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ESCLAVAGE

 

 

 

 

 

 

esclavage

La traite des esclaves
Consulter aussi dans le dictionnaire : esclavage
Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
État, condition d'esclave.
Introduction

L'esclavage est une institution sociale qui fait de certains êtres humains des marchandises, ou, comme le dit Aristote, « une sorte de propriété animée ». Le propriétaire possède son esclave comme un bien ou une chose, et peut exiger de lui travail et autres services sans aucune restriction. Il peut lui refuser la liberté d'agir et de se déplacer. Il a le droit de séparer les membres d'une même famille et de refuser un mariage. L'esclavage est donc un rapport de domination fondé sur la menace et la violence.
L'esclavage a existé aussi bien en Asie dans les tribus nomades de pasteurs, en Amérique du Nord dans les sociétés d'Indiens chasseurs, en Scandinavie chez les marins, que dans des sociétés sédentaires fondées sur l'agriculture. Dans ce dernier cas, les esclaves sont considérés comme une force de production irremplaçable. De telles sociétés, notamment l'Empire romain et le vieux Sud des États-Unis, sont quelquefois désignées sous le nom de sociétés d'« esclavage commercial », par opposition aux « sociétés d'esclavage personnel », où les esclaves sont principalement utilisés à des fins domestiques, notamment comme serviteurs ou concubines ; ce dernier type d'esclavage a été fortement implanté dans les pays du Moyen-Orient, en Afrique et en Chine. Cependant, les deux formes coexistent, et dans l'Empire romain comme aux États-Unis, les esclaves étaient contraints de se soumettre aux exigences sexuelles de leurs maîtres, ainsi que le montrent aussi bien le Satiricon de Pétrone que les innombrables cas de viols d'esclaves aux États-Unis.
L'économie de profit a beaucoup contribué à développer l'emploi de la force de travail servile. La canne à sucre porte la lourde réputation d'avoir été génératrice d'esclavage, en Iraq dès le viie s., dans les îles de l'Atlantique et en Amérique à partir du xvie s. ; l'économie de plantation a provoqué les plus gros transferts de main-d'œuvre de toute l'histoire, au détriment des Noirs d'Afrique. Les mines, de l'argent du Laurion, exploité par Athènes au ve s. avant J.-C., à l'or des Achantis du Ghana au xviiie s., ont aussi utilisé de grandes quantités d'esclaves.
L’esclavage depuis les premières civilisations

Les codes juridiques de Sumer prouvent que l'esclavage existait dès le IVe millénaire avant J.-C. Le symbole sumérien correspondant au terme « esclave », en écriture cunéiforme, signifie « étranger », ce qui indique une origine essentielle : les premiers esclaves étaient probablement des prisonniers de guerre. Mais dans l'Égypte antique apparaît un phénomène que l'on retrouvera jusque dans l'Europe chrétienne : des hommes se vendent comme esclaves ou vendent leur femme et leurs enfants afin de payer leurs dettes. En Mésopotamie, l'esclavage, attesté depuis le IVe millénaire, pèse sur le prisonnier de guerre, l'enfant vendu par son père et le pauvre qui se vend lui-même. Les prisonniers de guerre sont utilisés pour les grands travaux.
Le code d'Hammourabi, roi de Babylone au xviiie s. avant J.-C., comprend de nombreuses lois s'appliquant aux esclaves. Ceux-ci ont le droit de posséder des biens, de faire des affaires et d'épouser des femmes libres. La manumission –  affranchissement prononcé officiellement par le maître – est possible soit par l'achat de la liberté, soit par l'adoption. Néanmoins, l'esclave est toujours considéré comme un objet et une marchandise (sa valeur est celle d’un âne). Le code des Hittites, appliqué en Asie occidentale de 1800 à 1400 avant J.-C., reconnaît, lui, que l'esclave est un être humain, même s'il appartient à une classe inférieure.
Les esclaves forment dans l'Égypte pharaonique un corps peu nombreux (mineurs, mercenaires, interprètes, intendants de domaine), dont disposent le roi et sa famille, les temples et les grands personnages de l'État. Les Hébreux n’en sont pas moins asservis par les Égyptiens durant la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C. : dans la Bible, le livre de l'Exode relate que les Égyptiens maintiennent les Hébreux « en esclavage, les obligeant à manier la brique et le mortier ainsi qu'à rendre divers services dans les champs. Quels que soient les travaux effectués, ils les traitent avec dureté ». Cependant, nulle part dans l'Ancien Testament il n'apparaît de critiques ouvertement dirigées contre l'esclavagisme, les Hébreux adhérant eux-mêmes à ce système ; tout au plus, chez ces derniers, l'esclavage, situation provisoire, ne peut-il dépasser une période de sept ans. Dans la vallée de l'Indus, les premiers documents prouvant l'existence de l'esclavage coïncident avec l'invasion aryenne, vers 1500 avant J.-C. En Perse, le nombre d'esclaves augmente par reproduction naturelle et grâce aux conquêtes militaires : les victoires perses sur les îles de la mer Égée, Chio, Lesbos et Ténédos, ont pour conséquence l'asservissement de populations entières.
En Grèce

L'esclavage fait partie intégrante de l'histoire de la Grèce probablement dès 1200 avant J.-C. Les guerres, la piraterie (jusqu'à son éradication au ve s. avant J.-C.) et les tributs dus par les pays vaincus constituent pour les Grecs les principales sources d'esclaves. Les marchands d'esclaves se fournissaient essentiellement en Thrace, Carie et Phrygie. Les débiteurs insolvables pouvaient être vendus comme esclaves, le prix de la vente revenant au créancier ; c'est Solon qui interdit cette dernière pratique à Athènes.
Au ve s. avant J.-C. – mis à part les mineurs du Laurion, en Attique –, les esclaves, surtout ruraux, sont peu nombreux, même sur les plus grands domaines ; leur emploi reste lié à des cultures délicates, permanentes et de faible extension (vigne, cultures maraîchères) ; leur présence est contestée dans la Grèce centrale et, d'après Thucydide, les habitants du Péloponnèse auraient même été souvent seuls à leur travail. Mais, dès la fin du ve s. et surtout au ive s. avant J.-C., le nombre des esclaves augmente à un rythme rapide, et le travail servile l'emporte très vite sur le travail libre dans les mines, les travaux publics, la production industrielle et même la production agricole. On compte 10 000 esclaves ruraux dans l'Attique de la fin du ve s., soit un par paysan libre. Les esclaves urbains sont plus nombreux : les listes d'affranchissement du Pirée, entre 340 et 320 avant J.-C., en mentionnent 123 sur 135 affranchis, et les estimations faites pour la fin du ve s. évaluent entre 150 000 et 400 000 le nombre total des esclaves vivant en Attique.
Un esclave s'affranchit en achetant sa liberté, en la recevant en récompense de ses services, ou en legs après le décès de son maître. Le quasi légendaire Ésope, l'auteur des Fables, passe pour un esclave grec affranchi au vie s. avant J.-C. Extension géographique (Épire) et concentration des esclaves au profit des grands et aux dépens des petits propriétaires, trop pauvres pour en posséder, caractérisent l'époque hellénistique ; les affranchissements se multiplient, au point que Philippe de Macédoine les interdit, après Chéronée (338 avant J.-C.), pour des raisons de sécurité militaire. Cette concentration des esclaves explique les premières guerres serviles : vers 131 et vers 104-100 avant J.-C., au Laurion ; 130 avant J.-C., à Délos (le grand marché, dont on a prétendu qu'il s'y vendait 10 000 esclaves par jour au iie s.), d'où partent les esclaves vers l'Ouest, désormais grand acheteur.
À Rome

Les esclaves sont utilisés très tôt (loi des Douze Tables). Mais c'est seulement l'expansion romaine à partir du iiie s. avant J.-C. qui provoque leur afflux massif ; au fur et à mesure des conquêtes (les guerres puniques, la guerre des Gaules), soldats et peuples vaincus sont asservis : les conséquences en sont considérables. Sur le plan économique, la main-d'œuvre servile hâte la désagrégation de la petite propriété et son remplacement par de vastes domaines, notamment dans le Sud : dès le ier s. avant J.-C., des équipes entières travaillent dans d'immenses propriétés, dépourvues de tout contact avec leurs maîtres. Le pouvoir détenu par les maîtres est pratiquement illimité, et le traitement infligé aux esclaves réellement barbare. De telles conditions de vie, alliées à la supériorité numérique des esclaves sur les hommes libres, génèrent inévitablement des révoltes (136-132 et 104-100, en Sicile ; 73, soulèvement de Spartacus).
Au début de l'ère chrétienne, les esclaves sont cependant moins systématiquement maltraités ; ils vivent souvent mieux que les Romains libres réduits à la misère, et certains d'entre eux occupent même des situations importantes dans les affaires ou dans les bureaux du gouvernement impérial. Sur le plan culturel, enfin, les esclaves lettrés africains, asiatiques, grecs exerceront une influence durable. Les affranchissements, d'ailleurs, se multiplient, en partie grâce aux théories stoïciennes. Jérôme Carcopino estime à 400 000 le nombre des esclaves à Rome sous Trajan. L'arrêt des conquêtes freine leur afflux ; leur prix s'accroît. Sous le Bas-Empire, si les esclaves sont encore nombreux, d'autres catégories sociales leur sont préférées dans les campagnes, en Orient notamment : les colons.
Au Moyen Âge

En Occident : de l’esclavage au servage

On estime que l'Europe carolingienne comptait environ 20 % d'esclaves ; l'Église en possédait elle-même un grand nombre, à l'image du théologien Alcuin qui utilisait quelque vingt mille esclaves dans ses quatre abbayes. On parle de mancipia, servi et ancillae, mots latins qui désignent les esclaves de l'un ou l'autre sexe, dans les descriptions de biens appartenant aux grands domaines ruraux, et l'on distingue les tenures « ingénuiles », confiées à des hommes libres, des tenures serviles, confiées à des esclaves.
Dans l'Espagne wisigothique, au vie s., si l'affranchissement personnel des esclaves est recommandé, c'est à la condition qu'ils demeurent, par contrat, comme force de travail sur les biens qu'ils cultivent. Les esclaves ruraux se transforment ainsi progressivement en colons ou en métayers employés sur de grandes propriétés. Cependant, ce changement de statut est plus formel que réel : les métayers doivent perpétuellement de l'argent à leur propriétaire et restent attachés à la terre qu'ils travaillent afin de rembourser leurs dettes.
Sans doute l'Église ne condamne-t-elle pas l'esclavage, mais, en fait, l'organisation d'une société chrétienne, composée de frères, ne peut se concilier avec l'esclavage, que remplace donc peu à peu le servage, dépendance personnelle et héréditaire : cette forme s'intègre mieux au cadre de l'économie fermée et essentiellement rurale du haut Moyen Âge, qui ne permet plus les achats massifs d'esclaves. Dans ces conditions, le vieux mot latin servus finit par perdre son antique sens d'« esclave » pour désigner celui qui est lié à la terre ou à un seigneur par des obligations relativement limitées : le serf. C'est alors qu'apparaît, dans le latin médiéval (xe s.), le mot sclavus, qui donnera, au xiiie s., le terme esclave, et qui est une autre forme de slavus, rappelant que les populations slaves des Balkans fournissaient, au Moyen Âge, l'essentiel des masses serviles en Occident. On « importe » aussi des Angles, et Verdun est, jusqu'au xe s., l'« entrepôt » des Slaves destinés à l'Espagne.
L’esclavage en terre d’islam

Dans l'Empire byzantin, l'esclavage se poursuivra sans qu'on lui oppose de résistance : les esclaves sont souvent utilisés comme employés et travaillent également sur les domaines ecclésiastiques. Au Moyen-Orient, l'esclavage est déjà une institution ancrée dans les mœurs avant Mahomet (viie s.), et l'islam ne tente pas de mettre un terme à cette situation. Le Coran, pas plus que la Bible, ne condamne l'esclavage, même s'il milite en faveur d'un traitement humain. Aussi affranchir un esclave est-il jugé comme un acte digne d'éloges.
Toutefois, l'immensité de l'empire islamique et l'interdiction de réduire un musulman ou un « protégé de l'islam » en esclavage conduisent à importer de grandes quantités d'esclaves, nécessaires à l'armée ou à la production, à l'administration parfois, sans oublier la traite des Blanches pour fournir les harems. L'Europe occidentale fournit des Slaves ; d'Asie viennent des Turcs qui vont jouer un grand rôle dans l'histoire de l'islam. L'Afrique noire fournit chaque année des contingents de plusieurs milliers d'esclaves, qui transitent par les ports de la mer Rouge, ceux de l'océan Indien, et par le Sahara. L'une des plus importantes révoltes d'esclaves est celle qui, en Iraq, se déroula de 869 à 883, et qui mit fin à l'exploitation massive des Noirs dans le monde arabe. Les conflits entre chrétiens et musulmans en Méditerranée – de l'Espagne au Proche-Orient (Reconquista, croisades, guerres navales) – conduisent à l'asservissement de nombreux prisonniers de guerre; le plus souvent, il s'agit d'un excellent moyen d'obtenir leur rachat par l'adversaire.
Le monde musulman procure à son tour des esclaves à l'Espagne : à l'époque classique, les Noirs sont nombreux à Séville et à Lisbonne.
La traite des Noirs

Le Portugal à l’origine

La production de sucre au Levant espagnol et dans les îles de l'Atlantique, comme les Canaries, commence à concurrencer, au xve s., celle de Venise à Chypre, que complètent des importations en provenance du monde musulman. Le sucre devient ainsi un produit de plus large consommation : les Portugais développent sa production à l'aide de capitaux, dont une partie vient de l'Europe du Nord, marché de plus en plus important. La demande d'esclaves africains commence, dès le milieu du xve s., le long des côtes atlantiques qu'explorent les Portugais. La première vente d'esclaves africains en Occident date de 1444 et se déroule au Portugal, à Lagos. Les Portugais organisent autour de l'île de São Tomé et du comptoir de Saint-Georges-de-la-Mine un fructueux trafic ; les esclaves sont vendus aussi bien à des souverains africains, qui les emploient dans les mines ou les plantations, qu'à des Européens qui les transportent vers la péninsule Ibérique. En 1472, les Cortes de Lisbonne demandent à la Couronne de réserver ces importations aux besoins des plantations portugaises.
Les exigences de la conquête

