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PLATON

 

Platon

Philosophe grec (Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C.).

Platon est un des philosophes majeurs de la pensée occidentale, et de l’Antiquité grecque en particulier. Son œuvre, essentiellement sous forme de dialogues, se présente comme une recherche rigoureuse de la vérité, sans limitation de domaine. Sa réflexion porte aussi bien sur la politique que sur la morale, l’esthétique ou la science.
La confiance dans la capacité humaine de connaître la réalité est ce qui constitue l’unité de l’œuvre de Platon. Contre les sophistes, qui enseignent l’art de convaincre et de plaire, Platon pose la question du discours vrai. Le réel est connaissable ; l’homme n’est pas limité à ses impressions : par ce qu’il sent, il peut avoir accès à une réalité qui le dépasse. Son œuvre s’oriente ainsi dans deux directions complémentaires : d’une part, chercher la vérité à propos de réalités déterminées (la justice, le monde, par exemple) ; d’autre part, chercher à justifier la possibilité même de connaître la vérité.
Famille
Platon est né vers 427 av. J.-C. dans une famille aristocratique. Son oncle Critias fut l’un des oligarques (les Trente) qui dirigèrent Athènes après la défaite contre Sparte (404 av. J.-C.), à la fin de la guerre du Péloponnèse.
Formation
Il passe huit ans auprès de Socrate mais ne peut être témoin de la mort inique de son maître. Il poursuit sa formation auprès d’Euclide le Socratique. Il voyage et rencontre philosophes et mathématiciens de différentes écoles.
Enseignement philosophique et mise en pratique
Sa vie de maître de philosophie, à l’école (Académie) qu’il a créée, est entrecoupée d'épisodes dramatiques. Il manque partir en esclavage. Il a des relations tumultueuses avec les tyrans (autocrates qui ont pris le pouvoir par la force) de Syracuse, en Sicile ; il y est retenu contre son gré à deux reprises. Il rentre définitivement à Athènes (361 av. J.-C.) et meurt une douzaine d’années plus tard.
L’œuvre
Elle est couramment classée en dialogues de jeunesse (dits socratiques), dialogues de la maturité (dont surtout le Banquet, la République, le Théétète, le Parménide), et dialogues tardifs.
Le dialogue entre interlocuteurs est un questionnement intérieur, mouvement délibéré et difficile vers la recherche de la vérité : prendre conscience de ce qui n’est pas, de ce qui est faux, de ce qui est. Deux moyens privilégiés sont donc la dialectique et la réminiscence.
La postérité
Après les continuateurs de l’Ancienne et de la Nouvelle Académie, une certaine influence de la pensée de Platon, telle que transmise notamment par Plotin (→ néoplatonisme) marque l’Antiquité de l’Empire romain puis la Renaissance, la pensée médiévale ayant quant à elle abondamment interprété Aristote, qui fut longtemps son élève.
Voir l'article scolastique.
1. La vie de Platon

Issu d'une famille noble, Platon est né vers 427 avant J.-C. et a vécu quatre-vingts (ou quatre-vingt-un ans : une biographie pythagoricienne préfère ce chiffre, qui est le carré de 9). Il eut deux frères (Adimante et Glaucon) et une sœur, Potoné, dont le fils, Speusippe, prendra sa suite à la direction de l'Académie.
Critias, l'un des Trente –c’est-à-dire le conseil qui dirigea Athènes par un régime de terreur en 404 avant J.-C. – était son oncle maternel. Tous ces personnages apparaissent dans les dialogues.
1.1. La fréquentation de Socrate

Platon a vingt ans lorsque, vers 407 avant J.-C., il fait la rencontre de Socrate, qui en a alors soixante-trois. Les relations entre les deux hommes vont durer huit ans, jusqu'à ce qu'en 399 av. J.-C. Athènes condamne Socrate à boire la ciguë. D'après le Phédon, Platon, malade, ne pourra assister aux derniers moments de celui dont la mort fut pour lui l'expérience de l'injustice même, à partir de laquelle tout le sérieux de la philosophie ainsi que sa vocation politique lui apparurent.
1.2. Les premiers dialogues

Après la mort de Socrate, Platon part quelque temps pour Mégare, où Euclide le Socratique et son groupe l'accueillent. De retour à Athènes, il écrit ses premiers dialogues et réunit autour de lui un premier cercle d'amis et d'élèves qui préfigure l'Académie.
1.3. Voyages en Méditerranée

Suivent ensuite quelques années de voyages. Le premier le conduit en Égypte (il s'y rend, dit-on, en négociant une cargaison d'huile qu'il veut vendre à Naukratis), puis à Cyrène, où il rencontre l'un des protagonistes du futur Théétète, Théodore le mathématicien, et Aristippe de Cyrène, qui avait été de l'entourage de Socrate.
Un deuxième voyage le mène en Italie du Sud, où il veut rencontrer le pythagoricien Archytas, sans doute moins (comme certaines traditions le laissent entendre) pour être initié à quelque doctrine secrète que simplement pour connaître celui qui avait instauré à Tarente un gouvernement dont les principes reposaient sur la philosophie.
Invité par Denys l'Ancien, tyran de Syracuse, Platon gagne ensuite la Sicile. Mais son séjour à la cour du tyran, où règne une vie très dissolue, sera bref : un conflit l'oppose bientôt à Denys, qui le met d'office dans un bateau. Ce premier épisode sicilien de Platon connaît un ultime rebondissement. Le bateau fait escale à Égine, où Platon est gardé comme esclave, mais, reconnu par un certain Annicéris rencontré à Cyrène, il est finalement racheté et libéré. Il est de retour à Athènes en 387 avant J.-C.
1.4. Fondation de l’Académie

