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L'hydrogène
Publié le 10 mai 2022
Potentiellement inépuisable, non-émetteur de gaz à effet de serre… L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un « vecteur énergétique » : il doit être produit puis stocké avant d’être utilisé. Il pourrait jouer à l’avenir un rôle essentiel dans la transition énergétique en permettant de réguler la production d’électricité produite par les énergies renouvelables intermittentes (solaire et éolien).
L’HYDROGÈNE,
UN VECTEUR ÉNERGÉTIQUE
L’hydrogène est l’élément chimique le plus simple : son noyau se compose d’un unique proton et son atome ne compte qu’un électron. La molécule de dihydrogène (H2) est constituée de deux atomes d’hydrogène. On parle communément d’hydrogène pour désigner en fait le dihydrogène.
La combustion d’1 kg d’hydrogène libère presque 4 fois plus d’énergie que celle d’1 kg d’essence et ne produit que de l’eau : 2H2 + O2 -> 2H2O.
L’hydrogène est très abondant à la surface de la Terre mais n’existe pas à l’état pur. Il est toujours lié à d’autres éléments chimiques, dans des molécules comme l’eau, les hydrocarbures. Les organismes vivants (animal ou végétal) sont également composés d’hydrogène. La biomasse constitue donc une autre source potentielle d’hydrogène.
Extraire l’hydrogène de ces ressources primaires que sont les hydrocarbures, la biomasse ou encore l’eau nécessite un apport en énergie. Comme pour l’électricité, on considère ainsi que l’hydrogène est un « vecteur » énergétique.
L’hydrogène pourrait être quasi-inépuisable, à condition de savoir le produire en quantité suffisante à un coût compétitif et, idéalement, à partir d’énergie bas carbone (nucléaire et renouvelables).
On appelle « technologies de l’hydrogène » l’ensemble des technologies étudiées pour produire l’hydrogène, le stocker et le convertir à des fins énergétiques.
PRODUCTION DE L’HYDROGÈNE
Produire l’hydrogène à partir d’hydrocarbures
Aujourd’hui, 95 % du dihydrogène est produit par « vaporeformage » de combustibles fossiles : cette réaction chimique casse les molécules d’hydrocarbures en présence de vapeur d’eau, de chaleur et d’un catalyseur, pour en libérer l’hydrogène. Mais cette méthode a l’inconvénient de produire du dioxyde de carbone.
Produire l’hydrogène à partir d’eau
L’électrolyse permet de décomposer chimiquement l’eau en dioxygène et dihydrogène grâce à l’action d’un courant électrique. Différentes voies d’électrolyse sont étudiées, avec l’hypothèse d’une électricité d’origine nucléaire ou renouvelable. La quantité d’énergie électrique nécessaire à l’électrolyse dépend des conditions de pression et de température du procédé utilisé. De façon générale, la recherche porte sur des matériaux performants et bon marché pour réaliser des électrolyseurs.
Produire l’hydrogène à partir de la biomasse
La biomasse (bois, paille, etc.) pourrait constituer une source potentielle importante d’hydrogène : la gazéification à la vapeur d’eau de cette biomasse génère un mélange appelé « gaz de synthèse », constitué principalement de monoxyde de carbone et de dihydrogène, que l’on purifie ensuite pour éliminer les polluants. Cette solution permet d’obtenir un bilan effet de serre quasiment neutre car le dioxyde de carbone émis par la combustion du monoxyde de carbone est équivalent à celui qui aurait été dégagé par la dégradation de la biomasse si elle n’avait pas été gazéifiée. On cherche aussi à faire produire de l’hydrogène par des microalgues ou des bactéries qui utilisent la lumière et des enzymes spécifiques : les hydrogénases. Une voie de recherche prometteuse consiste à mimer chimiquement ces réactions, pour développer des réacteurs bio-inspirés de production d’hydrogène.
Extraire l’hydrogène de gisements sous-marins
Enfin, une autre approche vise à exploiter des sources d’hydrogène naturel. L’existence de gisements le long des chaînes volcaniques sous-marines est connue mais ceux-ci sont inatteignables. Aujourd’hui, les chercheurs s’intéressent plutôt à la géologie de certaines couches « terrestres » qui dégazeraient et accumuleraient en leur sein de l’hydrogène.
STOCKAGE DE L’HYDROGÈNE
L’hydrogène ne peut jouer son rôle de vecteur d’énergie que si l’on peut le stocker efficacement, à moindre coût et dans des conditions de sécurité acceptables.
A température ambiante et pression atmosphérique, l’hydrogène se présente sous forme de gaz très volatile, en raison de la petite taille de sa molécule. L’enjeu est de créer des réservoirs compacts et à bas coût.
Différents modes de stockage sont étudiés.
Lorsqu’il n’est pas nécessaire de réduire le volume de stockage (par exemple, pour des applications stationnaires), on peut l’envisager sous forme gazeuse à une pression relativement basse (75 bars). Ce moyen de stockage est peu coûteux et parfaitement maîtrisé.
Le stockage sous forme liquide à basse pression est actuellement principalement réservé à certaines applications de très hautes technologies comme la propulsion spatiale. Il permet de stocker de grandes quantités d’hydrogène dans un volume restreint. Les réservoirs actuels conditionnent l’hydrogène à – 253 °C sous 10 bars. Mais il est impossible d’éviter les fuites : même très bien isolés, les réservoirs absorbent de la chaleur qui vaporise lentement le liquide.
Afin d’atteindre une compacité satisfaisante tout en évitant les inconvénients liés aux très basses températures du stockage à l’état liquide, on cherche à développer le stockage à l’état gazeux sous haute pression (700 bars). Il s’agit de concilier imperméabilité, résistance aux hautes pressions et résistance aux chocs en travaillant sur une architecture et des matériaux adaptés au réservoir.
Enfin, une voie de recherche plus récente porte sur l’utilisation de matériaux appelés hydrures qui ont la capacité d’absorber et désorber l'hydrogène de manière réversible, sous condition de température (stockage « solide »). Le stockage dans les hydrures est le moyen le plus efficace pour obtenir une forte densité volumique d'énergie. Mais cela se fait au détriment du poids, puisqu’il faut ajouter au bilan le poids du matériau dans lequel l'hydrogène s'insère.
Selon l’utilisation visée de l’hydrogène, les critères de coût, performance, compacité ou poids de ces différentes technologies sont arbitrés.
UTILISATION DE L’HYDROGÈNE
Le développement de la filière hydrogène repose en partie sur la technologie de la pile à combustible. Le principe de la pile à combustible est l'inverse d'une électrolyse. La réaction chimique produite par l'oxydation et la rencontre du dihydrogène et du dioxygène produit de l'électricité, de l'eau et de la chaleur.
Il existe plusieurs types de piles à combustible qui se différencient par leur électrolyte. Celui-ci définit la température de fonctionnement et donc les applications. La R&D porte actuellement sur les améliorations techniques (compacité, rendement énergétique, résistance à l’usure, fonctionnement sur de nombreux cycles…) ainsi que sur la baisse des coûts de production.
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combustion
(bas latin combustio, -onis, de comburere, brûler)
Consulter aussi dans le dictionnaire : combustion
Cet article fait partie du dossier consacré à la réaction chimique.
Ensemble des phénomènes qui se produisent lors d'une oxdation exothermique.
CHIMIE ET THERMIQUE
La combustion est une réaction chimique (oxydoréduction) qui met en œuvre un combustible et un comburant (le premier est un corps réducteur, le second un oxydant) : elle fournit de l'énergie calorifique et émet généralement de la lumière. Sur la maîtrise de cette réaction se fondent le développement de la société industrielle et la sauvegarde de l'environnement.
1. NAISSANCE DE LA THÉORIE MODERNE SUR LA COMBUSTION
Les premiers « combustionnistes » sont les hommes de la préhistoire ; le feu conférait à celui qui savait le maîtriser un statut de sorcier. L'importance du culte du feu dans certaines civilisations ou l'existence de mythes comme celui de Prométhée indiquent une fascination que les flammes ont toujours exercée sur les hommes. Il faut cependant attendre la fin du xviiie s. pour que se développe une étude sérieuse des phénomènes mis en œuvre dans la combustion.
