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Insuffisance rénale

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Insuffisance rénale

Sous titre
Décrypter les mécanismes de destruction du rein.        

L’insuffisance rénale résulte de l’évolution lente de maladies qui conduisent à la destruction des reins. Elle concerne plus de 82 000 personnes en France et nécessite le recours à la dialyse ou à la transplantation. Dans 50% des cas, les maladies rénales chroniques qui conduisent à l’insuffisance rénale sont la conséquence d’un diabète ou d’une hypertension artérielle.
Des progrès fulgurants ont été réalisés ces 10 dernières années dans la compréhension des mécanismes impliqués la destruction des reins au cours de ces maladies. Les recherches conduites permettent d’identifier des marqueurs diagnostiques et pronostiques. Elles autorisent aussi une meilleure adéquation des traitements aux patie       
de Néphrologie et dialyses de l’hôpital Tenon, AP-HP - unité Inserm 1155, Paris), Christos Chatziantoniou (unité Inserm 1155) et Renato Monteiro (Centre de recherche sur l’inflammation, unité Inserm 1149, Université Paris Diderot)

Comprendre l’insuffisance rénale
L’insuffisance rénale chronique (IRC) résulte de la destruction progressive et irréversible des reins. Elle se solde par la mort du patient si aucun traitement n’est appliqué.
Ses causes sont diverses et parfois inconnues, mêlant des facteurs génétiques, environnementaux et dégénératifs. Les complications associées découlent de la variété des fonctions remplies par les reins. Leur rôle le plus connu est de filtrer le sang pour éliminer les déchets issus du métabolisme (urée, créatinine, acide urique...). Mais ils servent également à maintenir l’eau à un niveau constant dans le corps et à équilibrer les taux de sels minéraux nécessaires à l’organisme comme le potassium, le phosphore ou le sodium. Ils produisent aussi des hormones, des enzymes et des vitamines indispensables à la fabrication des globules rouges, à la régulation de la pression artérielle et à la fixation du calcium.


Quand parle-t-on d’insuffisance rénale aiguë ?
L’insuffisance rénale chronique correspond à une destruction progressive et irréversible des reins. A l’inverse, l’insuffisance rénale aiguë se dit d’un dysfonctionnement transitoire et réversible de ces organes, provoqué par une hémorragie, une infection générale (septicémie), une intoxication médicamenteuse ou l’obstruction des voies urinaires (calculs, adénome prostatique) par exemple. Le recours à la dialyse est alors indispensable. Elle permet au patient de survivre pendant le processus d’autoréparation rénale qui se met en place une fois le patient stabilisé. On sait aujourd’hui que ce processus n’est pas complet et qu’il reste une mémoire de l’agression.

10% des Français seraient concernés

Source : Rapport annuel 2015 du réseau REIN


Le nombre total de malades souffrant d’insuffisance rénale est difficile à évaluer car la maladie ne se manifeste que lorsqu’elle a atteint un stade très avancé, parfois au bout de plusieurs dizaines d’années d’évolution silencieuse. Ainsi elle se manifeste rarement avant 45 ans, et sa prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
augmente avec l’âge, notamment après 65 ans.
Le Réseau épidémiologie et information en néphrologie (REIN) répertorie les patients pris en charge par dialyse ou transplantés. Fin 2015, il comptabilisait 82 295 personnes traitées pour insuffisance rénale chronique terminale. Le nombre de nouveaux cas augmente chaque année et concerne en premier lieu les personnes âgées de plus de 75 ans et les diabétiques.
Partie immergée de l’iceberg, le nombre de personnes malades des reins qui ne présentent pas de symptômes avoisinerait quant à lui 10% de la population française selon les estimations actuelles. Il place l’insuffisance rénale chronique dans la "top liste" des enjeux de santé publique : son dépistage devrait être systématiquement réalisé chez les sujets à risque (hypertendus, diabétiques) et les personnes de plus de 60 ans, entre autres.

Les causes de la maladie

Détail structural d'un rein humain. © Inserm/Celio, Marco
Les causes principales actuelles de l’insuffisance rénale sont le diabète et l’hypertension.
L’hyperglycémie diabétique induit une détérioration des petits vaisseaux au niveau des glomérules
glomérules
Structure du rein qui permet la filtration du sang et la formation de l’urine primitive.
, qui entraîne à terme le dysfonctionnement des reins. On parle de néphropathie
néphropathie
Maladie du rein.
diabétique. C’est la première cause de mise en dialyse dans les pays développés, avec une proportion qui augmente et un âge de survenue qui baisse. Elle constituait 22% des nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en 2015.
L’hypertension artérielle est l’autre cause principale d’insuffisance rénale. Elle s’associe à des rétrécissements des petites artères du rein qui peuvent se boucher et à une diminution de la vascularisation qui peut conduire à une défaillance rénale. La néphropathie hypertensive comptait pour 25% des nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en 2015 et elle est en augmentation.

Exprimées en pourcentage des nouveaux cas (source : Rapport d’activité 2015 du REIN)
Les autres néphropathies peuvent impliquer différents mécanismes, inflammatoire, dégénératif ou génétique. Elles sont souvent détectées à l’occasion d’une analyse de sang ou d’urine (protéinurie, hématurie), ou encore de la mesure de la pression artérielle pour un autre motif.
Les glomérulonéphrites primitives, qui constituaient la majeure partie des insuffisances rénales dans les années 1990, ne concernent plus que 12% des patients, mais elles doivent être diagnostiquées précisément car elles répondent souvent à un traitement spécifique.
Les pyélonéphrites constituent 4,3% des nouveaux cas d’insuffisance rénale. Elles résultent d’infections bactériennes répétées des voies urinaires hautes, souvent par E. coli, affectant l’un ou les deux reins.
L’insuffisance rénale peut également résulter d’une maladie génétique héréditaire affectant les reins. La polykystose est la plus fréquente d’entre elles avec 1 personne sur 1 000 touchée, ce qui représente 800 000 personnes en France et 5,4% des nouveaux cas répertoriés en 2015. Elle se manifeste par l’apparition progressive de kystes le long du tubule qui récupère les déchets filtrés par le glomérule. En proliférant et en grossissant, ces kystes envahissent les reins et empêchent leur fonctionnement normal.  

Freiner l’évolution de la maladie
Une fois la maladie rénale identifiée, l’objectif des traitements est de ralentir la destruction des reins en réduisant l’inflammation à l’origine du trouble dans les glomérulonéphrites et en prescrivant un traitement dit "néphroprotecteur". L’objectif est de retarder de plusieurs mois ou années l’évolution de l’insuffisance rénale vers son stade terminal.
Cause et conséquence de l’insuffisance rénale chronique, l’hypertension doit être contrôlée par un régime pauvre en sel et par un traitement hypotenseur. Il convient également de réduire les autres facteurs de risque cardiovasculaire, ainsi que d’éviter les médicaments néphrotoxiques ou d’adapter leur posologie. Sont également parfois prescrits certains médicaments qui favorisent l’érythropoïèse, réduisent l’absorption du phosphore, et l’élimination des excès d’eau et de sel, rétablissent l’équilibre acido-basique, et assurent des apports suffisants de vitamine D et de calcium.
L’adoption d’une bonne hygiène de vie permet elle-aussi de ralentir la destruction des reins. L’arrêt du tabac et l’adoption d’un régime alimentaire adapté est indispensable (réduction des protéines animales et des apports en phosphore, sodium, potassium, lipides, boire suffisamment), tout comme l’exercice physique quotidien.

Pallier les défaillances fonctionnelles du rein
Cinq stades ont été définis dans la progression de la destruction des reins observée dans l’insuffisance rénale chronique. Le dernier, appelé stade terminal, correspond au moment où les deux reins ont perdu plus de 85% de leur fonction (débit de filtration glomérulaire <15 ml/min).
Certains patients peuvent être stabilisés au stade 5 pendant plusieurs années. Mais la fonction rénale doit être le plus souvent suppléée par une transplantation de rein ou par une méthode d’épuration du sang via une dérivation extracorporelle (hémodialyse) ou péritonéale (dialyse péritonéale). Ces techniques ont révolutionné la prise en charge de la maladie rénale chronique qui était auparavant mortelle.

