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MAO

 

Grande Révolution culturelle prolétarienne


Affiche pour la révolution culturelle prolétarienne
Affiche pour la révolution culturelle prolétarienneAffiche pour la révolution culturelle prolétarienne
Période de l'histoire contemporaine de la Chine ouverte brutalement au printemps de 1966 et achevée en 1976.
Elle commence par une attaque des milieux intellectuels de Shanghai et de Pékin, puis la mairie de Pékin est visée, ses responsables sont destitués. Les jeunes des écoles et des universités s'organisent en associations de gardes rouges ; les cours ne sont plus assurés ; dazibaos, réunions politiques, meetings critiques se succèdent. Les jeunes provinciaux viennent à la capitale et les Pékinois parcourent le pays pour « échanger des expériences révolutionnaires ».

Mao ZedongMao Zedong
Tous se réclament de la pensée de Mao Zedong. La situation n'est plus contrôlée par les autorités administratives et politiques traditionnelles qui sont contestées au plus haut niveau : tels Deng Xiaoping (alors secrétaire général du P.C.C.) et surtout Liu Shaoqi (président de la République). Cependant, les forces en place résistent souvent. Les situations locales sont très diverses, et fréquemment confuses. L'armée, commandée par Lin Biao, intervient. Les jeunes sont envoyés à la campagne pour se rééduquer (1968) et des « comités révolutionnaires », contrôlés en fait par les troupes, sont alors mis en place. Au IXe Congrès (1969), Lin Biao est officiellement présenté comme le dauphin de Mao. Mais, en 1971, il disparaît à son tour, dans des circonstances mystérieuses.

Zhou EnlaiZhou Enlai
Jusqu'au décès de Mao, l'idéologie de la Révolution culturelle sera représentée au sommet par Jiang Qing, dont l'influence sera contrebalancée par celle du Premier ministre Zhou Enlai. Ce n'est qu'en 1976, avec l'arrestation de la Bande des Quatre, que la page sera vraiment tournée. Les réhabilitations se succèdent et les jeunes reviennent de la campagne. On considère aujourd'hui que ces « dix années de troubles » qui ont coûté fort cher au pays, en vies humaines, en destructions et l'ont désorganisé (universités fermées de 1966 à 1972) ont surtout été une tentative de Mao de retrouver l'essentiel du pouvoir, dont il avait été écarté après l'échec du Grand Bond en avant (1958). Mais, à l'époque, les mots d'ordre de « démocratie directe, lutte contre les privilèges, contre les inégalités entre les villes et la campagne » fascinèrent non seulement la jeunesse chinoise, mais aussi celle de bien des démocraties occidentales.

 

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SAINT-PÉTERSBOURG

 