C'est en s'intéressant à ce sujet, et grâce à la découverte quasi simultanée entre 1773 et 1774 de l'oxygène par le Suédois Carl Wilhelm Scheele et le Britannique Joseph Priestley, que le Français Antoine Laurent de Lavoisier va écrire les véritables premiers bilans réactionnels et fonder la chimie moderne.
1.1. LE PHLOGISTIQUE
Jusqu'au xviiie s., les scientifiques admettent les conclusions de l'Allemand Georg Ernst Stahl : le feu, sous la forme du phlogistique, est contenu dans la matière elle-même, et la combustion n'en est que la libération. Cette théorie est d'autant mieux acceptée qu'elle correspond à un retour aux idées des philosophes grecs, notamment à la vision élémentaire d'Aristote sur l'Univers et ses quatre éléments : eau, terre, air et feu.
Mais la faiblesse essentielle de cette théorie était de prédire une diminution du poids de la matière après combustion (à la suite de la perte du phlogistique), alors que les produits de celle-ci sont en réalité plus lourds du poids de l'oxydant utilisé. Le flou entourant les notions de poids et de masse permettait à la théorie de rester toutefois crédible, car il suffisait de se rattacher à la vision aristotélicienne : certains éléments de ce monde vont vers le bas (c'est le principe de ce qui est lourd), d'autres, tel le feu, se dirigent vers le haut. Selon Stahl, le dégagement ou la fixation du phlogistique, agent universel, permettait d'expliquer toute la chimie – la combustion en devenant l'acte fondamental. Cette théorie, bien qu'erronée – elle fut acceptée en partie, grâce à sa simplicité, par toute la communauté scientifique durant un demi-siècle –, contribua à faire de la chimie une véritable discipline scientifique, qui se développa rapidement par la suite.
1.2. LA COMBUSTION SELON LAVOISIER
Le phlogistique est, sous certains aspects, le précurseur de l'énergie, concept qui ne sera développé que deux siècles plus tard.
En 1772, Lavoisier dépose sous pli cacheté à l'Académie des sciences ses premiers résultats concernant l'étude de la combustion. Son mémoire présente déjà les faits essentiels suivants : le poids total du vase et de son contenu n'a pas changé après la calcination ; le métal transformé en chaux (de nos jours, on parle d'oxyde) a augmenté de poids ; le poids de l'air contenu dans le vase a diminué de la même quantité. Parmi les scientifiques qui ont, à la suite de Lavoisier, contribué aux progrès de la discipline, il faut citer l'Allemand Robert Wilhelm Bunsen, qui inventa le brûleur connu sous le nom de bec Bunsen, les Français Ernest Mallard et Henry Louis Le Chatelier, qui découvrirent le phénomène de la détonation en 1881 et développèrent une première théorie de la flamme en 1883.
Le terme de combustion avait un sens plus large que celui qui lui est aujourd'hui attribué : il désignait un ensemble de réactions d'oxydoréduction, dont la théorie complète a été élaborée postérieurement. La simple oxydation, que ce soit celle des métaux ou encore celle du glucose (qui se produit lors de la respiration), était dénommée combustion lente. La présence d'une flamme était caractéristique de la combustion vive : c'est à cette dernière que se réfère l'utilisation moderne du mot.
2. ASPECTS CHIMIQUES DE LA COMBUSTION
Si la combustion, dans la vie de tous les jours, nous apparaît comme une réaction très simple, ce processus étudié dans les laboratoires de recherche devient une succession complexe de réactions chimiques.
2.1. RÉACTIONS EN CHAÎNE
La réaction de combustion la plus simple est assurément celle du dihydrogène par le dioxygène (→ hydrogène, oxygène):
H2 + ½ O2 → H2O + énergie.
La simplicité de cette relation n'est cependant qu'apparente, le mécanisme réactionnel étant en réalité constitué d'une succession de réactions élémentaires.
La première réaction élémentaire est appelée réaction d'initiation. Elle permet de briser la molécule d'oxygène en deux radicaux, et ce grâce à une collision avec un partenaire quelconque, que ce soit une autre molécule ou la paroi du réacteur, afin d'obtenir le second corps de la collision :
(1) O2 + M → 2O* + M.
Le radical obtenu (O*) étant instable, il va réagir facilement, en particulier avec une molécule d'hydrogène :
(2) H2 + O* → *OH + H*,
puis les radicaux nouvellement formés vont à leur tour réagir :
(3) O2 + H* → *OH + O*
et
(4) H2 + *OH → H2O + H*.
Les réactions (2) et (3), qui permettent la diversification et l'augmentation du nombre de radicaux en présence, sont des réactions de ramification, la réaction (4), qui fournit le produit final tout en reformant un radical qui va relancer la réaction (3), est une réaction de propagation. Des réactions défavorables à la combustion sont également possibles :
(5) H* + H + M → H2 + M
(6) *OH + H* + M → H2O + M.
Très exothermiques, elles nécessitent la présence d'un partenaire de choc M quelconque. La réaction (5), qui bloque l'ensemble du mécanisme, est une réaction de rupture, alors que la réaction (6), qui crée le produit final mais ne permet pas la réinitialisation de l'ensemble, est une réaction de terminaison. L'ensemble de ces réactions élémentaires constitue un mécanisme de réactions en chaîne.
2.2. CINÉTIQUE CHIMIQUE
Pour que le produit final soit obtenu, il est absolument nécessaire que la réaction (5) ne soit pas trop rapide, afin d'éviter la formation de molécules d'eau par recombinaison systématique de l'hydrogène (→ cinétique [chimie]). La vitesse d'une réaction élémentaire (la réalité étant plus complexe pour une réaction globale) est proportionnelle à la quantité de chaque réactif nécessaire à cette réaction : plus la concentration d'un corps est importante, plus les collisions entre molécules seront fréquentes. Le coefficient de proportionnalité qui en est déduit dépend également de la température : plus la température est élevée, plus l'énergie cinétique des molécules est forte. Les calculs effectués à partir des données cinétiques élémentaires permettent de juger de la bonne représentation du mécanisme réactionnel complet envisagé.
2.3. COMPLEXITÉ DES RÉACTIONS DE COMBUSTION
L'étude de la combustion du propane pur (C3H8), corps plus complexe que l'hydrogène, conduit, dans le souci de bien représenter le mécanisme réel de la combustion dans le dioxygène pur, à considérer 126 réactions élémentaires; la réaction globale stœchiométrique s'écrivant :
C3H8 + 5O2 → 3CO2 + 4 H2O + énergie.
Ainsi, lors de l'utilisation du butane, dont les molécules sont plus grandes que celles du propane, on imagine difficilement la complexité du mécanisme réactionnel se produisant dans la flamme du brûleur. Aussi la combustion de produits non purs, tels que les fiouls lourds brûlés dans les centrales thermiques conventionnelles, et qui contiennent plusieurs composés carbonés, soufrés et azotés, est-elle d'une étude particulièrement difficile.
2.4. COMBUSTION COMPLÈTE, COMBUSTION INCOMPLÈTE
Les équations globales de combustion écrites précédemment à titre d'exemple pour le dihydrogène et le propane représentent des réactions de combustion complète, car les produits obtenus (CO2, H2O) sont incombustibles : ils ne peuvent à leur tour donner naissance à des réactions de combustion.
En revanche, si la quantité de dioxygène est insuffisante au niveau de la flamme, là où la température est assez élevée pour que les réactions aient lieu, la combustion de la molécule d'oxyde de carbone, composé intermédiaire relativement stable, ne peut être entièrement réalisée. La combustion de cet oxyde est alors incomplète.
La richesse r d'un mélange permet de comparer les proportions d'oxydant et de combustible effectivement en présence dans le milieu réactif :

Si ce rapport est supérieur à l'unité, la combustion est nécessairement incomplète. Mais une richesse inférieure à 1 n'est pas une condition suffisante pour qu'une combustion soit complète : celle-ci peut être stoppée pour des raisons cinétiques (vitesse de réaction trop lente) ou mécaniques (combustible et comburant trop éloignés, par suite d'un écoulement défavorable). Les produits obtenus, tel l'oxyde de carbone (CO), étant généralement toxiques, la lutte contre la pollution doit prendre en compte l'élimination des combustions incomplètes.