Source : Rapport annuel 2015 du réseau REIN

L’hémodialyse filtre le sang à travers une membrane artificielle pendant 4 heures, trois fois par semaine. Elle doit s’accompagner d’une prescription d’érythropoiétine et d’une alimentation adaptée pour pallier les anomalies métaboliques non corrigées par ce traitement, comme l’anémie et les désordres minéraux phosphocalciques.
La dialyse péritonéale, développée dès les années 1930, utilise le péritoine
péritoine
Membrane tapissant les parois de l'abdomen et la surface des viscères digestifs qu'il contient.
du patient comme membrane filtrante. La présence de cicatrices internes ou d’adhérences, d’hernie abdominale ou de diverticulose colique, ou encore une insuffisance respiratoire sévère proscrivent toutefois l’utilisation de cette voie thérapeutique. La capacité de filtration du péritoine diminue avec le temps, ce qui limite souvent son utilisation à environ 5 ans. Le développement des techniques de dialyse quotidienne à domicile connait cependant un grand essor, améliorant la qualité de vie du patient.
Pour en savoir plus sur la dialyse

La greffe, un traitement de choix
La transplantation rénale est un traitement de choix car elle améliore la qualité et l’espérance de vie du patient : 70% des greffons sont encore fonctionnels après 10 ans, 50% après 14 ans. Elle nécessite toutefois la prise quotidienne de traitements immunosuppresseurs, souvent responsables de complications (infections, prédisposition à certains cancers).
Malgré les efforts déployés en faveur du don, les besoins en greffons rénaux sont loin d’être satisfaits : en 2015, 3 488 greffes ont été effectuées pour un nombre total de candidats qui a atteint 16 529. C’est dire combien il est important de développer la greffe à partir de donneur vivant. En France, la famille (parents, enfants, frères, sœurs, oncles, tantes, cousins germains), mais aussi toute personne ayant un lien affectif étroit et stable depuis au moins 2 ans avec le futur receveur peut donner un rein. Malgré cela, la greffe à partir de donneur vivant reste encore minoritaire en France, représentant moins de 20% des greffes rénales réalisées.

Plus d’informations sur la transplantation d’organe

Les enjeux de la recherche
La France est un des leaders mondiaux dans la recherche sur le rein. Les équipes Inserm ont très largement contribué à l’énorme évolution des stratégies thérapeutiques enregistrées ces dernières années. Ces progrès reposent sur une meilleure compréhension des mécanismes à l’œuvre : Cerner ces mécanismes donne en effet la possibilité d’identifier des biomarqueurs
biomarqueurs
Paramètre physiologique ou biologique mesurable, qui permet par exemple de diagnostiquer ou de suivre l’évolution d’une maladie.
diagnostiques et pronostiques pour adapter les stratégies thérapeutiques. Certaines formes d’insuffisance rénale ont ainsi vu leur prise en charge révolutionnée, d’autres bénéficient de nouvelles molécules plus performantes.
Les recherches portant sur la correction de gènes défaillants (thérapie génique) ou sur la régénération du rein (thérapie cellulaire) n’en sont qu’à leurs balbutiements. La reconstitution du rein (à l’étude chez l’animal) est un vrai défi : cet organe est en effet constitué de plus de 30 types de cellules différentes.

Comprendre les mécanismes à l’œuvre

Les apports de l’étude de la physiologie rénale
Les travaux de Pascal Houillier (unité Inserm 1138, Centre de recherche des Cordeliers, Paris) et Dominique Eladari (unité Inserm 1188, La Réunion) sur l’étude de la physiologie du tubule rénal ont permis la compréhension des mécanismes de progression de la maladie rénale. Ils sont la mémoire de la grande école de physiologie française et les seuls détenteurs de techniques d’investigation indispensables à cette recherche.

Les apports de l’étude des maladies d’origine génétique
La compréhension des maladies du rein d’origine génétique a fait des progrès fulgurants. A la pointe dans ce domaine, l’équipe de Corinne Antignac (unité Inserm 1163, Institut Imagine, Paris) a trouvé plusieurs causes de maladies génétiques touchant le glomérule chez le jeune enfant, mais aussi chez les adolescents et les jeunes adultes. Elle a notamment identifié, en 2004, une mutation induisant une anomalie du trafic intracellulaire : la séquestration de la podocine, une protéine qui joue un rôle clé dans le contrôle de la perméabilité aux protéines par les podocytes
podocytes
Cellule du glomérule rénale dont le rôle est d'assurer la filtration du sang.
. Cette découverte est à l’origine d’une recherche très active sur les protéines chaperons, des molécules qui assistent les autres dans leur fonction et qui pourraient, en l’occurrence, se fixer à la podocine pour la conduire vers la membrane. Cette voie prometteuse a déjà donné de bons résultats dans le cas de la maladie de Fabry dont une forme résulte de la séquestration d’une enzyme, l’alpha-galactosidase A, dans un organite
organite
Structure spécialisée retrouvée dans le cytoplasme d'une cellule.
cellulaire, le lysosome. L’identification d’un chaperon spécifique, le médicament Migalastat, permet aujourd’hui de rétablir ce trafic.

Des mutations d’un gène du collagène (COL4A1) des membranes basales des vaisseaux ont été identifiées par Emmanuelle Plaisier (unité Inserm 1155, Hôpital Tenon, Paris). Ces mutations sont à l’origine d’une maladie kystique des reins associée à une pathologie vasculaire. Ce nouveau syndrome apporte des informations importantes sur le rôle de ce collagène dans la pathologie vasculaire, illustrant ainsi comment la découverte d’une maladie rare peut éclairer la compréhension de maladies fréquentes comme l’hypertension artérielle.


Des progrès ont également été réalisés dans la compréhension des maladies rénales d’origine multigénique, révolutionnant dans certains cas la prise en charge du patient. C’est le cas, par exemple, de la glomérulopathie extramembraneuse, maladie auto-immune qui conduit dans 30% des cas à une insuffisance rénale nécessitant le recours à la dialyse ou à la transplantation. L’étude du génome entier de 600 patients, réalisée par un consortium de chercheurs anglais, hollandais et français, dont l’unité de Pierre Ronco et Hanna Debiec (unité Inserm 1155), a permis d’identifier les gènes de prédisposition à cette maladie. L’un code pour l’antigène attaqué par le système immunitaire, PLA2R1, et le second pour les molécules HLA
HLA
Les protéines HLA, situées à la surface des cellules, permettent au système immunitaire de distinguer les cellules de l’organisme des cellules étrangères.
qui présentent cet antigène
antigène
Molécule capable de déclencher une réponse immunitaire.
au système immunitaire.

L’anticorps

anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
anti-PLA2R1 a démontré depuis sa valeur diagnostique et pronostique et ouvert la voie à des recherches thérapeutiques (voir plus loin). Cette découverte se révèle également essentielle pour définir la stratégie de transplantation. Une étude toute récente de la même unité montre en effet que le risque de récidive sur le greffon est associé à la présence de variants HLA particuliers chez le donneur. Il sera ainsi possible d’éliminer ce risque en choisissant, sur ce critère, les reins à greffer à ces patients.