Pompéi, mosaïque de l'Académie de PlatonPompéi, mosaïque de l'Académie de Platon
Platon achète alors un gymnase et un parc situés au nord-ouest de la ville et y fonde l'Académie (c'était le nom du lieu), première école de philosophie dont l'existence soit historiquement incontestable.
L'Académie est dotée d'un statut juridique propre, dispose de logements destinés aux élèves et, en plus des salles de cours, d'un muséum où sont conservés livres et objets scientifiques. Xénocrate, Héraclide du Pont, Eudoxe de Cnide, Speusippe, Aristote figurent parmi les maîtres. Il ne semble pas que le dialogue socratique y soit la seule méthode d'enseignement en vigueur : le recours au livre n'est pas exclu (comme en témoigne l'existence d'écrits de Platon lui-même) ni l'exposé continu, comme, à ce qu'il semble, c'est le cas des doctrines non écrites de Platon qu'Aristote a transmises.
Le rayonnement de l'Académie est considérable. On vient de tout le monde grec y acquérir une philosophie dont le but avoué est politique : établir la justice.
1.5. Expériences politiques en Sicile et retour à Athènes

Denys l'Ancien meurt en 367 avant J.-C., et son fils, Denys le Jeune, lui succède. Dion, beau-frère du premier, propose alors à Platon (dont il a été l'élève) de revenir à Syracuse. Certains disent que la République vient d'être écrite et que Platon voit dans cette offre l'occasion d'en mettre les principes à l'épreuve, en entreprenant de faire du jeune tyran un philosophe. Il confie donc la charge de l'Académie à Eudoxe. Mais à l’accueil chaleureux succède vite la méfiance. Dion et Platon sont soupçonnés de vouloir exercer le pouvoir pour leur propre compte. Le premier est alors exilé, et Platon reste quelque temps prisonnier dans le palais royal, jusqu'à ce que, obligé lui-même de partir pour une expédition militaire, Denys se décide à le relâcher. Telle est la deuxième aventure sicilienne.
Platon reste alors six ans à Athènes. Or, en 361 avant J.-C., Denys le rappelle. « Tandis que du côté de la Sicile comme de l'Italie on me tirait à soi, du côté d'Athènes on me poussait en quelque sorte dehors à force de prières ! » dit la Lettre VII. Platon confie donc l'Académie à Héraclide du Pont et repart pour Syracuse, où c'est de nouveau la brouille avec Denys, qui l'assigne à résidence. Il faut l'intervention d'Archytas de Tarente, qui envoie même un bateau pour le ramener à Athènes, pour qu'il sorte sain et sauf de cette troisième et dernière aventure sicilienne.
Platon restera désormais à Athènes, où il continue à enseigner et à écrire. Il est en train d'achever les Lois quand il meurt, vers 348 avant J.-C.
2. L'œuvre écrite de Platon

Tous les écrits philosophiques de Platon ont été conservés, ce qui est exceptionnel pour un auteur de l'Antiquité. Vingt-huit ouvrages - des dialogues - sont considérés aujourd’hui comme authentiques.
Une classification des dialogues en trois groupes à peu près chronologiques est communément admise.
2.1. Les dialogues de jeunesse

L’ensemble de ces dialogues proprement socratiques comprend tout ce que Platon a écrit avant d'entreprendre ses voyages (390 avant J.-C.), soit l'Hippias mineur (Du mensonge) , l'Hippias majeur (Du beau), l'Ion (sur l'Iliade), le Protagoras (sur les sophistes), l'Apologie de Socrate, le Criton (Du devoir), l'Alcibiade (De la nature de l'homme), le Charmide (De la sagesse), le Lachès (Du courage), le Lysis (De l'amitié), l'Euthyphron (De la piété), le Gorgias (De la rhétorique) et le livre premier de la République, qui, avant de servir de préface à ce gros ouvrage, aurait constitué, sous le titre de Thrasymaque, un dialogue indépendant.
2.2. Les dialogues de la maturité

Ce second groupe, lié plus à l'enseignement de l'Académie qu'au souvenir de Socrate, s'achève au moment du deuxième séjour de Platon à Syracuse (361 avant J.-C.). Il comprend le Ménexène (De l'oraison funèbre), le Ménon (De la vertu), l'Euthydème (De l'éristique), le Cratyle (De la justesse des noms), le Banquet, le Phédon (De l'âme), la République (De la justice), le Phèdre (De la beauté). Sont à rattacher à ce groupe deux dialogues où Platon critique l'éléatisme de l'école socratique de Mégare : le Théétète (De la science) et le Parménide (Des idées).
2.3. Les derniers dialogues

Ce dernier groupe comprend le Sophiste (De l'être), le Politique (De la royauté), le Timée (De la nature), le Critias (De l'Atlantide), qui est inachevé, le Philèbe (Du plaisir) et les Lois (De la législation).
3. La philosophie de Platon

3.1. La maïeutique, ou l’art d’accoucher les esprits

La forme dialoguée que Platon a donnée à ses écrits ne trouve pas sa justification dans le seul souvenir des entretiens que Socrate avait animés ; elle est également liée – au-delà de l'anecdote – à la méthode pédagogique que Platon présente comme l'héritage philosophique de Socrate, le « maïeute », l'accoucheur des esprits.
Le questionnement de Socrate conduit l’interlocuteur à prendre conscience qu’il ne connaît pas ce qu’il croyait connaître. Par là, il l’invite à expliciter ce qu’il a à l’esprit : si cette explicitation, cet « accouchement » est possible, alors la pensée prouve sa consistance. La mise au jour de la pensée en est comme l’épreuve : si je peux dire pour un autre ce que je pense, la preuve est faite que ma pensée est effectivement pensable.
Cette épreuve ne suffit pas à montrer que la pensée est vraie mais elle montre au moins qu’elle est logique. Grâce à cette formulation de la pensée dans la langue, le dialogue peut avoir lieu.
3.2. Le dialogue et la dialectique

