d’Atacama, exécuter un ambitieux programme de recherche et développement... autant de défis à relever par les équipes, le directeur général et le conseil d’administration. La construction du télescope principal, pourvu d’un miroir primaire de 3,60 m fut repoussée pendant plusieurs années, les équipes de l’ESO étant trop réduites et ayant trop de programmes à mener simultanément.
12
Le second directeur général, Adriaan Blaauw, assez pessimiste sur la progression du projet fit appel au Cern, et participa à la formation du Groupe de projet du télescope. En 1976, le télescope de 3,60 m était enfin inauguré mais il ressemblait à un télescope classique, guère différent des autres grands télescopes de l’époque. L’ESO a dû faire ses armes pendant près de vingt ans, mais l’esprit contagieux d’enthousiasme et d’idéalisme, peut-être même parfois teinté de naïveté, et les qualités professionnelles d’individus hors du commun, scientifiques, ingénieurs et administrateurs ont porté le projet jusqu’à son achèvement.
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Ses dirigeants, des visionnaires ? Sans aucun doute ! En témoigne la personnalité du troisième directeur général, Lodewijk Woltjer, qui, faisant fi des avis défavorables, organisa une conférence au Cern pour présenter les concepts des futurs grands télescopes. Cette conférence était pourtant emblématique des aspirations de l’ESO et des ambitions des astronomes européens. Mais quel chemin l’ESO devait-il prendre ?
Les années d’expérimentation
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En 1980, l’Italie et la Suisse se joignirent à l’organisation, l’argent fourni par les deux nouveaux États membres servant à fonder un programme de développement technologique, sous forme d’un télescope radicalement différent, le 3,5 m New Technology Telescope (NTT). Grâce à ce télescope, de nouveaux concepts technologiques purent être testés dans des conditions d’observation réelles : miroirs fins contrôlés par ordinateur (Optique Active), coupoles innovantes, télescope exploitant pleinement les énormes progrès de l’électronique, détecteurs et instruments à usages multiples... Ces technologies, cruciales pour la nouvelle génération de télescopes permirent de réduire considérablement les coûts par rapport aux modèles traditionnels. Le nouveau télescope eut sa première lumière en mars 1989 avec des premiers résultats spectaculaires, fournissant une preuve évidente de la bonne adéquation de ces nouveaux concepts et insufflant Le NTT fut placé à La Silla, qui en son temps accueillit à son sommet 15 télescopes avec des optiques aux ouvertures entre 0,4 m et 3,6 m, et un télescope millimétrique de 15 m, exploité en commun avec la Suède. Ce télescope, le premier en son genre dans l’hémisphère sud, donna à l’ESO ses premières expériences dans le domaine de l’astronomie millimétrique.
15
Cependant, avant même que le NTT ne puisse démontrer l’étendue de son potentiel, le Conseil de l’ESO avait pris en 1987 une décision de taille : lancer un nouveau projet, le Very Large Telescope (VLT). Avec quatre télescopes identiques de 8,2 m, utilisables seuls ou en combinaison dans le mode interférométrique, agrémentés de plusieurs télescopes auxiliaires amovibles de 1,8 m, le VLT allait rendre obsolètes tous les observatoires optiques du monde. L’avenir était enfin prometteur et pour l’ESO et pour l’astronomie européenne.
16
En 1990, le quatrième directeur général, Harry van der Laan, proposa au Conseil de placer le VLT à Cerro Paranal, à 600 km au nord de l’observatoire de La Silla, dans la région la plus sèche du désert d’Atacama, à une altitude de 2 650 m. Cette décision impliquait l’installation d’une nouvelle infrastructure sur des terres vierges et dans des conditions particulièrement hostiles. Confronté une fois encore à un dilemme, le Conseil accepta la construction dans ce site et, quelques semaines plus tard, une plateforme pour le VLT sortait de terre au sommet de la montagne de Paranal.
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De leur côté, les astronomes californiens n’étaient pas restés inactifs : grâce à des fonds privés, ils entreprirent la réalisation de leur propre projet de grand télescope, notamment la construction du premier des deux télescopes Keck de 10 m à Hawaii, sur un concept très différent de celui du VLT, mettant en oeuvre un miroir formé de segments de verre. Keck One eut sa première lumière en 1993, tandis que Paranal n’était encore qu’un chantier immergé dans la poussière et non dans un nuage de photons de corps célestes éloignés.