Identification des voies de destruction des podocytes
De nombreuses recherches permettent par ailleurs d’éclairer les mécanismes intervenant dans la détérioration des podocytes, les cellules du glomérule qui contrôlent la perméabilité aux protéines. Ces cellules sont en effet les premières touchées dans les glomérulopathies. Elles sont également affectées dans toutes les situations où le nombre de néphrons
néphrons
Unité fonctionnelle du rein qui filtre le sang et élabore l'urine. Chaque rein en renferme environ un million. Un néphron est composé de deux éléments principaux : le glomérule rénal et le tube rénal.
fonctionnel diminue et jouent ainsi un rôle déterminant dans la progression des maladies rénales. Leur altération puis leur mort conduit à celle des glomérules et, à terme, du rein. Mieux comprendre les cascades de processus qui mènent à la détérioration des podocytes peut permettre d’identifier des cibles pour ralentir cette dégradation.
Inserm/Antignac, Corinne
C’est ainsi que l’équipe de Fabiola Terzi (unité Inserm 1151) a identifié une enzyme déterminante dans l’adaptation des néphrons aux maladies rénales chroniques, l’AKT2. Lorsqu’elle est activée, cette enzyme protège les podocytes. Cette découverte a permis, par exemple, de limiter la prescription d’un immunosuppresseur largement utilisé dans la prévention du rejet de greffe de rein (inhibiteur de mTOR) car ce médicament prévient l’activation de l’AKT2.
L’équipe de Pierre-Louis Tharaux (unité Inserm 970, PARCC, Paris) a montré l’implication d’un facteur de croissance (HB-EGF) qui provoque la prolifération puis la mort des podocytes en réponse à l’inflammation des glomérules. L’administration d’un inhibiteur pharmacologique de ce facteur de croissance chez la souris préserve la fonction rénale et améliore la survie. Cet inhibiteur, développé pour le traitement de certains cancers, pourrait ainsi venir compléter les traitements immunosuppresseurs classiques si les essais thérapeutiques confirment leur intérêt chez l’homme.
Un autre mécanisme d’adaptation original du podocyte à une sollicitation excessive a été mis à jour par l’équipe de Nicolas Pallet (unité Inserm 1147, Centre universitaire des Saints Pères, Paris). Il s’agit du processus d’autophagie qui permet aux cellules de renouveler leurs constituants par une sorte de recyclage, mais conduit à leur destruction si le stress se prolonge, qu’il soit d’origine toxique, immunologique, infectieux, métabolique ou ischémique. Cette découverte ouvre également la voie à des études sur les moyens médicamenteux de lutter contre ce stress pour protéger la cellule et sur l’identification de biomarqueurs pour mesurer la souffrance tissulaire.

Impact de l’alimentation dans les maladies associées à des anomalies immunitaires
Une autre voie de recherche prometteuse vise à comprendre le rôle que pourraient jouer la flore intestinale (microbiote) et l’alimentation dans certaines formes de néphropathies associées à une anomalie immunitaire, en particulier dans la maladie de Berger, ou néphropathie à IgA. Dans cette maladie, des anticorps IgA de structure anormale sont produits en quantité excessive par la muqueuse intestinale. Ils s’agglutinent et se déposent dans le glomérule, finissant par entraîner une insuffisance rénale dans 20 à 30% des cas. De plus en plus de travaux soulignent aujourd’hui la contribution de certaines bactéries intestinales dans cette hyperproduction d’IgA. L’implication de molécules qui jouent également un rôle dans la maladie cœliaque, liée à l’ingestion de gluten, plaide également pour l’influence de l’alimentation chez des sujets sensibles. L’équipe de Renato Monteiro (unité Inserm 1149, Centre de recherche sur l'inflammation, Paris), a pu montrer par exemple que cette voie commune permettait d’améliorer l’état des glomérules par l’éviction du gluten chez les souris atteintes de la maladie.

Trouver des marqueurs pour adapter le traitement au patient : vers une médecine personnalisée
Un pan actif de la recherche s’applique à identifier des marqueurs, c’est-à-dire des molécules dont la présence chez un patient permet d’établir un diagnostic ou un pronostic et d’orienter le traitement de façon adaptée.
Pour reprendre l’exemple de la glomérulopathie extramembraneuse, l’anticorps anti-PLA2R est un marqueur spécifique de la maladie. Un diagnostic sûr est ainsi possible grâce à un simple dosage sanguin, et peut-être demain avec une simple bandelette trempée dans les urines. Ce type de marqueur peut permettre, au moins dans certains cas, de s’affranchir de la biopsie
biopsie
Prélèvement d'un échantillon de tissu, réalisé à des fins d'analyses.
rénale jusqu’à présent nécessaire pour établir un diagnostic. L’anticorps anti-PLA2R a également une valeur pronostique puisqu’un taux élevé persistant peut conduire à une insuffisance rénale chronique si on ne met pas en place un traitement immunosuppresseur approprié.
Chez l’enfant, les maladies du développement rénal sont la première cause de l’insuffisance rénale. Elles nécessitent une prise en charge précoce qui pourrait être facilitée par l'identification de biomarqueurs spécifiques. L’équipe de Joost Schanstra (unité Inserm 1048, Toulouse) a justement identifié des biomarqueurs prédictifs de la progression de la maladie rénale, mesurable à la fois avant (dans le liquide amniotique ou l’urine fœtale) et après la naissance (dans l’urine) des enfants, permettant d’améliorer leur prise en charge.

D'autres biomarqueurs ont été identifiés par des équipes de l’Inserm, dont la périostine, le DDR1 (Christos Chatziantoniou, unité Inserm 1155), la phosphatase SHP-1 (Renato Monteiro et Sanae Ben Mkaddem), la lipocaline (Fabiola Terzi) ou le gène c-mip (Dil Sahali, unité Inserm 955, Créteil) pour n’en citer que quelques-uns. La valeur pronostique potentielle de ces biomarqueurs a été mise en évidence chez l’animal ou sur de petits échantillons de patients. La généralisation de leur usage nécessite leur validation préalable sur des populations importantes. C’est l’un des objectifs des cohortes de patients comme CKD-Rein qui regroupe plus de 3 000 patients atteints de maladies rénales chroniques (Bénédicte Stengel et Ziad Massy, unités Inserm 1018 et 1088). Dans le cadre de cette cohorte, l'équipe de Joost Schanstra a en outre démarré une étude visant à identifier les patients à risque de complication cardiovasculaire parmi ceux souffrant d’une maladie rénale chronique.
Plus largement, les cohortes sont nécessaires à la compréhension des déterminismes sociaux, culturels, environnementaux, familiaux et génétiques qui permettront de mettre en place un traitement personnalisé, adapté à chaque profil de patients.

Identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques
L’Inserm s’est illustré dans la recherche thérapeutique par de nombreux travaux originaux qui ont parfois permis de trouver des traitements pour des maladies qui ne disposaient d’aucun. Le cas du syndrome hémolytique et urémique (SHU) est particulièrement exemplaire de ce point de vue. Une forme de cette affection très rare résulte d’une anomalie de l’immunité innée portant sur une voie du système de complément. Cette anomalie conduit à la destruction du rein mais également, après transplantation, à celle du greffon. Une équipe française conduite par Christophe Legendre (unité Inserm 1151, hôpital Necker, Paris) a montré l’efficacité d’un traitement ciblant le composant C5 du complément, y compris dans la prévention des récidives après transplantation.
De même, l’identification par l’équipe de Guillaume Canaud (unité Inserm 1151) de la voie de signalisation AKT/mTORC, impliquée dans les mécanismes menant à l’épaississement de la paroi des vaisseaux et à la destruction des reins et des greffons dans le syndrome des phospholipides
phospholipides
Composé d’une tête hydrophile et de deux queues hydrophobes, c’est un constituant essentiel des membranes cellulaires.
, a permis d’éviter la récidive des lésions vasculaires et l’amélioration de la survie du greffon grâce à l’utilisation d’un inhibiteur de cette voie, le sirolimus. Par ailleurs, Sophie Brouard et son équipe (unité Inserm 1064, Nantes) ont montré que les lymphocytes T du sang des patients greffés ont un profil particulier, ce qui pourrait permettre de diagnostiquer de façon précoce la tolérance ou le rejet du greffon et d’adapter le traitement immunosuppresseur en conséquence.