La traite des esclavesLa traite des esclaves
La demande de main-d'œuvre est considérablement accélérée à la suite de la conquête des Amériques par les Espagnols et les Portugais. Dans un premier temps, la conquête coloniale se traduit par le quasi-asservissement de populations entières d'indigènes, au Pérou et en Amérique centrale. Au début du xvie s., Hernán Cortés fait allusion au grand nombre d'esclaves indigènes rassemblés et vendus dans la capitale du Mexique. Cependant, l'encomienda et le repartimiento, systèmes de travail forcé institués par les conquistadores, se révèlent peu satisfaisants. Les Espagnols découvrent bientôt que, à cause de leur vulnérabilité aux maladies européennes, les Indiens ne constituent pas une main-d'œuvre idéale. D'autre part, comme ils vivent dans leur propre pays, révoltes et fuites s'en trouvent facilitées. Les Indiens tentent ainsi, au début, de s'opposer par la force à ceux qui entreprennent de les priver de leur liberté. Mais lorsque, domptés, ils subissent d'énormes pertes dans les mines d'or et d'argent, une partie de l'opinion européenne s'émeut, notamment parmi le clergé régulier. Ainsi, les réformes humanitaires prônées par le dominicain Las Casas finiront par alléger les souffrances des Indiens. Mais les esclavagistes, après avoir réduit la population amérindienne dans une proportion sans aucun doute considérable, même si le chiffre est controversé, se tournent vers l'Afrique. Las Casas lui-même prône la traite des Noirs afin de sauver les indigènes d'Amérique, ce qui montre la complexité des enjeux.
L'une des plus importantes migrations humaines qui aient existé commence alors. Aux razzias des dynastes locaux, en accord avec les négriers arabes, s'ajoutent, en Afrique, celles des marchands européens : les établissements portugais de la côte occidentale d'Afrique (Madère, Açores, cap Vert, Guinée, Luanda, Benguela) et de la côte orientale (Delagoa, Sofala, Mozambique) constituent les premiers centres d'« exportation », en particulier en direction de l'Amérique. Les Portugais et les Espagnols se réservent, dans un premier temps, le monopole d'État du trafic entre côtes africaines et américaines, le premier asiento (contrat avec une compagnie) datant de 1528. Mais ils sont vite concurrencés par les Hollandais, les Français et les Anglais qui, à leur tour, recherchent à la fois la main-d'œuvre pour leurs plantations et les profits du trafic esclavagiste transatlantique. De 1 à 3 millions d'esclaves sont transportés en Amérique dès cette époque.
Le commerce triangulaire

C'est au xviiie s. que le « commerce triangulaire » connaît son apogée : les navires quittent les ports négriers – en France, ce sont Nantes, surtout, ainsi que Bordeaux, La Rochelle et Le Havre – à destination de l'Afrique, chargés de présents sans grande valeur mais aussi de fusils qui seront échangés contre les esclaves ; ils prennent livraison de leur marchandise humaine dans des comptoirs comme celui de l'île de Gorée, au large de Dakar, puis font voile vers la Guyane, les Antilles et l'Amérique du Nord où ils vendent ceux des esclaves qui ont survécu à la traversée; enfin, ils reviennent vers l'Europe chargés de marchandises diverses (coton, tabac, café…). Le trafic triangulaire est d'un énorme rapport, et la concurrence très forte. Les négriers sont les véritables maîtres de ce trafic : ils tiennent à leur merci aussi bien les Africains que les planteurs, qui réclament une main-d'œuvre toujours renouvelée. Interdit en Europe à la suite du congrès de Vienne (1815), le trafic se poursuivit cependant jusqu'au milieu du xixe s.
« Déportation sans retour »

La traite des NoirsLa traite des Noirs
En Afrique même, la demande d'esclaves ne crée pas de toutes pièces, dans une société idéalement égalitaire, les conditions de la dépendance : il existe, dans la plupart des sociétés africaines, comme dans les sociétés antiques, des dépendants, réduits à travailler au service des autres, pour de multiples raisons. Le fait nouveau réside dans la « déportation sans retour » au-delà de l'Océan. La demande désorganise les sociétés africaines, même si certaines trouvent dans cette déportation une solution aux problèmes que posent les asociaux. La complicité de certains royaumes côtiers facilite, en outre, la collecte des esclaves. L'évaluation de l'impact de la traite sur l'histoire future de l'Afrique varie en fonction des approches ; cependant, l'on peut estimer que le trafic a durablement désorganisé le continent, jusque dans les régions les plus centrales, notamment par la peur qu'il engendrait. De plus, face au trafic négrier, les seuls appuis pour un individu face à une razzia se trouvaient parmi les membres de sa propre ethnie ; l'exaltation des liens ethniques que connaît encore aujourd'hui l'Afrique serait ainsi une conséquence directe de la traite. Enfin, l'extension de l'emploi des esclaves dans le sud des actuels États-Unis pour la culture du coton va créer, dans ce pays, une situation de conflit qui deviendra l'un des plus grands problèmes sociaux et politiques du monde moderne.
L'énormité des profits réalisés dans les plantations conduit à l'augmentation constante de la demande d'esclaves noirs ; pour le seul xviiie s., leur nombre est estimé à près de 6 millions. Les historiens hésitent sur le chiffre global ; du xvie au xixe s., certains parlent de 8 à 10 millions, d'autres de 15 à 20 millions. Pour tâcher d'estimer le nombre de Noirs ainsi déportés, l'on ne dispose en effet que de chiffres partiels ou de séries limitées dans le temps. L'on sait, par exemple, que 103 135 esclaves ont été convoyés par des navires nantais entre 1763 et 1775. L'une des sources qui permettent d'évaluer l'intensité du trafic est constituée par les archives de la compagnie d'assurances maritimes britannique, la Lloyd's. Celle-ci enregistra pas moins de 1 053 navires coulés en face de l'Afrique entre 1689 et 1803, dont 17 % pour faits de révolte, pillage ou insurrection.
En effet, en Afrique même, les révoltes liées à l'esclavage furent très importantes ; elles furent le fait à la fois des populations de la côte et de celles de l'intérieur. Car si certains potentats africains se sont livrés à la traite de concert avec les Européens ou les Arabes, la population s'y opposa souvent violemment. Mais si l'on sait que des navires négriers ont été attaqués à proximité des côtes par les Africains, les documents sont quasi inexistants pour mesurer précisément l'ampleur des révoltes sur l'ensemble du continent.
Des conditions de vie inhumaines

Jean-Baptiste Debré, Voyage pittoresque et historique au BrésilJean-Baptiste Debré, Voyage pittoresque et historique au Brésil
À bord des navires négriers, les conditions sont effroyables : on entasse un maximum d'esclaves dans la coque du navire et on les garde enchaînés afin de prévenir tout risque de révolte ou de suicide par noyade. La nourriture, l'aération, la lumière et le système sanitaire suffisent à peine à les maintenir en vie. Si la traversée dure plus longtemps que prévu, l'eau manque plus encore que les vivres, et les épidémies se déclarent. Les observations médicales réalisées aux xviie et xviiie s. à propos de ces traversées montrent le nombre de maux qui s'abattent, d'abord sur les esclaves, parfois sur l'équipage ; les pertes sont énormes : sur les 70 000 esclaves embarqués par la Real Compañía Africana espagnole entre 1680 et 1688, 46 000 seulement survécurent à la traversée.
Le travail auquel les esclaves sont soumis est accablant dans les plantations de canne à sucre du Nordeste brésilien et des Antilles, ou de coton du sud des États-Unis. L'arbitraire de leurs maîtres aggrave leur situation, et les fuyards sont nombreux (esclaves « marrons » des Antilles). Aussi Colbert, par une ordonnance dite « Code noir » (1685), précise-t-il la condition civile des esclaves noirs selon le droit romain, mais en leur déniant toute personnalité politique et juridique, car l'esclave est un meuble qui peut être acheté, vendu, échangé ; il est également un incapable, ne pouvant ni témoigner en justice, ni ester, ni posséder ; enfin, si la responsabilité civile lui est déniée, sa responsabilité criminelle reste entière. En revanche, reconnaissant dans les esclaves des êtres de Dieu, pour lesquels il prévoit d'ailleurs des affranchissements dans des cas limités, Colbert autorise les intendants à les protéger contre l'arbitraire des propriétaires.
L’abolition de l’esclavage

L’exemple d’Haïti

La première source d'opposition à l'esclavage vient des esclaves eux-mêmes. Ce sont leurs révoltes qui ont conduit certains de leurs propriétaires à remettre en cause un système qui leur causait trop de problèmes par rapport aux avantages économiques qu'ils pouvaient en retirer. La révolte des esclaves de Haïti, qui commence en 1791 et que les Blancs ne parvinrent pas à mater, est décisive : c'est d'abord elle qui entraîne la suppression de l'esclavage dans l'île le 29 août 1793, suppression proclamée par Sonthonax, membre de la Société des amis des Noirs, et Polverel, commissaires de la République munis de pouvoirs extraordinaires.
Cependant, cette abolition est aussi le fruit des circonstances : les troupes républicaines non seulement avaient été incapables de ramener l'ordre, mais, de plus, avaient besoin de soldats supplémentaires pour espérer repousser les Espagnols, installés à l'est de l'île, et les Britanniques, qui menaçaient de débarquer. Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la mesure des deux commissaires est ratifiée par la Convention, qui l'étend à toutes les colonies françaises ; cependant, dès 1799, la traite reprend en secret au Sénégal sous des formes déguisées – le commandant français du Sénégal est alors chargé de recruter des Noirs… consentants –, puis l'esclavage est rétabli en 1802 par le Premier consul, Bonaparte, sous la pression des commerçants français du sucre. La révolte des Noirs qui s'ensuivit, notamment aux Antilles, conduira à l'indépendance de Haïti le 1er janvier 1804.
L’Angleterre en premiere ligne

Les excès des esclavagistes provoquent également, à la fin du xviiie s., une réaction abolitionniste. Renouant avec la critique formulée par Montaigne, les auteurs français Montesquieu, Voltaire, Raynal, Marivaux, Bernardin de Saint-Pierre s'en prennent au principe même de l'esclavage. Sur le plan économique, Adam Smith fait valoir le faible rendement du travail servile (la Richesse des nations, 1776) ; plus tard, Rossi montrera (Cours d'économie politique, 1839-1841) l'obstacle que l'esclavage oppose au développement technique et économique.
La suppression de l'esclavage est réalisée en deux étapes : interdiction de la traite (1807 par l'Angleterre ; 29 mars 1815 par la France), puis émancipation des esclaves (1833 par l'Angleterre ; 1848 par la France, une nouvelle fois, sur l'initiative de Victor Schoelcher, qui se rend aux Antilles pour proclamer l'abolition décidée par le décret du 4 mars 1848). Dans les deux cas, une indemnité a été prévue, et l'Angleterre a donné l'exemple, sous l'impulsion des sectes religieuses et des hommes politiques (tels William Pitt, Castlereagh, Canning) ; le rôle de Wilberforce et de la Société antiesclavagiste a été décisif.
Championne du mouvement abolitionniste, l'Angleterre veut, pour des raisons à la fois humanitaires et économiques (concurrence de main-d'œuvre), obtenir la suppression générale de l'esclavage dans le monde. Aussi Castlereagh fait-il condamner la traite par les congrès de Vienne (8 février 1815), d'Aix-la-Chapelle (1818) et de Vérone (1822). Malgré l'opposition des pays esclavagistes, des clauses de renonciation à la traite sont prévues dans les conventions et les traités signés avec la France (1831, 1833, 1841, 1845), l'Espagne (1835), le Portugal (1839), le Brésil (1850), clauses sanctionnées par un droit de visite réciproque, que la France refuse de ratifier en raison de l'énorme supériorité de la flotte britannique. Cependant, entre 1817 et 1830, malgré l'interdiction, on enregistre 305 voyages négriers au départ de Nantes – la dernière expédition française partira du Havre en 1847.
L'Empire ottoman, pour sa part, avait interdit la traite dans le golfe Persique et fermé les marchés publics d'esclaves d'Istanbul en 1847. Les pays d'Amérique du Sud abolissent l'esclavage à leur indépendance, mais, dans ces régions, le système du péonage succède bientôt à l'esclavage. En 1840, le Portugal et l'Espagne aboliront officiellement le trafic des esclaves, mais les vaisseaux négriers portugais continueront à traverser l'Atlantique durant tout le xixe s.
États-Unis : un long combat

Dans les colonies nord-américaines, les premiers signes d'opposition à l'esclavage émanent des quakers, qui se prononcent contre l'asservissement en 1724. Bien que le marché aux esclaves soit un spectacle courant, bon nombre de colons considèrent cette forme d'exploitation de l'homme comme un phénomène injustifiable. Les États vont ainsi abolir progressivement l'esclavage. Rhode Island est ainsi le premier État abolitionniste (1774). Mais la Constitution fédérale, ratifiée en 1788, prévoit la continuation du système esclavagiste pendant vingt années supplémentaires. Alors que le décret de 1787 interdit l'esclavage dans les États du Nord-Ouest, le bénéfice éventuel de cette action va s'effacer devant la généralisation de l'égreneuse de coton, inventée en 1793 par Eli Whitney ; en effet, l'utilisation de cette machine accéléra tellement la commercialisation du coton que les besoins en esclaves augmentèrent. Le sentiment antiesclavagiste s'intensifie, en 1831, avec la publication du journal abolitionniste The Liberator ; cette même année voit aussi la révolte d'esclaves menée par Nat Turner, qui s'inscrit dans une vague de révoltes commencée en 1829 à Cincinnati et qui se prolonge jusque dans les années 1840. En 1833, une société antiesclavagiste est créée à Philadelphie. Dès 1840, les esclaves s'échappent vers les États du Nord pour y gagner la liberté.
La publication du livre de Harriet Beecher-Stowe, la Case de l'oncle Tom (1852), élargit l'audience du mouvement abolitionniste ; finalement, au terme de la guerre de Sécession, les États-Unis, après le Danemark et les Pays-Bas (1860), libèrent leurs esclaves en adoptant le 13ème amendement de la Constitution (31 janvier 1865). La voie est ouverte aux condamnations internationales du système et des idéologies qui l'acceptent : acte de Berlin (26 février 1885) ; conférence coloniale de Bruxelles (acte antiesclavagiste du 2 juillet 1890) ; articles 21 à 23 et 42 à 61 du pacte de la SDN ; article 11 de la convention de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919) ; convention de Genève sur l'esclavage (25 septembre 1926) ; article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'ONU (10 décembre 1948).
L'esclavage a persisté après la Seconde Guerre mondiale sur les rives de la mer Rouge. Il a été aboli officiellement par l'Arabie saoudite en 1962. En Afrique, en Mauritanie, il n’a été aboli qu’en 1981. Sur ce continent, le trafic des enfants, en particulier, s'est poursuivi longtemps au-delà de la date d'interdiction officielle. Dans un rapport de 1992, l'Organisation internationale du travail (OIT) révèle que l'esclavage n'a pas disparu de Mauritanie, pas plus que du Soudan où des rapts d'enfants vendus ensuite comme esclaves ont été signalés en 1993.
Survivance de l’esclavage : le travail forcé