Platon conçoit le dialogue comme une recherche commune de la vérité, commune parce qu’elle n’appartient à personne.
Contre les sophistes
Par opposition aux sophistes, qui ne voyaient dans le dialogue qu'une joute oratoire, qu'un combat de monologues dont la fin se limitait à réduire l'adversaire au silence, le dialogue platonicien vise, en effet, à permettre aux participants d'accorder leurs discours à la vérité.
Les sophistes, tels du moins que Platon les peint, sont des pragmatiques, pour qui compte seule la réussite et qui ne s'embarrassent pas de scrupule concernant les valeurs : l'homme, disait Protagoras, est la mesure de toute chose.
Le platonisme, au contraire, affirme la transcendance de la mesure. Et ce n'est pas à cause de la difficulté des sujets abordés, mais parce que leurs mauvaises dispositions les conduisent à rejeter cette transcendance sans laquelle le mot vérité n'a plus aucun sens, que les sophistes font se terminer sur une aporie (contradiction insoluble) la plupart des dialogues auxquels ils participent.
Partir de sa propre ignorance
Celui qui parle ne saurait donner la mesure : il ne peut que s'y soumettre. Le dialogue platonicien est une sorte d'entretien sans maître, le savant (sophistês) n'y a pas sa place, et l'on n'y fait profession que d'ignorance – profession qui constitue le moment inaugural de la philosophie en tant qu'elle est amour (philia), donc désir, donc manque du savoir (sophia).
Mais d'un savoir qui soit savoir vrai, alors que celui des sophistes, étant dissocié de la vérité, n'est qu'apparent. Le sophiste ne désire pas savoir, il désire vendre ce qu'il fait passer pour son savoir. Si le moteur du discours sophistique est financier, celui du dialogue platonicien est érotique : ce désir du vrai dans lequel Platon montre, en même temps que la vérité de tout désir, le vrai désir. C'est là ce que, d'après le récit du Banquet, Diotime aurait appris à Socrate : « La sagesse est parmi les plus belles choses et c'est au beau qu'Amour rapporte son amour ; d'où il suit que, forcément, Amour est philosophe. »
Dépasser l'apparence
Cette opposition historique et méthodologique de Platon et des sophistes redouble l'opposition de deux mondes (sensible et intelligible), qui constitue l'armature du système platonicien.
Les sophistes ont partie liée avec les philo-doxes, littéralement les « amis de l'opinion », dont les discours reposent sur la connaissance sensible, apparente, des choses matérielles. La philosophie, au contraire, sera essentiellement para-doxale, opposant la réalité aux apparences et la science aux opinions. En conséquence, le dialogue platonicien sera chaque fois une tentative pour se hausser hors de la multiplicité des apparences, et accéder à la réalité intelligible.
3.3. L’allégorie de la Caverne : se détourner des opinions fausses

Pieter Jansz. Saenredam, Antrum PlatonicumPieter Jansz. Saenredam, Antrum Platonicum
L'itinéraire de cette conversion paradoxale est décrit dans l'allégorie de la Caverne (la République, vii).
La première scène, ou première étape, présente des hommes enchaînés dans une caverne, tournant le dos à un feu qui projette, sur la seule paroi qu'ils puissent voir, l'ombre d'objets que des porteurs font défiler (Platon en précise la nature : « statues et autres figures de pierre ou de bois, et toutes sortes d'objets fabriqués par la main de l'homme »).
L'habitude, jointe au fait qu'ils n'ont – ou ne se souviennent pas d'avoir – jamais rien vu d'autre, leur fait prendre ces ombres pour la vérité elle-même.
La deuxième étape, qui entreprend de briser cette première illusion, sera en conséquence douloureuse : elle décrit les souffrances qu'éprouveraient ces esclaves si quelqu'un descendait les libérer de leurs chaînes et les contraignait à tourner leur regard en direction du feu, pour constater l'existence d'objets plus vrais et reconnaître qu'ils n'en avaient vu que l'ombre.
Mais l'éblouissement empêche cette reconnaissance, et il faudra, dans une troisième étape, les faire cette fois sortir de la caverne pour qu'ils commencent à accepter l'évidence de réalités d'un degré de vérité supérieur (les statues et autres figures), dont les objets qui défilaient devant le feu (les ombres) n’étaient qu’une image.
Enfin, lorsqu'ils auront été accoutumés à ces réalités, la quatrième étape les fera accéder à la contemplation directe du Soleil, qui leur permet par sa chaleur d'exister et, par sa lumière, d'être connus. Ils redescendent alors dans la caverne pour émanciper ceux qui ne les ont pas suivis, mais, éblouis cette fois par les ténèbres, leur maladresse fera d'eux l'objet de toutes les risées, voire – s'ils deviennent gênants – de sévices pouvant aller jusqu'à la mort.
3.4. Du sensible vers l’intelligible

Les quatre étapes de cette allégorie décrivent quatre degrés d'être et les quatre modes de connaissance qui leur correspondent.
Les deux premiers appartiennent au monde visible : ce sont d'abord les images ou copies, auxquelles correspond la simulation ; ce sont ensuite les choses visibles elles-mêmes, qui sont le corrélat d'une sorte de foi perceptive. Les deux derniers constituent le monde intelligible qui commence avec les mathématiques, c'est-à-dire des raisonnements discursifs conduits à partir d'hypothèses, tandis que l'intellection véritable ne suppose rien, mais rattache tout au principe suprême (arkhê) qu'est l'idée du Bien.
D'un côté donc, le monde de ce qui paraît (phainomenon), images (eikones) ou idoles (eidola) ; de l'autre, le monde de ce qui est, monde des Idées, dont la propriété est d'être invisibles, c'est-à-dire pensables (noumena).
 Le mythe de la Caverne décrit l'itinéraire qui conduit de l'un à l'autre, « hors de ce qui devient, vers ce qui existe » – itinéraire par lequel « ce qu'il y a de meilleur dans l'âme » accède à la contemplation de « ce qu'il y a de plus excellent dans la réalité ».
3.5. Philosopher, c’est apprendre à mourir