Saint-Pétersbourg


Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Fondée en 1703 par Pierre le Grand, capitale de la Russie de 1715 à la révolution, Saint-Pétersbourg voit se développer une vie musicale dès les premières années de son existence. Les victoires militaires de Pierre le Grand donnent lieu à des fêtes où sont exécutés des kanty (chants panégyriques). En 1711, un oukaze ordonne la formation d'orchestres militaires, lesquels vont fréquemment servir à animer les festivités dans les palais des nobles. Dès les années 1720, des troupes théâtrales, des ensembles et des chœurs allemands, français, italiens, viennent faire des tournées à Saint-Pétersbourg. Pendant plus d'un demi-siècle (1735-1795, années correspondant aux règnes d'Élisabeth Petrovna et de Catherine II), ce seront les maîtres italiens qui domineront la vie musicale pétersbourgeoise. Les compositeurs autochtones apparaîtront à partir des années 1770 et s'imposeront peu à peu, d'abord parallèlement aux Italiens, puis de plus en plus indépendamment.
Francesco Araja est le premier Italien à se produire en Russie avec un opera seria en langue italienne, La Forza dell'amore e dell'odio (1737), suivi d'Alexandre aux Indes (1743), Scipion (1745), Mithridate (1747). En 1755, Araja fait représenter le premier opera seria sur un texte russe de Soumarokov, Céphale et Procris. En 1757, la troupe italienne de l'impresario Giovanni Battista Locatelli donne à Saint-Pétersbourg, puis à Moscou, des représentations d'opera buffa.
Après Araja, Saint-Pétersbourg verra passer successivement Vincenzo Manfredini (1758-1769 et 1798-99), dont l'Olympiade donnée en 1762 ne plaît guère à Catherine II ; Baldassare Galuppi (1765-1768), qui joue un rôle important en tant que directeur de la chapelle impériale, et qui forme les premiers compositeurs russes ; Tommaso Traetta (1768-1775), auteur d'une remarquable Antigone (1772) ; Giovanni Paisiello (1776-1783), qui écrit pour Saint-Pétersbourg son Barbier de Séville (1782), antécédent de celui de Rossini ; Giuseppe Sarti (1784-1802), qui devint le musicien attitré du prince Potemkine et qui fut, comme Galuppi, un pédagogue estimé ; Domenico Cimarosa, maître de chapelle à la cour de 1787 à 1791.
Les Italiens ont trouvé à Saint-Pétersbourg un remarquable matériel humain avec les chanteurs de la chapelle impériale, formation prestigieuse qui descendait d'un chœur de chantres moscovites, et possédait des traditions vocales vieilles de deux siècles. Réservés originellement à la seule musique religieuse, les chœurs de la chapelle se sont scindés en deux parties, au milieu du xviiie siècle, une partie restant attachée à l'art religieux, l'autre passant au service de l'opéra et de la musique profane. L'orchestre de la cour, fondé sous Élisabeth Petrovna, s'est réparti, lui aussi, entre le théâtre et les bals donnés à la cour.
Jusqu'à la fin des années 1770, c'est la cour qui centralise l'essentiel de la vie musicale. Les représentations sont données au théâtre de l'Ermitage, à l'intérieur du palais d'Hiver, en attendant que Catherine II fasse construire le grand théâtre en annexe du palais. Mais à Saint-Pétersbourg, les représentations et les concerts publics se multiplient rapidement dans les palais et les hôtels particuliers appartenant à la noblesse, chez les Razoumovski, les Stroganov, le général Stcherbatchov, au théâtre du Corps des pages.
La croissance architecturale de la ville favorise l'extension de la vie musicale puisqu'elle fournit des locaux ; certains mécènes font construire spécialement des bâtiments pour les spectacles, ainsi le comte Yagoujinski. En 1779, l'entrepreneur Knipper organise des représentations d'opéras au Théâtre de Bois (ancien Théâtre allemand) ; en 1783, le Grand Théâtre de pierre est construit, dans lequel vont alterner des œuvres italiennes, françaises et russes. Le journal les Nouvelles de Saint-Pétersbourg passe des annonces de cours de piano et de harpe. Des cours de musique sont organisés à l'Académie des beaux-arts, dans les pensionnats et les collèges. Parmi les musiciens étrangers de passage à Saint-Pétersbourg, il faut citer le violoniste et compositeur Antonio Lolli, l'abbé Vogler, le clarinettiste Anton Stadler, le violoniste français Paisible.
C'est à Saint-Pétersbourg que sont représentés les premiers opéras-vaudevilles russes. En 1772 est joué Aniouta sur un texte de Mikhaïl Popov, dont la musique est perdue. En 1779, le Meunier, sorcier fourbe et marieur de Sokolovski, que l'on s'accorde à considérer comme le premier opéra russe connu. Les vingt dernières années du siècle sont dominées par deux noms russes : Pachkévitch, chef d'orchestre du théâtre Knipper, auteur de l'Auberge de Saint-Pétersbourg (1782), l'Avare (1782), les Débuts du règne d'Oleg (1790, en collaboration avec Sarti et Cannobio, sur un livret de Catherine II) ; et Fomine, qui se révèle en 1786 à l'Ermitage avec le Preux Boïeslavitch de Novgorod, suivi des Cochers au relais (1787) et du remarquable mélodrame Orphée et Eurydice (1792). À la même époque (à partir de 1775), Saint-Pétersbourg découvre l'opéra-comique français de Grétry, Philidor, Favart, Monsigny, dont l'influence s'exerce sur les Russes parallèlement à celle de l'opéra italien.