On a récemment défini la notion d’« esclavage moderne », qui s’applique à la condition de personnes qui accomplissent un travail forcé au service d’un employeur agissant ainsi en toute illégalité. En effet, le travail forcé subsiste dans nombre de régions; il s'agit essentiellement d'esclavage pour dettes – Asie du Sud-Est, Amérique latine… – et d'exploitation de femmes et d'enfants pour la prostitution. Ainsi, en 1999, l'Organisation internationale du travail (OIT) a condamné la Birmanie pour son recours systématique au travail forcé – plus de 500 000 personnes seraient concernées.
En Inde, l'esclavage pour dettes est toujours présent dans l'agriculture, les métiers du bâtiment, ou encore la production de tapis ou de poteries ; le travail des enfants est utilisé dans la fabrication de perles de verre, le tissage des tapis ou encore la confection de feuilles d'or ou d'argent. Au Pakistan, l'esclavage pour dettes se rencontre dans les secteurs de la briqueterie, de la cordonnerie, du tissage, dans l'agriculture ou dans la fabrication de bidis (cigarettes d'eucalyptus). Les dettes revêtant parfois un caractère héréditaire, l'institution du servage pour dettes s'assimile à une forme réelle d'esclavage.
Ce n'est pas forcément le cas de la prostitution, bien que la question soit de plus en plus actuelle. En Thaïlande, aux Philippines, certains adolescents des deux sexes se prostituent contre leur gré. Le phénomène a pris une telle ampleur que certaines organisations parlent, à propos de la vente par leurs parents ou du rapt puis de la prostitution d'enfants birmans en Thaïlande, de politique délibérée de destruction de certaines ethnies de Birmanie. La prostitution des enfants n'épargne pas les pays occidentaux, comme l'ont montré plusieurs affaires, tant en Belgique qu'en France, à la fin des années 1990.
Enfin, dans certaines régions d'Afrique et du Moyen-Orient, des formes d'esclavage subsistent ; la Société internationale antiesclavagiste de Londres estime que la servitude financière, le servage sous couvert de contrats de travail, les fausses adoptions et l'asservissement imposé aux femmes mariées sont encore responsables de l'assujettissement de plusieurs millions d'êtres humains. Il existe aussi des personnes vivant dans la misère qui se vendent ou qui vendent leurs enfants comme esclaves. En Arabie Saoudite, le gouvernement estimait, en 1962, que le pays comptait encore quelque 250 000 esclaves.
Dans l'Empire français, le travail forcé n'a été aboli qu'en 1946, sur les instances, entre autres, de Félix Houphouët-Boigny et de Léopold Sédar Senghor, alors députés à l'Assemblée nationale ; les travailleurs africains réquisitionnés de force étaient notamment employés à des constructions d'infrastructures comme des voies de chemin de fer.

 

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AIGLE ROYAL

 

 

 

 

 

 

 

aigle royal

Tournoyant très haut dans le ciel, l'aigle royal explore son vaste domaine. Parmi plus de 300 espèces de rapaces diurnes, il est sans doute celui qui incarne le mieux l'oiseau de proie. L'homme, qui l'a longtemps pourchassé, cherche maintenant à préserver ce superbe oiseau au regard fier et à l'envergure impressionnante.
Introduction

Il est plus courant de découvrir des restes de mammifères ou des coquilles de mollusques que des traces fossiles, même fragmentaires, d'oiseaux. Car la structure délicate de leur squelette, leurs os creux et la fragilité de leurs plumes ne permettent pas une bonne fossilisation. Cela explique pourquoi l'étude phylogénétique, c'est-à-dire la détermination des modalités de l'évolution des oiseaux, n'est pas aisée. Toutefois, certains des matériaux fossiles existants ont conduit les paléontologues à établir des affinités entre les rapaces et les cigognes, ibis et hérons (ciconiiformes) et, de façon plus éloignée, avec les pélicans (pélécaniformes).
Les ancêtres primitifs des rapaces font leur apparition entre 63 et 36 millions d'années avant notre ère. En ces temps reculés vivent des rapaces d'une taille impressionnante, parfois inaptes au vol, tel Diatryma, dont l'aspect rappelle celui d'une autruche et qui habite les plaines d'Amérique voici 60 millions d'années. Avec son énorme bec, crochu et acéré, et sa taille (2,10 m), il est sans doute un prédateur redoutable. De l'oligocène au pliocène (de - 36 à - 2 millions d'années), de nombreuses espèces d'oiseaux existant encore voient le jour. Parmi celles-ci des rapaces, et peut-être l'aigle royal, ou du moins une forme voisine de celle que nous connaissons. Résultat d'une longue évolution, l'aigle royal, après avoir traversé avec succès les bouleversements climatiques du pléistocène (de - 2 millions d'années à - 10 000 ans), a été confronté, à notre époque, à des dangers qui l'ont mis en péril.
Présent sur quatre continents, l'aigle royal a longtemps été chassé par l'homme. Il a dû supporter et il subit encore les ravages de l'agriculture intensive et de ses moyens chimiques (dont le DDT, qui s'accumule dans les tissus, provoquant une baisse dramatique de la fécondité) ; ces produits ont causé des dégâts considérables sur les populations de rapaces. De nombreux pays ont adopté une législation interdisant les pesticides les plus nocifs. Ces mesures seront-elles suffisantes pour que l'aigle continue à tracer ses orbes superbes dans le ciel ?
La vie de l'aigle royal

Soudain, tel un projectile, l'aigle fond sur sa proie

Comme tous les rapaces, l'aigle sait économiser ses forces et son énergie. Il ne passe pas plus de temps qu'il nest nécessaire à chasser. Tout d'abord, il attend que les rayons du Soleil aient suffisamment réchauffé le sol ; l'augmentation de la température provoque alors l'apparition de courants d'air chaud ascendants qui lui permettent de s'élever en planant, ailes largement étendues.
L'exploration méthodique du territoire peut commencer. Ayant choisi un secteur propice, l'aigle amorce une descente en spirale, guettant le moindre mouvement qui trahirait une proie, grâce à une acuité visuelle remarquable. En montagne, il profite au mieux des escarpements du relief pour surgir à l'improviste. Dans la taïga, il apparaît brutalement au détour d'une clairière, comptant sur l'effet de surprise, gage du succès. S'il lui arrive de se lancer sur un oiseau en plein vol, il préfère la capture à terre. Il est rare que l'aigle pique directement du haut du ciel, peu fréquent qu'il fonde depuis un arbre après être resté à l'affût.
Quand les aigles chassent en couple, l'un des deux effraye les proies pour que l'autre, prêt à l'attaque à 100 ou 200 m en arrière, profite de la panique que son rabatteur aura su créer. En l'absence d'ascendances thermiques, la prospection se limite à un vol battu plus près du sol.
Un frémissement imperceptible vient de trahir la présence d'un lapin ou d'une marmotte : l'aigle accélère ses battements d'ailes, abaisse sa trajectoire, vole en rase-mottes. La future victime tente une fuite éperdue. Trop tard ! Les pattes puissantes, munies de formidables serres acérées ont frappé en un éclair... L'aigle victorieux trône sur sa proie, ailes écartées, bec ouvert.
Quand il pleut ou quand il neige, la chasse est intermittente ou, même, cesse totalement. Elle s'intensifie, au contraire, durant l'élevage des jeunes. Mais cet accroissement des besoins correspond à la belle saison, lorsque les victimes abondent. L'aigle chasse de préférence les mammifères et les oiseaux. Les mammifères – lapins, lièvres, rats, marmottes, hérissons, sousliks (petits rongeurs des steppes orientales) ou chevreuils – représentent tantôt près de 95 % des proies, tantôt un peu plus de 20 % à peine, selon les saisons ; ces pourcentages varient de près de  80 % à environ 19 % en ce qui concerne les tétraonidés, c'est-à-dire les lagopèdes et les coqs de bruyère. Les proportions de ces gibiers varient également, de façon notable, selon les régions. Les tétraonidés, par exemple, représentent environ 26 % du total des proies en Écosse, et plus de 60 % en Finlande.
L'aigle royal capture parfois des passereaux, des canards, des grues. Mais il ne se contente pas de ces proies vivantes. Dans les massifs montagneux, au printemps, les aigles explorent les couloirs d'avalanches où le dégel dégage les carcasses de chamois ou de bouquetins tués au cours de l'hiver. À ces charognes (38 % du poids de la nourriture en Écosse) s'ajoutent les prises de poissons, de lézards, de vipères ou même de tortues. L'aigle royal enlève ces dernières dans les airs avant de les lâcher au-dessus de rochers où leur carapace se brise.
L'aigle ne peut emporter une victime dont le poids est supérieur au sien, soit 6,350 kg pour les femelles les plus lourdes. L'enlèvement d'enfants ou de moutons appartient donc à la légende.
Plus d'échecs que de réussites
Il est fréquent que les animaux qu'il poursuit le déroutent et, pour ne pas gaspiller ses forces, il abandonne alors sa traque. Sa robustesse lui permet heureusement de jeûner sans danger plusieurs jours de suite.
En temps normal, l'aigle royal consomme, chaque jour, une moyenne de 230 g de nourriture ; soit un total annuel de 84 kg, ce qui correspond à 214 kg de captures.
Un territoire pour la vie

Le choix et l'occupation d'un territoire sont pour l'aigle essentiels. De sa possession dépendent ses ressources alimentaires et la possibilité de se reproduire, l'aigle ne choisissant une compagne, généralement, qu'après avoir trouvé ce territoire.
Des études menées en Europe et aux États-Unis ont montré que l'étendue du territoire varie en fonction de la richesse locale en proies et, dans les zones montagneuses, des sites de nidification disponibles. Elle est ainsi de 43 à 94 km2 en Écosse, de 49 à 153 km2 en Californie, mais de 73 km2 dans l'Idaho, de 172 km2 dans le Montana et de 300 km2 dans les Alpes suisses ; dans les Alpes françaises, elle varie de 225 à 625 km2 (soit 14 fois plus qu'en Écosse).
Un territoire n'est jamais exploité ou défendu en totalité et plusieurs d'entre eux peuvent avoir, à leur périphérie, des zones communes. À l'intérieur du territoire, les aigles ne prospectent de façon systématique qu'un secteur central, appelé territoire de chasse. Celui-ci couvre de 20 à 40 km2, parfois seulement de 10 à 12 km2, ce qui représente environ de un tiers à un cinquième du territoire total. La surface des territoires et le nombre limité d'aigles rendent exceptionnels les rencontres et les affrontements.
La distance entre les aires, ou nids, occupées par deux couples d'aigles royaux est en moyenne de 5 km. Elle dépend de la taille des territoires. Dans les Alpes françaises, elle varie de 3,8 à 25 km. Dans l'Idaho (États-Unis), J.J. Beecham et M.N. Kochert ont noté, pour 56 aires occupées, des distances comprises entre 800 m (exceptionnel) et 16 km.
Les aigles royaux s'unissant souvent pour la vie, sauf accident, un couple d'aigles garde son territoire plusieurs années consécutives. À la mort de l'un des partenaires, le survivant, surtout s'il s'agit du mâle, conserve ses droits de propriété sur le territoire du couple.
Un choix de plusieurs nids sur le territoire
Le couple, une fois établi, construit une ou plusieurs aires, distantes entre elles de quelques mètres à 5 ou 6 km.
Année après année, le couple privilégie une aire ou il alterne celle-ci avec une autre, à moins qu'il n'en réapprovisionne deux ou trois avant le choix définitif de la femelle. C'est elle aussi qui en dirige, tout en y participant, la construction et l'entretien. Les branchages sont ramassés au sol ou brisés sur les arbres. L'aigle fond sur l'arbre et agrippe une branche de ses serres. Sous la charge, la branche cède. Mais elle résiste parfois à ce premier assaut... Le travail de finition consiste à disposer des feuillages frais au sommet du nid. Cette tâche dure 3 ou 4 mois.
À l'origine, l'édifice mesure une quarantaine de centimètres d'épaisseur pour un mètre de diamètre, mais, au fil des années et si le support s'y prête, il atteint deux ou trois mètres de diamètre et de deux à quatre mètres de haut. Les aires sur une corniche rocheuse ne prennent jamais les proportions de celles qui, bâties sur un arbre, s'élèvent, à loisir, dans l'espace. Le record : 5,2 m de hauteur sur 1,3 m de diamètre... Les gros nids pèsent des centaines de kilos.
Les aires qui ne sont pas retenues pour la nidification sont utilisées à d'autres fonctions. Les aigles peuvent y passer la nuit, s'y reposer pendant la journée ou en faire des charniers où la nourriture excédentaire est stockée. La distance la plus importante relevée entre le point de capture d'une proie et l'aire est de 16 km.
Le temps des parades
Le temps des parades

Pour élire une partenaire ou honorer sa compagne, l'aigle la courtise en plein ciel. Ces jeux nuptiaux commencent aux beaux jours de l'hiver quand les ascendances thermiques sont favorables. Le couple s'élève en spirale et vole ailes étendues. Les grandes plumes se frôlent parfois. Soudain, le mâle gagne en altitude avant de piquer sur la femelle, ses ailes à moitié repliées, simulant l'attaque. Sur sa lancée, il reprend de la hauteur et recommence à plusieurs reprises ce manège. La femelle bascule sur le dos et feint de parer de ses serres ce semblant d'assaut. Parfois, elle agrippe, un instant très bref, les serres du mâle. Selon les régions, ces parades spectaculaires cessent en janvier ou se prolongent jusqu'en mars-avril.