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À ce stade du récit, deux points importants sont à mentionner : tout d’abord, la forte participation de l’industrie européenne, souvent appuyée par les milieux politiques, a contribué à développer le savoir-faire européen, et, dans certains cas, à conforter son avance dans différents domaines. C’est le cas par exemple de la technologie de miroirs (contrôle in situ de la construction, polissage de grands miroirs), de l’optique active (et de l’optique adaptative), des matériaux alternatifs pour les miroirs (béryllium...), de la modélisation informatique détaillée de l’équipement, des contrôleurs de détecteurs, des nouveaux concepts pour opérer les télescopes et pour traiter les données. Ensuite, la décision de l’ESO de rechercher des partenariats avec les instituts de recherche des pays membres pour développer l’instrumentation du VLT eut une importance capitale. Ainsi, l’ESO a construit un « réseau d’excellence » en impliquant sa communauté d’usagers dans le projet, d’où un fort sentiment de propriété ressenti3 par la communauté scientifique.
Le nouvel âge d’or de la science européenne
19
Le premier des télescopes de 8,2 m, Antu, eut sa première lumière en mai 1998 et produisit une série d’images fascinantes qui se retrouvèrent à la une des journaux et dans les journaux télévisés aux heures de grande écoute. En avril 1999, Antu était mis à la disposition des astronomes européens. Avec la succession rapide des premières lumières des trois autres télescopes, Kueyen, Melipal et Yepun, l’observatoire VLT complet devint pleinement opérationnel en deux ans, et les premiers résultats en interférométrie furent très vite obtenus. La technologie du VLT a fait montre d’une extraordinaire efficacité qui a supplanté et remisé les travaux antérieurs, allant au-delà de toutes les espérances.
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Pourquoi une telle réussite ? Parce que le VLT a été conçu et construit dans son intégralité comme un observatoire complet, là où la plupart des autres sites se sont développés graduellement. De plus, un concept d’opération très avancé, inspiré par les missions spatiales, avait été introduit par le cinquième directeur général, Riccardo Giacconi, et fut mis en oeuvre par le sixième, Catherine Cesarsky, co-auteur de cet article.
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21
Le succès du VLT a inauguré un nouvel âge d’or de l’astronomie européenne qui coïncide avec la récente série de missions spatiales européennes vouées à l’astronomie, telles que Hipparchos, ISO, SOHO, XMM-Newton ou Integral. L’interféromètre VLT (VLTI) a déjà produit de nombreux résultats scientifiques. Dix ans après le début des opérations scientifiques du VLT, l’impact indéniable se mesure au nombre impressionnant d’articles publiés dans des journaux à comité de lecture, et de ceux qui y font référence. Ces articles couvrent l’étude de certaines des plus vieilles étoiles de l’Univers, les observations sur les galaxies les plus éloignées, à des distances de plus de 13 milliards d’années-lumière4, des images à très haute définition du centre de la Voie lactée, qui ont permis de déterminer précisément la masse du trou noir qui y réside, des études détaillées de la formation des étoiles. Par ailleurs, les détections de planètes extrasolaires de masse se rapprochant de plus en plus de la Terre se succèdent à un rythme vertigineux à l’observatoire de La Silla.
22
Le VLT et les projets suivants ont incité d’autres pays à rejoindre l’ESO : le Portugal, le Royaume-Uni, la Finlande, la République tchèque et l’Espagne, et tout récemment l’Autriche. Ils seront bientôt suivis par d’autres pays ayant exprimé leur intérêt à devenir membres.
23
Enfin, le concept d’opérations utilisé au VLT se prête à la constitution d’une énorme base de données, qui peut être consultée par l’ensemble de la communauté astronomique. Contenant également la collection de données HST, les archives scientifiques de l’ESO constituent à présent la pierre angulaire d’un plus large projet, « l’observatoire virtuel », visant à fédérer les archives astronomiques à travers l’Europe, voire dans le monde.
Vers de nouveaux territoires
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Avant même que le VLT ne donne ses premières images, l’ESO avait déjà songé à l’avenir. Les avancées en astronomie dans le domaine visible et infrarouge ont donné naissance à de nouvelles idées et à de nouveaux projets. L’astronomie submillimétrique/millimétrique, à la limite de la radioastronomie, est l’astronomie de « l’Univers froid ». Elle permet l’étude des premières galaxies ainsi que celle de la formation des étoiles et des planètes dans la Voie Lactée.