En 1796, la chapelle impériale, dirigée jusque-là par des Italiens, passe aux mains de Bortnianski, qui en assure la direction jusqu'en 1825.
Dans le premier tiers du xixe siècle, la vie musicale pétersbourgeoise reste passablement occidentalisée. De 1801 à 1811, c'est Boieldieu qui est le musicien attitré de la cour. Il faudra attendre 1836, avec la représentation de la Vie pour le tsar de Glinka au théâtre Marie, puis son Rouslan et Ludmilla en 1842, pour que les bases de l'école russe s'affirment à Saint-Pétersbourg, en dépit des réticences d'une partie de la noblesse. Pendant ce temps, les musiciens étrangers les plus prestigieux se succèdent à Saint-Pétersbourg : Liszt (1843), Schumann (1844), Berlioz (1847, second voyage en 1867-68). En 1862, Verdi fait représenter à Saint-Pétersbourg la Force du destin.
L'essor de la musique nationale va correspondre avec la formation du groupe des Cinq, rassemblé à Saint-Pétersbourg autour de Balakirev en 1857-1862, et dont le mentor est le critique d'art Vladimir Stassov. En 1862, Balakirev fonde l'École gratuite de musique, dont les concerts révèlent les œuvres de la jeune génération russe. De son côté, le conservatoire de Saint-Pétersbourg, fondé la même année par Anton Rubinstein, avec un effectif pédagogique presque exclusivement étranger (parmi lesquels Leschetitski en piano, Wieniawski en violon), prône l'enseignement musical d'après les traditions occidentales. Avec l'entrée de Rimski-Korsakov au conservatoire, comme professeur de composition (1871), les deux tendances, russe et occidentale, vont peu à peu s'y équilibrer.
Au théâtre Marie, inauguré en 1860, les représentations d'opéras russes se succèdent : Judith (1863) et Rogneda (1865) de Serov, Boris Godounov (1874) de Moussorgski, le Démon (1875) de Rubinstein, la Nuit de mai (1880), Snegourotchka (1882) de Rimski-Korsakov, l'Enchanteresse (1887), la Dame de pique (1890) de Tchaïkovski, le Prince Igor (1890) de Borodine. La plupart de ces créations sont dirigées par Félix Napravnik, chef d'orchestre du théâtre de 1869 à 1914.
En 1883, la direction de la chapelle impériale est confiée à Balakirev, qui prend Rimski-Korsakov comme assistant. En même temps, un nouveau cénacle, prenant la relève du groupe des Cinq depuis longtemps désuni, se rassemble autour du mécène Mitrofan Belaiev. Il est constitué de Rimski-Korsakov et de plusieurs de ses élèves, notamment Glazounov et Liadov. En 1885, Belaiev fonde les Concerts symphoniques russes dont Rimski-Korsakov prend la direction.
Un événement important est la représentation de la Tétralogie de Wagner à Saint-Pétersbourg au cours de la saison 1888-89.
Depuis le milieu du siècle, il existe à Saint-Pétersbourg plusieurs importantes maisons d'éditions musicales dont Bessel (1869), Jurgenson (1870) et Belaiev (1885). La critique musicale est représentée par Stassov, César Cui, Hermann Laroche, dans les Nouvelles de Saint-Pétersbourg, le Messager théâtral et musical, la Revue musicale (Mouzykalnoie Obozrenie) ; en 1894, le musicologue Findeisen fonde la Gazette musicale russe qui existera jusqu'en 1918. À la veille de la révolution, André Rimski-Korsakov, le fils du compositeur, fonde et dirige la revue musicologique le Contemporain musical, à laquelle est adjointe une Chronique rendant compte de l'essentiel de la vie musicale de la capitale.
Vers la fin du xixe siècle, les activités musicales de Saint-Pétersbourg cèdent le pas à celles de Moscou. Néanmoins, c'est du conservatoire de Saint-Pétersbourg que sortiront les deux révolutionnaires russes de la musique, Stravinski et Prokofiev, qui consomment la rupture avec la tradition académique de l'enseignement prodigué au conservatoire.
En 1905, à la suite des agitations consécutives aux événements politiques, la direction du conservatoire fut confiée à Aleksandr Glazounov. Au cours de la période 1905-1917, le corps professoral était constitué, entre autres, d'Essipova (piano), Auer (violon), Verjbilovitch (violoncelle, jusqu'en 1911), Liadov (harmonie, composition), Steinberg (composition, à partir de 1908), Glazounov (composition), Yerchov (classe d'opéra), Nicolas Tcherepnine (direction d'orchestre). En 1900-1912, les Soirées de musique contemporaine ont fait connaître les œuvres de Debussy, Strauss, Reger, Mahler, Schönberg, ainsi que celles de Prokofiev, Stravinski, Miaskovski.