Chez les patients atteints de glomérulopathie extramembraneuse, à la suite des travaux sur l’antigène PLA2R1, les équipes de Pierre Ronco et de Tabassome Simon (hôpital Saint-Antoine, Paris) ont testé chez 80 patients, de 2012 à 2014, un anticorps dirigé contre les cellules immunitaires responsables de cet effet toxique, le rituximab. Cette molécule s’est révélée plus efficace que les traitements anti-protéinuriques classiquement prescrits, avec une rémission immunologique (disparition des anticorps) chez 50% des patients dès le troisième mois (contre 12%) et une rémission clinique chez 64% d’entre eux (contre 34%) à la fin du suivi.
Les travaux de l’équipe de Fabiola Terzi sur la lipocaline 2 (LCN2), impliquée dans plusieurs voies de signalisation conduisant à la détérioration des néphrons, ont également permis d’envisager de nouvelles voies de traitement pour ralentir la progression des maladies rénales chroniques. Cette équipe a pu montrer que l’acide phényl-butyque (PBA), un médicament utilisé pour traiter les troubles génétiques du métabolisme de l’urée, inhibe la sécrétion de LCN2 et pourrait ainsi ralentir le processus de destruction des reins.

Ces quelques exemples donnent seulement un aperçu des différents fronts de recherche sur lesquels les équipes de l’Inserm joue un rôle de premier plan au niveau mondial.

 

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Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

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Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau
        

SCIENCE 03.07.2018
Les neurosciences correspondent à l’étude du fonctionnement du système nerveux, depuis les aspects les plus fondamentaux, biologiques et chimiques, jusqu’aux plus fonctionnels : la personnalité, les comportements, les pensées. Les avancées en neurosciences permettent désormais de corréler ces deux aspects, avec des conséquences importantes pour l’individu et la société. Les questions de neuroéthique qui en découlent ont fait l’objet de discussions dans le cadre des États généraux de la bioéthique. Catherine Vidal, neurobiologiste et membre du Comité d’éthique de l’Inserm, et Hervé Chneiweiss, neurobiologiste et président du Comité d’éthique de l’Inserm, nous en parlent.

Quelles sont les avancées récentes qui bouleversent les neurosciences ?
Catherine Vidal : Les progrès des neurosciences ont en grande partie été portés par le développement des techniques d’exploration du cerveau qui permettent de « voir » à la fois l’anatomie et le fonctionnement du cerveau. Elles ont révolutionné la pratique clinique et permis une acquisition exponentielle de connaissances. L’IRM fonctionnelle (IRMf) permet notamment d’observer le cerveau en train de fonctionner lors de tâches diverses (motrices, sensorielles, cognitives, etc.) ou même d’états psychologiques (peur, angoisse, plaisir, satisfaction, etc.).
A côté des méthodes d’exploration, des techniques de modification du fonctionnement cérébral se sont développées. Certaines sont assez anciennes, telle l’utilisation de médicaments qui agissent sur le cerveau (psychostimulants, anxiolytiques, etc.). D’autres sont plus récentes, comme les stimulations électriques et magnétiques transcrâniennes, la stimulation cérébrale profonde
stimulation cérébrale profonde
Consiste à délivrer un courant électrique de faible intensité dans certaines structures spécifiques du cerveau, grâce à des électrodes directement implantées.
, ou encore les thérapies cellulaires notamment développées pour lutter contre des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson.
Quelles questions ou problèmes éthiques soulèvent ces avancées ?
Hervé Chneiweiss : Le champ de la neuroéthique est très vaste. Il englobe par exemple la médecine prédictive appliquées aux maladies neurodégénératives. Nos connaissances progressent si rapidement qu’elles permettent désormais de prédire l’apparition de maladies comme celle d’Alzheimer plusieurs années avant l’apparition des symptômes. Cela peut permettre d’instaurer des mesures préventives pour retarder le processus neurodégénératif. Mais, en l’absence de traitement efficace, cette médecine prédictive place le patient dans une situation très anxiogène et peut-être même discriminante. La question se pose de savoir s’il faut utiliser cette médecine prédictive à ce stade, dans l’intérêt des personnes concernées.

C.V. : Nous assistons également à une « invasion » des neurosciences dans de très nombreux domaines autres que médicaux : la justice, le marketing, l’éducation, les ressources humaines, la politique. Cet essor est étroitement lié à l’émergence des techniques comme l'IRM, que certains utilisent déjà pour décrire la pensée, les émotions, les motivations, avec au-delà la perspective de maîtriser les processus de prise de décision qui guident nos choix et nos actions. Ils vont parfois jusqu'à attribuer aux neurosciences le pouvoir de décrire l’être humain dans son individualité, sa subjectivité, ses actions, sa vie privée et sociale. Or dans la réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser un individu ou son comportement par la simple observation de son cerveau, loin de là. Une personne humaine n'est pas réductible à son cerveau.
H. C. : Sans oublier tout ce qui touche à la neuro-amélioration. Différents procédés permettent aujourd’hui de contrôler ou de modifier l’activité cérébrale, pour améliorer le comportement et les performances cognitives en dehors de tout contexte médical. Or non seulement le bénéfice-risque de ces techniques n’est absolument pas évalué en population générale, mais le risque de dérive est grand !
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’utilisation des neurosciences en dehors du cadre médical ?
C. V. : Depuis 2011, la loi française inclut la possibilité de recourir à l’imagerie cérébrale dans le cadre d’expertises judiciaires. Et ce, alors que beaucoup d’experts s’y étaient opposés à l’époque. Dans les faits, les juges ne l’utilisent pas en France. En revanche, des images obtenues par IRM ont été utilisées comme « preuves » pénales dans plus de 600 affaires aux Etats-Unis.  En Inde, un procès au cours duquel un électroencéphalogramme avait été utilisé comme détecteur de mensonge a fait grand bruit : une femme soupçonnée d’avoir empoisonné son fiancé avait été condamnée à la prison à vie car son cerveau ne réagissait pas au mot « arsenic », comme s’il lui était familier. La sentence a finalement été abandonnée face au scandale international suscité par cette affaire.
H. C. : Aucune étude n’est en mesure de valider l’utilisation de l’électroencéphalogramme ou de l’IRM pour prédire ou révéler un comportement et ils ne peuvent donc en aucun cas servir de preuve. Néanmoins, le nombre des publications sur la neuro-justice explose, principalement aux États-Unis : de 70 articles publiés entre 1990 et 2000, on est passé à plus de 2 000 entre 2000 et 2015.
C. V. : Il y a aussi la neuro-politique, une « nouvelle discipline » qui tente de corréler les opinions et le fonctionnement cérébral. Une étude a suggéré que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques expliquerait les différences d'opinions politiques ! Dans le domaine du marketing, l’utilisation de l'imagerie cérébrale peut être utilisée pour savoir quelle étiquette stimule davantage l’attention de l’acheteur potentiel, le but étant bien sûr d'influencer sa décision d'achat ! Et dans le champ de l’éducation, les neurosciences influencent déjà certains programmes pédagogiques.
Aux Etats-Unis, des sociétés privées propose des examens d’imagerie cérébrale dans ces différents contextes non médicaux. En France, ces pratiques ne sont pas possibles : les appareils d’IRM sont réservés aux établissements de soins et de recherche biomédicale.

Ces applications ont elles un fondement scientifique validé ?

C. V. : Aux Etats-Unis, certains scientifiques recherchent les bases neuronales des comportements de type antisocial, agressif et criminel, pour mettre au point de nouveaux traitements et des programmes de prévention de la délinquance. Des études par IRM ont pu montrer une légère réduction de l’épaisseur du cortex cérébral dans les régions préfrontale et temporale de criminels. Mais l'interprétation de ces images est problématique : jusqu'à présent, rien ne permet d'établir une relation de causalité entre une réduction d'épaisseur du cortex et un comportement déviant. L'origine des variations d'épaisseur du cortex ne peut être déterminée. Le cerveau est plastique et l’IRM donne seulement un cliché de l’état du cerveau d’une personne à un moment donné. Elle n’apporte pas d’information sur son passé et n’a pas non plus de valeur prédictive. Enfin, le fonctionnement du cerveau est extrêmement complexe, avec de nombreuses régions impliquées dans une même fonction. La zone du crime n'existe pas.  
Les dérives dans l'interprétation de l'imagerie cérébrale ne sont pas rares. D'autant plus que pour un public non averti, les images colorées du cerveau sont fascinantes et peuvent apparaître comme une preuve scientifique « objective ».