2.5. CONDITIONS D'INFLAMMATION
La présence, en un même endroit, d'un combustible et d'un comburant est requise pour la formation d'une flamme. De plus, cette dernière, qui est caractéristique de la réaction de combustion, nécessite une température – obtenue par une étincelle, par le contact d'un corps chaud ou par chauffage de l'ensemble, en au moins un endroit du mélange – qui doit être supérieure à la température d'inflammation Ti (cette température dépend du mélange considéré et de la pression à laquelle se déroule la réaction).
En outre, la proportion de combustible doit être comprise entre deux valeurs limites Li (limite inférieure au-dessous de laquelle le mélange est trop pauvre pour être inflammable) et Ls (limite supérieure au-dessus de laquelle le mélange est trop riche) ; ces grandeurs dépendent aussi de la nature des réactifs et de la pression (l'influence de la température est alors pratiquement nulle).
Par exemple, la combustion du dihydrogène dans l'air n'est possible que si la proportion en volume du dihydrogène est comprise entre 4 % et 75 % du mélange, et dans les conditions stœchiométriques (30 % environ de dihydrogène en volume) il faut chauffer l'ensemble jusqu'à Ti = 572 °C.
2.6. COMBUSTION DANS L'AIR
La combustion dans l'air diffère de celle qui s'opère dans le dioxygène pur par un effet de dilution thermique.
Ainsi, pour le méthane, la réaction globale de combustion dans l'air s'écrit :
CH4 + 2O2 + 7,52 N2 → CO2 + 2 H2O + 7,52 N2 + énergie.
Dans cette réaction, un terme supplémentaire apparaît : l'azote (3,76 molécules d'azote par molécule d'oxygène) ; les autres composants de l'air (gaz rares) étant négligeables. Rien ne semble changer, pourtant l'énergie obtenue lors de la réaction sert en partie à chauffer une masse plus importante de produits (ici, 258,56 g au lieu de 48 g par molécule de méthane). L'ensemble des produits finals est par conséquent à une température moins élevée, et cette diminution de la température peut être un facteur décisif dans la vitesse de la réaction chimique.
3. ASPECTS PHYSIQUES DE LA COMBUSTION
La flamme, en tant que phénomène physique, est la première manifestation de la combustion. On en distingue deux sortes : les flammes de prémélange, ou de mélange préalable, obtenues lorsque le combustible et l'oxydant sont mélangés avant d'être mis en réaction ; et les flammes de diffusion, qui apparaissent à l'interface située entre les deux réactifs principaux non mélangés, ces dernières pouvant se stabiliser grâce aux processus conjugués de diffusion moléculaire et de diffusion thermique.
3.1. LES FLAMMES DE PRÉMÉLANGE
Le bec Bunsen fournit l'exemple de flamme de prémélange, ou de mélange préalable : elle apparaît immobile (en l'absence de turbulences créées par l'air environnant), alors que du mélange combustible est consommé : cela signifie que le front de flamme se déplace à la même vitesse (mais dans le sens contraire) que l'écoulement du prémélange, et qu'elle se trouve ainsi au repos dans le repère du brûleur.
LES TROIS TYPES DE COMBUSTION
Ces considérations cinématiques permettent de distinguer trois types de combustion : si la vitesse du front de flamme est lente (inférieure ou égale à environ 1 m/s), c'est une déflagration ; si la vitesse est très supérieure (supersonique et de l'ordre du km/s), il se forme une onde de choc, c'est une détonation (→ son) ; lorsque l'inflammation est si rapide que chaque point du milieu réactif s'enflamme spontanément au même moment, c'est une explosion. Dans ce dernier cas, il n'y a pas de propagation au sens précis du terme, mais un emballement des réactions en chaîne ; ce processus n'est plus gouverné par la mécanique, mais par la chimie.
Il n'existe pas d'intermédiaire stable entre ces trois cas de combustion. Ainsi, le confinement est une condition de la transition entre la déflagration et la détonation, et les domaines d'explosion et de détonation sont des sous-domaines de celui de l'inflammabilité. Il apparaît ainsi que le moteur à explosion, qui équipe en particulier les automobiles, devrait être appelé moteur à déflagration. Mis à part la plupart des moteurs, les flammes de prémélange sont celles des brûleurs de cuisinières à gaz, et les considérations précédentes permettent de comprendre la nécessité de l'adaptation parfaite entre le détendeur, le brûleur et le gaz pour obtenir une flamme stable et non dangereuse.
Dans un autre domaine, des recherches sont actuellement mises en œuvre pour maîtriser la combustion supersonique des superstatoréacteurs devant équiper les avions hypersoniques de demain.
3.2. LES FLAMMES DE DIFFUSION
Deux gaz différents se mélangent grâce au mouvement d'agitation thermique qui anime leurs molécules : c'est le phénomène de diffusion. Lorsqu'un combustible et un comburant sont en contact, il va apparaître une zone où seront présentes les conditions de concentration requises pour l'inflammation. Si la température d'inflammation est atteinte dans une partie de cette zone (il suffit que les gaz soient suffisamment chauds ou qu'il y ait un apport énergétique extérieur), une flamme va apparaître.
CAS DE L'INFLAMMATION SPONTANÉE
Dans le cas de l'inflammation spontanée, la flamme prend naissance à l'endroit où les proportions stœchiométriques de la réaction sont observées. Si la combustion est déclenchée par chauffage ponctuel, elle se développe en ce même point, mais la flamme va se déplacer vers sa position d'équilibre (conditions stœchiométriques).
CAS DE L'ALLUMAGE COMMANDÉ
Dans le cas de l'inflammation commandée, pour que la réaction soit entretenue et que la flamme soit stable, il faut que se réalise un équilibre entre deux phénomènes qui se déroulent à contresens. La diffusion massique doit être suffisante pour qu'il y ait toujours, près de la flamme, de l'oxydant et du combustible en quantités requises. Aussi, la diffusion thermique, qui apparaît à cause du gradient de température consécutif au dégagement de chaleur de la réaction, ne doit pas être trop efficace, sinon la température des gaz près de la flamme risque d'être trop basse pour que la cinétique de la réaction soit bonne.
L'ÉCOULEMENT TURBULENT
Dans la réalité, deux gaz ne se trouvent pas accolés, il y a injection de l'un dans l'autre, ou, plus couramment, injection parallèle du combustible et du comburant. Les vitesses d'injection des deux gaz n'étant pas obligatoirement les mêmes, il va se produire un cisaillement mécanique à l'interface des deux fluides, et des tourbillons vont se développer : l'écoulement devient turbulent. La flamme est alors enroulée, étirée, jusqu'à l'extinction.
Une étude simultanée de la chimie (cinétique des nombreuses réactions élémentaires) et de la physique (mécanique des fluides compressibles en écoulement turbulent) doit être menée pour pouvoir prévoir les vitesses et les débits d'injection qui permettent d'assurer une combustion complète.
Pour reprendre l'exemple du bec Bunsen, en cas de débit d'air insuffisant à l'admission, du gaz combustible resterait imbrûlé s'il ne se développait une flamme de diffusion, caractérisée par le panache rougeâtre qui se développe au détriment de la zone bleue (le panache est également observé avec un débit d'air convenable, mais il est alors peu important et il est le siège de réactions de recombinaison). La combustion dans un moteur-fusée et dans un feu de bois est celle de flammes de diffusion.
Qu'elle soit de prémélange ou de diffusion, une flamme est généralement visible, car il s'y produit des émissions de lumière. La couleur permet de juger de la concentration des différents corps en présence, en particulier des radicaux chimiques intermédiaires, qui sont caractérisés par des raies d'émission très précises (→ spectre).