Rembrandt, Philosophe en méditationRembrandt, Philosophe en méditation
Accéder à la connaissance des Idées ne suscite donc pas seulement des difficultés logiques, mais d'abord des difficultés morales ou métaphysiques. Il faut que l'âme soit libérée, non seulement de la sujétion, mais aussi de la médiation du monde sensible : qu'elle soit rendue à l'état qui était le sien avant que, par la naissance, elle ait dû s'incarner dans un corps. « Philosopher, c'est apprendre à mourir », dit Platon, dans le Phédon.
Cette libération est l'occasion de la réminiscence, par laquelle l'âme retrouve les Idées dont elle s'était nourrie, quand elle suivait, au lieu supra-céleste, le cortège des dieux ; la vie corporelle avait ensuite étouffé ce souvenir.
Les amis de la sagesse sont donc les ennemis du corps conçu comme obstacle à l’élévation vers l’intelligible. Il y a donc lieu d’inverser les valeurs communes : dans ce monde renversé qu'est le platonisme, la vraie vie correspond à ce que l'opinion commune croit être la mort, c'est-à-dire l'état auquel l'âme renaît ou ressuscite chaque fois qu'elle se sépare de nouveau de son tombeau corporel.
Le monde des Idées est en effet la patrie de l'âme ; entre les Idées et l'âme existe une étroite parenté : indestructibles et indivisibles, elles échappent aux sens comme au devenir.
3.6. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre »

Cette ascèse repose sur un certain nombre d'intermédiaires qui assurent le passage d'un monde à l'autre. L'amour était l'un d'eux, par lequel Socrate gagnait son entourage à la philosophie, puisque, amour charnel d'un corps au départ, il devenait amour de l'invisible beauté idéale et, par la procréation, de l'immortalité.

Fontenelle méditant sur la pluralité des mondesFontenelle méditant sur la pluralité des mondes
Mais, dans le cadre plus institutionnel de l'Académie, Platon préfère lui substituer les mathématiques : elles aussi, partant de figures sensibles, aboutissent à l'intuition de « figures absolues, objets dont la vision ne doit être possible pour personne autrement que par le moyen de la pensée ». Tel est le sens de l'inscription qui figurait au fronton de l'Académie : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre ! » : avant de s'engager dans la philosophie, il faut avoir d'abord libéré son âme au moyen des mathématiques.
Pourtant, les mathématiques, nécessaires à la science, ne lui suffisent pas : leurs principes sont des hypothèses dont elles ne peuvent répondre, pas plus qu'elles ne peuvent, par conséquent, répondre des conclusions qu’elles en tirent par voie déductive.
La dialectique seule conduit à l'intellection des principes en eux-mêmes ; elle seule peut justifier entièrement ses propositions en les rattachant à ce principe suprême que Platon a nommé le Bien et que, dans la Caverne, il a figuré par le Soleil.
3.7. Après la recherche de la vérité, l’explication de l’erreur

Les derniers dialogues, dits « dialectiques » (le Phèdre, le Parménide, le Sophiste, le Politique, le Philèbe), cherchent à comprendre comment l’erreur est possible. Il ne s’agit plus de partir des exemples pour saisir ce qui leur est commun et, par là, accéder à leur Essence, mais de comprendre comment il est possible de se tromper, c’est-à-dire de dire ce qui n’est pas. La réflexion ne porte plus que sur les Idées elles-mêmes : il s’agit de comprendre comment elles sont liées entre elles.
Dans le Parménide, le philosophe Parménide d’Élée met le jeune Socrate en difficulté en contestant la cohérence d'une philosophie qui établit une séparation tranchée entre les sensibles et les intelligibles.
À partir des cinq genres que sont l'Être, le Repos, le Mouvement, le Même et l'Autre, le Sophiste, pour sa part, développe la participation des Idées les unes aux autres, leur mutuelle implication. Sans doute Repos et Mouvement sont-ils trop exclusifs pour se mêler si peu que ce soit, mais tous deux, dans la mesure où ils sont, participent à l'Être et, chacun des trois pouvant également être dit autre que les autres et le même que lui-même, tous participent et au Même et à l'Autre. Il en résulte que l'on peut dire de l'Être autre chose que l'Être ; autour de chaque Être prolifère l'autre, le Non-Être.
Deux conclusions peuvent alors être avancées :
– de même que les êtres sensibles sont déterminés par leur participation aux Idées, de même les Idées dépendent les unes des autres selon des rapports hiérarchiques ; l’Idée de Justice participe, par exemple, de l’Idée de Vertu. La seule Idée qui ne participe d’aucune Idée est celle de laquelle dépendent toutes les autres : l’Idée de Bien ;
– si l'on ne respecte pas ces relations, mais que l'on mêle n'importe quelle Idée à n'importe quelle autre, on risque de tomber dans l'erreur en disant ce qui n'est pas - ce que fait le sophiste.
3.8. Philosophie et mythe

La recherche de la vérité s’accompagne d’une conscience aigüe des limites de la connaissance. Ainsi la philosophie de Platon recourt-elle au mythe. Ces séquences narratives qui ponctuent bien des dialogues ont des statuts différents. Il est possible d’en distinguer trois principalement.
Tout d’abord, Platon reprend des mythes populaires : au début du Phèdre, Socrate dit que, ne se connaissant même pas lui-même, il ne peut pas prétendre savoir si ce que l’on raconte sur les Hippocentaures, les Gorgones, ou Pégases est vrai ou faux. La sagesse populaire n’est peut-être pas plus aberrante que bien des arguties (distinctions subtiles).
Ensuite, le mythe est une méthode pour se représenter ce que l’on ne peut connaître. Dans le Phèdre encore, après avoir démontré l’immortalité de l’âme, Socrate montre qu’il n’est pas possible de savoir ce qui lui arrive après la mort : la seule façon de s’en donner une idée est d’imaginer ce que nous ne connaissons pas à partir de ce que nous connaissons, tel est le mythe de l’attelage ailé.
Il ne saurait y avoir de science du devenir, c'est-à-dire de physique scientifique. Le mythe cosmologique (comme celui du Timée), par l'objet même qui est le sien, ne saurait être autre chose qu'une opinion dont on n'est pas en droit d'attendre plus que de la voir s'accorder harmonieusement avec la science de l'Être.
Enfin, le mythe peut être une illustration évocatrice de ce qui a été établi rationnellement au préalable ; ainsi, le mythe de la Caverne, au début du livre vii de la République, expose-t-il la distinction entre sensible et intelligible établie au livre vi.
4. Le platonisme