Vous avez également parlé de neuro-amélioration : où en est la science et jusqu’où pourrait-elle aller ?
H. C. : La modification du fonctionnement cérébral n’est pas une idée nouvelle. Les antidépresseurs par exemple, peuvent en quelques sortes transformer la personnalité de l’individu. C’est aussi le cas du méthylphénidate donné à des millions d’enfants pour qu’ils soient plus calmes ou encore du modafinil pris comme stimulant par autant d’adultes. Mais dans le domaine psycho-cognitif, la ligne de démarcation entre le normal et le pathologique est impossible à tracer… la question se pose alors de savoir qui traiter : une grande timidité ou une hyperactivité doivent-ils être considérés comme un handicap à prendre en charge ?

C.V. : Et pour certains, dans une société marquée par le culte de la performance, l’objectif n’est plus seulement de palier un déficit mais d’aller au-delà. Des études ont montré que, dans certains cas, la stimulation électrique transcrânienne peut améliorer les performances cognitives et l’état émotionnel de personnes en bonne santé. Le neurofeedback permet quant à lui de contrôler sa propre activité cérébrale, pour augmenter certaines fonctions comme les capacités visuo-spatiales ou la mémoire.
Des sociétés privées, en Asie notamment, proposent déjà des casques de stimulation par courant continu qu’il est possible d’acheter pour des sommes modiques sur internet. On laisse croire au grand public que la stimulation transcrânienne aidera par exemple à préparer ses concours, alors même que l’innocuité de l’administration de courant continu n’a pas été évaluée à moyen et long terme. Il n’est pas exclu que la pratique « sauvage » de la neurostimulation interfère avec certains circuits neuronaux, altère la plasticité cérébrale
plasticité cérébrale
Mécanismes au cours desquels le cerveau est capable de se modifier en réorganisant les connexions et les réseaux neuronaux, dans la phase embryonnaire du développement ou lors d’apprentissage.
et entraine des crises d’épilepsie. En France, la commercialisation de ces casques n’est pas autorisée.
A terme, le risque est d’assister à l’émergence d’une catégorie d’individus augmentés. Cette vision transhumaniste entrainerait inévitablement une fracture sociale entre ceux qui auront recours à ces techniques et ceux qui ne pourront pas y avoir accès. Sans compter que la personnalité de l’individu, son autonomie et son libre arbitre pourraient être altérées par ces neurotechnologies.
H. C. : Certains systèmes de stimulation cérébrale fonctionnent déjà de façon autonome et pourraient bientôt être proposés aux patients parkinsoniens pour contrôler leurs tremblements : une intelligence artificielle déclenche les stimulations quand elle l’estime nécessaire, alors que jusque-là le patient contrôlait lui-même son appareil. Avec ce système, le patient deviendrait donc un « homme augmenté ».

Qu’en est-il de la protection des données personnelles ?
H.C. : C’est un autre problème important. Des sociétés privées commencent à collecter les données cérébrales à tour de bras pour différentes recherches, sans consentement clair ou sans la protection des données nécessaires. Et qui sait ce qu’elles pourraient en faire un jour ? Je lisais récemment un article sur l’équipement de salariés de douze entreprises d’Etat chinoises, dépendantes de l’armée, par des casques permettant de surveiller leur activité cérébrale. Le motif officiel est de prévenir les baisses de vigilances et les accidents. Mais ces dispositifs permettent de collecter d’autres données... Il y a là un vrai problème éthique. L’activité cérébrale n’est pas neutre, elle correspond à des données personnelles.

Considérez-vous la situation actuelle comme préoccupante ?
C.V. : Nous ne sommes pas dans l’urgence, mais il faut aborder de front ces sujets qui posent des questions de société. La France est encore préservée des dérives qui gagnent d’autres pays, avec un accès à l’IRM réservé aux professionnels de santé ou encore l’interdiction de la stimulation cérébrale en dehors d’un protocole de soins. La loi de bioéthique de 2011 inclut en outre une mission de veille sur les recherches et les applications des techniques d’imagerie cérébrale, destinée à défendre une éthique dans ce domaine.
Aujourd’hui en France, pour évaluer la responsabilité pénale d’un accusé, le juge nomme des psychiatres et des psychologues qui appuient leurs expertises avant tout sur des entretiens et non sur l'IRM. Mais pour combien de temps encore ? Le risque est de voir le modèle américain gagner du terrain pour l’évaluation de la responsabilité et de la dangerosité d’un prévenu. Or les Français ne sont pas assez informés sur les dérives possibles de l'utilisation de l'IRM. En témoigne la faible participation aux discussions sur la neuroéthique dans le cadre des états généraux de bioéthique qui viennent de s’achever. Il est de notre responsabilité de chercheurs d'anticiper ces questions et de sensibiliser le grand public.

 

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Microbiote intestinal (flore intestinale)

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Microbiote intestinal (flore intestinale)

Sous titre
Une piste sérieuse pour comprendre l’origine de nombreuses maladies
        

Notre tube digestif abrite pas moins de 1012 à 1014 micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps. Cet ensemble de bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes constitue notre microbiote intestinal (ou flore intestinale).
Son rôle est de mieux en mieux connu et les chercheurs tentent aujourd’hui de comprendre les liens entre les déséquilibres du microbiote et certaines pathologies, en particulier les maladies auto-immunes et inflammatoires.
       

Dossier réalisé en collaboration avec Rémy Burcelin (unité Inserm 1048 /université de Toulouse Paul Sabatier, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, hôpital Rangueil, Toulouse), Laurence Zitvogel (unité Inserm 1015 /Université Paris Sud, "Immunologie des tumeurs et immunothérapie contre le cancer", Institut Gustave-Roussy, Villejuif), Guillaume Fond (unité Inserm 955 /Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Fondation FondaMental, Institut Mondor de recherche biomédicale, hôpital Mondor, Créteil) et Harry Sokol (unité Inserm 1157 /CNRS/UPMC, "Micro-organismes, molécules bioactives et physiopathologie intestinale", Hôpital Saint-Antoine, Paris)

Comprendre le rôle du microbiote intestinal
Le microbiote est l'ensemble des micro-organismes - bactéries, virus, parasites, champignons non pathogènes, dits commensaux - qui vivent dans un environnement spécifique. Dans l'organisme, il existe différents microbiotes, au niveau de la peau, de la bouche, du vagin…  Le microbiote intestinal est le plus important d'entre eux, avec 1012 à 1014 micro-organismes : 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps, pour un poids de 2 kilos !

Le microbiote intestinal est principalement localisé dans l'intestin grêle et le côlon – l'acidité gastrique rendant la paroi de l'estomac quasi stérile. Il est réparti entre la lumière du tube digestif et le biofilm protecteur que forme le mucus intestinal sur sa paroi intérieure (l’épithélium intestinal).
La présence de micro-organismes dans l'intestin est connue depuis plus d'un siècle et on a vite présupposé qu'il existait une véritable symbiose entre notre organisme et cette flore. Mais, jusque récemment, les moyens techniques permettant d’étudier les détails de cette interaction étaient limités : seule une minorité d'espèces bactériennes du microbiote pouvait être cultivée in vitro. La mise au point des techniques de séquençage haut débit du matériel génétique ont donné un nouvel élan à cette recherche et il existe aujourd’hui un réel engouement de la recherche pour décrire la nature des interactions hôte-microbiote, celles des micro-organismes entre eux, et leur incidence

incidence
Nombre de cas nouveaux d'une maladie, apparus durant une période de temps donnée.
en matière de santé.
Ainsi, le rôle du microbiote intestinal est de mieux en mieux connu. On sait désormais qu'il joue un rôle dans les fonctions digestive, métabolique, immunitaire et neurologique. En conséquence, la dysbiose, c'est-à-dire l'altération qualitative et fonctionnelle de la flore intestinale, est une piste sérieuse pour comprendre l'origine de certaines maladies, notamment celles sous-tendues par des mécanismes auto-immuns ou inflammatoires. Cette thématique est devenue centrale pour la recherche biologique et médicale.