Une flamme est également bruyante, car elle oscille avec une certaine fréquence. Cela se produit lorsqu'il y a résonance entre la combustion elle-même et la chambre de combustion et entre les écoulements d'injection des combustibles et des comburants. Ce bruit est une preuve d'instabilité pouvant conduire à l'extinction.
4. LES DANGERS DE LA COMBUSTION
Les principaux rejets polluants de la combustion sont NO, CO, SO2, SO3, C et les hydrocarbures imbrûlés. De grands espoirs sont placés dans des diagnostics optiques qui permettraient de détecter ces corps dans les fumées industrielles, en remplacement des méthodes de prélèvements actuellement employées.
Les fiouls les plus polluants étant aussi les moins onéreux, une législation stricte de leur utilisation doit aller de pair avec une recherche fondamentale. S'ajoutant au risque d'explosion provoquée par une simple étincelle dans un milieu où les concentrations correspondent au domaine d'inflammabilité explosive, l'incendie est le danger essentiel encouru non seulement lors de l'utilisation du combustible, mais aussi lors de son transport et de son stockage.
La lutte contre l'incendie dépend du type de foyer rencontré. L'eau peut être employée contre des feux secs (bois, papier, tissus). Pour lutter contre les feux gras (hydrocarbures), l'eau est à proscrire, sauf éventuellement sous forme pulvérisée dans certaines conditions : il est préférable d'employer des extincteurs à carbures halogénés (CH3Br), qui étouffent les flammes grâce à l'avidité d'oxygène des molécules projetées, des mousses (émulsion de CO2 dans de l'eau) ou des poudres (NaHCO3).
Contre un feu électrique (sec ou gras à proximité d'une ligne électrique), il ne faut pas, là non plus, employer d'eau, car celle-ci a une conductivité électrique élevée.
Pour en savoir plus, voir l'article risques naturels et technologiques.
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LA CHIMIE : SCIENCE DES TRANSFORMATIONS |
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LA CHIMIE : SCIENCE DES TRANSFORMATIONS
La chimie, science des transformations, a permis la synthèse de nombreux produits qui ont profondément modifié notre vie quotidienne. Ces synthèses nécessitent une compréhension fine de la réaction chimique, acquise au cours des deux derniers siècles. Les chimistes du 19è siècle, qui ne pouvaient "voir" les atomes, ont pu cependant déterminer les structures par analyse chimique. Cet exploit équivaut à celui d'un aveugle qui, connaissant seulement les quantités de matériaux utilisées, reconstitue exactement les châteaux de la Loire ! Un grand thème du 20è siècle a été les mécanismes, qui précisent comment les structures se transforment au cours d'une réaction. Comme les intermédiaires ne peuvent être isolés et étudiés, élucider un mécanisme revient à regarder les premières et dernières scènes d'une pièce de théâtre et à deviner ce qui se passe entre les deux. Et on y arrive ! Le 21è siècle verra sans doute une chimie des systèmes complexes, ayant des caractéristiques proches du vivant.
Texte de la 232e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 19 août 2000.
La chimie, science des transformations par
Nguyên Trong Anh En chinois, chimie se dit science des transformations. De fait, depuis des siècles, des techniques chimiques ont permis de transformer la matière en des produits de première nécessité. Sans chimie, plus de métaux, de briques, de mortier. Nous habiterions encore des cavernes. Plus de livres. Nous retournerions à l'âge de pierre. Car le bronze, c'est déjà de la chimie. Si les arts chimiques sont très anciens, la science chimique est bien plus récente. Elle est née à la fin du XVIIIe siècle, quand l'homme ne s'est plus contenté de recettes empiriques et a cherché à comprendre ce qu'il faisait, ce qui posait trois problèmes. D'abord, il faut connaître les objets qui se transforment, donc déterminer leurs structures, c’est-à-dire préciser la nature des atomes constitutifs et la manière dont ils s'enchaînent entre eux. Il faut ensuite comprendre comment ces objets se transforment. Ce sont les mécanismes de réaction. Enfin, il s'agit d' utiliser ces connaissances pour la synthèse. Les exemples qui suivent illustrent une caractéristique de la science chimique : les questions étudiées sont souvent très difficiles et leurs solutions étonnamment simples.
La détermination des structures Imaginez Sherlock Holmes, mais un Holmes aveugle et n'ayant aucune idée de ce qu’est un château. Imaginez qu’on lui lise les livres de compte des architectes (Amboise, Blois… ont nécessité respectivement tant de pierres, d’ardoises, etc.) et que, muni de ces seuls renseignements, Holmes reconstitue exactement tous les châteaux de la Loire. Vous direz sans doute que c’est impossible, même pour Sherlock Holmes… et vous auriez tort. Car les chimistes du XIXe siècle avaient réussi un exploit équivalent. C'étaient des aveugles car ils ne pouvaient voir les molécules, encore moins les atomes. En fait, vers 1800, on ignorait ce qu’était une molécule (le château de la parabole) Tout ce que les chimistes pouvaient faire était d’effectuer des réactions : A + B Æ C + D et d’examiner A, B, C, D par analyse centésimale (équivalente des livres de compte), qui indique que dans tel composé, il y a tant pour cent de carbone, tant pour cent d'oxygène, etc. Cela leur avait suffi pour en déduire qu’un composé organique est un ensemble de molécules identiques, lesquelles sont formées d’ atomes, comme les maisons sont faites de briques et de tuiles…. Mieux, ils avaient créé une théorie, la chimie organique structurale, qui leur permettait d'établir par voie chimique, c’est-à-dire uniquement en faisant des réactions et des analyses, comment les atomes d’une molécule sont disposés dans l’espace. Pour l'Américain R. P. Feynman, prix Nobel de physique 1965, c’était là « une des plus fantastiques enquêtes policières jamais réalisées. » Pour Sir F. G. Hopkins, prix Nobel de médecine 1929, la chimie organique structurale était « l’un des plus grands exploits de l’esprit humain. » Voici deux épisodes de cette fantastique enquête, qui a duré trois quarts de siècle. La loi des volumes et son interprétation par Avogadro En 1808, le Français L.-J. Gay-Lussac fit remarquer que les réactions entre gaz étaient très simples : 1 volume d’hydrogène + 1 volume de chlore = 2 volumes de chlorure d’hydrogène 2 volumes d’hydrogène + 1 volume d’oxygène = 2 volumes de vapeur d’eau 3 volumes d’hydrogène + 1 volume d’azote = 2 volumes d’ammoniac C’était la célèbre loi des volumes : les volumes des gaz qui se combinent et ceux des produits formés sont dans des rapports simples : 1 à 1, 1 à 2, 2 à 3 … Voici l’interprétation qu’en a donnée l'Italien A. Avogadro (1811). Puisque les gaz se combinent dans des rapports simples, il est raisonnable de penser que : 1) La matière a une structure discontinue, chaque corps étant une juxtaposition « d’unités élémentaires » identiques. Cette hypothèse atomique est ici bien naturelle. Mélangeons en effet du bleu avec du jaune, nous obtenons une gamme continue de vert. Il n'y a aucune raison de choisir un vert plutôt qu'un autre, c’est-à-dire de prendre du jaune et du bleu dans des proportions simples. Étudions maintenant un ensemble discontinu d'éléments en prenant comme analogie un ballet. À tout moment, le nombre de danseurs est un nombre entier, celui de danseuses aussi. Ainsi, puisque l'hydrogène et le chlore se combinent volume à volume, il faut admettre en plus que : 2) Dans un volume donné, quel que soit le gaz, il y a toujours le même nombre « d’unités élémentaires ». Pour saisir la nécessité de cette hypothèse