 

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MARCO POLO

 

Marco Polo

Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes et du dossier consacré aux grands explorateurs.
Voyageur vénitien (Venise 1254-Venise 1324).
Accompagnant son père et son oncle, négociants à Venise, Marco Polo prit dès 1271 la route de Pékin à travers l'Asie centrale et arriva en 1275 à Shangdu, résidence de l'empereur Kubilay Khan. Celui-ci lui ayant confié diverses missions, il parcourut le pays pendant seize ans. Rentré à Venise (1295), il fit le récit de son voyage dans le Livre des merveilles du monde (dit encore Il Milione, ou le Devisement du monde), extraordinaire description de la Chine mongole.
1. L'épopée en famille

Caravane de Marco Polo
D'origine dalmate, les Polo s'établissent à Venise au début du xie siècle et y deviennent de prospères négociants. Le père de Marco, Niccolo, et son oncle, Matteo, inaugurent avec éclat la vocation exploratrice de la famille, puisqu'ils transforment une tournée commerciale en un immense voyage qui les conduit à Boukhara, puis jusqu'à Khanbalik (Pékin), où le Grand Khan, curieux de voir des « Latins », les a conviés. Partis en 1255, ils ne sont de retour qu'en 1269, avec un message de Kubilay Khan, petit-fils de Gengis Khan, pour le pape : le chef des chrétiens est amicalement invité à envoyer d'autres visiteurs en Chine.
Dès 1271, les deux frères repartent avec Marco (né le 15 septembre 1254). Le récit de Marco Polo commence à Ayas (Lajazzo en italien), en Cilicie, sur la Méditerranée orientale. Par l'Arménie, les voyageurs gagnent les régions de l'actuelle Géorgie, puis le golfe Persique. Se dirigeant vers le nord, ils traversent la Perse et, reprenant le vieil itinéraire de la route de la soie, s'enfoncent dans les montagnes d'Asie centrale. La traversée du Pamir les conduit à Kachgar, puis à Yarkand et à Khotan. Après les déserts entourant le Lob Nor, ils atteignent la première cité véritablement chinoise (Ganzhou) : c'est le premier contact de Marco Polo avec la civilisation d'Extrême-Orient et avec une religion presque inconnue, le bouddhisme. Les Polo s'arrêtent une année entière à Ganzhou, où les affaires sont très profitables.
Le voyage reprend en 1275, lorsque le Grand Khan envoie une escorte pour convoyer les visiteurs jusqu'à sa résidence d'été, à Shangdu (aujourd'hui Kaiping), au nord-est de la capitale Khanbalik. Le souverain, qui apprécie l'intelligence de Marco, le prend sous sa protection. Il lui confie diverses missions – notamment en qualité d'administrateur des gabelles –, qui lui font parcourir tout le pays. Le Vénitien reste ainsi seize ans au service du Grand Khan.
Mais le désir de revenir à Venise se fait finalement sentir. Kubilay finit par accepter de se séparer des trois Latins. Il leur confie une dernière mission en 1292 : convoyer une princesse destinée à épouser un khan de Perse. Par le détroit de Malacca, les Vénitiens atteignent Ceylan, puis la côte occidentale du Deccan. Ayant accompli leur mission à Ormuz, en Perse, ils gagnent ensuite Trébizonde et la mer Noire par la terre, enfin Constantinople et Venise (1295).
2. La révélation de la Chine mongole

Saint Athanase
En 1296, Marco Polo est fait prisonnier au cours d'une bataille navale opposant Gênes à Venise. Transporté à Gênes, il y est incarcéré. C'est là qu'en 1298 il dicte ses souvenirs à son compagnon d'infortune, le trouvère Rusticien de Pise. À sa parution, le Livre des merveilles du monde est beaucoup plus qu'un simple récit de voyage. C'est un tableau géographique, ethnique et économique de la Chine à l'apogée de la dynastie mongole, un répertoire de ses croyances, de ses rites et de ses institutions, une anthologie des fables concernant son passé légendaire, une chronique enfin de seize ans de son activité politique. Ce qui frappe le plus le Vénitien, outre les magnificences de la capitale Khanbalik, c'est à la fois l'organisation administrative de l'immense pays, l'incomparable système des postes, les réalisations de travaux publics (routes, ponts et canaux), celles de l'artisanat – en particulier le travail de la soie –, l'utilisation, enfin, du papier-monnaie.
Le Livre des merveilles du monde jouera un rôle considérable dans le développement des mythes relatifs aux richesses de la Chine et des contrées voisines. Il marquera profondément l'imaginaire européen. Toutes les grandes découvertes des Temps modernes sont en effet nées de ce livre : les expéditions de Vasco de Gama et de Christophe Colomb ne seront entreprises que pour partir à la conquête des fabuleux trésors qu'il révèle, en contournant l'obstacle musulman qui s'oppose alors à la pénétration occidentale en Chine.
Libéré en 1299, Marco Polo passe le reste de sa vie dans sa cité natale, où il reprend pleinement sa place dans le monde des marchands vénitiens. Il décède le 8 janvier 1324, à près de 70 ans.
3. Un best-seller médiéval