Protégés par leurs parents pendant trois mois

La femelle de l'aigle pond de début de mars aux premiers jours d'avril, selon les latitudes. Les œufs, de 130 à 160 g chacun, sont peu nombreux : soit un seul, soit deux (dans un cas sur quatre), exceptionnellement trois ou quatre. Les œufs sont pondus un par un, à trois ou quatre jours d'intervalle.
La femelle, dotée d'une plaque incubatrice, assure l'incubation. Si elle décide de chasser, le mâle peut couvrir les œufs, mais tous ne le font pas.
Lorsque la femelle s'absente, il arrive qu'un grand corbeau détruise les œufs. La femelle peut alors recommencer à pondre. Cette « ponte de remplacement », qui existe aussi chez certains autres oiseaux, n'est pas systématique chez l'aigle. On a observé qu'elle peut aussi intervenir lorsque l'œuf pondu est clair, c'est-à-dire non fécondé.
Chaque œuf a besoin de 43 à 45 jours d'incubation. Pendant cette période, les aigles ne supportent aucun dérangement et n'hésitent pas à abandonner le nid et la ponte s'ils se sentent inquiétés. Après l'éclosion, la femelle couvre ses petits pendant quinze jours. Entre le sixième et le quinzième jour, un duvet fourni se substitue au premier, fin et blanc. Le mâle relaie quelquefois la femelle pour protéger les petits. Lui seul chasse, au début, ensuite sa compagne le seconde. Les deux premiers mois, elle distribue la nourriture à la couvée, en déchiquetant en menus morceaux les chairs des proies qu'elle rapporte au nid. Les aiglons les happent du bec et les ingurgitent en hésitant, tête dodelinant. À mesure qu'ils grandissent, elle leur donne à déglutir des lambeaux de plus en plus volumineux pour qu'ils apprennent à lacérer eux-mêmes les proies.
L'apprentissage de la vie
Le séjour au nid dure de 65 à 81 jours. Durant la dernière phase, les adultes ont un surprenant comportement, en cessant tout nourrissage des petits. Les aiglons, affamés par ce jeûne imposé, subsistent sur leurs réserves de graisse qui, en s'épuisant, les allègent. Ils éprouvent alors la solidité de leurs ailes et les musclent en les exerçant à battre avec vigueur. Après une semaine de privation et d'entraînement, ils sont prêts aux combats de l'existence.
Dans 80 % des cas, l'aîné seul survit. Plus robuste, il maltraite son cadet, le harcèle en le piquant du bec, s'arrange pour être le premier servi lors des becquées et parfois même, le boute hors du nid. Mais, si le plus faible atteint l'âge de huit semaines, les sévices de l'aîné s'arrêtent.
À ce moment, de véritables plumes ont remplacé le deuxième duvet. Ce premier plumage sera progressivement remplacé par le plumage définitif à partir de mars, l'année suivant la naissance.
Une espèce peu féconde, donc fragile
Le succès de la nidification dépend, par ailleurs, des conditions atmosphériques, d'une nourriture abondante, de la tranquillité des oiseaux et d'un environnement de qualité. La fécondité (ponte et éclosion) réelle diminue dès que ces conditions ne sont pas remplies.
Une étude menée en Écosse entre 1964 et 1968 par le zoologiste M.J. Everett montre que le taux de fécondité peut être très inférieur au taux théorique de l'espèce. Lors de cette étude, e taux de réussite de la reproduction sur 155 territoires occupés était de 1,22 jeune par couple pour les 64 couples ayant mené à bien la nidification. Cela équivaut à seulement 0,66 jeune par couple par rapport au nombre total de couples nicheurs, et le taux descend à seulement 0,5 jeune par couple si l'on considère la totalité des territoires occupés pendant la saison de reproduction. Au final, il n'y avait que 77 jeunes à l'envol pour 155 territoires.
Les secrets de la plaque incubatrice
Les secrets de la plaque incubatrice

La plaque incubatrice permet à la femelle de maintenir en permanence l'œuf à la température élevée dont il a besoin pour éclore. Cette zone de la face ventrale se modifie aux approches de la reproduction par des changements successifs. Sous l'action d'hormones, le duvet qui protège la peau tombe peu à peu jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait dénudée ; et sa surface s'échauffe grâce à un afflux de sang dans les vaisseaux capillaires qui se sont mis à gonfler. L'équilibre thermique, indispensable à la couvaison, se trouve alors assuré. Les femelles de la plupart des oiseaux possèdent, comme l'aigle, une plaque incubatrice, parfois même plusieurs. En son absence, chaque espèce adopte sa propre méthode de substitution. Les canards s'arrachent le duvet ventral et en garnissent leur nid ; les fous de Bassan couvrent leur œuf de leurs pattes palmées, toujours irriguées en abondance ; quant au manchot empereur, il dépose son œuf sur ses pattes, l'abritant ainsi dans un repli de la peau de son ventre.

L'adolescence des aiglons, le dur apprentissage du vol avant l'exil

Après trois mois passés dans le nid, sous la surveillance attentive de leurs parents, les aiglons découvrent la technique complexe du vol et apprennent à la maîtriser. Aux premiers essais, des accidents se produisent, en particulier à l'atterrissage. Les apprentis calculent mal leur vitesse et culbutent. Ils courent alors se réfugier dans l'aire. Ils répètent ce manège jusqu'aux premiers succès. Ils s'enhardissent et sont bientôt capables d'accompagner leurs parents pour apprendre les secrets de la chasse et les imiter. Le groupe familial peut rester soudé pendant encore trois mois, tant que les petits chassent avec les adultes pour la nourriture. Tolérés parfois jusqu'au printemps qui suit leur naissance, ils sont, par la suite, exclus du territoire parental. Commence alors une longue errance jusqu'à leur maturité sexuelle, vers trois ou quatre ans. Les jeunes immatures tentent rarement de pénétrer dans des territoires occupés ; ils se maintiennent en marge de ceux-ci et sillonnent des régions où l'espèce ne niche pas. Les aiglons des régions nordiques entreprennent alors de longs voyages qui ressemblent à des migrations.
Pour tout savoir sur l'aigle royal

Aigle royal (Aquila chrysaetos)

Aigle royalAigle royal
L'aigle royal est l'archétype du chasseur aérien, avec cette aptitude à maintenir étalées ses longues ailes pour les vols ascensionnels et les glissades planées ou à les refermer à moitié dans les piqués en flèche. Les muscles pectoraux, puissants, règlent des battements d'ailes tantôt amples et lents, tantôt accélérés afin de gagner en vitesse, en phase de chasse active.
Le plumage des jeunes immatures est plus foncé que celui des adultes. Il est en outre caractérisé par trois larges zones blanches frappant chaque aile et la base de la queue. Peu à peu, au fil des mues, ces marques disparaissent et le plumage s'éclaircit, surtout à la tête. Le plumage adulte complet est atteint vers trois ans et demi, mais des traces blanches subsistent parfois plus longtemps jusqu'à l'âge de six ou huit ans.
Les femelles sont en moyenne plus lourdes (20 %) et plus grandes (10 %) que les mâles. Ce dimorphisme sexuel est fréquent chez les rapaces diurnes, et particulièrement net chez les faucons.
Les facultés visuelles justifient l'expression « avoir un regard d'aigle ». Une proie, si petite soit-elle, est repérée sans effort à plusieurs centaines de mètres.
Tous les aigles, enfin, ont reçu en partage un bec et des serres redoutables. Cependant, ils usent de leurs moyens avec discernement. Hors de la saison de reproduction et d'activité intense, ils peuvent se percher, immobiles, plus de dix heures par jour. Modérant leurs besoins, ils supportent, sans inconvénients, un jeûne d'une semaine.
La robustesse de la constitution des aigles royaux et la variété de leur régime alimentaire expliquent que la plupart d'entre eux soient sédentaires. À la mauvaise saison, ils se bornent à compenser la raréfaction du gibier en agrandissant leur territoire de chasse. Mais, au nord de 60° de latitude, leur situation diffère. Les aigles savent, quand il le faut, devenir migrateurs. Ils fuient les hivers trop rudes de ces régions et gagnent, vers le sud, des contrées plus hospitalières. Un sujet bagué en Finlande a été repris en Hongrie ; il avait parcouru 2 100 km.
Les sous-espèces
Il existe 6 sous-espèces d'aigle royal. Elles ne se distinguent les unes des autres que par la taille (5 à 6 cm de marge, par exemple, pour la longueur de l'aile fermée) et un plumage plus ou moins foncé. Il est à l'heure actuelle encore impossible d'évaluer précisément les effectifs de ces sous-espèces à travers le monde.
Aigle royal, Aquila chrysaetos chrysaetos.
Habitat : Eurasie occidentale, sauf l'Espagne. Se rencontre à l'est jusqu'en Sibérie occidentale et dans les monts Altaï.
Aigle royal d'Afrique du Nord, Aquila chrysaetos homeyeri.
Habitat : Espagne, Afrique du Nord jusqu'en Égypte, Asie Mineure jusqu'au Caucase et en Iran.
Aigle royal « d'Asie méridionale », Aquila chrysaetos daphanea.
Habitat : de l'Asie du Turkestan à la Mandchourie, sud-ouest de la Chine, nord de l'Inde, Pakistan.
Aigle royal d'Asie orientale, Aquila chrysaetos kamtschatica.
Habitat : localisé à l'est de la Sibérie occidentale et des monts Altaï.
Aigle royal « japonais », Aquila chrysaetos japonica.
Habitat : Japon et Corée.
Aigle royal « américain », Aquila chrysaetos canadensis.
Habitat : Amérique du Nord.
AIGLE ROYAL
Nom
(genre, espèce) :
Aquila chrysaetos
Famille :
Accipitridés
Ordre :
Falconiformes
Classe :
Oiseaux
Identification :
Rapace de grande taille, excellent planeur. Le plumage s'éclaircit avec l'âge
Longueur :
De 75 à 88 cm
Envergure :
De 1,85 à 2,20 m
Poids :
De 2,840 à 6,665 kg
Répartition :
Europe, Asie, Amérique du Nord, extrême nord-ouest de l'Afrique
Habitat :
Taïga, massifs montagneux
Régime alimentaire :
Carnivore : proies et charognes
Structure sociale :
Monogame
Maturité sexuelle :
À 3 ou 4 ans
Saison de reproduction :
De la fin de l'hiver au printemps
Durée de l'incubation :
De 43 à 45 jours
Nombre de jeunes :
1 ou 2 (jusqu'à 4)
Poids à la naissance :
105 g
Espérance de vie :
Inconnue ; 75 % de pertes avant 4 ans
Longévité :
32 ans dans la nature, 46 ans en captivité
Effectifs, tendances :
estimations : 250 000 individus ; le déclin semble enrayé
Statut, protection :
Intégralement protégé dans certains pays, dont la France
Remarque :
Parfois utilisé en fauconnerie
 
Signes particuliers

Regard perçant
Comme la plupart des rapaces diurnes, l'aigle présente une arcade sourcilière saillante qui lui confère un aspect féroce. Cette particularité anatomique, que l'on retrouve chez d'autres bons voiliers comme les martinets, améliore la vision en diminuant l'éblouissement, et permet une meilleure protection de l'œil lors de la pénétration dans l'air à grande vitesse.
Bec adapté
Plus qu'une arme, le bec est un outil à déchiqueter la chair. La mandibule supérieure est beaucoup plus importante que l'inférieure. Ses bords tranchants et son extrémité acérée et recourbée trahissent une alimentation exclusivement carnivore. Les narines sont protégées par un étui corné jaune nommé « cire ».
Serres d'acier
C'est l'arme de choc de l'aigle. Au bout des pattes puissantes, quatre doigts épais, de couleur jaune, se terminent par un ongle sombre, recourbé et très acéré. Sur leur face inférieure, les doigts sont renforcés de pelotes écailleuses. Manœuvrées par des tendons aussi résistants que des câbles métalliques, les serres se referment sur la proie avec une force incroyable. Long de 6 à 7 cm, l'ongle du pouce, ou « avillon », dépasse les autres. Son rôle est déterminant au moment de tuer le gibier prisonnier des serres : l'avillon, à la façon d'une dague, perce la victime pour atteindre, d'un coup, l'organe vital.
Pattes emplumées
L'aigle royal est de ces rapaces dont les tarses, pris entre le talon et les doigts, sont recouverts de courtes plumes. Cette particularité n'a pas encore d'explication. Il semble que, dans les zones froides, ce manchon de plumes le protège contre la rigueur du climat.
Pelotes écailleuses
Ces protubérances cornées sous les doigts sont jaunes aussi. Elles agissent comme des crampons et permettent à l'aigle d'assurer la prise.
Les autres aigles

Les systématiciens ont rassemblé les rapaces diurnes dans l'ordre des falconiformes, divisé en 3 familles (les accipitridés, les cathartidés et les falconidés). Les aigles, au sens large, appartiennent à celle des accipitridés et sont répartis en plusieurs genres. L'aigle royal fait partie du genre Aquila. Les 11 autres espèces de ce genre possèdent avec lui d'étroites affinités morphologiques. Elles ne diffèrent que par la taille et la coloration, combinaison de bruns plus ou moins clairs et de blanc. À l'exception de l'Amérique du Sud, les aigles du genre Aquila habitent tous les continents. Les milieux fréquentés sont variés, de la taïga aux marges des déserts, en passant par les steppes et la forêt équatoriale. Ces aigles sont tous carnivores. Ils se nourrissent, dans des proportions variables, de proies vivantes et de charognes.
Aigle impérial (Aquila heliaca)
Identification : jusqu'à 92 cm de long ; 1,85 à 2,15 m d'envergure.
Brun avec le sommet de la tête, la nuque et le dessus du cou beige très clair. Marques blanches plus ou moins étendues sur le haut du dos et à l'avant des ailes.
Habitat : zones semi-boisées de basse altitude ; Europe occidentale, Europe centrale et Asie occidentale.
En partie migrateur.
Effectifs : quelques milliers de couples : population européenne comprise entre 1 110 et 1 624 couples.
Aigle ibérique (Aquila adalberti)
Identification : 75 à 84 cm de long ; 1,9 à 2,2 m d'envergure.
Ressemble à l'aigle impérial.
Habitat : zones semi-boisées de basse altitude ; Espagne, Portugal (jadis Maroc, mais l'espèce en a disparu). Partiellement migrateur (France, autrefois Algérie).
Effectifs : environ 250 couples nicheurs ; effectifs en hausse. L'aigle ibérique a frôlé l'extinction dans les années 1960, avec seulement 30 couples survivants.
Aigle ravisseur (Aquila rapax)
Identification : 65 à 72 cm de long ; 1,70 à 1,90 m d'envergure.
Plumage variable. Le corps peut être d'un beige pâle, en contraste net avec l'arrière des ailes et la queue brun sombre.
Habitat : forêts et savanes arborées, en Afrique et en Inde.
Alimentation : se contente souvent de charognes et s'empare parfois des proies capturées par des rapaces plus faibles.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 000).
Aigle des steppes (Aquila nipalensis)
Identification : 70 à 80 cm de long ; 1,75 à 2,10 m d'envergure.
Parfois considéré comme une sous-espèce de l'aigle ravisseur. Brun sombre.
Habitat : steppes et semi-déserts d'Europe orientale et d'Asie centrale. Niche à terre. Migrateur.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 d'individus.
Aigle criard (Aquila clanga)
Identification : 62 à 74 cm de long ; 1,55 à 1,80 m d'envergure.
Brun foncé, avec un croissant blanchâtre à la racine de la queue. Les immatures se reconnaissent à leur plumage tacheté de blanc sur les ailes.
Habitat : forêts, souvent près de l'eau ; Europe orientale, Asie, Afrique du Nord.
Migrateur.
Effectifs : moins de 10 000 individus (dont population de Russie asiatique comprise entre 2 800 et 3 000 couples) ; Europe : au plus 900 couples ; effectifs en diminution.
Aigle pomarin (Aquila pomarina)
Identification : 62 à 74 cm de long ; 1,35 à 1,60 m d'envergure.
Brun un peu plus clair que l'aigle criard dont il se distingue à peine.
Habitat : forêts, parfois marécageuses ; Europe centrale et nord de l'Inde. Migrateur, hivernage en Afrique orientale.
Effectifs : entre 80 000 et 110 000 individus (estimations 2006).
Aigle lancéolé (Aquila hastata)
Identification : en moyenne 65 cm de long.
    Ressemble à l'aigle pomarin (dont on a longtemps pensé qu'il était une sous-espèce). Il est encore mal connu.
Habitat : Hzones boisées, milieux ouverts ; péninsule indienne.
Effectifs : moins de 10 000 individus (estimations) ; en déclin.
Aigle de Wahlberg (Aquila wahlbergi)
Identification : 1,60 à 1,70 m d'envergure.
Brun uni.
Habitat : savanes arborées, Afrique occidentale. Migrateur à l'occasion.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 000).
Aigle de Verreaux (Aquila verreauxi)
Identification : 80 à 90 cm de long ; 2,25 à 2,45 m d'envergure.
Brun-noir avec la base du dos blanc pur, plage claire à l'aile.
En envergure l plus grand aigle du genre Aquila.
Habitat : zones montagneuses ; Afrique orientale et méridionale. Évite le voisinage de l'homme. Niche à proximité de rapaces plus grands.
Effectifs : inconnus avec précision ; population globale comprise entre 10 000 et 100 000 individus.
Uraète audacieux (Aquila audax)
Identification : 90 à 110 cm de long ; 1,90 à 2,40 m d'envergure.
Brun-noir.
Habitat : zones ouvertes (prairies ou savanes) arborées ; Australie, Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Alimentation : charognes.
Remplace les vautours, absents du continent. S'attaquant aux moutons, il est chassé par les éleveurs. Il est menacé, malgré son rôle utile de « nettoyeur ».
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000).
Aigle de Gurney (Aquila gurneyi)
Identification : 1,80 à 1,90 m d'envergure.
Brun-noir.
Habitat : forêts vierges ; ouest de la Nouvelle-Guinée et archipel des Moluques (Indonésie).
Effectifs : inconnus.
Milieu naturel et écologie