d'Avogadro, pensons à un bal où hommes et femmes sont en nombres égaux : personne ne fait tapisserie. L'analogie ne peut être poussée trop loin. Si une unité d'hydrogène se combine avec une unité de chlore pour donner une unité de chlorure d'hydrogène il résultera alors de l'hypothèse d'Avogadro qu'un volume d'hydrogène se combine avec un volume de chlore (ce qui est correct) pour donner un volume de chlorure d'hydrogène (ce qui est en désaccord avec l'expérience). Pour retrouver les résultats observés, il faut admettre deux autres hypothèses : 3) Les « unités » (appelées désormais molécules) ne sont pas les constituants ultimes de la matière mais sont formées d’une ou de plusieurs « particules » (atomes), identiques ou non. 4) Chaque atome ne peut faire qu'un nombre déterminé de liaisons avec ses voisins. Ce nombre s'appelle sa valence. Tout rentre alors dans l'ordre. Supposons que les molécules d'hydrogène et de chlore soient diatomiques et qu'un atome d'hydrogène s'unisse avec un atome de chlore pour donner une molécule de chlorure d'hydrogène. La réaction s’écrit symboliquement : Si les molécules d'oxygène et d'azote sont diatomiques et si les atomes d'oxygène et d'azote se lient respectivement avec deux et trois atomes d'hydrogène, les réactions de formation de l’eau et de l’ammoniac seront : Cette théorie avait reçu un accueil mitigé. Elle contenait quatre hypothèses : la structure discontinue de la matière (hypothèse atomique), l'hypothèse d'Avogadro, l'existence de molécules et les valences fixes des atomes. Or les chimistes, positivistes, n’aimaient guère spéculer sur des objets non observables. Ainsi, l’hypothèse atomique était récusée par les Français J. B. Dumas, H. E. Sainte-Claire Deville et M. Berthelot. En Allemagne, le célèbre W. Ostwald ne l’a acceptée qu’en 1911. À plus forte raison, les gens rechignaient à admettre d’un coup quatre hypothèses extraordinaires basées sur des données expérimentales limitées. La théorie d’Avogadro n’a été acceptée que cinquante ans après, quand les quatre hypothèses ont été expérimentalement prouvées, chacune de plusieurs manières. Voici une façon de déterminer les valences des atomes. Vers 1850, le Britannique E. Frankland tenta de préparer le radical éthyle C2H5 en traitant l'iodure d'éthyle I-C2H5 par le zinc. La réaction de Zn avec I devrait libérer l'éthyle : Zn + 2 I-C2H5 Æ I-Zn-I + 2 C2H5 (deux radicaux éthyle) En fait, il obtint la réaction que voici : Zn + 2 I-C2H5 Æ I-Zn-I + C2H5-C2H5 (une molécule de butane) Comment interpréter ce résultat ? L'éthyle a bien été engendré puisque l’iode de I-C2H5 s'est lié avec le zinc. Mais comme il n’a pu être isolé, cela signifie qu’il est très réactif et se combine aussitôt. Son couplage avec un seul congénère pour donner le butane indique qu’il ne peut faire qu’une liaison. On dit qu’il est monovalent. Comme l’éthane C2H5-H résulte de l’union de C2H5 et d’un hydrogène, H est donc aussi monovalent. Les formules OH2 (eau) et NH3 (ammoniac) montrent que l'oxygène est divalent et l’azote trivalent. De proche en proche, on peut ainsi déterminer les valences de tous les atomes. Détermination d'une structure inconnue Schématiquement, la détermination de la structure d'un composé inconnu par voie chimique se fait de la manière suivante :
1) L’analyse centésimale donne les pourcentages des éléments constitutifs (la molécule contient tant pour cent de carbone, tant pour cent d'hydrogène).
2) La masse moléculaire est déterminée en mesurant la densité de vapeur ou en faisant appel aux lois de Raoult (les températures d’ébullition et de congélation d’une solution dépendent de la quantité et de la masse moléculaire du soluté). Couplée avec l’analyse centésimale, la masse moléculaire fournit la formule brute (nombres d'atomes de chaque espèce dans la molécule).
3) Les fonctions chimiques présentes sont reconnues grâce aux réactions caractéristiques. Ainsi, tous les alcools primaires possèdent les propriétés suivantes : - Ils ont un hydrogène échangeable avec Na ; - Ils réagissent avec des acides carboxyliques pour donner des esters ; - Oxydés, ils perdent deux hydrogènes et donnent des aldéhydes ; - Traités par un acide fort, ils éliminent une molécule d’eau, créant une double liaison C=C. À chaque fonction chimique correspond un groupe d’atomes déterminé. Par exemple, tous les alcools primaires possèdent le groupe -CH2OH.
4) La molécule est découpée en morceaux assez petits pour que leurs structures puissent être facilement établies.
5) Il ne reste plus qu’à assembler les pièces du puzzle. En cas de doute, la structure envisagée peut être confirmée par synthèse. L'écriture chimique Les conventions sont les suivantes - Les valences doivent être respectées : l'hydrogène a une liaison, l'oxygène en a deux, l'azote trois, le carbone quatre. Chaque trait représente une liaison : - Chaque atome est représenté par son symbole chimique : O (oxygène), N (azote)…, mais les carbones (C) et les hydrogènes (H) qui leur sont directement attachés ne sont pas toujours explicités. Il est facile de reconstituer la formule développée complète à partir de la formule simplifiée : La détermination de structure par voie chimique d'un composé contenant 15 atomes de carbone consomme une centaine de grammes du produit inconnu et demande à un bon chimiste quatre à cinq ans de travail. Jusque vers 1960, on ne pouvait faire mieux. Depuis, la chimie analytique a progressé, en particulier dans deux domaines : la séparation des mélanges complexes et la détermination des structures par spectroscopies. Ces avancées ont des conséquences pratiques très importantes. En effet, les produits naturels sont généralement des mélanges. Ainsi, l'essence de rose contient environ 200 composantes. Le phényléthanol en est le constituant principal, mais ce sont les produits secondaires qui font la finesse de l'essence. Une piquette peut avoir à 95 % la même composition qu'un château-margaux, mais il n'est pas nécessaire d'être œnologue pour les distinguer ! Il est donc essentiel pour les contrôles de qualité de pouvoir analyser quantitativement les produits mineurs. La limite de détection d'un composé connu est actuellement de l'ordre de 10fg (un femtogramme est un millionième de milliardième de gramme). Identifier une impureté de 10fg dans un gramme de mélange équivaut à repérer 1mm sur la distance Terre-Soleil. La détermination de la structure d'un produit inconnu par spectroscopies n'exige que quelques millionièmes de gramme et quelques journées. C'est plus qu'un simple gain de produit et de temps. Chaque fois que la chimie analytique gagne quelques ordres de grandeur, des domaines inaccessibles avant s'ouvrent aux chercheurs. Supposons qu'on veuille examiner les métabolites d'un médicament. Comme la dose journalière est en général inférieure au gramme, si l'analyse requiert 100g de chaque métabolite, une telle étude sera impossible. Sans analyse de traces, l'écologie scientifique n'existerait pas. Par d'exemple, la réglementation européenne interdit d'émettre plus d'un milliardième de gramme de dioxines par mètre cube de fumée. Le mot dioxines doit être employé au pluriel. En effet, il en existe près d'une quarantaine, aux propriétés physiques et chimiques voisines, et toutes ne sont pas toxiques. Il y a quelques années, une usine était menacée de fermeture. Une analyse fine a montré qu'un produit, identifié comme toxique, est en réalité un mélange de plusieurs dioxines, la plupart non dangereuses. L'usine est donc aux normes et ma collègue très fière d'avoir sauvé plusieurs centaines d'emplois. Sachant maintenant déterminer les structures, abordons le deuxième problème.