Benoît XIIBenoît XII
Rédigé par Rusticien de Pise dans un français mêlé de vénitien, le manuscrit original du Livre des merveilles du monde est perdu, mais le succès du récit a été tel qu'il fut aussitôt transcrit dans la plupart des langues romanes et en latin. On en connaît 143 manuscrits, les plus remarquables étant le manuscrit franco-italien de la Bibliothèque nationale de France (début du xive siècle), la version latine de Fra Pipino (Florence, 1320), le Livre des merveilles du monde du duc Jean de Berry (BNF, 1400) et la version italienne dite « de Ramusio » (Navigationi e viaggi, 1559).
La découverte à Milan d'un manuscrit de 1795 – copie d'un exemplaire latin de 1470 retrouvé ensuite à Tolède – a donné lieu à trois remarquables éditions, établies en italien par Luigi Fascolo Benedetto (Florence, 1928, et Turin, 1962), en anglais par Arthur Christopher Moule et Paul Pelliot (Londres, 1938) et en français par Louis Hambis (Paris, 1955).

 

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LE NIL

 

le Nil
en arabe al-Nīl

Cet article fait partie du dossier consacré à l'Égypte ancienne.
Principal fleuve d'Afrique, drainant un bassin d'environ 3 millions de km2 et long de 6 700 km (5 600 km depuis le lac Victoria), et qui rejoint la mer Méditerranée par un vaste delta.
Le fleuve a été appelé Hâpî par les Pharaons, Chrysonoas par les Grecs, Bahr (« mer ») par les Arabes.
GÉOGRAPHIE

1. Le cours du NiL

Le NiL
Le fleuve trouve son origine dans un cours d'eau du Burundi, le Kasumo, qui devient, dans son cours inférieur, la Kagera, tributaire du lac Victoria. Cette mer intérieure (près de 70 000 km2), perchée à 1 133 m, s'écoule vers le Nord par le Nil Victoria, qui traverse le lac Kioga entre deux chutes. Il pénètre ensuite dans le lac Albert, alimenté par la Semliki, et en sort sous le nom de Bahr el-Gebel, « rivière de la Montagne », puis entre dans la plaine du Soudan du Sud. Les inondations, la multiplication des bras, la végétation aquatique et une évaporation intense qui prélève près de la moitié de la masse liquide caractérisent cette immense cuvette marécageuse des « sadd », qui reçoit en outre le Bahr el-Ghazal. Sortant du lac No, le fleuve, qui prend alors le nom de Nil Blanc (Bahr el-Abiad), reçoit le Sobat (rive droite), reprend la direction du nord et entre au Soudan.

Khartoum
À Khartoum, il reçoit le Nil Bleu (Bahr el-Azrak) et, dès lors, on lui donne parfois le nom de Grand Nil. Il reçoit encore l'Atbara, toujours sur la rive droite, et travers ensuite 2 700 km de désert, en Nubie, puis continue son cours en Égypte, passe au Caire, à la tête du delta, avant de rejoindre la mer Méditerranée.
2. Le profil du NiL

Le profil longitudinal du Nil n'est pas régularisé dans le cours supérieur, mais, à l'entrée des marais des « sadd », la pente devient très faible, jusqu'au-delà de Khartoum (3,5 cm par km). En aval, une série d'accidents séparent des biefs à pente douce : ce sont les fameuses « cataractes » numérotées de 1 à 6 en remontant le cours du fleuve à partir d'Assouan. En fait, ce ne sont que des rapides qui, souvent, n'interdisent la navigation qu'en basses eaux. Peu après la deuxième cataracte, la vallée inférieure constitue la partie habitable de l'Égypte. Le haut-barrage d'Assouan régularise son cours inférieur et créé un vaste lac artificiel, long de 500 km (en partie au Soudan). Passé Le Caire, le Nil entre dans son delta, construction postglaciaire qui a continué de progresser pendant la période historique et dont l'extension est à présent bloquée par la raideur de la pente sous-marine et le fort courant littoral. Le fleuve aboutit à la mer par les branches de Rosette et de Damiette, aux modules respectifs de 1 076 et 508 m3s.
Le bassin du Nil s'étend de l'équateur à la Méditerranée et inclut des parties de dix États : Burundi, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Kenya, République démocratique du Congo, Soudan du Sud, Éthiopie, Soudan, Égypte.
3. Le régime du NiL