MétaHIT : Une flore d'une richesse inédite
L'étude MétaHIT, lancée en 2008 et coordonnée par l'Inra, a eu pour objectif d'identifier l’ensemble des génomes microbiens intestinaux (métagénome) par séquençage haut débit. Elle a aussi permis de dessiner une ébauche des interactions reliant métagénome et santé. Cette étude, première du genre, s'est fondée sur l'analyse d'échantillons de selles recueillis auprès de 124 personnes. Elle a identifié ainsi un total de 3,3 millions de gènes différents, appartenant à plus de 1 000 espèces différentes, dont une large majorité est d'origine bactérienne. Au plan individuel, elle a aussi montré que chaque individu portait en moyenne 540 000 gènes microbiens, soient environ 160 espèces, réparties en sept phyla (groupes de familles) différents. Enfin, MetaHIT a été la première étude à démontrer l'extrême richesse de la flore intestinale, en identifiant des centaines d'espèces bactériennes inconnues jusque-là.

A l'instar de l'empreinte digitale, le microbiote intestinal est propre à chaque individu : il est unique sur le plan qualitatif et quantitatif. Parmi les 160 espèces de bactéries que comporte en moyenne le microbiote d'un individu sain, une moitié est communément retrouvée d'un individu à l'autre. Il existerait d'ailleurs un socle commun de 15 à 20 espèces en charge des fonctions essentielles du microbiote. Bien que cela soit discuté, il semble que l'on puisse distinguer des groupes homogènes de population, selon la nature des espèces qui prédominent dans leur microbiote : on distingue trois groupes – ou entérotypes – principaux : bacteroides, prevotella et clostridiales.
Les virus bactériens (qui infectent les bactéries) sont aussi très nombreux au sein du microbiote. Ils peuvent modifier le patrimoine génétique des bactéries intestinales ou son expression. Ainsi, le virome constitue sans doute une autre pièce dans le puzzle de la physiopathologie propre à la flore intestinale, tout comme le microbiote fongique qui regroupe levures et champignons. Autant de sujets d’étude à explorer.

Un écosystème unique formé dès la naissance

Le microbiote d'un individu se constitue dès sa naissance, au contact de la flore vaginale après un accouchement par voie basse, ou au contact des micro-organismes de l'environnement pour ceux nés par césarienne. La colonisation bactérienne a lieu de façon progressive, dans un ordre bien précis : les premières bactéries intestinales ont besoin d’oxygène pour se multiplier (bactéries aérobies : entérocoques, staphylocoques…). En consommant l'oxygène présent dans l’intestin, elles favorisent ensuite l'implantation de bactéries qui ne prolifèrent justement qu’en absence de ce gaz (bactéries anaérobies : bactéroides, clostridium, bifidobacterium…).
Sous l'influence de la diversification alimentaire, de la génétique, du niveau d'hygiène, des traitements médicaux reçus et de l'environnement, la composition du microbiote intestinal va évoluer qualitativement et quantitativement pendant les premières années de vie. Ensuite, la composition qualitative et quantitative du microbiote reste assez stable. La fluctuation des hormones sexuelles – testostérone et estrogènes – pourra malgré tout avoir un impact sur sa composition. Des traitements médicaux, des modifications de l'hygiène de vie ou divers événements peuvent aussi modifier le microbiote, de façon plus ou moins durable. Par exemple, un traitement antibiotique réduit la qualité et la quantité du microbiote sur plusieurs jours à plusieurs semaines. Les espèces initiales sont capables de se rétablir en grande partie, mais des différences peuvent subsister. Des antibiothérapies répétées au cours de la vie pourraient ainsi induire une évolution progressive et définitive du microbiote, potentiellement délétère. Il semble cependant que nous ne soyons pas tous égaux face à ce risque : certains auraient un microbiote plus stable que d'autres, face à un même événement perturbateur.

Quand le microbiote rend service à l'organisme

Le microbiote intestinal assure son propre métabolisme en puisant dans nos aliments (notamment parmi les fibres alimentaires). Dans le même temps, ses micro-organismes jouent un rôle direct dans la digestion :
*         ils assurent la fermentation des substrats et des résidus alimentaires non digestibles
*         ils facilitent l'assimilation des nutrimentsnutrimentsSubstance alimentaire qui n’a pas besoin de subir de transformations digestives pour être assimilée par l’organisme.

grâce à un ensemble d'enzymes dont l'organisme n'est pas pourvu
*         ils assurent l'hydrolyse de l'amidon, de la cellulose, des polysaccharidespolysaccharidesGlucides constitués par un grand nombre de sucres simples

...
*         ils participent à la synthèse de certaines vitamines (vitamine K, B12, B8)
*         ils régulent plusieurs voies métaboliques : absorption des acides grasacides grasCatégorie de lipides assurant un rôle fondamental dans la structure des cellules et le stockage de l’énergie.

, du calcium, du magnésium...

Des animaux élevés sans microbiote (dits axéniques) ont ainsi des besoins énergétiques 20 à 30% fois supérieurs à ceux d'un animal normal.
Le microbiote agit en outre sur le fonctionnement de l’épithélium intestinal : des animaux axéniques ont une motricité du tube digestif ralentie. La différenciation des cellules qui composent cet épithélium est inachevée et le réseau sanguin qui l'irrigue est moins dense que chez l'animal normal. Or, ce système vasculaire a un rôle déterminant pour le métabolisme nutritionnel et hormonal, ainsi que pour l'arrimage de cellules immunitaires au sein de la paroi intestinale.

Le microbiote intestinal participe en effet pleinement au fonctionnement du système immunitaire intestinal : ce dernier est indispensable au rôle barrière de la paroi intestinale, soumise dès la naissance à un flot d'antigènes d'origine alimentaire ou microbienne. Ainsi, des bactéries comme Escherichia coli luttent directement contre la colonisation du tube digestif par des espèces pathogènes, par phénomène de compétition et par production de substance bactéricides (bactériocines). Parallèlement, dès les premières années de vie, le microbiote est nécessaire pour que l'immunité intestinale apprenne à distinguer espèces amies (commensales) et pathogènes. Des études montrent que le système immunitaire de souris axéniques est immature et incomplet par rapport à celui de souris élevées normalement : dans l'épithélium intestinal de ces souris, les plaques de Peyer, inducteurs de l'immunité au niveau intestinal, sont immatures et les lymphocytes, effecteurs des réactions immunitaires, sont en nombre réduit. La rate et les ganglions lymphatiques, qui sont des organes immunitaires importants pour l'immunité générale de l'organisme, présentent aussi des anomalies structurelles et fonctionnelles.

Microbiote et inflammation
L'inflammation est un élément important, étroitement corrélé à l'immunité : il existe à la fois un niveau physiologique d’inflammation indispensable, contrôlant notamment le microbiote, et des réactions inflammatoires importantes déclenchées en présence d'espèces pathogènes.  Ce dernier mécanisme repose notamment sur la présence de composants bactériens inflammatoires, comme les lipopolysaccharides (LPS) présents à la surface de certaines bactéries (Gram négatif). Ces antigènes provoquent une réaction immunitaire de la part des macrophages
macrophages
Cellule du système immunitaire chargée d’absorber et de digérer les corps étrangers
intestinaux qui produisent alors des médiateurs pro-inflammatoires (cytokines
cytokines
Substance synthétisée par certaines cellules du système immunitaire, agissant sur d'autres cellules immunitaires pour en réguler l'activité.
). Ceux-ci déclenchent une inflammation locale et augmentent la perméabilité de la paroi intestinale. Les LPS peuvent alors traverser cette dernière, passer dans la circulation sanguine, et provoquer un phénomène inflammatoire dans d'autres tissus cibles.