4.1. Une postérité réelle quoique diverse

Qu'est-ce que le platonisme ? Dans la mesure où, depuis Platon, la philosophie est métaphysique, opposant le sensible à l'intelligible et soumettant le premier au second, toute philosophie est par destin platonicienne.
Pourtant, ce que le nom de Platon a représenté, chez ceux qui, au cours de l'histoire de la philosophie, l'ont invoqué, n'a pas cessé de varier. Le platonisme est soumis à l'histoire de la transmission du texte de Platon et varie selon la liberté des traductions et des commentaires, au travers desquels elle s'effectue et selon celui ou ceux des dialogues sur lesquels ils portent.
4.2. L’Académie : la Nouvelle et l’Ancienne

L'école que Platon avait fondée devait survivre près de dix siècles à son fondateur. Il est vrai qu'il n'en fallut pas trois pour que l'enseignement qu'on y dispensait perdît tout rapport avec la doctrine du philosophe.
On distingue l’Ancienne et la Nouvelle Académie.
Les scolarques, ou directeurs, de l'Ancienne Académie furent :
– Speusippe, neveu de Platon (de 348 à 339 av. J.-C.)
– Xénocrate (de 339 à 315 av.J.-C.)
– Polémon (de 315 à 269 av.J.-C.)
– Cratès (de 269 à 268 av.J.-C.).
Tous orientent le platonisme vers une méta-mathématique qui, prolongeant les doctrines non écrites de Platon sur les nombres, le rapproche du pythagorisme (→ Pythagore).
La Nouvelle Académie eut pour scolarques Arcésilas de Pitane, Lacydes, Téléclès, Évandre, Hégésinus, Carnéade, Clitomachos et Philon de Larissa (qui meurt vers 85-77 av. J.-C., à Rome). Le dogmatisme platonicien est alors soit critiqué, soit infléchi vers le scepticisme.
Le maître mot de Socrate, « je sais que je ne sais rien », est interprété en un sens différent. Il ne signifie plus l’étonnement, source du désir de savoir, mais la désillusion de celui qui renonce à chercher la vérité.
4.3. Le platonisme romain

On peut douter, d'ailleurs, que, si l'Académie avait été plus fidèle à la doctrine de son fondateur, le platonisme ait eu quelque chance de pénétrer à Rome. « Platon, ce dieu pour nous » (« Plato deus ille noster ») , écrit Cicéron à Atticus (iv, 6). Mais cette admiration que Cicéron ne ménage pas à Platon, c'est à la beauté des écrits, à la noblesse de la vie de Platon, et non à sa philosophie, que Cicéron les porte.
Trait dominant de toute philosophie romaine, l'éclectisme caractérisera aussi ce platonisme, qui continuera d'exister à côté du stoïcisme, de l'épicurisme ou de l'aristotélisme. Et divers éléments mystiques prendront vite le dessus, accusant une convergence du platonisme et du pythagorisme, d'ailleurs souvent déjà amorcée. C'est elle qui ressort en particulier de la pensée de Philon d'Alexandrie, du légendaire Apollonios de Tyane, de plusieurs écrits de Plutarque, des œuvres philosophiques d'Apulée (auteur d'un De Platone [Sur Platon]) et surtout des doctrines gnostiques, d'inspiration judéo-chrétienne ou « égyptienne », qui se multiplient à partir du Ier siècle de notre ère (Numenius d'Apamée, Ammonios).
4.4. Le néoplatonisme de la fin de l’Antiquité

Plotin a été, à Alexandrie, l'élève d'Ammonios. Par le contexte dans lequel il se développe, le néoplatonisme apparaît lié à une religiosité profondément mystique. À Rome comme à Alexandrie, il sera d'ailleurs accompagné de pratiques magiques plus ou moins ésotériques, de toutes sortes de mystères, etc. Il regroupera dans une semi-clandestinité les religions orientales, de plus en plus étouffées par les progrès du christianisme.
Aussi Plotin est-il avant tout un mystique qui demande simplement au langage philosophique de se greffer, pour la formaliser, sur une expérience antérieure. Entreprise qui, d'ailleurs, ne saurait atteindre à l'essentiel de cette expérience : l'absolu, en effet, échappe totalement à l'ordre du discours. Chez Plotin, la philosophie est à l'« extase » mystique ce que les mathématiques étaient à la philosophie chez Platon.
Porphyre (qui a aidé Plotin à gouverner l'école qu'il avait fondée à Rome), Amélios, Jamblique, Proclus surtout et Damaskios, enfin, prolongeront la pensée de Plotin jusqu'au vie siècle.
4.5. Le néoplatonisme de la Renaissance

Marsile FicinMarsile Ficin
La période médiévale n’a pas ignoré Platon mais lui a préféré Aristote. Trois dialogues de Platon étaient alors accessibles dans une traduction latine : le Timée, traduit au ive siècle par Chalcidius ; le Ménon et le Phédon, traduits par Henri Aristippe (1154 et 1156).
C'est le poète et humaniste Pétrarque (1304–1374) surtout qui relance l’intérêt pour Platon. Non qu'il ait jamais eu du platonisme une connaissance profonde ni étendue, mais, par ses écrits et ses recherches, il est le principal initiateur du réveil du platonisme. Après sa mort paraîtront en effet les traductions de Leonardo Bruni (Phédon, 1405 ; Gorgias, 1409 ; Criton, Lettres, 1423 ; Apologie, 1424).
Puis on opposera ce Platon redécouvert à un Aristote qui avait trop longtemps usurpé sa place ; c'est ce que font en 1439 Gémiste Pléthon et en 1469 le cardinal Bessarion, avec In calumniatorem Platonis. Alors viendra Marsile Ficin, fondateur de l'Académie florentine, à travers laquelle ce platonisme gagnera toute l'Europe.
Pour en savoir plus, voir l'article humanisme.
À ce regain du platonisme, on sait que la naissance de la physique mathématique est liée ; dans son Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde, l'astronome et physicien italien Galilée rejette l'aristotélisme et lie au platonisme l'avenir de la science.
Quelque chose de la pensée de Platon, sous une forme certes quelque peu sommaire, sans commune mesure avec la portée philosophique du platonisme, est passé dans la langue courante, pour désigner un sentiment détaché du sensible, en l'occurrence du sensuel : « l'amour platonique ».