25
Cependant, la communauté européenne radioastronomique n’a pas constitué son organisation propre capable de développer des projets d’infrastructure avec des coûts avoisinant les centaines de millions d’euros. L’ESO a tout naturellement offert son aide et est devenu le point focal de l’engagement européen dans le projet Atacama Large Millimeter Array (ALMA), conduit avec l’Amérique du Nord et le Japon, et qui est en cours de construction sur un plateau des Andes chiliennes à une altitude de 5 000 m. Un ensemble de radiotélescopes de 12 m donneront une résolution dans le ciel similaire à celles du VLT et du VLTI dans une bande passante différente.
26
Le prochain défi Mais l’ESO trahirait sa réputation d’avant-gardiste s’il n’était pas déjà profondément impliqué dans des études futuristes. En collaboration avec de nombreux partenaires européens, il est engagé dans des études de l’E-ELT (European Extremely Large Telescope). Ce télescope sera équipé d’un miroir segmenté d’un diamètre de 42 m, maintenu par une structure mécanique très légère. Ce projet constitue une fois de plus une rupture radicale avec les idées préconçues sur la fabrication des télescopes.
27
Le concept révolutionnaire met en œuvre cinq miroirs en succession ; une première correction des effets néfastes de la turbulence dans l’atmosphère est effectuée au niveau du télescope. Les observations faites avec E-ELT permettront d’aborder un grand nombre de problèmes scientifiques hors d’atteinte à présent, par exemple de détecter la lumière réfléchie par des planètes extrasolaires comme Jupiter ou Neptune et de sonder leur atmosphère, ou de mesurer directement l’accélération de l’expansion de l’univers. Avec ALMA, il repoussera les limites de l’Univers observable et pourra assister à la naissance des premières étoiles et galaxies. La révolution que connaîtra notre perception de l’Univers sera comparable à celle que le télescope de Galilée déclencha en son temps.
L’Europe, un retour en force vers le futur ?
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Ce bref descriptif de l’évolution de l’ESO, principale organisation européenne pour l’astronomie au sol, montre comment l’éternel rival des observatoires américains a su élaborer des projets stimulants pour l’astronomie européenne en offrant la possibilité de travailler conjointement sur des projets à un niveau approprié. Aujourd’hui, l’Europe de l’astronomie a enfin reconquis ses lettres de noblesse et est à nouveau en tête de l’astronomie optique et infrarouge basée sur Terre.
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Les efforts combinés de nombreux pays ont permis aux Européens de reprendre le contrôle de la connaissance de l’Univers, celui dans lequel nous vivons. La collaboration européenne, organisée par l’ESO, a largement contribué au retour en force de l’Europe sur la scène astronomique. La prochaine génération de scientifiques a un défi de taille à relever : il ne faut pas laisser l’Europe perdre son avance, fraîchement acquise grâce aux efforts des pays membres de l’ESO.
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Notes
1 Convention signée en 1962 par la Belgique, la France, l’Allemagne, la Hollande et la Suède.
2 En 1967, le Danemark a rejoint l’organisation.
3 Si l’ESO est la « propriété » de ses pays membres, il « appartient » à ses astronomes.
4 Les montrant telles qu’elles étaient lorsque l’Univers n’était qu’à 3 % de son âge actuel.
Pour citer cet article
Référence électronique
Catherine Cesarsky et Claus Madsen, « Une fascination pour le ciel austral », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 23 | 2008, mis en ligne le 03 janvier 2011, consulté le 16 mai 2015. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/8743
Auteurs
Catherine Cesarsky
Catherine Cesarsky, astrophysicienne, a été directrice générale de l’Observatoire européen austral (ESO) de 1999 à 2007. Actuellement elle est directeur de recherche à la Direction des sciences de la matière (DSM) au CEA, et chercheur associé au laboratoire « Galaxies, étoiles, physique et instrumentation » (Gepi) à l’Observatoire de Paris.
Claus Madsen
Claus Madsen s’occupe des affaires européennes et des relations publiques à l’ESO, à Garching bei München en Allemagne.
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