Les mécanismes de réaction Le graphe suivant représente un chemin réactionnel. Le point A correspond au système de départ. Quand la réaction se produit, les structures et énergies des réactifs changent. En général, l'énergie du système augmente, passe par un maximum correspondant à l'état de transition, puis redescend vers le point B, représentatif des produits d'arrivée. Sur le chemin réactionnel, seuls A et B correspondent à des systèmes stables, dont les structures peuvent être établies. Les autres points représentent des espèces fugitives, d'une durée de vie de l'ordre de la picoseconde (un millionième de millionième de seconde). Leurs structures ne peuvent être précisées. Or, un mécanisme de réaction devrait détailler les changements structuraux faisant passer des réactifs aux produits. Selon une boutade célèbre, proposer un mécanisme basé sur les structures des réactifs et des produits équivaut à regarder la scène d'exposition et la scène finale d'une pièce de théâtre et à de deviner ce qui se passe au milieu ! Ce n'est qu'une boutade. En fait, le chimiste examine une infinité de pièces apparentées. Il modifie la première scène et la Nature lui indique comment la scène finale sera changée. Il peut ainsi en déduire des renseignements sur les scènes intermédiaires. Considérons par exemple la réaction du brome sur une double liaison C=C (alcène). La cinétique est du second ordre, ce qui signifie que la réaction a lieu quand une molécule de brome interagit avec une molécule d'alcène. Changeons maintenant de solvant. En passant d'un solvant non polaire à un solvant polaire (qui stabilise les charges électriques), la vitesse augmente. Or la vitesse de réaction dépend de l'énergie d'activation, différence d'énergie entre l'état de transition et le système initial. Plus l'énergie d'activation est faible, plus la vitesse est grande. Le système de départ étant composé d'alcène et de brome, sans charges électriques, son énergie ne doit pas varier avec le solvant. Si l'énergie d'activation diminue, cela veut donc dire que des charges sont apparues dans l'état de transition. Recommençons la réaction en ajoutant des ions chlorures Cl-. À côté du dérivé dibromé « normal » apparaît un produit où l'un des bromes a été remplacé par un chlore : Comme le chlore est présent sous forme d'ion négatif, il est naturel de penser que le brome remplacé est aussi un ion Br-. Le produit final étant neutre, le reste de la molécule doit par conséquent être un ion positif. Un mécanisme possible (confirmé par d'autres expériences) est le suivant. L'alcène arrache Br+ à la molécule de brome pour former un ion cyclique en expulsant un bromure Br-. Ce dernier attaque un carbone de l'ion positif pour donner le produit final dibromé. Évidemment, l'ion positif peut se combiner avec Cl- pour conduire au dérivé chloré. Par touches successives, on peut ainsi obtenir une image étonnamment précise d'un mécanisme de réaction. Dans ces mécanismes, les intermédiaires ne sont connus que par inférence. Depuis une vingtaine d'années, ils peuvent être étudiés directement. Grâce à des ordinateurs puissants, les structures et énergies des intermédiaires peuvent être calculées par la chimie quantique. L'importance de ces travaux a été reconnue par le prix Nobel 1998 attribué à l'Anglais J. A. Pople et à l'Américain W. Kohn. Les intermédiaires peuvent aussi être observés expérimentalement par la femtochimie. La méthode consiste à envoyer sur le système réactionnel une impulsion laser de quelques femtosecondes (millionièmes de milliardième de seconde) pour l'activer, puis une deuxième impulsion laser pour l'analyser. On obtient ainsi une «photographie» du système en évolution. Comme une réaction chimique dure quelques milliers de femtosecondes, cette technique fournit des instantanées de la transformation. L'américano-égyptien A. Zewail a reçu le prix Nobel 1999 pour ses contributions en ce domaine. Il est certain qu'un jour viendra où tous les points d'un chemin réactionnel pourront être décrits en détail. Pour l'instant la femtochimie reste limitée à des systèmes de 3 ou 4 atomes. Actuellement, on doit donc se contenter des mécanismes «classiques», obtenus par inférence. Ils permettent déjà de choisir les bonnes conditions expérimentales et d'inventer parfois éventuellement on donnée .suggère de nouvelles réactions. Prenons par exemple la réaction : acide carboxylique + alcool = ester + eau Peut-on la faire en milieu neutre ? Le mécanisme d'estérification indique qu'il se forme d'abord une liaison entre l'oxygène de l'alcool R' OH et le carbone de R- C-O2H. La flèche allant de O vers C signifie que les deux électrons de liaison appartenaient à l'oxygène. Après liaison, ils sont partagés entre C et O. L'oxygène ayant ainsi cédé un électron négatif va avoir une charge positive. Comme un carbone ne peut être entouré que de 8 électrons périphériques, l'arrivée des électrons de l'alcool va chasser deux électrons initialement partagés par le C et l' O de l'acide carboxylique (deuxième flèche sur la figure). Cet oxygène reçoit un électron additionnel et aura une charge négative : Il apparaît donc dans le produit d'arrivée des charges, ce qui coûte de l'énergie. Pour le montrer, Feynman donnait donner l'exemple suivant. On prend deux grains de sable de 1mm de diamètre à 30m de distance et on les ionise, l'un positivement, l'autre négativement. Ces grains vont s'attirer avec une force égale à 3 millions de tonnes ! L'estérification en milieu neutre sera par suite difficile. Est-elle plus facile en milieu basique ? L'hydrogène marqué en gras de RCO2 H est dix milliards de fois plus acide que celui de l'alcool R'O H. Une base, en faibles quantités, va réagir exclusivement avec RCO2H et le transformer en RCO2-, ion négatif peu apte à recevoir des électrons. La réaction sera plus difficile qu'en milieu neutre. Un excès de base sera encore pire. En effet, tous les protons sont alors arrachés et les réactifs transformés en RCO2- et R'O-. Deux charges de même signe se repoussant, ces espèces ne réagiront pas. Et en milieu acide ? Si un acide fort, source de proton H+, est ajouté en excès, toutes les molécules sont protonées en RCO2H2+ et R'OH2+. Ces espèces positives se repoussent et ne se combinent pas. Si maintenant l'acide est en quantités infimes, des molécules protonées et non protonées vont alors coexister. L'acide carboxylique protoné RCO2H2+ est activé. En effet, le proton soutire des électrons à l'oxygène, qui se rattrape en soutirant des électrons au carbone voisin. Ce dernier aura une charge positive et accueillera volontiers les électrons de l'alcool. La réaction se fera entre RCO2H2+ (activé) et R'OH (non désactivé). C'est la meilleure situation rencontrée jusqu'à présent. En milieu neutre, les réactifs ne sont pas activés. En milieu basique ou en présence d'un excès d'acide fort, les espèces sont désactivées. La situation est d’autant meilleure qu'il n'y a pas de création de charge comme dans la réaction en milieu neutre. Il n'est donc pas nécessaire de tout apprendre par cœur. Les raisonnements très simples précédents montrent que l'estérification ne se fait qu'en milieu acide. Mais si l'acide fort est en excès, la réaction n'aura pas lieu. Comment estérifier maintenant RCO2H si R ne résiste aux acides ? La comparaison des formules RCO2 H et RCO2 R' montre que l’estérification substitue R' à H. Une réaction de substitution n'est pas très facile et il est nécessaire d'activer RCO2H ou le donneur de R'. L'ajout d'une base active RCO2H sous forme de RCO2-. Le donneur peut être un iodure R'-I. Supposons maintenant que R ne résiste ni aux acides, ni aux bases. Comment estérifier RCO2H ? La réaction avec un alcool, qui exige un acide, est irréalisable. L'emploi d'une base étant exclu, l'estérification par substitution doit se faire par activation du donneur de R', en remplaçant I par un meilleur groupe partant, par exemple un diazo N2+. Quand RCO2H et le diazométhane CH2-N∫N sont en présence, l'acide protone son partenaire, réaction difficile car elle crée deux ions. L'équilibre est donc largement déplacé vers la gauche. L'étape suivante, qui neutralise ces ions, est par contre facile. De plus, l'azote gazeux se dégage du milieu et rend cette étape irréversible, si bien que le premier équilibre est constamment déplacé et l'estérification est complète à température ambiante en quelques minutes. Si les réactions en constituent une part importante, ce n'est pas toute la chimie. Un objectif majeur du chimiste reste la création de produits pour résoudre une question théorique ou répondre à un besoin pratique. La connaissance de la structure de la cible et la compréhension des mécanismes permettent de concevoir des plans rationnels de synthèse.