Les enjeux de la recherche
L’étude du microbiote intestinal est récemment devenue centrale pour la recherche en santé.

Maladies intestinales inflammatoires : un lien évident

Les maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI), comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, sont liées à une activation inappropriée du système immunitaire dans l’intestin. Derrière leur survenue se cachent des facteurs génétiques et environnementaux (alimentation, âge...). En parallèle, l'amélioration des symptômes de patients sous traitement antibiotique, ou encore la disparition de lésions inflammatoires intestinales chez des personnes dont la paroi intestinale n'est plus au contact des fécès (dérivation fécale), ont aussi permis de suspecter le rôle du microbiote.
Un déséquilibre du microbiote en espèces bactériennes pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, tout comme la prédominance de certaines familles de bactéries (Entérobactéries, Fusobactéries), ou la raréfaction d'autres espèces (Clostridia, Faecalibacterium) ont été décrits chez des personnes atteintes de MICI. Pour l'heure, il n'est pas possible de savoir s'il s'agit d'une cause ou d'une conséquence de ces maladies, ni de déterminer si la dysbiose à l'origine de la maladie est innée ou consécutive à un autre facteur environnemental (alimentation, médicament…). Une hypothèse séduisante est avancée : la dysbiose apparaîtrait sous l’influence de facteurs génétiques et environnementaux, mais jouerait elle-même un rôle dans l’initiation, le maintien ou la sévérité de l’inflammation, engendrant un cercle vicieux.

Par ailleurs, parmi les dizaines de gènes de prédisposition aux MICI aujourd'hui identifiés, certains jouent un rôle déterminant vis-à-vis du microbiote. La mutation du gène NOD2 est la plus fréquemment retrouvée chez les malades atteints par la maladie de Crohn : ce gène code pour un récepteur de l’immunité innée chargé de détecter un composant de la paroi bactérienne. Muté, il ne peut plus jouer ce rôle et favoriser le maintien de la barrière intestinale. D'autres mutations ont été rapportées, comme celle du gène ATG16L1, impliqué dans l'autophagie des cellules immunitaires en présence des bactéries, ou comme celle de MUC2, qui joue un rôle dans la synthèse du mucus intestinal.
Le microbiote constitue une cible thérapeutique de choix dans ces maladies inflammatoires. Jusqu'à présent, les premiers essais cliniques conduits avec des probiotiques

probiotiques
Microorganismes vivants qui, consommés en quantités adéquates, sont bénéfiques pour la santé de l'homme.
ou des prébiotiques
prébiotiques
Aliments spécifiques du microbiote, tels les polysaccharides, non utilisables par l'être humain.
n'ont pas été concluants. Toutefois, de nouvelles études sont attendues, fondées sur une sélection plus rationnelle des micro-organismes ou composés à mettre en œuvre. Parallèlement, certaines équipes essayent de créer des probiotiques génétiquement modifiés qui permettraient d'implanter le micro-organisme d'intérêt tout en la dotant de propriétés supplémentaires, comme la sécrétion de médiateurs immunomodulateurs

immunomodulateurs
Médicament qui stimule ou freine le système immunitaire.


Dysbiose et métabolisme
Le diabète et l'obésité ont une origine multifactorielle, à la fois génétique, nutritionnelle et environnementale. La part respective de chacun de ces facteurs est variable d'un individu à l'autre et les mécanismes moléculaires incriminant chacun d'entre eux restent à décrire précisément.

Cependant, on sait que ces maladies métaboliques sont caractérisées par une inflammation chronique dans laquelle le microbiote est impliqué.
Ainsi, une augmentation des graisses dans l'alimentation habituelle augmente la proportion des bactéries à Gram négatif. Par conséquent, elle augmente la présence de LPS inflammatoires au niveau local puis, après passage des LPS dans la circulation sanguine, dans le foie, les tissus adipeux, musculaires… L'inflammation à bas bruit qui s'installe dans ces tissus de façon chronique favorise l'insulinorésistance préalable au diabète et à l'obésité. Chez la souris axénique, l'implantation de microbiote provenant de souris obèses provoque d'ailleurs rapidement une prise de poids importante.
D'autres mécanismes impliquant le microbiote sont aussi probablement impliqués : outre le LPS, l'augmentation de la perméabilité épithéliale pourrait laisser passer des bactéries entières. Leur implantation durable au niveau des tissus adipeux, musculaires et hépatiques favoriserait le maintien in situ de l'inflammation. Parallèlement, certains métabolites

métabolites
Composé organique issu du métabolisme (sucres, acides aminés, acides gras...).
bactériens circulants auraient un rôle déterminant dans le mécanisme de régulation de la pression artérielle par le rein, ou dans le développement de la plaque d'athérome.
L'idée est aujourd'hui de développer des stratégies personnalisées, dans lesquels l'apport de prébiotiques, probiotiques ou symbiotiques est adapté aux spécificités individuelles du patient. A plus long terme, des traitements préventifs pourraient être développés afin de prévenir la survenue de ces maladies.

De la cancérogenèse à la thérapie anticancéreuse
Dans le domaine du cancer, le microbiote intervient à deux niveaux : tout d'abord celui de la cancérogenèse elle-même. Un certain nombre de données permet en effet d'affirmer que certaines tumeurs sont liées à la présence de micro-organismes précis, ou encore d'une dysbiose au niveau intestinal. Pour exemple, un déséquilibre du microbiote en faveur de certaines espèces (fusobacterium) augmenterait le risque de cancer colorectal ; la présence d'Helicobacter pylori favorise la survenue de cancer gastrique. Des données recueillies chez l'animal montrent encore une augmentation de l'incidence et de la sévérité de tumeurs mammaires chez des souris soumises à des régimes antibiotiques fréquents. Ces données sont corrélées à une étude épidémiologique dans laquelle les femmes jeunes ayant reçues en moyenne plus de deux antibiothérapies par an ont un risque de cancer du sein supérieur aux autres. Dans ce domaine toutefois, la difficulté est de discriminer le rôle du microbiote et celui d'autres facteurs de risque cancérogènes – tabac, alcool…- qui favorisent eux-mêmes une dysbiose.

Outre la cancérogenèse, l'efficacité des thérapies anticancéreuses serait aussi sous l'influence du microbiote. Il existerait une synergie d'action entre certains médicaments anticancéreux et la flore intestinale : on sait ainsi que l'efficacité du cyclophosphamide - couramment utilisé en oncologie - est influencée par le microbiote qui favorise la perméabilité intestinale et la migration de bactéries immunogènes

immunogènes
Qui induit une réaction immunitaire.
vers le système immunitaire tumoral. Elles provoqueraient une réponse immunitaire
réponse immunitaire
Mécanisme de défense de l’organisme.
en synergie avec le médicament antitumoral.
L'immunothérapie
immunothérapie
Traitement qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l’organisme, ou qui utilise des protéines produites par les cellules du système immunitaire (comme les immunoglobulines).
, utilisée depuis peu dans le traitement du mélanome

mélanome
Tumeur maligne de la peau.
et des cancers bronchiques et rénaux, bénéficierait aussi d'un coup de pouce de la part des bactéries de type Bacteroides. Elles influenceraient la capacité du système immunitaire à résister naturellement au mélanome. Par ailleurs, l'efficacité d'un traitement anti-mélanome par ipilimumab est elle-même corrélée à la présence de l'une ou l'autre de deux espèces de bactéries de la famille Bacteroides.
D'autres thérapeutiques (sels de platine, nivolimab) et d'autres cibles cancéreuses pourraient répondre aux mêmes mécanismes. Les perspectives thérapeutiques sont nombreuses : l'analyse du microbiote pourrait devenir un test systématique avant la mise en œuvre d'un traitement, prédictif de la réponse thérapeutique. Si nécessaire, des traitements spécifiques du microbiote y seraient adjoints : des probiotiques connus pour être capables de booster les lymphocytes intratumoraux pourraient être associées au traitement conventionnel anticancéreux.