Les aigles du genre Aquila exploitent principalement trois milieux : la forêt, la montagne et les milieux ouverts, savanes ou steppes. Le milieu forestier comprend aussi bien la forêt de caducs en plaine, marécageuse ou non, la forêt de conifères, et même la forêt équatoriale dans le cas de l'aigle de Gurney.
Cette capacité d'adaptation à des milieux aussi divers a permis aux aigles du genre Aquila de se répandre dans de nombreuses parties du monde. L'habitat qu'occupe l'aigle royal dépend des régions qu'il fréquente. En général, il évite les régions humides. Il préfère les secteurs montagneux et, dans la partie orientale de son aire de répartition, la taïga ; mais on le rencontre également dans des habitats de type méditerranéen et dans des zones de steppe ou encore, plus rarement, dans des régions franchement désertiques. Il n'est pas, en principe, un oiseau des cimes puisqu'il s'installe depuis le niveau de la mer jusqu'à 3 000 m. L'altitude n'a donc pas une importance fondamentale. Toutefois, en montagne, il bâtit son nid entre 1 000 et 2 500 m (vers 1 500 m en moyenne).
La présence de l'aigle révèle l'équilibre du milieu naturel
Quel que soit l'habitat considéré, l'aigle intervient de façon déterminante sur l'écologie, à la fois comme prédateur et « superprédateur ». En raison de l'immensité de son territoire et donc de l'abondance locale et de la variété des proies, l'aigle dispose en permanence de réserves alimentaires potentielles qui, dans des conditions normales, lui permettent de subsister et de subvenir à tous les besoins d'une nichée.
On a pu calculer qu'un couple d'aigles n'exploitait annuellement que de 1/14 à 1/129 des richesses offertes par le milieu. Le grand rapace obéit ainsi aux lois naturelles et n'épuise pas les ressources de son habitat. Au contraire, ce dernier conserve un équilibre, car un rapport convenable est maintenu entre les réserves nutritives de base (végétaux, insectes), les proies qui les consomment et les prédateurs qui chassent ces proies.
Comme tous les prédateurs, l'aigle exerce une fonction à la fois sélective et sanitaire.
Il sélectionne : en capturant les animaux affectés d'une tare quelconque, il les élimine, par là même, du cycle reproducteur d'une espèce qu'ils auraient, à terme, affaiblie. Son rôle sanitaire revêt deux aspects : il prévient les épidémies en supprimant des individus malades ou contagieux, et il nettoie les charognes avant qu'elles ne se transforment en foyers d'infection. La présence de l'aigle révèle l'équilibre d'un milieu et en maintient la qualité.
En tant que superprédateur, il limite le nombre des prédateurs ; il évite ainsi un prélèvement trop important des proies situées en bas de la pyramide alimentaire (petits mammifères et oiseaux se nourrissant de plantes ou d'insectes). Son rôle – fondamental – consiste à empêcher un déséquilibre néfaste.
Les autres aigles du genre Aquila jouent également un rôle important dans les milieux qu'ils occupent, chaque espèce s'inscrivant dans la chaîne alimentaire, tant sur les lieux de nidification que dans les zones d'hivernage.
L'aigle pomarin, lors de son séjour estival en Europe, consomme de nombreux petits rongeurs (campagnols, rats, hamsters, spermophiles), qui détruisent le couvert lorsqu'ils existent en trop grand nombre). Au cours de son hivernage en Afrique orientale, il se nourrit surtout de termites ou capture au nid de jeunes Quelea (travailleurs), petits passereaux très prolifiques et ravageurs de récoltes.
Les aigles des steppes se contentent de sousliks pendant la saison de nidification en Eurasie. En Afrique, durant l'hivernage, leur régime diffère selon l'âge des oiseaux. Les adultes chassent seuls et se nourrissent de petits mammifères et de charognes. Les jeunes immatures, en groupes, imitent les aigles pomarins et fondent sur les termites et les jeunes Quelea.
L'aigle de Verreaux est un sédentaire des zones montagneuses d'Afrique orientale et méridionale. Parmi ses proies – des mammifères de taille moyenne – figurent en priorité des hyrax gris (sorte de damans) et des damans des rochers qui ressemblent à de gros cobayes.
L'aigle royal et l'homme

Symbole de gloire et victime de l'homme

L'homme, depuis toujours, s'est comporté vis-à-vis de l'aigle royal d'une manière ambiguë. Dans l'histoire – et ce, dès l'Antiquité –, il l'a honoré comme le symbole guerrier de la puissance, de la gloire. Mais, si les emblèmes exaltent l'oiseau, celui-ci n'en a pas été pour autant sauvé des persécutions ; autrefois victime de la chasse, il l'a été également de certains pesticides utilisés de façon intensive.
L'aigle royal en fauconnerie
Le faucon pèlerin, autre rapace de haut vol, capable de « lier » un oiseau en plein ciel, a toujours été plus recherché en fauconnerie que l'aigle royal qui capture de préférence le gibier à terre.
La fauconnerie occidentale s'est développée à partir du Moyen Âge. Loisir des rois et des seigneurs, c'est en Asie qu'elle trouva son origine avant de gagner l'Europe. Au ive siècle avant J.-C., l'historien grec Ctesias mentionnait déjà l'utilisation d'aigles par des chasseurs au nord de l'Inde.
Aujourd'hui, la plupart des espèces de rapaces diurnes, menacées, sont protégées. Aussi les réglementations autour de la fauconnerie sont-elles très strictes dans la plupart des pays.
En France, quelques fauconniers utilisent encore l'aigle royal pour la chasse aux lapins et aux renards, mais cette pratique est devenue rare. La réglementation française concernant la détention, le transport et l'utilisation de rapaces à des fins cynégétiques, c'est-à-dire pour la chasse au vol, est très stricte. Une carte spéciale est délivrée par le préfet, seul habilité à l'autoriser. Chaque oiseau de fauconnerie est muni d'une bague spéciale d'identification. La plupart des oiseaux utilisés, des faucons et des autours, sont nés en captivité.
La vie d'un aigle en france aujourd'hui
Les aigles royaux sont devenus moins nombreux en France dès le xixe siècle, mais leur déclin a surtout été rapide entre les années 1950 et la fin des années 1970, pendant lesquelles on estime que leurs effectifs ont baissé de 60 à 70 %. En 1972, l'espèce est proche de l'extinction : il ne reste qu'une soixantaine de couples. Depuis 1976, l'aigle royal bénéficie d'une protection intégrale, comme tous les rapaces.
L'interdiction de l'emploi en agriculture des pesticides organochlorés comme le DDT, en 1972, est l'une des mesures essentielles adoptées pour la protection des aigles. Ces substances non dégradables s'accumulent dans les graisses des animaux, tout au long de la chaîne alimentaire. Les superprédateurs, comme l'aigle royal et d'autres rapaces, étant en bout de chaîne, étaient les plus touchés. Leurs œufs devenaient stériles, et, en cas d'intoxication massive, les adultes mouraient.
Les tirs, empoisonnements et dénichages ont aujourd'hui cessé, mais les zones tranquilles sont peu nombreuses. En vol rapide, les oiseaux jeunes ne voient pas toujours les câbles de remontées mécaniques lorsque la luminosité est médiocre, en début ou en fin de journée. Ils se fracturent les ailes dans ces heurts, heureusement assez rares.
L'électrocution est plus fréquente. Elle peut se produire lorsque l'oiseau se pose sur certains pylônes. Il arrive aussi, comme cela s'est produit récemment dans l'Isère, en France, que l'aigle soit foudroyé en passant à proximité d'une ligne à haute ou très haute tension : une « fuite » de courant entraîne un phénomène d'arc électrique qui atteint l'oiseau en plein vol.
Les loisirs « verts », comme l'escalade ou la chasse photographique abusive, provoquent parfois des perturbations dans la vie des aigles, surtout en période de reproduction.
Aujourd'hui, 200 à 250 couples d'aigles royaux vivent en France dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif central, en Corse, ainsi que dans les Vosges et le Haut-Rhin.
Ces grands oiseaux, mieux connus grâce aux campagnes d'information et aux études des ornithologues modernes, ne passent plus comme autrefois pour des ravageurs de troupeaux et de gibier, des agresseurs de l'homme et des ravisseurs d'enfants.
Les études dans le monde
Tous les aspects de la vie de l'aigle royal, en matière de biologie, de comportement et de répartition, ont été étudiés en Europe et en Amérique du Nord. Mais les mouvements migratoires, la dispersion des jeunes, les causes et les taux de mortalité, le comportement social, les effectifs de quelques régions restent encore mal connus.
Pour suivre avec exactitude les déplacements et déterminer les limites des territoires des aigles, les chercheurs canadiens et, surtout, américains emploient très fréquemment la technique du radio tracking, ou radiopistage. Le procédé consiste à équiper l'aigle d'un minuscule émetteur en le fixant solidement à une plume de sa queue.
En Europe, les recherches et les études sur les déplacements des aigles n'utilisent pas les émetteurs, mais plutôt des techniques de comptage sur la base d'observations.
Ces dernières années, un programme d'études des déplacements des aigles a été mis en place en Écosse. Pour le réaliser, les ailes des oiseaux ont été munies de plaques en plastique coloré qui permettent de les identifier à distance et de connaître leurs mouvements.
Malgré la masse des données déjà acquises, il subsiste encore quelques zones d'ombre. Les progrès de la technique permettront sans doute enfin de faire toute la lumière.
Symbole de conquête et de puissance
Symbole de conquête et de puissance

Les Perses, les premiers, d'après Xénophon, auraient adopté le roi des rapaces comme emblème et l'auraient représenté en or. Dans la Rome antique, l'aigle, d'abord réservée à la milice, devint, sous le consulat de Marius, l'insigne des légions, et le resta jusqu'à l'époque de l'empereur Constantin, au début du IVe siècle. Au IXe siècle, l'aigle réapparaît en France sur les écus de Charles le Gros. Au XIe siècle, les empereurs germaniques, pour marquer leur filiation avec Rome, frappent d'une aigle leur blason.

L'aigle héraldique figure, depuis, sur de nombreuses armoiries, dont celles de la Pologne et de la Russie. En France, les aigles de la Grande Armée de Napoléon Ier sont restées célèbres.


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EMPIRE INCA

 

 

 

 

 

Empire inca

Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
Empire de l'Amérique précolombienne, qui s'étendait depuis le sud de la Colombie jusqu'au río Maule au Chili, et à l'est jusqu'à la forêt amazonienne.
HISTOIRE

Introduction

Les Incas considéraient Ayar Manco, ou Manco Cápac, comme le premier des douze ou treize souverains de leur dynastie ; il aurait régné vers le xiie s. De ce règne jusqu’à celui d’Atahualpa, vaincu en 1532 par le conquistador espagnol Francisco Pizarro, l’Empire inca étendit son pouvoir sur une vaste région de l'Amérique andine. L'une des grandes singularités de cet Empire, né dans la région de Cuzco, dans le Sud du Pérou, fut d'avoir intégré, dans une organisation étatique originale, la multiplicité socioculturelle des populations hétérogènes qui le composaient. Constitué en un peu moins d'un siècle, cet Empire – le Tahuantinsuyu, ou empire des Quatre Quartiers – s'étendait au moment de son apogée, à la fin du xve s., sur un territoire de 950 000 km2. Cuzco était son centre symbolique.
Les Incas n'étaient à l'origine qu'une des nombreuses tribus qui peuplaient le Pérou. Vers l'an 1000 après J.-C., après la chute des empires de Huari et de Tiahuanaco, ces tribus se regroupèrent en confédérations, parfois structurées en royaumes, et se développèrent comme autant de petites puissances régionales, qui s'affrontaient dans des guerres locales et entretenaient un état de conflit quasi permanent dans les Andes centrales. Les Incas s'associèrent à trois peuples voisins pour former la confédération de Cuzco, dont ils prirent le contrôle pour devenir l'une des principales puissances du sud du Pérou.
Un peuple conquérant

Mythes et légendes

Manco Cápac Ier
L'époque qui précède l'expansion de l'Empire est relatée dans les mythes d'origine, qui content la pérégrination des quatre frères Ayar, depuis la « grotte du devenir », Pacari-tampu (Paqarina), jusqu'à Cuzco. Issus du Soleil, Inti, qui va occuper une place prépondérante dans la religion officielle du futur Empire, les quatre frères, chacun à la tête de son clan, se seraient dirigés dans la vallée de Cuzco, fondant un village à chacune de leurs haltes jusqu'au jour où Ayar Manco, après s'être débarrassé de ses frères, resta seul chef de la migration. Au terme de ce voyage, il s'établit dans la vallée de Cuzco, où il fonda l'État inca, dont il devint le premier souverain sous le nom de Manco Cápac. Après lui se succédèrent sept Incas également légendaires – Sinchi Roca, Lloque Yupanqui, Mayta Cápac, Cápac Yupanqui, Inca Roca, Yáhuar Huácac et Viracocha – dont les premiers se contentèrent, pour affirmer leur domination, du pillage résultant d'escarmouches avec les peuples voisins; aucun d'entre eux ne paraît avoir été animé de l'esprit de conquête qui se manifesta, au xive s., sous le règne du septième Inca, Yáhuar Huácac : à cette époque, les Incas imposèrent par les armes leur pouvoir à tous les autres peuples de la vallée de Cuzco.