Synthèse d'une molécule complexe Rauwolfia serpentina est une plante utilisée dans la médecine traditionnelle de l'Inde. Son étude chimique, faite en 1955, a permis d'isoler un principe actif, la réserpine, maintenant employée pour le traitement de l'hypertension, des troubles nerveux et mentaux. Comment synthétiser ce composé ? L'examen de sa formule montre une structure partielle connue, la méthoxytryptamine : Il paraît logique de construire la partie restante et de la coupler ensuite avec la méthoxy-tryptamine. La cible intermédiaire I est un cycle à six chaînons portant cinq substituants différents : un aldéhyde CHO (permettant de lier ensuite le carbone au NH2 de la méthoxy-tryptamine), une chaîne CH2-CO2H (la fonction CO2H permettra de relier la chaîne à NH2 et au cycle pentagonal), une fonction ester, une fonction éther et encore une fonction ester (un trait renforcé représente une liaison dirigée vers l'avant de la figure et un pointillé une liaison dirigée vers l'arrière). Chaque substituant pouvant prendre deux positions (en avant ou en arrière), il y a en tout 32 combinaisons différentes dont une seule est correcte. Toutes les difficultés sont pratiquement résolues en trois étapes, utilisant trois notions enseignées en première année de chimie :
1) La réaction de Diels-Alder ( vide infra) ;
2) Un composé «courbe» est attaqué de préférence sur la face convexe ,plus accessible :
3) L'addition de XY sur une double liaison se fait trans, c’est-à-dire l'alcène étant plan, X va arriver par une face et Y par l'autre : Pourquoi la synthèse ? Il y a plusieurs raisons de synthétiser un composé d'origine naturelle. Une première est que les ressources ne sont souvent pas suffisantes. Si l'on voulait préparer le taxol - un anticancéreux - à partir de l'écorce de l'if, tous les arbres de la Terre ne suffiraient pas. Le produit synthétique peut coûter moins cher. C'est le cas de la vitamine C. La synthèse permet également rendre le produit plus efficace ou plus facile d'emploi. Ainsi, toutes les céphalosporines (des antibiotiques) sont semi-synthétiques, les produits naturels n'étant pas assez actifs. La pénicilline G doit être injectée. Une légère modification chimique la transforme en ampicilline, utilisable par voie orale. En remplaçant le soufre de l'ypérite (un gaz de combat) par un azote portant un groupe uracile, on obtient un médicament antitumoral ! La première étape de la synthèse est une Diels-Alder, réaction découverte dans les années trente par les Allemands O. Diels et K. Alder. Cette réaction s'est avérée si utile que le prix Nobel 1950 leur fut attribué. Elle fait intervenir deux composantes : un diène, ensemble de deux doubles liaisons (notées 1-2 et 3-4 sur la figure) et une double liaison 5-6. Ces composantes s'approchent l'une de l'autre dans deux plans à peu près parallèles. Par chauffage, il se crée deux liaisons simples 1-6 et 4-5 avec disparition concomitante de deux liaisons doubles. Il est facile de vérifier par les formules développées que la double liaison restante doit se trouver en 2-3. Les liaisons 1-6 et 4-5 définissent un plan. Fait remarquable, les deux composantes se trouvent de préférence du même côté de ce plan[1]. Les Américains R. B. Woodward[2] (Prix Nobel 1965 pour ses synthèses) et R. Hoffmann (Polonais d'origine, Prix Nobel 1980) ont donné en 1965 une explication quantique de ces propriétés. Le cycle inférieur de A est le précurseur de I. Notons que trois des chaînes latérales (en 4, 5 et 6) sont déjà correctement placées. Une addition sur 2-3 permettra d'introduire les substituants restants. L'addition se faisant trans, deux produits sont concevables : Dans le bon produit, les chaînes en 2 et 7 sont du même côté. L'emploi de l'oxygène en 7 comme réactif X forcera ce résultat. Quand on réduit A, les hydrogènes arrivent par la face convexe. L'oxygène en 10, repoussé vers l'avant, réagit avec l'ester en 4 pour donner un cycle pentagonal. La molécule prend alors une forme « cage » ( B) où l'oxygène en 7, passé du côté concave, se retrouve au-dessus du carbone 2 : B est alors traité par du brome. L'addition sur 2-3 se faisant trans, la réaction fournit C. En trois étapes, les 5 chaînes latérales sont correctement placées[3] ! Il reste à transformer C en I, puis à coupler ce dernier avec la méthoxytryptamine. Ce n'est pas beaucoup plus compliqué, mais trop long à expliquer et cette suite ne fait que confirmer le point essentiel de l'exposé précédent, à savoir qu'il est possible de synthétiser une molécule, quelle que soit sa complexité, en n'utilisant que des réactions connues. Ce n'est certes pas à la portée de tout le monde, comme de courir le mile en moins de 4mn, mais ce n'est plus un exploit surhumain. Les nouvelles frontières de la chimie sont ailleurs. Deux des défis de la chimie actuelle J. M. Lehn a signalé quelques pistes : chimie prébiotique, chimie supramoléculaire biomimétique[4], électronique moléculaire. Ces études restent pour l'instant du domaine fondamental. Mais le chimiste peut aussi contribuer à relever des défis aux conséquences pratiques plus immédiates. Selon la FAO, en 2000, un enfant sur quatre ne mange pas à sa faim. Il faut trouver des engrais, insecticides… qui permettent d'augmenter la production alimentaire tout en limitant la pollution. Ce n'est pas impossible. Comparons le DDT avec la deltaméthrine, insecticide introduit en 1982. La dose normale par hectare est de 0,5-3 kg de DDT et 0,01 kg de deltaméthrine. À doses égales, cette dernière est trois fois moins toxique. Elle persiste un mois dans le sol contre un à dix ans pour le DDT. Les progrès de la chimie permettront aussi d'économiser de l'énergie. Actuellement, environ 40 % de l'énergie consommée dans l'industrie servent aux séparations et purifications. Ces opérations seront moins coûteuses si les rendements des réactions approchent des 100 %. Ce n'est pas irréaliste : une synthèse industrielle de la cortisone se faisait en une quarantaine d'étapes, avec un rendement global dépassant 90 %. La chimie «douce» consomme moins d'énergie. Traditionnellement, les verres se fabriquent à ~ 2000°C. On sait maintenant les préparer à des températures inférieures à 100°C. Ces techniques permettent de leur incorporer des molécules organiques créant des matériaux étonnants. Greffons à la surface d'un verre des molécules qui repoussent l'eau. Un pare-brise fabriqué avec un tel verre ne retient pas l'eau et permet de voir par temps de pluie, même quand l'essuie-glace fonctionne mal. Greffons à la place des molécules hydrophiles. Sur ce verre, les gouttelettes s'étalent pour donner un film transparent au lieu d'une buée opaque. Une lucarne arrière ainsi faite pourrait se passer de chauffage. Certaines voitures de rallye sont déjà équipées avec des pare-brises et lucarnes de ce type. Toujours dans le domaine de l'automobile, remarquons que le rendement de la combustion de l'essence est misérable, de l'ordre de 30 %. Une augmentation de 5 % du rendement permettrait d'économiser 15 milliards de dollars par an, rien qu'aux États-Unis. En guise de conclusion G. B. Shaw faisait dire à un personnage d'une de ses comédies à peu près ceci : « La seule personne raisonnable que je connaisse est mon tailleur : il reprend mes mesures à chaque fois. Les autres me jugent une fois pour toutes. » Je souhaite que la chimie ne soit pas, elle aussi, jugée une fois pour toutes.
[1] Si les réactifs sont superposables à leurs images spéculaires, il y a une égale probabilité pour qu'ils soient tous les deux à droite du plan 1-6-5-4 comme sur la figure, ou tous les deux à gauche. Pour la clarté de l'exposé, nous représentons un seul composé. [2] Un des plus grands chimistes aynt jamais existé, aussi brillant en théorie qu'en synthède. [3] Il se forme aussi, en quantités égales, le produit image spéculaire de C (note 1). La séquence précédente ne permet d'éliminer «que» 30 combinaisons sur les 32 possibles. Il est cependant impossible de faire mieux, si les réactifs de départ sont superposables à leurs images. Cette synthèse de la réserpine(1958) est due à Woodward. [4] La chimie est la clé de la vie. L'information génétique est stockée, lue et transcrite chimiquement. Des messagers chimiques donnent le signal de la multiplication et de la différenciation cellulaire, de la formation des organes, de l'arrêt de croissance. C'est la chimie qui permet à l'organisme de créer de nouvelles cellules et de remplacer les anciennes. L'énergie nécessaire à ces synthèses provient d'une réaction, l'oxydation lente des aliments. Les êtres «sans défense» combattent généralement leurs agresseurs par des armes chimiques. La communication chimique est très répandue et les phéromones sont utilisées par les bactéries comme par l'homme. La communication hormonale est bien conne. La propagation de l'influx nerveux nécessite des messagers chimiques, les neurotransmetteurs.