Le NiL
En Égypte, le Nil a un régime simple et plutôt régulier : le débit, minimal au début du mois de juin, augmente jusqu'à la fin de septembre pour décroître ensuite. Ce régime est pourtant le résultat d'une combinaison complexe d'affluents répartis sur 35 degrés de latitude. Le Nil Blanc, malgré un appauvrissement dans les « sadd », a encore beaucoup d'eau en saison sèche et son régime est pondéré. Le Nil Bleu et l'Atbara sont, au contraire, excessifs : au début de septembre, ils apportent au Nil plus de 90 % de son débit moyen de 8 000 m3s mais, en avril, le Nil Bleu est fort réduit (131 m3s) et, pendant cinq mois, de janvier à mai, l'Atbara est à sec. La fameuse crue du fleuve est due à la montée des affluents éthiopiens, dont les eaux violentes érodent les massifs volcaniques auxquels elles arrachent des terres fertiles. Il en résultait jadis l'inondation de la vallée égyptienne, à laquelle échappaient les villages construits sur des buttes. Le sol emmagasinait une réserve naturelle d'eau, tandis que la surface recevait quelques millimètres de limon régénérateur. Dès novembre, le fleuve étant rentré dans son lit mineur, on procédait aux semailles dans la boue. Cependant, si les hautes eaux ont toujours lieu dans la même saison, elles sont parfois faibles et tardives, parfois hautes et dévastatrices. Ainsi le débit moyen annuel du Nil à Assouan a pu varier de 4 341 m3s en 1879 à 1441 m3s en 1913, alors que la moyenne, pour 80 ans, est de 2 922 m3s. Les nilomètres permettaient de noter, dès l'Antiquité, la hauteur de la crue et même de faire des pronostics.
4. Les travaux sur le NiL

Depuis le xixe s., le régime du Nil a été sensiblement transformé par de grands travaux : édification de barrages pour relever le plan d'eau à la tête des canaux (notamment barrages du Delta, d'Assiout, de Nag Hamadi, de Esnèh près de Louqsor) et création de barrages-réservoirs pour améliorer le débit entre février et juillet (barrages d'Assouan, du Djebel Aulia, de Sennar, d'Owen Falls). Enfin, à proximité d'Assouan, le Haut-Barrage, construit de 1960 à 1964 et dont la mise en eau a été achevée en 1972, est l'un des plus imposants du monde. L'intérêt, capital pour l'Égypte, d'un développement de l'irrigation et l'avantage d'une production hydroélectrique dans un pays mal pourvu de sources d'énergie sont à l'origine de cet ouvrage. Le Nil est enfin un fleuve navigable par biefs, entre les rapides ou les chutes, et son cours égyptien est utilisé par une batellerie très active.
4.1. Les premiers barrages

La vallée fut équipée de barrages d'élévation à Assiout (1902), à Esnèh (1909) et à Nag Hamadi (1930). Ces travaux visaient surtout à étendre la culture du coton, pour approvisionner les filatures anglaises. Mais l'extension de l'irrigation pérenne fut handicapée par le manque d'eau pendant l'étiage, alors que la plus grande partie de l'eau de la crue se perdait dans la Méditerranée. Les premiers barrages-réservoirs en Égypte et au Soudan permirent d'augmenter le niveau de l'eau disponible pendant l'étiage : le premier barrage d'Assouan (1898-1902) voit sa capacité passer de 1 à 5 milliards de mètres cubes, grâce à deux surélévations ; le barrage de Sennar (1925), sur le Nil Bleu, sert à irriguer le vaste périmètre cotonnier de la Gezireh – en échange, le Soudan renonce en 1929 à toute ponction entre janvier et juillet ; le barrage du Djebel Aulia (1929-1933) retient les eaux du Nil Blanc durant la crue du Nil Bleu.
4.2. Le haut barrage d'Assouan