 

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NANOTECHNOLOGIE -DÉBAT

 

« Il n'y a pas de vrai débat de société sur les nanotechnologies »


entretien - par Propos recueillis par Cécile Klingler dans mensuel n°439 daté mars 2010 à la page 76 (2046 mots) | Gratuit
Depuis quelques années, le développement des nanotechnologies est un objectif prioritaire des décideurs politiques, scientifiques et industriels. Les budgets alloués sont considérables. Une course qui laisse perplexe l'historienne Bernadette Bensaude-Vincent.

LA RECHERCHE : Du 15 octobre au 23 février dernier, les Français ont été invités à participer à un débat public national sur les nanotechnologies. Était-ce selon vous une bonne chose ?

BERNADETTE BENSAUDE-VINCENT : L'organisation de débats publics sur les nanotechnologies était - et sera toujours - une bonne chose, d'autant plus que cela répond à une requête formulée par les associations ayant participé au Grenelle de l'environnement. Reste que ce débat national, organisé par la Commission particulière du débat public à la demande de sept ministères, a été un échec. Notamment, plusieurs des dix-sept réunions publiques prévues ont dû être annulées, en raison de manifestations d'opposants.

Cet échec était-il prévisible ?

B. B.-V. Il n'était pas inéluctable, mais il était à craindre. En effet, ce débat national a eu lieu alors que le gouvernement avait déjà pris d'importantes décisions concernant le développement des nanotechnologies en France. Avec en particulier, en mai 2009, le lancement de NanoInnov, un projet de 70 millions d'euros dont l'objectif est de stimuler les collaborations entre recherche académique et industrie dans les trois « centres d'intégration des nanotechnologies » de Grenoble, d'Orsay et de Toulouse. De ce point de vue, le débat venait donc trop tard, et je pense qu'il s'agit là d'une des causes principales de son échec. Une autre raison est peut-être son trop grand formatage.

Que voulez-vous dire par « formatage » ?

B. B.-V. Prenons le document officiel proposé au public en amont du débat. Il visait à dresser un état des lieux des nanotechnologies. Sa première version a été rédigée par le maître d'ouvrage - c'est-à-dire les sept ministères ayant commandité le débat. Puis, la Commission particulière du débat public a lancé des consultations auprès d'experts divers et variés pour recueillir leur avis et compléter cette version initiale. Mais je n'ai pas l'impression que cela se voit dans le document final qui, à mon sens, laisse peu de latitude pour la discussion. Avec un tel document de base, le débat était déjà mal engagé.

Est-il donc impossible d'organiser des débats sur cette question sensible ?

B. B.-V. Certainement pas ! Mais il est essentiel qu'ils soient plus ouverts au climat d'incertitude actuel que ne l'a été le débat national. D'ailleurs, d'autres débats plus modestes, conçus dans un esprit d'ouverture, ont bien fonctionné. Je pense par exemple aux réunions du Nanoforum organisées de 2007 à 2009 par la direction générale de la santé, le CNAM, et l'association Vivagora. Chercheurs du public, industriels, consommateurs ou militants d'associations écologistes comme les Amis de la Terre ont pu s'écouter mutuellement et discuter, parce qu'ils ne venaient pas porteurs d'un étendard nanophobe ou nanophile. Inversement, l'échec du débat national vient de ce que, dès les premières séances, il y a eu une polarisation entre nanophiles et nanophobes. Or, il n'y a de débat public possible que si l'on évite la polarisation dans la controverse.

Cet échec du débat national est d'autant plus regrettable que la plupart des instances et des experts s'intéressant aux nanotechnologies à un titre ou à un autre avaient rédigé une contribution écrite exposant leur point de vue. Ces « cahiers d'acteurs », dont l'ensemble reflète bien les connaissances, les incertitudes et les questionnements actuels, constituent une première « expertise plurielle » sur les nanotechnologies. Et il est dommage qu'ils n'aient pas été davantage mis à profit pour orienter les débats.

Le document officiel ne laissait-il pas assez de place aux incertitudes ?

B. B.-V. Le problème est que ce document prétendait délivrer une information brute concernant les promesses des nanotechnologies d'ici cinq, dix, quinze ans avec, en parallèle, un discours sur les risques à gérer. Cette façon de présenter les nanotechnologies - promesses versus risques - est adoptée partout, c'est un vrai rituel. Mais ce rituel rend le débat impossible. En effet, on ne pose pas les questions : « Qui a financé les nanotechnologies ? Dans quel contexte ? Dans quel but ? ». On ne cherche pas à situer les nanotechnologies dans un contexte historique, à voir dans quel dessein de société elles s'inscrivent. Or, c'est uniquement en prenant ce recul-là qu'on peut ouvrir le débat à la société, en se demandant : « Pourquoi les nanotechnologies ? Pour quel projet de société ? » Alors que le débat national plaçait les citoyens devant un fait accompli, comme si les nanotechnologies étaient un destin inévitable de l'évolution des sciences dont il ne resterait plus qu'à gérer les impacts et les risques.

Y a-t-il une nouveauté radicale dans les nanotechnologies ?

B. B.-V. Toutes les nouvelles technologies sont présentées comme la énième révolution industrielle ! Les questions sur la nouveauté invitent à s'interroger sur les motifs de ceux qui invoquent ce critère. Lorsqu'ils veulent attirer l'attention, les promoteurs des nanos prétendent qu'il s'agit d'une révolution. Et quand ils veulent qu'on les laisse travailler tranquillement, ils s'évertuent à dire que les nanoparticules ne sont pas une nouveauté, qu'on en trouve dans les poteries arabes médiévales, dans les couleurs des vitraux des cathédrales, et dans la nature. C'est de la manipulation du public, avant tout. Aux yeux des historiens des sciences, la science est toujours une construction collective qui évolue sur le long terme ; il y a des changements profonds, mais jamais de révolutions radicales.

À quand remonte l'essor des nanotechnologies ?