Mama Ocllo
Cette situation se trouva encore renforcée dès l'accession au pouvoir, au début du xve s., de Viracocha, successeur de Yáhuar Huácac, et dernier des souverains légendaires. Toutefois, sur ses vieux jours, Viracocha ne parvint pas à contenir l'expansion d'un autre peuple de la Cordillère centrale du Pérou, les Chancas ; en 1438, ces derniers, après avoir établi leur domination sur les Quechuas, groupe établi entre les territoires chanca et inca, tentèrent d'envahir la région de Cuzco. Devant cette menace, Viracocha dut abandonner Cuzco et s'enfuir avec son fils Urco.
Extension de l’empire

Mais un autre de ses fils, Cusi Yupanqui, rassembla les troupes incas et parvint à défaire les envahisseurs sous les murs mêmes de la capitale. Cusi Yupanqui s'empara alors du pouvoir, se fit proclamer Inca sous le nom de Pachacútec (« le Réformateur du monde »), envahit le territoire des Chancas avec l'aide de son fils, Túpac Yupanqui, puis, après avoir écrasé les Collas du bassin du Titicaca, transforma l'État inca en l'une des plus grandes puissances andines. Dès lors, de 1438 à 1471, l'Empire n'allait cesser de s'étendre en développant une politique souvent présentée comme l'accomplissement du destin civilisateur des Incas. Certaines conquêtes furent effectuées au prix de guerres sanglantes, d'autres se firent par des alliances obtenues sous la menace ou par la séduction. Les chefs des autres peuples préféraient entrer de leur plein gré dans l'Empire avant d'être vaincus, capturés, tués ou dépossédés du pouvoir par les troupes incas, réputées quasi invincibles.
Vers 1471, après avoir organisé l'État, bâti sa capitale et mené de grandes guerres, Pachacútec céda le pouvoir à son fils Túpac Yupanqui. Le nouvel Inca demeura fidèle à la volonté d'expansion qui avait caractérisé le règne de son père. Au nord, il soumit les Cañars pour étendre sa domination sur la presque totalité de l'actuel Équateur ; le royaume des Chimus tomba entre ses mains et, avec lui, toute la côte jusqu'à Lima ; au sud, malgré la vaillante résistance des guerriers Araucans, Túpac Yupanqui recula les frontières de l'Empire jusqu'au río Maule, en plein territoire chilien.
Chute de l’empire

Huayna Cápac, qui lui succéda en 1493, ne fit que consolider ce vaste empire en réprimant les révoltes qui éclatèrent çà et là. Il mourut en 1527, l'année même où Francisco Pizarro, débarquant pour la première fois à Tumbes, découvrait le royaume des Incas. À sa troisième expédition, quatre ans après, Pizarro trouva le Pérou en proie à une grave crise intérieure : à la mort de Huayna Cápac, une lutte de succession s'était ouverte entre deux de ses fils, Huáscar et Atahualpa. Ce dernier, après avoir vaincu les troupes de Huáscar, venait de prendre le pouvoir. Le 15 novembre 1532, Pizarro et la poignée d'hommes qu'il avait sous ses ordres parvenaient sans encombre à Cajamarca ; dès le lendemain, ils préparèrent la capture d'Atahualpa. L'Inca fut pris dans un guet-apens et fait prisonnier. La défaite de ses armées, sa mise à mort moins d'un an plus tard, le 29 août 1533, en dépit du versement d'une immense rançon, marquèrent l'écroulement définitif de l'Empire inca. Le Pérou devint la vice-royauté de Nouvelle-Castille, et Lima la nouvelle capitale en 1535. Malgré plusieurs tentatives désespérées pour secouer la domination espagnole, la puissance inca ne se relèvera plus : en 1572, le vice-roi, Francisco de Toledo, ordonna la capture et l'exécution de Túpac Amaru, fils du dernier souverain inca.
Une société rigide soumise à l’Inca

L’élite

Au sommet de la pyramide sociopolitique se trouvait le souverain, le Sapa Inca, c'est-à-dire « seul Inca », le fils du Soleil, qui régnait en maître absolu : le pouvoir était centralisé et d'origine divine. Toute une élite dirigeante, formée principalement des lignages des souverains antérieurs, les panaqas impériaux, gravitait autour de l'empereur. Cette noblesse de naissance occupait les plus hautes fonctions administratives, militaires et religieuses. Toutefois, le pouvoir n'était pas réservé à ces seuls dignitaires. En effet, les chefs locaux (curacas) continuaient d'exercer leur autorité, tant qu'ils restaient fidèles au souverain et se soumettaient à la tutelle impériale ; ils n'étaient destitués que s'ils étaient défaits militairement ou s'ils résistaient à la conquête inca.
Le peuple

Tous les sujets adultes valides étaient tenus de fournir à l'État des prestations de travail. Ainsi, divers travaux agricoles, domestiques ou artisanaux, comme le tissage, étaient accomplis au bénéfice de l'État, qui ne percevait, en revanche, ni impôts ni tributs sous forme de biens. Elles formaient l'essentiel des sujets, les hatun-runas, qui continuaient d'appartenir à leurs groupes ethniques et culturels selon des liens et des rapports sociaux bien établis. Ces classes comprenaient les paysans, les agriculteurs et les pasteurs de la côte et des montagnes. Le long de la côte, il existait d'autres classes, notamment celle des artisans, celle des pêcheurs et celle des marins.
Les déclassés

Les yanas faisaient partie d'une caste servile et n'avaient pas une situation déterminée dans la tradition andine : en perdant leur statut d'appartenance à leur groupe d'origine, même si leurs occupations n'étaient ni serviles ni subalternes (ils étaient au service de la noblesse), ils se retrouvaient en marge de l'Empire. Malgré tout, l'empereur les autorisait à conserver quelques biens. Les pinas, qui ne figurent pas dans l'organisation hiérarchique officielle de la société inca, se trouvent au bas de l'échelle sociale : ce sont les prisonniers de guerre, aux fonctions et au statut imprécis.
La place des femmes

Il existait aussi des catégories strictement féminines, qui correspondaient aux mamaconas et aux aqllas, souvent appelées « femmes choisies ». Les femmes de la noblesse étaient désignées pour diverses fonctions du culte, les femmes d'une beauté exceptionnelle étaient choisies pour devenir les épouses secondaires de l'Inca ou des principaux chefs militaires, alors que les autres étaient offertes comme épouses par le souverain à des chefs de rang inférieur. Enfin, certaines femmes remplissaient le rôle de servantes pour la cour impériale, les hauts dignitaires, le clergé et le culte.
Les « ayllu », pièce maîtresse de l’organisation sociale

La domination inca s'appuyait sur la division de l'empire en petites communautés, les ayllu, composées d'un groupe de familles qui se réclamaient d'un ancêtre commun. Les membres des différentes familles d'un ayllu se mariaient généralement entre eux. Ces unions perpétuaient moins un clan qu'un vaste lignage patrilinéaire, dont la cohérence était encore assurée par la possession commune de terres cultivables. S'opposant à l'aspect égalitaire et démocratique de ces communautés, les curacas, établis dans leur fonction par l'Inca, exerçaient en son nom, au sein des ayllu, une autorité qui s'étendait parfois sur plusieurs d'entre elles. La prospérité des ayllu tenait à une intense activité dans les domaines de l'élevage et de l'agriculture. Les travaux agricoles étaient favorisés par une grande variété de microclimats répartis entre les vallées ensoleillées de la côte et les terrasses construites en altitude à flanc de montagnes. Ils se développèrent sur des terres rendues fertiles grâce à un apport massif de guano depuis les côtes et grâce à l'aménagement d'un immense réseau de canaux d'irrigation.
L'extension de l'aire agricole dans un pays comme le Pérou impliqua, de la part des Incas, d'énormes travaux. Or, on sait qu'ils ignoraient aussi bien la roue que l'outillage de fer. On s'interroge sur la disproportion entre le nombre considérable de larges routes, solidement empierrées, et leur utilisation, le lama étant l'unique bête de somme. Si la pomme de terre était la nourriture indigène de base, le maïs constituait l'aliment noble par excellence. Le riz des montagnes (la quinoa), très résistant aux gelées, nourrissait également une grande partie de la population qui, au niveau des terres chaudes, trouvait sa subsistance dans le manioc, les haricots, les fèves, les patates douces, les courges, les tomates et les piments. Sur les hauts plateaux, où l'agriculture se révélait très difficile, les habitants menaient une existence exclusivement pastorale, élevant des troupeaux de lamas et d'alpacas pour la viande et la laine.
Une économie contrôlée par l’Inca

L'Inca faisait exercer un contrôle rigoureux sur l'élevage et les produits de la terre ; ceux-ci étaient distribués après le prélèvement des parts qui revenaient au souverain, aux seigneurs, au dieu-Soleil et aux greniers de l'État, ou tampu, qui constituaient à la fois les stocks d'une intendance militaire et des réserves en cas de famine.
L'Inca imposait également sa loi sur le commerce, qui restait toutefois peu développé. L'or et l'argent ne possédaient de valeur qu'en tant que matériaux réservés à la fabrication des ornements et des objets rituels. Dès qu'il s'agissait de compter, les Incas, qui ignoraient l'écriture et la monnaie, utilisaient le quipu, sorte de cordelette à nœuds dont l'usage était basé sur la numérotation décimale. Le quipu servait en outre à une certaine catégorie de fonctionnaires, les quipu kamayoc, chargés par les gouverneurs de recenser la population.
L'artisanat ne jouait pas un grand rôle dans la vie économique. Les artisans représentaient toutefois un groupe social mieux considéré que les agriculteurs, voués au despotisme de la caste dirigeante.
Une religion omniprésente

Inti

La religion tenait une place prépondérante dans la culture. Le Soleil, Inti, apparaît comme la divinité tutélaire ; le culte qui lui était voué le distinguait des autres puissances divines traditionnellement vénérées dans les Andes en ce qu'il était étendu à tout l'Empire. Pachacámac était l'un des principaux lieux de cérémonie de la côte centrale du Pérou, où des monuments étaient érigés à la gloire du dieu-Soleil. Sa représentation, le punchao, consistait en une statue en or de forme humaine, surmontée d'un disque en or, et conservée à Cuzco dans le Coricancha, le célèbre temple du Soleil, qu'aucun autre édifice religieux inca ne surpassa en force majestueuse. Une importante fête, l'Inti Raymi, fixée au solstice de juin, était dédiée au dieu et constituait l'une des principales dates du calendrier inca.
Le culte rendu à l'Inti, dieu du Soleil et fondateur de la dynastie, tendit bientôt à se confondre avec celui de l'Inca lui-même. La construction de temples ériges en l'honneur d'Inti revêtait un caractère politique en même temps que religieux. Par-delà les pratiques naturistes, fétichistes, animistes des peuples sous domination inca, elle permettait de renforcer l'unité du royaume. Les divinités des peuples soumis, loin d'être en butte à l'hostilité des Incas, ont été intégrées là leur panthéon.
Viracocha

Au sein de la hiérarchie cléricale, le prestige qui s'attachait aux prêtres du culte de l'Inti était inégalable. L'influence croissante de ces religieux sur les affaires de l'État n'est peut-être pas étrangère à la décision de l'inca Pachacutec d'instaurer, parallèlement au culte du Soleil, un autre culte, celui de Viracocha (le Créateur) ; la divinité solaire se trouveant reléguée au rang de simple créature engendrée par l'Être suprême. Les origines de ce « nouveau » dieu se confondent avec les très nombreux mythes amérindiens d'une divinité supérieure (« l'Ancien », le « Vieux du ciel », etc.), génératrice du monde où elle instaure le premier ordre civilisateur.
Viracocha créa d'abord le ciel, et la terre peuplée d'une humanité qui vivait dans les ténèbres. Pour l'expiation d'une faute mystérieuse, il métamorphosa les premiers hommes en statues de pierre. Dans une seconde manifestation, le dieu, sorti du lac Titicaca, inventa le Soleil, la Lumière, la Lune et les Étoiles, sculpta dans le roc les ancêtres du genre humain, assignant à chacun une portion de territoire où il devait se rendre. Son œuvre achevée, l'Être suprême, ayant jeté son manteau à la surface de la mer, s'éloigna en direction du soleil couchant. Les plus graves défectuosités de la nature s'expliquent par la présence d'un personnage maléfique aux côtés du dieu : Taguapica, fils méchant et perpétuel contradicteur de son père, s'est appliqué à détériorer le monde au fur et à mesure que Viracocha le créait.
L'Être suprême relevait d'une théologie qui concernait avant tout le clergé, les seigneurs et l'entourage immédiat de l'inca. Par ailleurs, un culte particulier était rendu à la Lune (Killa), considérée comme sœur et épouse du Soleil, et à des constellations comme les Pléiades, et des phénomènes tels que le tonnerre, l'éclair (Illapa), ou la foudre étaient également des divinités honorées.
Un peuple d’une grande piété