Les besoins augmentant plus vite que les disponibilités, la solution proposée est celle d'un nouveau barrage à Assouan, qui retiendrait toute la crue dans un réservoir d'une capacité maximale de 156 milliards de mètres cubes, à cheval sur l'Égypte et le Soudan. L'eau du Nil est partagée, en 1959, sur la base de 55,5 milliards de mètres cubes pour l'Égypte et 18,5 milliards pour le Soudan (les pertes du lac-réservoir représentent 10 milliards de mètres cubes). Le barrage, construit avec l'aide soviétique, est inauguré en 1970, quelques semaines après la mort du président Nasser, qui en avait été l'initiateur. Cent mille villageois nubiens durent quitter leur foyer submergé.
Le haut barrage d'Assouan a permis la régulation pluriannuelle du débit, la production d'électricité, la bonification d'étendues désertiques sur les marges de la vallée et du Delta (400 000 ha), le passage à l'irrigation pérenne des derniers bassins de Haute-Égypte (300 000 ha), l'extension des cultures grosses consommatrices d'eau, comme la canne à sucre et le riz. Mais le haut barrage a aussi pour effet de retenir le limon de la crue, réduisant à néant la pêche côtière, érodant les berges et le littoral, et privant le sol de sa fertilité. Les paysans arrosent trop, provoquant l'élévation de la nappe phréatique et la salinisation des terres. La mise en valeur du désert n'a pas compensé la perte des meilleurs sols devant la croissance urbaine. Enfin, la croissance démographique et l'augmentation constante des besoins ont contraint l'Égypte à consommer plus que sa part, tandis que le Soudan entreprenait de se doter de ses propres aménagements.
4.3. Les nouveaux projets

Sur le Nil Blanc, le percement du canal de Jongleï, long de 380 km et destiné à drainer une partie des sadd, commence en 1978. Cofinancé par l'Égypte et le Soudan, il devait fournir à chacun 3,5 milliards de mètres cubes d'eau supplémentaires par an. Mais la reprise de la guerre civile au Soudan a entraîné l'arrêt des travaux en 1983. C'est cependant le Nil Bleu qui détient le plus grand potentiel inexploité : il dispose de sites hydroélectriques prometteurs et donne à l'Éthiopie, qui en a la maîtrise, les clés du destin du Soudan et surtout de celui de l'Égypte. Devant la pression démographique croissante sur les vieilles terres érodées du plateau, le gouvernement éthiopien a mis en chantier de vastes projets agricoles dans les vallées du Nil Bleu, de la Sobat et de l'Atbara.
En 2013, l'Éthiopie a commencé les travaux de détournement du cours du Nil Bleu en vue de la construction du barrage de la Renaissance, destiné à la production d'hydroélectricité.
5. Les accords de partage des eaux du NiL

Plusieurs accords ont été signés entre les pays riverains pour le partage des eaux du NiL.
5.1. Les accords de 1929 et de 1959

Les accords de 1929 et de 1959 étaient favorables à l'Égypte. Seuls deux pays peuvent disposer du débit du Nil : l'Égypte et le Soudan (qui englobe alors le Soudan du Sud). Les deux tiers reviennent à l'Égypte, 22 % au Soudan, tandis que l'Éthiopie ne reçoit rien. L'Égypte dispose d'un droit de veto sur tout projet sur le fleuve.
5.2. L'accord d'Entebbe, en 2010

L'accord d'Entebbe a été signé en 2010 par six pays de l'amont du fleuve : l'Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda. Il conteste les accords de 1929 et de 1959. L'Égypte a rejeté cet accord.
HISTOIRE

1. Le NiL dans l'Antiquité égyptienne : berceau d’une civilisation

L'agriculture apparaît dans la basse vallée du Nil il y a environ 7 000 ans. Il s'agit tout d'abord de cultures pratiquées dans le limon laissé par la décrue du fleuve ; puis, vers 3400 avant notre ère, on note une organisation supravillageoise qui permet de retenir l'eau dans des bassins.
L'unification du Delta et de la vallée égyptienne est réalisée vers 3300 avant J.-C., et assure la prospérité du pays, grâce au contrôle centralisé de la crue et de l'activité agricole, durant l'Ancien, le Moyen et le Nouvel Empire. En revanche, les périodes de division (première période intermédiaire, fin du Nouvel Empire) ou d'occupation étrangère entraînent désordre et famine.
1.1. La civilisation koushite

Au-delà de la 1ere cataracte sont entreprises de fructueuses expéditions, qui aboutissent parfois à une présence égyptienne permanente. Mais dès le IVe millénaire est apparue au Soudan actuel la civilisation koushite, dont la capitale est Kerma, en Nubie.
Colonisée au Moyen Empire, la Nubie recouvre son indépendance lors de la deuxième période intermédiaire et de l'occupation de l'Égypte par les Hyksos.
1.2. Napata, Méroé, Aksoum