B. B.-V. La « course aux nanos » a débuté en 2000, lorsque le président américain Bill Clinton a lancé la National Nanotechnology Initiative, dans un contexte de compétition exacerbée. Cette « initiative nationale » promeut les nanotechnologies comme un moyen de court-circuiter, par un saut technologique, la montée en puissance de l'industrie des pays émergents, dont les coûts de production défient toute concurrence. Les nanos sont donc activement développées comme un moyen de faire en sorte que les États-Unis conservent leurleadership technologique. Les autres pays ont suivi, sans se poser de questions quant aux finalités, avec pour seul objectif de ne pas se laisser distancer. On pourrait s'interroger sur ce contexte : peut-on faire de la recherche et développement uniquement dans un but de compétition ? À mon avis la question doit être posée.

L'emprise des politiques est-elle plus importante encore dans le cas des nanotechnologies qu'elle ne le fut pour le lancement des grands programmes nucléaires ou spatiaux, par exemple ?

B. B.-V. C'est plus complexe que cela. Après la Seconde Guerre mondiale, et jusque dans les années 1970, il y a eu une phase où les États ont pris en charge la recherche, avec les gros programmes militaro-industriels. Puis est venue la phase de la bulle informatique et des biotechnologies, caractérisée par une grande ouverture au privé. Et depuis 2000, on assiste a un retour vers une prise en charge par les États, avec « l'initiative nationale » américaine qui a donné le tempo pour tous les autres pays. Mais en même temps, il y a beaucoup d'investissements privés, et un régime de marchandisation. Le régime actuel est donc hybride.

Les États promouvant les nanotechnologies n'affichent-ils pas d'autres finalités que le leadership technologique ?

B. B.-V. Aux États-Unis, la question des finalités est non pas posée, mais résolue, par un rapport présenté par la National Science Foundation en 2002 : ce rapport, dit rapport NBIC, promeut les nanotechnologies N sous l'angle de leur convergence avec les biotechnologies B, les technologies de l'information I et les sciences cognitives C. Le but assigné à cette convergence apparaît sans ambiguïté dans le titre du rapport, Converging Technologies for Enhancing Human Performances : à plus ou moins long terme, il s'agit d'augmenter les performances humaines. Peut-être cet argument ne vise-t-il qu'à mobiliser des fonds et à susciter l'adhésion du public, mais il n'en est pas moins largement mis en avant. Ce qui est positif d'un point de vue sociétal : cette finalité étant clairement affichée, on peut la questionner et la critiquer.

Comment l'Europe a-t-elle réagi ?

B. B.-V. La Commission européenne a répondu en demandant à vingt-cinq experts de diverses disciplines de se pencher sur le rapport NBIC. Le fruit de leur travail a été publié en 2004. Baptisé CTEKS, ce rapport est critique par rapport à la finalité d'augmentation des performances humaines. Il propose que les technologies s'adaptent aux demandes sociales, aux buts de la société européenne, et qu'elles tiennent compte des valeurs de cette société, en particulier pour le développement durable et la solidarité. Mais il ne s'agit que de simples recommandations, pas d'un programme de recherche. Il serait du reste intéressant de voir dans quelle mesure les financements alloués à la recherche sur les nanos se réfèrent à ces préceptes : sont-ils suivis d'effet ou ne s'agit-il que de voeux pieux ? Une chose est sûre : à tous les niveaux, en France et en Europe, on a adopté une éthique conséquentialiste. C'est-à-dire une éthique qui s'interroge uniquement sur les conséquences des nanos, en se donnant comme seule marge de manoeuvre la régulation par exemple par le biais de l'étiquetage des produits contenant des nanoparticules.

Une telle régulation ne serait-elle pas déjà un progrès ?

B. B.-V. Si, un gros progrès. Mais attention, ne soyons pas dupes. Se focaliser sur les conséquences est trop souvent utilisé comme un moyen d'éviter des questions plus gênantes quant à la finalité de telle ou telle application des nanotechnologies. Pourquoi met-on en avant les recherches dans le domaine médical sans jamais parler de celles dans le domaine militaire ? Il y a une espèce de marchandage subtil où certaines applications potentielles des nanos sont mises en avant pour faire passer l'ensemble. Alors qu'on pourrait envisager de ne développer que certains champs de recherche. Quand on voit qu'au comité sectoriel de l'Agence nationale de la recherche, dont je fais partie, il n'y a presque plus de représentants de la société civile ; quand on voit qu'il n'y a pratiquement plus que des représentants du Commissariat à l'énergie atomique qui ont la parole, ou des industriels, ou la direction générale de l'armement, la question s'impose : où va-t-on ? C'est pourtant dans de telles instances qu'il faudrait se demander si les choix d'investissements de recherche sont conformes aux orientations de la société. Je ne dis pas qu'il faut fétichiser la demande sociale. Mais il y a des citoyens qui s'opposent aux nanos, et on ne peut pas faire comme si cette opposition n'existait pas. En se livrant à la politique du fait accompli, comme cela s'est passé pour NanoInnov, on s'expose à voir la société devenir technophobe, globalement, sans discernement, a priori. Tout cela parce que les choix politiques n'ont pas été mis dans l'arène du débat public.

Vous avez écrit que les nanotechnologies sont un cas exemplaire de technoscience. Qu'entendez-vous par là ?

B. B.-V. Le concept de technoscience a été créé dans les années 1980 par le philosophe belge Gilbert Hottois. Il décrivait le fait que la science est de plus en plus liée à la technique par deux biais : à la fois parce qu'elle est orientée vers des applications techniques, mais beaucoup plus encore, parce que la production du savoir requiert de puissants moyens techniques. Or, depuis les années 1980, on assiste à une évolution qui conduit à redéfinir la technoscience comme une pratique de la recherche non pas neutre, comme elle prétendait l'être, mais connectée aux valeurs sociales, engagée pour la défense et le service de certaines valeurs. Aujourd'hui, ces valeurs sont la compétition économique. Mais cela pourrait très bien changer. De mon point de vue, la technoscience est une chance inouïe parce qu'elle nous donne une prise pour orienter les recherches vers les valeurs que l'on souhaite promouvoir.

Vous êtes à la fois historienne des sciences et présidente de Vivagora, association qui a pour objectif de favoriser l'engagement citoyen dans la gouvernance des technologies : qu'est-ce qui vous a poussée à vous investir ainsi ?