La Terre, Pacha Mama, participait du monde religieux, comme en témoignent les libations et les offrandes à la terre nourricière. Dans de nombreux sites incas, il reste encore les circuits de distribution de l'eau taillés dans la roche, dont la complexité montre le degré d'évolution de la société inca. Enfin, il existait une vénération particulière pour les éléments naturels, étranges ou remarquables. Des rochers ou des grottes, considérés comme sacrés et désignés sous le terme général de huacas, faisaient l'objet d'un culte religieux, de même que certaines montagnes, les apus. De nos jours, ces croyances traditionnelles, mêlées à la religion chrétienne, sont encore vivaces chez les populations andines.
La piété du peuple inca s'exerçait surtout envers une foule d'objets ou de lieux (les huacacs) qui pouvaient devenir sacrés dès qu'un lien apparaissait entre eux et le chef suprême de l'empire (le fait par exemple, que telle maison ait abrité plusieurs jours la personne de l'inca). Les conopas, fétiches individuels de petite taille, se voyaient attribuer un pouvoir protecteur.
Dans le déroulement de la vie quotidienne inca, une grande place était réservée aux fêtes religieuses. Les plus importantes célébraient le retour d'un événement capital : solstice, moisson, récolte, etc. Quelques-unes, dont celle qui accompagnait l'intronisation d'un nouvel inca, impliquaient des sacrifices humains. S'ils ne revêtaient pas l'ampleur atroce des sacrifices aztèques, ils n'en consistaient pas moins à immoler des enfants en bas âge et des jeunes filles. On prélevait un certain nombre d'entre elles parmi les aclla-cuna (femmes choisies), autrement dit les « Vierges du soleil », qui, enlevées dès l'enfance à leur famille, vivaient enfermées dans des couvents ; le plus célèbre, celui de Cuzco, abritait près de quinze cents femmes. Là, sous l'autorité des plus anciennes (les mama-aclla), celles qui ne devenaient pas les concubines de l'inca étaient occupées au tissage des vêtements de cérémonie ou au brassage d'une sorte de bière à base de maïs, la chicha.
Enfin, le pouvoir et la religion étaient étroitement liés. Si l'ethnie se rattachait au dieu-Soleil par son mythe d'origine, les derniers souverains incas finirent par être perçus comme son incarnation sur la Terre, associant ainsi la religion officielle au projet politique de l'Empire. Le respect des morts ainsi que les rites rendus aux souverains défunts étaient très importants. Les momies des empereurs étaient placées dans le Coricancha, auprès de l'image du Soleil. Le lignage de chaque souverain défunt était tenu d'assurer les rites, et, tous les ans en novembre, le jour d'ayarmaca, jour du culte des morts, les momies étaient sorties en procession sur des litières portées à bras dans les rues de la capitale.
Toutefois, les Incas surent ménager les croyances religieuses propres aux groupes culturels intégrés à l'Empire. Ils laissèrent ainsi largement survivre des religions et des cultes aux côtés de la religion officielle impériale.
L'ART INCA

Une architecture exceptionnelle

L'expansion de l'Empire (vers 1438) coïncide avec un remarquable essor de l'architecture. Les vestiges les plus remarquables de la maçonnerie inca proprement dite se trouvent à Cuzco. Les constructions édifiées en pierres colossales – elles présentent des analogies avec l'architecture mycénienne – comptent au nombre des plus remarquables réalisations des Incas. Presque dépourvue d'armements, composée d'appareils divers, comportant des murs généralement inclinés vers l'intérieur, cette architecture est à l'image de ce peuple vigoureux et discipliné. La sobriété des constructions et des édifices s'allie à la virtuosité technique de la taille de la pierre et de la mise en place de blocs, le plus souvent polygonaux, parfaitement ajustés les uns aux autres.
La forteresse de Sacsahuaman constitue le plus bel exemple de la maîtrise des bâtisseurs incas. Un nombre considérable de blocs « cyclopéens », pesant plusieurs tonnes chacun, a été utilisé pour la construction de sa triple enceinte. L'ensemble, où voisinent plusieurs styles, comportait non seulement des tours, mais aussi, à l'intérieur de la forteresse, un temple du Soleil, une résidence pour l'inca entourée de maisons formant une véritable petite ville. Des gradins sont aménagés dans le centre cérémoniel, où prennent place le monarque et sa cour lors de fastueuses cérémonies, véritables feux d'artifices d'or, d'argent, de costumes aux couleurs vives et de plumages éclatants ravis aux oiseaux peuplant les abords de la forêt amazonienne.


Les bâtiments de Cuzco, aussi bien que ceux des cités construites sur les hauts plateaux comme Machu Picchu (découverte en 1912) ou Ollantaytambo, possèdent des portes et des fenêtres dont la forme trapézoïdale est très caractéristique. Tous ces sites impériaux qui servaient, par leur ampleur et leur solidité, la puissance et la stabilité du pouvoir, furent construits par une main-d'œuvre spécialisée aidée par d'innombrables ouvriers temporaires.
Une littérature orale

Le quechua, ou runa-simi, était la langue la plus courante dans l'Empire et fut largement diffusée. Il y avait trois autres langues principales : le puquina, le yunga et l'aymara, sans compter un grand nombre de langues et de dialectes régionaux. Aucune de ces langues vernaculaires n'était écrite, mais des transcriptions postérieures à la conquête espagnole ont permis de recueillir en partie les littératures orales, riches de plusieurs modes d'expression artistique : des poèmes, des chants, des élégies, ainsi que des légendes et des mythes. La musique et la danse complétaient cet ensemble : elles accompagnaient les fêtes religieuses et officielles, les réjouissances populaires, de même que certains moments de la vie quotidienne.
Les arts décoratifs

Il règne une certaine sobriété sur les objets décoratifs incas. Fabriquée sans tour, leur céramique est ornée de motifs géométriques ; un aryballe à anse en étrier est l'une des formes typiques ainsi que le kero de bois, gobelet cylindrique ou légèrement évasé. Ils maîtrisaient parfaitement la métallurgie de l'or, de l'argent, du cuivre et de l'étain, avec lesquels ils réalisaient divers alliages. Mais il ne reste que peu de pièces d’orfèvrerie : les conquistadores pillèrent les trésors faits d'idoles, de bijoux, d'ornements et d'objets somptuaires, qu'ils fondirent pour récupérer les métaux précieux. Production quasi industrielle, le tissage est de belle qualité, mais sa décoration géométrique assez monotone. La sculpture sur pierre se caractérise surtout par de petits objets votifs, les conopas, représentant souvent des lamas et des alpagas. De grands récipients de pierre, qui servaient de bassins rituels, comportent aussi des animaux sculptés. Quelques représentations de serpents se trouvent sculptées, en léger relief, sur certains murs incas. De la sculpture en ronde bosse, exceptionnelle, il ne reste que de très rares effigies humaines, sans doute des empereurs, et quelques sculptures animales. La sculpture sur bois concerne surtout des objets cérémoniels : vases gravés ou peints (qeros), récipients spécifiques employés pour les libations (paqchas).

 

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BURUNDI

 

Burundi
anciennement Urundi


Nom officiel : République du Burundi
Carton de situation - BurundiDrapeau du Burundi

Burundi - Rwanda
État d'Afrique centrale, le Burundi est limité à l'est et au sud par la Tanzanie, au nord par le Rwanda, à l'ouest par la République démocratique du Congo.
Superficie : 28 000 km2
Nombre d'habitants : 10 163 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Burundais
Capitale : Bujumbura
Langues : français et kirundi
Monnaie : franc du Burundi
Chef de l'État : Pierre Nkurunziza
Chef du gouvernement : Pierre Nkurunziza
Nature de l'État : république à régime présidentiel
Constitution :
Adoption : 28 février 2005
Entrée en vigueur : 18 mars 2005
Pour en savoir plus : institutions du Burundi


GÉOGRAPHIE

C'est un pays de hauts plateaux, exclusivement agricole, densément peuplé (par les Hutu et les Tutsi).
Le Burundi est situé dans la zone des grands fossés africains, au relief très contrasté. L'altitude y est presque partout supérieure à 1 000 m, expliquant un climat relativement tempéré à une latitude presque équatoriale. À l'ouest du pays s'allonge un fossé d'effondrement, remblayé au nord (plaine de l'Imbo, de 800 à 1 000 m), occupé au sud par le lac Tanganyika (profond de 1 400 m). Ce bassin encaissé est assez chaud et sec : Bujumbura reçoit seulement 840 mm de pluies par an, et la saison sèche dure de mai à septembre. Cette zone basse est dominée par une chaîne qui atteint 2 670 m au mont Heba et sépare les bassins du Congo (dans lequel se déverse le lac Tanganyika par l'intermédiaire de la Lukuga) et du Nil (dont le Burundi possède la source la plus méridionale). Le versant est s'abaisse lentement jusqu'à 1 500 m, en plateaux étages, irréguliers, accidentés par des lignes de crêtes et les vallées des rivières coulant vers le nord-est. Les plateaux s'interrompent au-dessus de régions déprimées, lacustres ou marécageuses : Bugesera au nord-est, Kumoso au sud-est (1 200-1 400 m). Abondantes sur les hauteurs, les précipitations diminuent avec l'altitude et n'atteignent pas 1 100 mm dans la vallée de la Malagarasi. La végétation forestière, qui associe feuillus et conifères, a reculé sous l'action du défrichage et du surpâturage, et ne subsiste que sur les plus hautes terres. L'herbe domine : prairies d'altitude, savanes boisées ; mais on trouve aussi des bambous et surtout des plantations d'eucalyptus.
La densité moyenne de la population, de l'ordre de 300 habitants par km2, y est très élevée. Mais le plateau central, dont le climat tropical, tempéré par l'altitude, permet au moins deux récoltes par an, connaît des densités particulièrement fortes, pouvant dépasser 400 habitants par km2. La population se répartit entre deux groupes, l'un majoritaire, les Hutus, l'autre minoritaire, les Tutsis. Le dynamisme démographique se traduit par une croissance annuelle de 3 % et un indice de fécondité de 4,7 enfants par femme. Le taux d'urbanisation est l'un des plus faibles d'Afrique subsaharienne et concerne à peine 10 % d'une population vivant en habitat dispersé sur les « collines ». Ces aspects démographiques ne sont pas les seuls traits communs aux Burundais : ils parlent la même langue, le kirundi, et sont, à une écrasante majorité (85 %), chrétiens, et plus particulièrement catholiques.
Le pays est pauvre. L'agriculture vivrière domine (manioc, maïs, banane plantain, tubercules, haricots), qu'accompagne un petit élevage de chèvres et de poulets. La pêche dans le lac Tanganyika et dans les lacs intérieurs est active. Les bovins, qui ont joué un rôle historique considérable, sont en régression. Les nécessités de la survie quotidienne, mais aussi l'enclavement du pays font que les cultures d'exportation ne se sont pas développées autant que le permettraient les aptitudes naturelles du pays (le café et le thé du Burundi sont parmi les meilleurs du monde). Le secteur secondaire est représenté par quelques industries de biens de consommation et par des activités « informelles » comme la fabrication de bière et d'alcool de banane ou encore le bâtiment. Ravagée par une guerre civile qui a fait en dix ans plus de 200 000 morts et 15 % de réfugiés hors du pays, l'économie est totalement désorganisée.
HISTOIRE

1. La période précoloniale

Comme au Rwanda voisin, l'histoire du Burundi est marquée par l'existence d'un royaume ancien, préexistant à la période coloniale, et dont les frontières ont été à peu près conservées. Il s'est implanté à partir du xvie siècle ou du xviie siècle sur un territoire peuplé dès le premier millénaire avant J.-C. C'était une monarchie de droit divin, très structurée, peu ouverte sur l'extérieur. Les mwamis (rois) successifs vont élargir le pays par des conquêtes réalisées aux dépens des royaumes voisins et consolider leur pouvoir en s'appuyant sur la caste aristocratique des Baganwas, appartenant souvent à la famille royale. De cette époque date la distinction entre Tutsis, aristocrates éleveurs, et Hutus, agriculteurs. Mais la frontière entre les deux groupes n'est pas étanche : un Hutu acquérant un troupeau devient tutsi.
2. La période coloniale

2.1. La suprématie allemande

Un poste militaire allemand est établi en 1899 à Usumbura (la future Bujumbura) qui va permettre de conquérir un royaume affaibli par des querelles dynastiques et les raids esclavagistes venus de Zanzibar. Le traité de Kiganda, signé le 6 juin 1903 avec le mwami Mwezi Gisabo, consacre la suprématie allemande. Celle-ci est particulièrement brève, puisqu'elle s'effondre en 1916, en pleine Grande Guerre, devant des troupes venues du Congo belge voisin.
2.2. Le Ruanda-Urundi et la création du mythe tutsi

La Société des Nations (SDN) entérine cette situation et mandate la Belgique pour administrer le Ruanda-Urundi, qui va être rattaché au Congo belge en 1925, tout en conservant une certaine autonomie. La colonisation, très dure au début, fait jouer un rôle essentiel aux missions catholiques, qui se sont implantées dans l'ensemble du pays.
L'organisation traditionnelle, maintenue, est affaiblie, et surtout dénaturée. Les Belges favorisent l'aristocratie tutsie, dont on réinvente l'histoire en lui attribuant une origine nilotique plus que discutable. À partir de 1945, la pression de l'ONU conduit le colonisateur à instaurer une certaine démocratisation, qui bénéficie surtout aux Tutsis, dont le principal parti, l'Uprona (Unité pour le progrès national), est fondé par le fils aîné du mwami, le prince Rwagasore.
Le destin du Burundi se sépare alors de celui du Rwanda, où les Hutus s'apprêtent à renverser la monarchie tutsie. La marche vers l'indépendance suit cependant une voie moins mouvementée qu'au Rwanda, malgré l'assassinat, en octobre 1961, du prince Rwagasore, chef du gouvernement. Le royaume du Burundi accède à la souveraineté nationale le 1er juillet 1962.
3. Le Burundi indépendant

3.1. La chute de la royauté

Dans un contexte régional marqué par la violence, le vieux roi Mwambutsa – il règne depuis 1915 – doit faire face à un développement des antagonismes politiques et économiques, qui prennent de plus en plus une forme ethnique. Alors que la Constitution de 1962 en fait un monarque qui règne mais ne gouverne pas (à l'image de la Constitution belge), il s'oppose au gouvernement et à l'Assemblée.
En octobre 1965, une tentative de coup d'État est menée par des officiers hutus, et donne le signal de massacres de Tutsis. La répression ordonnée par le roi est sévère et son image en pâtit. En juillet 1966, Mwambutsa est déposé par son fils, qui prend le nom de Ntaré V. Ce dernier ne reste au pouvoir que cinq mois : il est renversé par le capitaine Michel Micombero le 28 novembre qui proclame la république.
3.2. Les dictatures

Le nouveau chef de l'État, également président du Conseil national de la révolution (CNR), met en place un régime autoritaire, dont les rouages sont placés sous le contrôle des Tutsis et de leur parti, l'Uprona, devenu parti unique. En 1972, l'arrestation puis la mort, dans des conditions obscures, de l'ex-roi Ntaré V contribue à exacerber un climat de violences ethniques qui va durer plus d'un an et faire entre 100 000 et 300 000 morts. Quelque 200 000 Hutus se réfugient en Tanzanie, au Rwanda et au Zaïre.
Michel Micombero est renversé le 1er novembre 1976 par le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Bagaza, qui, après avoir tenté de mettre en œuvre une politique de réconciliation nationale, en allégeant notamment les contraintes pesant sur les paysans, s'attaque violemment à la très puissante Église catholique et pratique un pouvoir de plus en plus personnel et policier. Il est à son tour écarté du pouvoir le 3 septembre 1987 par le major Pierre Buyoya, d'origine tutsie.
3.3. Les années Buyoya (1987-1993)