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azote
(du grec dzôê, vie)
Consulter aussi dans le dictionnaire : azote
Cet article fait partie du dossier consacré à l'air.
Corps gazeux (N2) à la température ordinaire, qui constitue environ les quatre cinquièmes en volume de l'air atmosphérique. (Élément chimique de symbole N.)
* Numéro atomique : 7
* Masse atomique : 14,006 7
* Point d'ébullition : −195,8 °C
* Point de fusion : −210 °C
* Densité par rapport à l'air : 0,97
CHIMIE
DÉCOUVERTE DE L’AZOTE
L'azote a été découvert en 1772, par Daniel Rutherford et identifié comme corps simple par Antoine Laurent de Lavoisier en 1775. Il a également été étudié par Henry Cavendish en 1784, lors de ses travaux d’analyse de l’air.
ÉTAT NATUREL DE L’AZOTE
L'azote existe à l'état libre dans l'air, dont il constitue environ 78 % en volume, sous forme de molécules diatomiques (diazote N2). On le trouve également combiné dans les nitrates et les sels ammoniacaux. Il entre enfin dans la constitution des protéines et des acides nucléiques des êtres vivants.
PROPRIÉTÉS ET ACTIVITÉ CHIMIQUES
L'azote est un gaz incolore et inodore, difficile à liquéfier et peu soluble dans l'eau. À basse température, il est sans activité chimique, d'où son nom, mais le devient à haute température, où il passe à l'état monoatomique. Certaines de ses réactions sont d'une extrême importance, à cause du rôle que jouent ses composés dans la nature et dans l'industrie. Avec l'hydrogène à chaud, il donne de l'ammoniac, par une réaction réversible. Dans l'industrie, cette réaction de synthèse est réalisée à 550 °C, sous haute pression avec un catalyseur. Avec l'oxygène, l'azote donne, dans un arc électrique, le monoxyde d'azote NO.
PRÉPARATION
Dans l'industrie, la matière première, abondante et gratuite, est l'air. Par distillation fractionnée de l'air liquide, on obtient de l'azote qui renferme un peu d'oxygène, d'argon, de l'hélium et du néon du mélange de départ. On peut également priver l'air de son oxygène en l'utilisant pour la combustion du charbon ; on obtient alors de l'azote qui contient tous les gaz rares de l'air. Cet azote atmosphérique est livré en bouteilles d'acier, sous 200 atmosphères environ. Pour obtenir de l'azote pur (azote chimique), on chauffe vers 70 °C du nitrite d'ammonium. C'est en constatant que la densité de l'azote atmosphérique et celle de l'azote chimique étaient différentes qu'on a été amené à découvrir les gaz rares.
UTILISATIONS
Obtenu industriellement par distillation fractionnée de l'air liquide, l’azote est principalement utilisé dans la fabrication des engrais et de l'ammoniac, mais également comme atmosphère inerte dans le magasinage de liquides inflammables.
Comme liquide cryogénique, l'azote liquide a des applications alimentaires (congélation), médicales (conservation de tissus et organes, thérapie), industrielles (simulation spatiale, ébarbage, congélation des sols, etc.).
Par ailleurs, l'azote se combine avec divers métaux pour donner des nitrures ou des azotures.
LES OXYDES DE L'AZOTE
Endothermiques à partir de leurs éléments, ils sont peu stables à température modérée et peuvent jouer le rôle d'oxydants.
OXYDE NITREUX OU AZOTEUX, OU PROTOXYDE D'AZOTE N2O
C'est un gaz incolore et inodore, assez facile à liquéfier, produisant une excitation cérébrale (gaz hilarant) puis une anesthésie. Il se décompose à la chaleur en ses éléments et peut de ce fait entretenir des combustions vives.
MONOXYDE D'AZOTE OU OXYDE NITRIQUE NO
C'est un gaz incolore, difficile à liquéfier qui se décompose complètement au rouge vif et présente alors des propriétés comburantes. Au contact de l'oxygène, il s'oxyde spontanément en donnant de l'anhydride nitreux et du peroxyde d'azote. Il réduit ainsi le permanganate de potassium, l'acide nitrique concentré, etc. Il est obtenu dans l'industrie par synthèse directe dans l'arc électrique ou par oxydation catalytique de l'ammoniac, mais est aussitôt transformé en acide nitrique ou en acide nitreux. On le nomme aussi oxyde azotique (ou dioxonitrique II).
PEROXYDE OU DIOXYDE D’AZOTE NO2
C'est un liquide jaune pâle qui bout à 21 °C en émettant des vapeurs rouges dont la coloration augmente par chauffage. Cela provient de l'existence de deux variétés moléculaires : dimère N2O4, incolore et stable à froid, et monomère NO2, fortement coloré et se produisant à chaud par une réaction réversible. Dès 180 °C, la molécule NO2 se dissocie en NO et oxygène. Le peroxyde d'azote présente donc des propriétés comburantes et oxydantes qui le font employer comme ergol et pour réaliser des explosifs, dénommés panclastites. Au contact de l'eau, il se comporte comme un anhydride mixte.
ANHYDRIDE NITREUX N2O3
L’anhydride nitreux est obtenu à l'état liquide en mélangeant et en condensant des volumes égaux d'oxyde nitrique et de dioxyde d'azote. C'est un liquide bleu, qui bout vers 3 °C et qui se solidifie à − 102 °C. Très instable, il émet des vapeurs rutilantes, mélange de NO, de NO2 et de N2O2. Il possède à la fois les propriétés de l'oxyde nitrique et du dioxyde d'azote, c'est-à-dire qu'il peut se comporter comme un oxydant ou comme un réducteur (oxydoréduction). C'est un anhydride vrai qui correspond à l'acide nitreux HNO2. On le nomme aussi anhydride azoteux (ou dioxonitrique III).
ANHYDRIDE NITRIQUE N2O5
L’anhydride nitrique est préparé en déshydratant l'acide nitrique par l'anhydride phosphorique. C'est un solide blanc qui fond vers 30 °C en se décomposant. Le liquide obtenu est un mélange de N2O4 et N2O5. C'est un oxydant et un anhydride vrai. L'acide correspondant est l'acide nitrique (ou trioxonitrique V). L'anhydride nitrique est nommé aussi anhydride azotique. Les composés de l'anhydride nitrique jouent un rôle important dans l'industrie des engrais, des colorants et des explosifs.
LE CYCLE DE L'AZOTE
Cycle de l'azote
Élément essentiel des acides aminés, l'azote est l'un des quatre constituants universels de la matière vivante, avec le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Il constitue environ 80 % de la masse de l'atmosphère, mais seules quelques espèces vivantes dites prototrophes (bactéries libres ou symbiotiques du sol, cyanophycées) sont capables de l'absorber utilement. Les phototrophes (plantes vertes) se procurent l'azote dans l'eau ou dans le sol, surtout sous forme de nitrates. Une exception est constituée par les plantes dites enrichissantes, légumineuses surtout, qui hébergent des bactéries prototrophes dans les nodosités de leurs racines et dont l'enfouissement comme « engrais vert » enrichit le sol en azote. Les animaux utilisent l'azote contenu sous forme organique dans leurs proies animales ou végétales.
Excréments et cadavres rendent cet azote organique au sol, où une série d'actions microbiennes (ammonisation, nitrosation, nitratation) redonnent à cet élément la forme de nitrates, assimilables par les plantes. Mais des processus de dénitrification font équilibre à la fixation de l'azote dans le sol, de sorte qu'aucune évolution de la teneur de l'atmosphère en azote n'est constatée.
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