La neuropsychiatrie sous l'influence de l'axe intestin-cerveau

Le système nerveux qui régit l'intestin contient à lui seul 200 millions de neurones. Sa fonction première est d'assurer la motricité intestinale ; cependant, 80% de ces cellules nerveuses sont afférentes, c'est-à-dire qu'elles véhiculent l'information dans le sens intestin-cerveau. C'est la raison pour laquelle on qualifie le système nerveux entérique de deuxième cerveau. Les chercheurs ont très tôt posé l'hypothèse qu'une modification du microbiote pouvait modifier l'information transmise au système nerveux central

système nerveux central
Composé du cerveau et de la moelle épinière.
. Plusieurs expériences cliniques ont été rapportées, comme celle d'une amélioration significative de symptômes autistiques par un traitement antibiotique. Si la corrélation semblait improbable il y a quelques années, elle est depuis considérée avec sérieux.
Le rôle du microbiote est évoqué dans de nombreuses maladies neuropsychiatriques : l'autisme, la schizophrénie, l'anxiété et la dépression ou les troubles bipolaires. Les arguments scientifiques sont encore insuffisants dans la plupart des cas, mais des éléments de preuve préliminaires ont été récemment publiés. Il viendrait s'ajouter aux nombreux facteurs – génétique, épigénétique, environnementaux, psychologiques… - qui jouent eux aussi un rôle déterminant dans le déclenchement de telles maladies.

Chez les personnes atteintes de schizophrénie ou de troubles bipolaires, l'équilibre entre les différentes cytokines pro-inflammatoires ou anti-inflammatoires dans le sang est perturbé, médié entre autre par le LPS et par d'autres marqueurs de translocation bactérienne.
Dans l'autisme, il a aussi été montré que des souris pouvaient développer un comportement d'anxiété et une automutilation si la composition de leur microbiote était significativement modifiée durant une période précise de leur croissance. Les chercheurs posent l'hypothèse qu'un phénomène similaire surviendrait chez les enfants et favoriserait le développement de l'autisme.
Dernièrement, des études ont suggéré que le microbiote pouvait avoir un rôle déterminant dans les maladies neurodégénératives : il serait impliqué dans l'inflammation cérébrale de la maladie d'Alzheimer. La gravité des symptômes parkinsoniens est aussi corrélée à la concentration d'une espèce particulière (Entérobactericeae). Tous ces différents phénomènes pourraient être médiés par des substances d'origine bactérienne neuroactive. Aussi, le développement des données de transcriptomique
transcriptomique
Étude des ARN produits lors de l’étape de transcription du génome, permettant de quantifier l’expression des gènes.
(sur l’expression des gènes) et de métabolomique (relatives aux métabolites) devrait en faciliter l'identification.
Les perspectives thérapeutiques sont nombreuses : des études préliminaires ont montré que l'administration de certains probiotiques permettait d'améliorer les symptômes d'anxiété ou de dépression chez des personnes malades comme chez des personnes saines ; d'autres ont montré que l'adaptation du régime alimentaire pouvait améliorer le déclin cognitif. Ces pistes restent pour l'heure extrêmement précoces et demandent à être confirmées.

Thérapeutique : Les six pistes thérapeutiques pour modifier la composition du microbiote ?
Les maladies déclenchées ou entretenues par une dysbiose pourraient être soignées par six moyens thérapeutiques différents :
*         une alimentation favorisant le développement des bactéries bénéfiques pour le système digestif.
*         un traitement antibiotique ciblant les espèces néfastes impliquées dans la physiopathologie de la maladie. Cette option ne peut cependant être envisagée comme un traitement chronique du fait de la pression de sélection qu'elle peut engendrer ; elle pourrait aussi induire de nouvelles pathologies.
*         l'apport par voie orale de probiotiques, des micro-organismes vivants, non pathogènes et démontrés comme bénéfiques pour la flore intestinale.
*         l'apport de prébiotiques, des composants alimentaires non digestibles, utiles à la croissance ou l'activité de certaines populations bactériennes intestinales.
*         les symbiotiques, qui combinent pré et probiotiques.
*         la transplantation fécale, qui consiste à administrer une suspension bactérienne préparée à partir des selles d’un individu sain par sonde nasogastrique ou par lavement. Elle permet d'implanter un microbiote normal chez un patient malade. Cette option thérapeutique est d'ores et déjà efficace et utilisée dans les infections intestinales sévères à Clostridium difficile.

 

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Thérapie génique : des premiers résultats chez des enfants atteints de la maladie de Sanfilippo B

 

 

 

 

 

 

 

Thérapie génique : des premiers résultats chez des enfants atteints de la maladie de Sanfilippo B

COMMUNIQUÉ | 20 JUIL. 2017 - 14H45 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION



Des travaux publiés le 13 juillet 2017 dans la revue Lancet Neurology montrent les résultats d’un essai de thérapie génique réalisé chez quatre enfants atteints de la maladie de Sanfilippo de type B (appelé aussi MPS IIIB). Aboutissement de deux décennies de partenariat et de soutien financier de l’AFM-Téléthon, et avec le soutien de l’association Vaincre les Maladies Lysosomales (VML), le Dr Jean-Michel Heard de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, et les Professeurs Marc Tardieu et Michel Zérah, de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP, et des universités Paris-Sud et Paris Descartes, ont constaté, après 30 mois de suivi, une bonne tolérance au traitement et un bénéfice neurocognitif pour les patients.
 
Le syndrome de Sanfilippo est une maladie génétique rare, qui touche environ un enfant sur 100 000. Elle affecte le développement du cerveau après la naissance et entraîne quelques années plus tard sa dégénérescence. Les premiers symptômes de la maladie – hyperactivité, déficit intellectuel progressif – se manifestent vers l’âge de deux ans. L’anomalie génétique empêche la production d’une enzyme nécessaire à la dégradation des mucopolysaccharides, des molécules qui aident les neurones à développer des connexions efficaces chez le jeune enfant lors des apprentissages, et dont l’accumulation est progressivement toxique pour les cellules du cerveau.  Cette maladie conduit, en 5 à 10 ans, à un état de polyhandicap et à un décès prématuré.
 
Le défi à relever pour espérer traiter la maladie de Sanfilippo consiste à concevoir une méthode permettant de fournir l’enzyme manquante dans le cerveau, le plus tôt possible après la naissance. Afin d’y arriver, l’essai thérapeutique débuté en octobre 2013, conduit par l’Institut Pasteur et réalisé à l’hôpital Bicêtre, AP-HP a consisté à injecter dans différentes zones du cerveau d’enfants atteints un vecteur de thérapie génique (AAV2/5) capable d’induire la production de l’enzyme manquante par les cellules cérébrales. L’objectif spécifique de l’essai de phase I/II était d’apprécier la tolérance au geste chirurgical et au candidat médicament ainsi apporté par la thérapie génique.
 
Dans cette étude, faisant suite à dix années de travaux préalables chez l’animal, les chercheurs ont pour la première fois mis en œuvre ce traitement chez quatre enfants âgés d’un an et demi à quatre ans (précisément 20, 26, 30 et 53 mois). Aucun effet secondaire notoire lié au traitement, qu’il soit clinique, radiologique ou biologique, n’a été constaté durant les 30 mois qui ont suivi le traitement, témoignant de la bonne tolérance.
 
Dès le 1er mois qui a suivi le traitement et durant les 30 mois de l’étude, les chercheurs ont détecté l’enzyme auparavant manquante dans le liquide cérébrospinal des quatre enfants traités. De plus, un suivi neurocognitif régulier très soigneux a montré un impact positif dans l’évolution du developpement intellectuel et comportemental chez les 4 enfants traités, particulièrement chez le plus jeune d’entre eux.
 
Les résultats encourageants de cet essai clinique de phase I/II indiquent qu’un traitement pourrait à l’avenir être proposé aux familles de patients atteints de la maladie de Sanfilippo. La prochaine étape pourrait consister en la réalisation d’un essai clinique de phase III impliquant la production industrielle de ce médicament.

 

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