La première décision du nouveau pouvoir est de prendre des mesures d'apaisement dans le conflit avec l'Église, puis, après une nouvelle flambée de violences ethniques en août 1988 (30 000 morts, 60 000 réfugiés), de nommer un Premier ministre et des ministres hutus. Pierre Buyoya acquiert de ce fait une réputation de dirigeant modéré, que vient confirmer, à partir de 1990, son acceptation loyale de nouvelles règles du jeu démocratiques.
La Constitution de 1992 établit la séparation des pouvoirs et restaure le multipartisme. Des élections présidentielles sont organisées le 1er juin 1993 et donnent la victoire à Melchior Ndadaye, candidat du Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), à dominante hutue. P. Buyoya se retire, respectant la décision des urnes.
3.4. La guerre civile (1993-2001)

Son attitude n'est malheureusement pas suivie par la majorité des cadres tutsis qui dirigent l'armée. Une première tentative de coup d'État a lieu dès le début de juillet 1993. Une seconde, lancée le 21 octobre, n'aboutit pas non plus à restaurer le pouvoir tutsi, mais s'accompagne de l'assassinat du président Ndadaye. Une flambée de violences embrase alors le pays, faisant à nouveau des dizaines de milliers de morts et poussant des dizaines de milliers de Burundais sur la route de l'exil. Des responsables politiques hutus, entrés en clandestinité, prennent les armes et fondent en septembre 1994 le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD) qui, avec sa branche armée les Forces de défense de la démocratie (FDD), est appelé à devenir la principale rébellion burundaise. Celle-ci, cependant est bientôt en proie aux dissensions et aux exclusions qui donneront naissance à deux factions rivales principales : le CNDD présidé par Léonard Nyangoma, l’un de ses fondateurs et chefs historiques, et le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza, qui s’imposera.
Le drame connaît d'autres épisodes. Le nouveau président, Cyprien Ntaryamira (Frodebu), élu en janvier 1994, est tué le 6 avril suivant dans l'attentat qui coûte aussi la vie au président rwandais Habyarimana, dont l'avion est abattu au-dessus de l'aérodrome de Kigali. Son successeur, Sylvestre Ntibantuganya (Hutu et membre du Frodebu), ne parvient pas à affirmer son autorité face aux extrémistes des deux camps ni à ramener le calme dans le pays ; il est renversé le 25 juillet 1996 par les militaires tutsis.
Ces derniers choisissent de porter à la tête de l'État l'ex-président P. Buyoya, dont ils espèrent que la bonne image rassurera l'opinion internationale. Il n'en est rien : les pays de la région (Zaïre [devenu République démocratique du Congo], Kenya, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Éthiopie, Érythrée, Zambie) décrètent un embargo contre le Burundi (il sera assoupli en 1997 et finalement levé en 1999), et l'OUA comme l'ONU condamnent le putsch.
La situation intérieure se radicalise. L'opposition légale boycotte les initiatives du président, et une puissante rébellion armée hutue – en liaison avec les milices rwandaises Interahamwe, responsables du génocide de 1994 – mène d'impitoyables raids dans le pays, entraînant une aggravation de la répression par l'armée et la mise en place, à partir de 1996, par les autorités burundaises d'une politique systématique de regroupement dans des camps, où sont retenus quelque 500 000 paysans hutus arrachés à leur terre dans le but de priver la rébellion de soutien populaire.
Avec le changement de pouvoir survenu à Kinshasa en mai 1997, la rébellion hutue burundaise perd une base arrière dans la province ex-zaïroise du Sud-Kivu, mais elle en trouve une autre en Tanzanie, où 200 000 Hutus se sont réfugiés. Cette alliance suscite de nouvelles tensions entre le Burundi et la Tanzanie, Bujumbura accusant Dar es-Salaam de soutenir la rébellion hutue contre l'armée burundaise. En octobre 1997, des incidents armés éclatent à la frontière burundo-tanzanienne. Le gouvernement tanzanien tente, pour sa part, d'amener le régime du major P. Buyoya à négocier avec les mouvements hutus, qui, en janvier 1998, mènent une attaque meurtrière contre l'aéroport de Bujumbura.
Le 15 juin 1998, des pourparlers de paix interburundais, réunissant le gouvernement, l'opposition hutue et tutsie ainsi que trois mouvements de la rébellion hutue, s'ouvrent à Arusha sous la médiation de l'ex-président tanzanien, Julius Nyerere. Un cessez-le-feu est signé le 21 juin 1998 par 17 factions rebelles. Depuis juin 1999, il est constamment violé dans la région de Bujumbura où sont organisées de nouvelles opérations de regroupement dans des camps : 800 000 paysans hutus, dont 350 000 autour de la capitale, ont été « regroupés ».
3.5. Les accords d'Arusha

Un nouveau cycle de négociations est ouvert à Arusha en février 2000 par l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, désigné médiateur à la suite du décès de J. Nyerere survenu en octobre 1999. Treize des dix-neuf parties impliquées signent, le 28 août 2000, un accord de paix et de réconciliation. Toutefois, en l'absence de cessez-le-feu, les branches armées des parties non signataires de l'accord poursuivent les combats.
Il faut attendre le 10 juillet 2001 pour qu'intervienne un nouvel accord sur l'organisation de la période de transition. Celle-ci prévoit deux périodes de dix-huit mois et une alternance au sommet du pouvoir entre un président tutsi et un président hutu à l'issue de la première période. Elle commence officiellement le 1er novembre 2001 sous la direction d'un président tutsi, P. Buyoya, et d'un vice-président hutu, D. Ndayizeye. En vertu de cet accord, un gouvernement de transition et d'union nationale est mis en place : sur 26 ministres, 14 sont issus de partis dominés par les Hutus, 12 de partis dominés par les Tutsis.
Le 3 décembre 2002, un accord de cessez-le-feu est signé entre P. Buyoya et le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza. Les Forces nationales de libération (FNL), deuxième mouvement rebelle hutu, refusent de s'associer à l'accord et poursuivent leur guérilla.
3.6. Première alternance pacifique

En vertu des accords de paix d'Arusha, P. Buyoya cède le 30 avril 2003 le pouvoir au vice-président hutu D. Ndayizeye : ce dernier assume la phase transitoire au cours des 18 mois suivants. Les FNL, restées en marge du processus de paix et identifiant le gouvernement hutu comme leur principal obstacle vers le pouvoir, exigent sa démission et reprennent en juillet leur offensive sur Bujumbura. En revanche, les FDD de P. Nkurunziza signent (novembre 2003) avec le gouvernement un accord de paix « global » qui prévoit leur participation au gouvernement après leur transformation en parti politique et leur intégration dans l'armée régulière ; cette dernière clause est l'une des plus délicates du processus de paix, la direction de l'armée étant à la fois un monopole des Tutsis, une source de prébendes, mais aussi une garantie ultime pour cette ethnie.
Afin de sécuriser cette phase décisive du processus de paix, la Mission des Nations unies au Burundi (MONUB), forte de 5 650 Casques bleus, remplace, en juin 2004, la force de protection africaine qui, grâce au déploiement de ses 2 700 soldats, a permis depuis la fin de l'année 2003, une relative pacification du pays.
Une étape importante du processus de transition est franchie le 6 août 2004 avec la signature d'un accord de partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis dans les futures institutions de l'État à la fin de la période de transition prévue le 31 octobre. Cependant, ni l'Uprona, ni les FNL ne signent l'accord, et le massacre de 160 réfugiés banyamulenges (Tutsis rwandophones de la République démocratique du Congo), perpétré le même mois par des FNL avec le soutien de rebelles congolais et d'extrémistes hutus rwandais dans le camp de Gatumba, attise les tensions interethniques et constitue un sérieux revers pour le processus de paix.
En février 2005, les Burundais sont appelés à approuver par référendum une nouvelle Constitution, répartissant plus équitablement le pouvoir entre les deux principales ethnies. Cette consultation entame une série de scrutins destinés à renouveler entièrement les institutions du pays et à mettre un terme définitif à la guerre civile. L'ancienne rébellion hutue, les FDD de P. Nkurunziza, représentée par son aile politique, s'impose dès lors comme l'un des principaux acteurs politiques en obtenant la majorité absolue aux élections communales du 5 juin 2005, avec 62,9 % des voix, contre 20,5 % pour le Frodebu et seulement 5,3 % pour l'Uprona. Le CNDD-FDD, majoritairement hutu, dispose désormais de la majorité absolue dans 11 des 17 provinces du pays. Il remporte également les élections législatives et sénatoriales et sa victoire est couronnée, le 19 août 2005, par l'élection de P. Nkurunziza, à la présidence de la République par le Parlement.
En mars 2007, l'arrestation de Hussein Radjabu, ex-leader du CNDD-FDD, provoque une crise institutionnelle : à la suite de l'entrée en dissidence d'une vingtaine de députés CNDD-FDD, privant le chef de l'État de sa majorité à l'Assemblée nationale, le Frodebu s'en retire également. Menacé de destitution, le président Nkurunziza remanie le 13 juillet le gouvernement, aussitôt contesté par l'Uprona et le Frodebu. Finalement, le 14 novembre est mis en place un nouveau gouvernement d'union nationale, incluant des membres du Frodebu et de l'Uprona. Le Burundi rejoint, avec le Rwanda, la Communauté est-africaine (EAC, qui regroupe l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie) en juin 2007.
L'accord global de cessez-le-feu, signé en septembre 2006, entre le gouvernement burundais et le dernier groupe armé rebelle – le parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL) – permet de ramener une paix relative. Après de nombreux blocages, le 4 décembre 2008, le Palipehutu-FNL renonce à son appellation et son chef, Agathon Rwasa, accepte de rassembler ses combattants afin d'entamer leur désarmement et leur démobilisation. En avril 2009, après l'intégration d'une partie de leurs hommes dans l'armée et la police nationale, les FNL ont définitivement renoncé aux armes et se sont transformées en parti politique.
Le 28 juin 2010, le président sortant P. Nkurunziza remporte aisément la première élection présidentielle au suffrage universel direct avec 91,6 % des voix (taux de participation : 77 %). Mais le retrait des six candidats de l'opposition qui contestent la victoire du CNDD-FDD lors des élections communales du 24 mai, entachées selon eux de fraudes massives, rend sa victoire toute relative. La vague de violences qui a fait 12 morts et plus de 70 blessés témoigne de la fragilité de la situation. En juillet, le CNDD-FDD remporte les élections législatives également boycottées par la plupart des partis d’opposition qui tentent par la suite de se fédérer au sein de l’Alliance démocratique pour le changement (ADC-Ikibiri). La situation sociale et politique se détériore au cours des années suivantes malgré la médiation des Nations unies et de l’ONG « Initiatives et Changement » (notamment en 2012) en vue de faciliter le dialogue entre le pouvoir et l’opposition. La dérive autoritaire du régime marquée par des atteintes à la liberté d’expression et à l’indépendance de la justice, s’accompagne ainsi de la reprise sporadique de la violence politique, la politique de restitution des terres aux quelque 550 000 réfugiés rapatriés de Tanzanie tendant par ailleurs à réactiver les oppositions à connotation ethnique.
3.7. Les échéances électorales de 2015 et la montée des tensions

La mise en œuvre consensuelle des accords d’Arusha et la préparation des échéances électorales de 2015 s’avèrent un échec. À partir de la fin avril 2015, la décision du président sortant de se représenter à l’élection présidentielle prévue en juin provoque d’importantes manifestations à l’appel du collectif « Halte au troisième mandat », regroupant, au-delà du clivage ethnique, de très nombreuses associations de la société civile et deux centrales syndicales. Le report des élections législatives et communales est également exigé.
L’opposition politique se joint à la contestation au sein du mouvement Arusha. Celle-ci reste cependant toujours très divisée, affaiblie par les pressions et manœuvres exercées par le pouvoir, ainsi que par les ambitions personnelles.
Certains de ses chefs, comme Léonard Nyangoma (président du CNDD oppositionnel, réfugié en Belgique depuis 2010), sont encore en exil, tandis que les grandes formations sont toujours en proie aux rivalités : malgré une volonté de réunification, le Frodebu est scindé depuis 2008 entre la fraction Sahwanya Frodebu de Léonce Ngendakumana et le Frodebu-Nyakuri de Jean Minani ; au sein de l’Uprona, la nouvelle direction s’oppose à Charles Nditije depuis l’éviction de ce dernier (par le ministère de l’Intérieur) de la présidence du parti en 2014. Il en est de même des FNL, partagées entre une aile officielle reconnue par le pouvoir et celle menée par son chef historique, Agathon Rwasa. Ces deux derniers leaders semblent toutefois prêts à s’allier.
La situation politique se détériore au fil des semaines avec l’accentuation de la dérive autoritaire du président, la menace d’une ethnicisation du conflit entretenue par le cercle présidentiel et de violents affrontements entre forces de sécurité et manifestants qui font plusieurs morts à Bujumbura. Tandis que la Ligue des jeunes du CNDD-FDD (Imbonerakure) est accusée de s’être constituée en milice armée suspectée de commettre des exactions et d’intimider la population, des milliers de Burundais, craignant la renaissance des violences passées, commencent à fuir le pays.
Pendant que les chefs d’États de la région se réunissent le 13 mai en Tanzanie avec P. Nkurunziza pour tenter de trouver une issue à la crise, une tentative de putsch avortée orchestrée par le général Godefroid Niyombare (ex-chef d’état-major, ex-responsable des services de renseignement et ancien allié du président) révèle les fissures au sein du régime et la gravité des dissensions.
À la fin du mois, un nouveau sommet à Dar es Salam se conclut par un appel au dialogue, une exigence réitérée à l’issue d’un sommet de l'UA les 14-15 juin à Johannesburg. Ne voulant rien céder quant au calendrier électoral et la candidature du président sortant, le pouvoir s’engage dans une épreuve de force avec l’opposition dont la plupart des formations boycottent de nouveau les élections législatives, communales (29 juin) et présidentielle (21 juillet) organisées dans des conditions vivement critiquées notamment par l’ONU, l'UE et par la mission d’observation de la Communauté est-africaine.
La réélection de P. Nkurunziza avec 69,41 % des voix, devant A. Rwasa, seul opposant ayant accepté de maintenir sa candidature, est contestée par ce dernier qui accepte cependant de siéger à l'Assemblée dont il est élu vice-président dans l'attente d’une reprise des négociations. Cette décision, considérée par certains comme un ralliement au régime, accentue les divisions au sein de l’opposition qui se réunit pourtant à Addis Abeba pour tenter de se fédérer au sein d’un Conseil national pour le respect de l'accord d'Arusha et la restauration d'un État de droit au Burundi (Rnarec) dont la présidence est confiée à L. Nyangoma.
L’assassinat dans un attentat, le 2 août, du général Adolphe Nshimirimana, chef redouté de la sécurité intérieure et considéré comme le bras droit du président, suivi de celui d’un ancien chef d'état-major de l'armée burundaise, aggrave de plus belle les tensions faisant craindre une reprise de la guerre civile.

 

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