Sous le Nouvel Empire, Thoutmosis III la reconquiert; mais elle s'émancipe à nouveau vers l'an 1000. Ce sera pourtant par elle que l'unité sera rétablie sous la XXVe dynastie, dite éthiopienne, des pharaons noirs de Napata ; vers 700 avant J.-C., ils étendent leur pouvoir jusqu'à la Méditerranée pendant un siècle, puis le royaume de Napata, replié au sud de la 1ere cataracte, transfère sa capitale à Méroé, entre l'Atbara et le Nil Bleu. La civilisation méroïtique, où le respect des traditions égyptiennes s'allie au fonds africain, est maintenue jusqu'au iiie siècle de notre ère, avant de disparaître sous les coups du puissant royaume d'Aksoum, qui contrôle le haut bassin du NiL Bleu.
1.3. Le NiL, bon génie des Égyptiens

Le NiL était vénéré par les Égyptiens comme un bon génie, envoyé par les dieux ; son nom était Hâpî. On localisa d'abord sa retraite dans une grotte située au milieu de la première cataracte ; il s'agit là, en fait, d'une fiction mythologique, les Égyptiens sachant très bien que la Basse-Égypte, plus avancée en civilisation, bénéficiait d'une irrigation régularisée pendant la période de l'inondation annuelle, alors que la Haute-Égypte laissait passer sans l'endiguer un flot dévastateur.
Après que la Haute-Égypte eut été dotée à son tour d'un système d'irrigation, on lui appliqua le même cadre mythologique, une seconde retraite étant assignée au bon génie Nil. Lorsque l'Égypte fut unifiée, on représenta sur les monuments et on vénéra deux Nils, le premier étant censé prendre sa source en amont d'Éléphantine, le second, à Hélouân, en amont d'Héliopolis.
2. L'ère chrétienne et la conquête arabe

Des royaumes chrétiens, berceau d'une civilisation florissante, se fondent en Abyssinie à partir du ive siècle, et en Nubie à partir du vie siècle.
La conquête arabe de l'Égypte, en 641 rend plus difficiles les contacts de ces royaumes avec les centres de la chrétienté. Le royaume d'Aloa, au confluent des deux Nils, subsiste pourtant jusqu'au début du xvie siècle, et le christianisme éthiopien, demeuré monophysite, comme celui d'Égypte, se maintient jusqu'à nos jours. L'islam ne provoque pas l'unification de la vallée du Nil, même si en 1504 le sultanat noir des Fundji s'établit sur les rives du Nil soudanais, avec sa capitale à Sennar.
Dans la région des Grands Lacs, c'est au xiiie-xive siècle que les pasteurs tutsis s'installent au Rwanda, et en soumettent les cultivateurs hutus et les chasseurs pygmées, tandis que l'Ouganda est le siège de quatre royaumes : Bouganda, Toro, Ankolé et Bounyoro, le plus puissant. Mais au XVIe siècle, le Bouganda, en s'alliant aux commerçants arabes de la côte, prend le dessus et continue son expansion jusqu'à l'occupation britannique.
3. La découverte du Nil

Le réseau supérieur du fleuve est demeuré longtemps inconnu. Ce sont les récits des marchands qui permirent l'établissement des premières cartes, où l'on note des « monts de la Lune », vers les sources. Néron envoya deux centurions à la recherche de celles-ci ; ils furent arrêtés par les sadd (ilôts de végétation formant barrage).
Du xiiie au xviiie siècle, l'Éthiopie est parcourue, et le Nil Bleu repéré ; on le considérait comme le fleuve principal.
Au xixe siècle, les expéditions ordonnées par Méhémet-Ali atteignent, en remontant le Nil Blanc, Gondokoro, en amont des sadd. Partant de l'océan Indien, l’explorateur John Hanning Speke, avec sir Richard Francis Burton puis avec James Augustus Grant, atteint le lac Victoria ; Speke le contourne pour toucher à Gondokoro (1863). Un long travail de reconnaissance, de cartographie et d'hydrologie commença alors.
À la suite de l'ouverture du canal de Suez, la Grande-Bretagne impose son protectorat sur l'Égypte (1882), tandis qu'au Soudan le Mahdi s'empare de Khartoum (1885) et fonde un empire qui dure treize ans.
L'Éthiopie est également menacée, mais les troupes italiennes sont écrasées à Adoua en 1890. Les visées françaises et britanniques se heurtent à Fachoda (1898), sur le Nil Blanc : la Grande-Bretagne a décidé de reconquérir le Soudan pour faire la jonction avec ses possessions d'Afrique orientale, alors que la France espère atteindre la mer Rouge (→ affaire de Fachoda).

 

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