B. B.-V. Cette double appartenance n'est pas toujours facile à assumer, d'autant que j'ai en charge des programmes de l'Agence nationale de la recherche sur les nanos et sur les technosciences. Je participe donc du courant des sciences humaines aujourd'hui mobilisées sur ces sujets. Mais les sciences humaines sont en grand danger d'être instrumentalisées au service de la promotion des nanos, d'être utilisées pour faciliter l'acceptabilité sociale des innovations technologiques. Mon engagement dans Vivagora est un contrepoids pour empêcher que cela tourne ainsi.

Par Propos recueillis par Cécile Klingler

 

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LE DÉSIR DE LANGAGE

 

LE DÉSIR DU LANGAGE


Série Images et Science du langage.
Des chercheurs en sciences cognitives expliquent le pouvoir étonnant que détient l'enfant dans l'apprentissage du langage, puisqu'il a la capacité d'acquérir n'importe quelle langue en quelques mois, principalement par une acuité auditive très fine. Ce que prouvent des tests réalisés sur des bébés qui permettent de mettre en évidence que, grâce au mécanisme auditif déjà très développé, ils sont capables de faire des distinctions phonétiques subtiles et de discriminer toutes les langues. L'enfant établit des liens entre la langue et les concepts (la pensée) bien avant de parler, la parole l'aidant à les organiser. Les intervenants étudient ensuite la manière dont l'enfant passe du babil au langage, comment il apprend véritablement à parler, organisant les voyelles et les consonnes, reconnaissant les mots dans la mélodie d'une phrase, pour en saisir le sens. Le développement du langage n'est pas linéaire mais est marqué par des ruptures, et l'enfant passe du babillage canonique à l'explosion lexicale vers 2 ans. [C.N.R.S.] Séquences: Du babil au langage - D'un mot à l'autre - Nommer l'objet - Exercices de grammaire.

 

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LE LANGAGE ET SES TROUBLES

 


L'acquisition du langage et ses troubles


Alors même qu'il est encore dans le ventre de sa mère, l'enfant baigne dans le langage. Peu après sa naissance, il va comprendre que les mots lui servent à communiquer avec son entourage. Plusieurs années lui seront ensuite nécessaires pour parvenir à maîtriser ce langage et à articuler des phrases complètes. Quelles sont les différentes étapes d'acquisition du langage ? Quelles difficultés l'enfant peut-il rencontrer, comment l'aider ?

L'enfant qui naît est déjà familiarisé avec le langage. Dans les derniers mois précédant sa naissance, il a entendu les personnes de son environnement parler, et notamment sa mère. Après la naissance, il va très vite s'apercevoir que lorsqu'il crie, sa mère ne tarde pas à arriver. Il prend en quelque sorte conscience que la voix peut lui servir à communiquer. Dès quatre mois, il commence à maîtriser ses vocalisations et réalise que des variations dans la voie (faible ou forte, basse ou aiguë, longue ou courte etc.) déclenchent des réponses différentes de la part de son entourage. Vers neuf mois, l'enfant réalise que chaque mot à un sens, et que chaque chose est désignée par un mot. Puis vient une période ou l'enfant apprend à connaître le langage. Au début, alors qu'il comprend ce qu'on lui dit, il ne parvient pas lui même à parler de façon distincte.
Chaque enfant a son rythme
C'est entre sa deuxième et sa troisième année que l'enfant commence réellement à articuler un langage intelligible. Il n'est pas utile de s'inquiéter si son enfant ne parle pas encore à l'âge de deux ans et demi. Chaque enfant a son rythme, et s'il n'a pas développé son langage, c'est qu'il a développé d'autres choses. Il faut donc prendre patience, en s'assurant simplement qu'à défaut de parler lui même, il comprend bien des choses simples que vous lui dites ; contrôlez également qu'il n'a pas de trouble de l'audition, et qu'il ne présente pas d'autres troubles du comportement.
Les troubles du langage
Ce n'est que vers trois quatre ans que l'enfant commence à vraiment maîtriser le langage. Néanmoins, certains troubles peuvent survenir :
Des difficultés articulatoires : L'enfant peut éprouver des difficultés articulatoires, c'est-à-dire qu'il ne parvient pas a articuler correctement certains sons. S'il zozote ou prononce le son che au lieu de se par exemple, cela peut provenir d'un problème de dentition, il convient alors de consulter un orthodontiste.
Un retard du langage : On distingue trois niveaux de retard du langage : un retard simple sera rapidement corrigé avec l'aide d'un orthophoniste. La dysphasie est définie par des difficultés de compréhension du langage ; l'audimutité est la caractéristique d'enfants qui s'enferment dans un mutisme total. La dysphasie et l'audimutité nécessitent une prise en charge médico-psychologique plus importante.
Un bégaiement : Le bégaiement concerne 1 % de la population. Il s'installe généralement entre trois et sept ans. On ne connaît pas bien l'origine du bégaiement : certains pensent que c'est un trouble moteur, d'autres pensent que c'est un trouble psychologique de la communication. Il convient de réagir rapidement afin d'éviter au trouble de s'installer.
Une dyslexie : La dyslexie ou dysorthographie (l'enfant inverse des lettres ou des syllabes et dit "bomylette" pour mobylette par exemple) concerne 5 à 6 % des enfants.
Qui consulter ?
Si vous constatez un problème, ou que vous vous posez des questions, il convient en premier lieu d'en discuter avec votre pédiatre. Il pourra vous conseiller des séances avec un orthophoniste. Celui-ci, après un diagnostic précis du trouble, proposera des séances de rééducation adaptées selon le problème et la personnalité de l'enfant.
On estime que si un enfant n'a pas développé de langage après sept ans, il lui sera extrêmement difficile d'apprendre à parler. Toutefois, il est inutile de paniquer sans raison, la plupart des troubles du langage se corrigent très facilement, et les orthophonistes obtiennent de très bons résultats.
Si l'origine du trouble est psychologique, due à une instabilité familiale, un choc affectif, un sentiment d'insécurité, ou encore un caractère obsessionnel de l'enfant par exemple, les séances chez l'orthophoniste devront s'accompagner d'un prise en charge psychologique.
Sylvie Rochefort

 

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